16 mai 2023
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
21/02237
ARRET N°223
N° RG 21/02237 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GKN2
Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE
Société HANSE – MARINE VERSICHERUNG AG
Société AIG EUROPE LIMITED
Société STARONE INSURANCE SERVICES LIMITED
Société CHUBB EUROPEAN GROUP PLC
Société BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LIMITED
Société KRAVAG-LOGISTIC VERSICHERUNGS AG
Société HELVETIA VERSICHERUNGS AG
C/
[M]
Compagnie d’assurance MACIF
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 16 MAI 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02237 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GKN2
Décision déférée à la Cour : jugement du 26 mai 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Niort.
APPELANTES :
Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE
Königistrasse 28
[Localité 11]
Société HANSE – MARINE VERSICHERUNG AG
Grosser Grasbrook 10
[Localité 4]
Société AIG EUROPE LIMITED
Speicherstrasse 55
[Localité 4]
Société STARONE INSURANCE SERVICES LIMITED
Taunusanlage 11
[Localité 8]
Société CHUBB EUROPEAN GROUP PLC
Lurgiallée 12
[Localité 9]
Société BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LIMITED
Uerdinger Strasse 90
[Localité 6]
Société KRAVAG-LOGISTIC VERSICHERUNGS AG
Heidenkampsweg 102
[Localité 3]
Société HELVETIA VERSICHERUNGS AG
Berlinerstrasse 56-58
[Localité 7]
ayant toutes pour avocat postulant Me Sébastien FOUCHERAULT de la SAS AVODES, avocat au barreau de DEUX-SEVRES, et pour avocat plaidant Me Brigitte VICTOR GRANZER, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Monsieur [W] [M]
né le 10 Mai 1953 à
[Adresse 1]
[Localité 5]
Compagnie d’assurance MACIF
[Adresse 2]
[Localité 10]
ayant tous les deux pour avocat Me Ludovic FIERS de la SELARL SELARL FIERS & ROY, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 02 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller qui a présenté son rapport
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
– Contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
[W] [M] est propriétaire du voilier « So good », assuré auprès de la société Macif. La police d’assurance plaisance souscrite est gérée par la société Navimut.
Ce navire était au mouillage dans la marina de Perdika sur l’île d’Aegina en Grèce. Dans la nuit du 17 au 18 juillet 2018, en raison de vents forts, les voiliers « Aerope » et « So good’ amarrés côte à côte, poupe à quai, à l’ancre à la proue, sont entrés en collision.
Le skipper du voilier « Aerope » et [W] [M] ont déclaré le sinistre à leurs assureurs respectifs.
Le navire ‘Aerope’ a postérieurement rejoint son port d’attache à la marina [S], en Croatie. Il y a été inspecté par l’expert missionné par la société Pantaenius GmbH qui a constaté les dommages et estimé le montant des travaux de réparation à la somme de 6.600 € (montant toutes taxes comprises). Les sociétés Pantaenius et Navimut ne se sont pas accordées sur la prise en charge de l’indemnisation.
Par actes des 2 et 13 juillet 2020, les sociétés Allianz Global Corporate & Speciality Se, Hanse-Marine Versicherung AG, Aig Europe Limited, Starone Insurance Services Limited, Chubb European Group Plc, Berkshire Hathaway International Insurance Limited, Kravag-Logistic Versicherung AG, Fielvetia Versicherung AG ont fait citer devant le Tribunal judiciaire de Niort la société Macif et [W] [M]. Elles ont à titre principal demandé de les condamner solidairement à payer à la société Allianz Global Corporate & Speciality Se, assureur apériteur, la somme de 6.600 €.
Elles ont fondé leurs prétentions sur les dispositions de l’article 67 du code des assurances autrichien relatif à la subrogation légale de l’assureur et la convention de Bruxelles du 23 septembre 1910 pour l’unification de certaines règles en matière d’abordage. Selon elles, [W] [M], en ayant levé l’ancre puis manoeuvré au moteur son navire qui avait été mal amarré, avait commis une faute à l’origine du préjudice qu’elles ont indemnisé.
Les défendeurs ont à titre principal soulevé l’irrecevabilité de l’action, la société Pantaenius présentée avoir versé l’indemnisation n’étant pas à l’instance, la preuve qu’elle avait agi pour le compte des autres assureurs et celle du versement de l’indemnisation n’étant pas rapportées. Elle a soutenu que les documents produits aux débats, la majorité en langue étrangère, étaient insuffisants à établir cette preuve.
Par jugement du 26 mai 2021, le tribunal judiciaire de Niort a statué en ces termes :
‘DECLARE irrecevables les demandes présentées par la société européenne ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE, la société anonyme de droit allemand HANSE-MARINE Versicherung AG, la société de droit étranger AIG EUROPE LIMITED, la société de droit étranger STARONE INSURANCE SERVICES LIMITED, la société de droit étranger CHUBB EUROPEAN GROUP Plc, la société de droit étranger BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LIMITED, la société anonyme de droit allemand KRAVAG-LOGISTIC Versicherung AG et la société anonyme de droit allemand HELVETIA Versicherung AG.
CONDAMNE solidairement la société européenne ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE, la société anonyme de droit allemand HANSE-MARINE Versicherung AG, la société de droit étranger MG EUROPE LIMITED, la société de droit étranger STARONE INSURANCE SERVICES LIMITED, la société de droit étranger CHUBB EUROPEAN GROUP Plc, la société de droit étranger BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LIMITED, la société anonyme de droit allemand KRAVAG-LOGISTIC Versicherung AG et la société anonyme de droit allemand HELVETIA Versicherung AG, à payer à la société MACIF et Monsieur [W] [M] la somme de 600 euros en application de l’article 700 du code de
procédure civile.
CONDAMNE solidairement la société européenne ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE, la société anonyme de droit allemand HANSE-MARINE Versicherung AG, la société de droit étranger AIG EUROPE LIMITED, la société de droit étranger STARONE INSURANCE SERVICES LIMITED, la société de droit étranger CHUBB EUROPEAN GROUP Plc, la société de droit étranger BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LIMITED, la société anonyme de droit allemand KRAVAG-LOGISTIC Versicherung AG et la société anonyme de droit allemand HELVETIA Versicherung AG, à payer les dépens.
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement’.
Il a considéré que les documents produits en langue étrangère ne permettaient pas de caractériser l’indemnisation alléguée par les demanderesses, fondant la subrogation légale invoquée.
Par déclaration reçue au greffe le 16 juillet 2021, les sociétés Allianz Global Corporate & Speciality Se, Hanse-Marine Versicherun Ag, Aig Europe Limited, Starone Insurance Services Limited, Chubb European Group Plc, Bershire Hathaway International Insurance Limited, Kravag-Logistic Versicherung Ag, Helvetia Versicherungs Ag ont interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2023, elles ont demandé de :
‘Vu la Convention Internationale pour l’unification de certaines règles en matière d’abordage conclue à Bruxelles le 23 SEPTEMBRE 1910
Vu les Règles COLREG/RIPAM, à titre subsidiaire l’article L.1242 al.1 du Code civil
Vu l’article L. 124-3 du Code des Assurances français
Vu l’article 67 (1) du Code des Assurances autrichien
Vu l’article L. 1242 al. 1 du Code civil
Il est demandé à la COUR :
– Déclarer l’appel recevable et bien fondé
– D’infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– déclaré irrecevables les demandes présentées par la société européenne ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE, la société anonyme de droit allemand HANSE – MARINE VERSICHERUNG AG, la société de droit étranger AIG EUROPE LIMITED, la société de droit étranger STARONE INSURANCE SERVICES LIMITED, la société de droit étranger CHUBB EUROPEAN GROUP Plc, la société de droit étranger BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LIMITED, la société anonyme de droit allemand KRAVAG-LOGISTIC VERSICHERUNGS AG et la société anonyme de droit allemand HELVETIA VERSICHERUNGS AG,
– condamné solidairement la société européenne ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE, la société anonyme de droit allemand HANSE – MARINE VERSICHERUNG AG, la société de droit étranger AIG EUROPE LIMITED, la société de droit étranger STARONE INSURANCE SERVICES LIMITED, la société de droit étranger CHUBB EUROPEAN GROUP Plc, la société de droit étranger BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LIMITED,la société anonyme de droit allemand KRAVAG-LOGISTIC VERSICHERUNGS AG et la société anonyme de droit allemand HELVETIA VERSICHERUNGS AG à payer à la société MACIF et Monsieur [W] [M] la somme de 600 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné solidairement la société européenne ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE, la société anonyme de droit allemand HANSE – MARINE VERSICHERUNG AG, la société de droit étranger AIG EUROPE LIMITED, la société de droit étranger STARONE INSURANCE SERVICES LIMITED, la société de droit étranger CHUBB EUROPEAN GROUP Plc, la société de droit étranger BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LIMITED, la société anonyme de droit allemand KRAVAG-LOGISTIC VERSICHERUNGS AG et la société anonyme de droit allemand HELVETIA VERSICHERUNGS AG à payer les dépens.
– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Et STATUANT à nouveau :
– Déclarer les demandes recevables et bien fondées
– Condamner solidairement Monsieur [W] [M] et la MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET SALARIES DE l’INDUSTRIE ET DU COMMERCE ( MACIF ) de payer à la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE, assureur apériteur, la somme de € 6.600 majorée d’intérêts légaux à compter de l’assignation, à la charge de celle-ci de reverser la quote – part revenant aux autres co-assureurs demanderesses au pro rata de leur participation
– Les condamner solidairement au paiement de la somme de € 5.000 au titre de l’article 700 CPC
– Les condamner aux dépens’.
Elles ont exposé que le rapport de mer contresigné des parties établissait que :
– le voilier ‘So good’ qui n’avait été qu’à l’ancre et n’avait pas été amarré par la poupe, était devenu incontrôlable en raison du vent fort ;
– [W] [M] avait alors levé l’ancre et tenté de manoeuvrer sans succès au moteur le navire qui avait abordé le voilier ‘Aerope’ régulièrement à l’ancre et amarré par l’arrière.
Selon elles, l’expert missionné par la société Pantaenius, agent gestionnaire du groupe d’assureurs, avait relevé et chiffré les dommages, déduction faite du montant de ceux antérieurs au sinistre.
Elles ont soutenu que :
– le contrat d’assurance était soumis au droit autrichien et notamment l’article 67 du code des assurances relatif à la subrogation légale de l’assureur ;
– la preuve était rapportée du paiement de l’indemnité d’assurance par la société Pantaenius, intermédiaire gestionnaire pour leur compte du contrat d’assurance souscrit par les propriétaires du navire ‘Aerope’ ;
– le voilier ‘So good’ était en mouvement lors de l’abordage ;
– celui-ci était imputable à faute au sens de la convention de Bruxelles du 23 septembre 1910 ;
– [W] [M] ne justifiait d’aucune cause exonératoire de responsabilité, d’une part l’absence d’arrimage en poupe et la tentative de manoeuvre du navire lui étant imputables, d’autre part des vents de 20 noeuds ne caractérisant pas une cause irrésistible et imprévisible ;
– la société Navimut, informée de l’expertise à venir, n’avait pas pris l’initiative de missionner son propre expert.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 février 2023, la société Macif et [W] [Y] ont demandé de :
‘Vu les articles 15 et 16 du Code de procédure civile ;
Vu l’article 122 du Code de procédure civile ;
Vu les pièces versées aux débats ;
[…]
A titre principal :
CONFIRMER le jugement rendu le 26 mai 2021 par le Tribunal Judiciaire de NIORT en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes en justice formées par les sociétés ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE, HANSE ‘ MARINE Versicherung AG, AIG EUROPE LIMITED, STARONE INSURANCE SERVICES LIMITED, CHUBB EUROPEAN GROUP Plc, BERKSHIRE HATHAWAY INTERNAYIONAL INSURANCE LIMITED, KRAVAG-LOGISTIC Versicherungs AG et HELVETIA Versicherungs AG à l’encontre de la MACIF et de Monsieur [W] [M].
CONFIRMER les condamnations prononcées par le Tribunal Judiciaire de NIORT sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et au titre des dépens.
Y AJOUTANT CONDAMNER solidairement les sociétés ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE, HANSE ‘ MARINE Versicherung AG, AIG EUROPE LIMITED, STARONE INSURANCE SERVICES LIMITED, CHUBB EUROPEAN GROUP Plc, BERKSHIRE HATHAWAY INTERNAYIONAL INSURANCE LIMITED, KRAVAG-LOGISTIC Versicherungs AG et HELVETIA Versicherungs AG à payer à la MACIF et à Monsieur [W] [M], pris comme une seule et même partie, la somme de 2.500,00 €, au titre des frais irrépétibles d’appel.
CONDAMNER solidairement les sociétés ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE, HANSE ‘ MARINE Versicherung AG, AIG EUROPE LIMITED, STARONE INSURANCE SERVICES LIMITED, CHUBB EUROPEAN GROUP Plc, BERKSHIRE HATHAWAY INTERNAYIONAL INSURANCE LIMITED, KRAVAG-LOGISTIC Versicherungs AG et HELVETIA Versicherungs AG à supporter les dépens d’appel de Monsieur [W] [M] et de la MACIF.
A titre subsidiaire :
INFIRMER le jugement rendu le 26 mai 2021 par le Tribunal Judiciaire de NIORT.
STATUANT A NOUVEAU DIRE ET JUGER non fondées les demandes des sociétés ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE, HANSE ‘ MARINE Versicherung AG, AIG EUROPE LIMITED, STARONE INSURANCE SERVICES LIMITED, CHUBB EUROPEAN GROUP Plc, BERKSHIRE HATHAWAY INTERNAYIONAL INSURANCE LIMITED, KRAVAG-LOGISTIC Versicherungs AG et HELVETIA Versicherungs AG à l’encontre de la MACIF et de Monsieur [W] [M].
DEBOUTER, en conséquence, les sociétés ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE, HANSE ‘ MARINE Versicherung AG, AIG EUROPE LIMITED, STARONE INSURANCE SERVICES LIMITED, CHUBB EUROPEAN GROUP Plc, BERKSHIRE HATHAWAY INTERNAYIONAL INSURANCE LIMITED, KRAVAG-LOGISTIC Versicherungs AG et HELVETIA Versicherungs AG de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de la MACIF et de Monsieur [W] [M].
CONDAMNER solidairement les sociétés ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE, HANSE ‘ MARINE Versicherung AG, AIG EUROPE LIMITED, STARONE INSURANCE SERVICES LIMITED, CHUBB EUROPEAN GROUP Plc, BERKSHIRE HATHAWAY INTERNAYIONAL INSURANCE LIMITED, KRAVAG-LOGISTICVersicherungs AG et HELVETIA Versicherungs AG à payer à la MACIF et à Monsieur [W] [M], pris comme une seule et même partie, la somme de 3.100,00 €, au titre des frais irrépétibles d’appel.
CONDAMNER solidairement les sociétés ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE, HANSE ‘ MARINE Versicherung AG, AIG EUROPE LIMITED, STARONE INSURANCE SERVICES LIMITED, CHUBB EUROPEAN GROUP Plc, BERKSHIRE HATHAWAY INTERNAYIONAL INSURANCE LIMITED, KRAVAG-LOGISTIC Versicherungs AG et HELVETIA Versicherungs AG à supporter les dépens d’appel de Monsieur [W] [M] et de la MACIF’.
Ils ont soutenu que :
– les appelantes ne justifiaient pas de l’indemnisation alléguée fondant leur subrogation par application de l’article 67 du code des assurances autrichien, subsidiairement l’article L 124-3 du code des assurances français ;
– la société Pantaenius qui aurait effectué le règlement n’était pas partie à l’instance ;
– les documents produits en langue étrangère et sans traduction certifiée étaient sans force probante ;
– la preuve du mandat qui aurait été confié à la société Pantaenius n’était pas justifié ;
– la faute de son assuré n’était pas établie ;
– l’ampleur du dommage subi n’était pas établie, le voilier ayant lors de l’expertise présenté des dommages antérieurs à l’abordage.
L’ordonnance de clôture est du 13 février 2023.
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
SUR LA RESPONSABILITE
L’article 3 de la convention de Bruxelles du 23 septembre 1910 pour l’unification de certaines règles en matière d’abordage dispose que : ‘Si l’abordage est causé par la faute de l’un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l’a commise’.
La ‘Règle 2. Responsabilité’ de la partie A de la convention sur le règlement international de 1972 pour prévenir les abordages en mer faite à Londres le 20 octobre 1972 dispose en son alinéa 1er que : ‘Aucune disposition des présentes Règles ne saurait exonérer soit un navire, soit son propriétaire, son capitaine ou son équipage des conséquences d’une négligence quelconque quant à l’application des présentes Règles ou quant à toute précaution que commandent l’expérience ordinaire du marin ou les circonstances particulières dans lesquelles se trouve le navire’.
Il en résulte que le marin est responsable en cas de faute dans la direction de son navire.
La preuve du fait fautif se rapporte par tout moyen.
L’article 11 de l’ordonnance du 25 août 1539 sur le fait de la justice (dite ‘ordonnance de [Localité 12]’) ne concerne que les actes de procédure. Dans l’exercice de son pouvoir souverain, le juge est libre de refuser de prendre en compte des pièces rédigées en langue étrangère, d’en retenir ou non la force probante. Lorsqu’il retient un document rédigé en langue étrangère, le juge n’est tenu que d’en préciser la signification en français, sans en indiquer la signification française.
Il résulte du croquis figurant sur le compte-rendu signé des différents skippers dont [W] [M] que corrobore la traduction libre de ce compte-rendu, que le navire ‘So Good’, qui n’était pas amarré ni à l’ancre et était en mouvement, a heurté en son milieu le navire ‘Aerope’.
Cette manoeuvre inappropriée de [W] [M] est fautive.
Les conditions météorologiques, et notamment un vent de 20 noeuds soit de force 5, ne sont pas d’une intensité telle qu’elle constituent un fait exonératoire de responsabilité.
SUR LE PREJUDICE
[C] [B], expert du cabinet Maritimus Consultant d.o.o. missionné par la société Pantaenius Gmbh & Co.KG, a dans son rapport en date du 25 janvier 2019 indiqué que :
‘J’ai inspecté le bateau, qui stationnait à sec dans la marina [S], à Marina, en Croatie. J’ai pu constater que les deux côtés de la coque étaient en mauvais état. Sur les côtés verticaux, on peut voir des dommages plus anciens et des réparations non professionnelles, ainsi que des dommages côté bâbord causés par un autre bateau. Ces dommages seront traités séparément.
A) Dommages préexistants
– À bâbord :
‘ Sous le deuxième chandelier, on peut voir une réparation non professionnelle ainsi que des dommages au niveau de la peinture. Ces dommages ne sont pas liés au sinistre déclaré.
‘ Sur la partie verticale, on peut voir plusieurs craquelures de la peinture ainsi que diverses rayures.
‘ La proue présente plusieurs dommages causés par l’ancre. Ces dommages ne sont pas liés au sinistre déclaré.
La peinture du tableau arrière est complètement craquelée. Ces dommages ne sont pas liés au sinistre déclaré.
– À tribord
‘ La peinture est endommagée sous les premier et deuxième chandeliers.
‘ La peinture est craquelée sous les deuxième et troisième chandeliers.
‘ La partie médiane à tribord présente des dommages apparents au niveau de la peinture ainsi que des fissures de contraintes.
‘ Le bordé tribord présente diverses rayures apparentes.
B) Dommages liés à la collision
‘ La partie médiane de la partie verticale du bordé bâbord porte la trace d’un impact avec un autre bateau. La peinture est rayée en profondeur. Les dommages affectent une forme ovale et couvrent une surface d’environ 0,5 m.
‘ Une rayure horizontale profonde est visible entre le dommage de forme ovale et le tableau arrière’.
L’expert d’assurance a ainsi distingué les dommages antérieurs de ceux étant résultés de l’abordage.
Au paragraphe ‘Réparations et budget approximatif’, il a conclu que :
‘J’ai pu constater que les parties verticales étaient en mauvais état sur les deux côtés du voilier Aerope. Ils présentent de nombreux dommages d’origine mécanique qui datent d’avant la collision objet du rapport. La peinture elle-même reste dans un état raisonnablement satisfaisant et a conservé sa brillance, Nous n’avons pas pu identifier la peinture appliquée sur la coque.
La société Mata Marine d.o.o. a établi un devis pour la mise en peinture des deux parties verticales et du tableau arrière. Le prix s’élève à 9 220,00 euros, TVA croate incluse.
Si l’on considère que la peinture côté tribord est encore en bon état (hormis au niveau des dommages d’origine mécanique), je suis d’avis que seul le côté bâbord doit être repeint. Le côté tribord doit être poli pour atténuer les éventuelles différences entre les parties verticales bâbord et tribord. Le côté bâbord présentant un grand nombre de dommages préexistants qui seront réparés lors de la réfection de la peinture, je suis d’avis que le propriétaire contribue aux frais de peinture à hauteur de 20 %. La ventilation des coûts est la suivante :
I. Mise en peinture de la partie verticale à bâbord 4 625,00 euros TTC (après déduction des 20 %)
2. Polissage du flanc tribord 625,00 euros
3. Frais de mise à sec: 100 % de 650,00 euros
4. Frais de stationnement à sec : 100 % de 610 euros
Nous estimons à 6 600,00 euros le montant total TTC des réparations à prendre en charge par la compagnie d’assurance’.
Le devis de travaux de la société Mata Marine d.o.o. a été produit traduit aux débats.
Le rapport d’expertise amiable est corroboré par les photographies couleur produites par les appelants et le rapport de mer co-signé.
Les travaux de réparation du navire ‘Aerope’ sont ainsi d’un coût toutes taxes comprises de 6.600 €.
SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT
Le navire Aerope était à la date des faits assuré par l’intermédiaire de la société Pantaenius auprès d’un groupe d’assureurs constitué des sociétés appelantes (police n° 90363277-11 ; client n° 138117). Les preneurs d’assurance étaient : F. [N], G. [X] et M. [H].
Il n’est pas contesté que la loi du contrat d’assurance conclu par les propriétaires du navire ‘Aerope’ est la loi autrichienne (article 10 des conditions d’assurance).
L’article 67 du code autrichien des assurances dispose notamment que (traduction certifiée) :
‘(1)Si le preneur d’assurance dispose d’un droit à l’indemnisation d’un dommage à l’encontre d’ un tiers, ce droit est transféré à l’assureur dans la mesure ou celui-ci rembourse le dommage au preneur d’assurance. Nul ne peut faire valoir ce transfert au détriment du preneur d’assurance. Si le preneur d’assurance abandonne sa prétention vis-à-vis du tiers ou un droit servant à garantir sa prétention, l’assureur est exonéré de son obligation d’indemnisation dans la mesure où il aurait pu obtenir un remboursement de cette prétention ou de ce droit’.
Maître Wolfgang Motter, avocat à Vienne (Autriche) a dans un courrier en date du 9 novembre 2021 indiqué concernant l’application de cet article (traduction certifiée) que :
‘La créance en indemnisation du dommage du preneur d’assurance est donc aussi transférée à l’assureur en cas de couverture douteuse ou dans le cas d’un paiement à titre gracieux (cf. Arrêt OGH 22/10/1997, 7 Ob 263/97w). En conséquence, l’objection selon laquelle l’assurance aurait été dégagée de l’obligation d’ indemniser le preneur d’assurance en raison d’une négligence grave ayant entraîné la réalisation du risque n’est pas pertinente en ce qui concerne le transfert de la créance en tant que tel (Cf. Arrêt OGH 22 /10 /1998, 7 Ob 263/97)
Le § 67 VersVG s’applique même si la compagnie d’assurances a versé une prestation à tort et a un droit de recours à l’encontre du preneur d’assurance (Cf. Arrêt OGH 7 Ob 25 /84). La condition préalable pour le §67 VersVG est donc, finalement, la fourniture effective d’une prestation de l’assureur au preneur d’assurance dans le cadre du risque assuré, qu’il ait existé ou non une exonération de prestation (cf. Arrêt OGH 30/05 /1985. 7 Ob 29/84).
Il suffit donc à notre avis pour justifier l’application du 67 VersVG de fournir une attestation d’assurance faisant apparaître les noms de la compagnie d’assurances, du preneur d’ assurance et le risque assuré, ainsi qu’un justificatif de la fourniture d’une prestation (paiement) au preneur d’assurance’.
Il appartient dès lors aux appelants de rapporter la preuve de l’indemnisation de l’assuré aux droits duquel ils sont subrogés.
Les appelantes ont produit (en anglais) l’ordre de virement en date du 5 juin 2019 de la somme de 6.600 € à Gerhard [X], preneur d’assurance aux termes du contrat souscrit, et du relevé du compte de ce dernier tenu par la Bank Austria (en allemand) faisant apparaître en crédit la perception de 6.600 € versés par ‘Panthaenius Yachtvershicherungen’. Ces documents font apparaître sans contestation possible et sans qu’il soit nécessaire de recourir à leur traduction, le versement par la société Panthaenius de la somme de 6.600 € correspondant à l’indemnisation du préjudice subi en raison de l’abordage du navire ‘Aerope’ imputable à faute à [W] [M].
La société Panthaenius GmbH est, aux termes d’une convention cadre en date du 14 décembre 2017, produite en traduction certifiée aux débats, l’intermédiaire du groupe d’assureurs ayant compétence pour établir au nom de ce dernier les contrats d’assurance, percevoir les primes, indemniser les sinistres notamment. Elle n’est pas l’assureur mais le mandataire de ce dernier. Elle n’a dès lors pas à être appelée à l’instance opposant le groupe d’assureurs ayant indemnisé son assuré et l’assureur de l’auteur du dommage, contractuellement tenu de garantir ce dernier.
La société Macif ne se prévaut d’aucune clause d’exclusion ou de limitation de garantie de son assuré.
Il résulte de ces développements que les appelantes dont la société Allianz Global Corporate & Speciality Se est l’assureur apériteur, sont fondées à demander paiement aux intimés de la somme de 6.600 € précitée.
Le jugement sera pour ces motifs infirmé en ce qu’il les a déboutées de leurs prétentions.
SUR LES DEMANDES PRESENTEES SUR LE FONDEMENT DE L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Le jugement sera pour les motifs qui précèdent infirmé en ce qu’il a condamné les appelantes sur ce fondement.
Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits de ces dernières de laisser à leur charge les sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens d’appel. Il sera pour ce motif fait droit à leur demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.
SUR LES DEPENS
La charge des dépens de première instance et d’appel incombe aux intimés.
PAR CES MOTIFS
statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du 26 mai 2021 du tribunal judiciaire de Niort ;
et statuant à nouveau,
DECLARE recevable l’action des sociétés Allianz Global Corporate & Speciality Se, Hanse-Marine Versicherung AG, Aig Europe Limited, Starone Insurance Services Limited, Chubb European Group Plc, Berkshire Hathaway International Insurance Limited, Kravag-Logistic Versicherung AG, Fielvetia Versicherung AG ;
CONDAMNE in solidum [W] [M] et la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l’industrie et du commerce (Macif) à payer à la société Allianz Global Corporate & Speciality Se, assureur apériteur, la somme de 6.600 € avec intérêts de retard au taux légal à compter du 2 juillet 2020, date de l’assignation ;
CONDAMNE in solidum [W] [M] et la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l’industrie et du commerce (Macif) à payer à la société Allianz Global Corporate & Speciality Se, assureur apériteur, la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum [W] [M] et la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l’industrie et du commerce (Macif) aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,