Skipper : 30 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/06068

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Skipper : 30 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/06068

30 mai 2023
Cour d’appel de Rennes
RG
22/06068

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°.

N° RG 22/06068 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TGCW

E.U.R.L. OCEANIA SAILING

C/

S.A.R.L. KAIROS SARL

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Mikaël BONTE,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Julie ROUET, lors des débats, et Madame Morgane LIZEE, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 Mars 2023

devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

E.U.R.L. OCEANIA SAILING, immatriculée au RCS de LORIENT sous le n°530 542 786, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier FALGA de la SELARL FALGA-VENNETIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Mikaël BONTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

SARL KAIROS, immatriculée au RCS de QUIMPER sous le n°493 783 427, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Emmanuel RUBI de la SELARL BRG, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

*****

Depuis 2014, le groupe industriel SAFRAN, par le biais de la SAS SAFRAN SIXTY, collaborait dans le cadre d’un contrat de skippage avecl ‘EURL OCEANIA SAILING (dirigee par le skipper professionnel monsieur [V] [C]) dans le but de participer à diverses courses nautiques aux commandes d’un navire de course de la classeIMOCA, dénommé SAFRAN II.

A partir de janvier 2016, suite à un appel d’offres lancé par la SAS SAFRAN SIXTY, la SARL KAIROS, dirigee par monsieur [M] [B], est intervenue en qualité de gestionnaire technique et administratif.

En juin 2017, le groupe SAFRAN a décidé de mettre fin à son opération de communication autour du nautisme et n’a pas renouvelé les conventions conclues avec OCEANIA SAILING et KAIROS.

Un accord est alors intervenu entre SAFRAN SIXTY et KAIROS qui a acheté le navire SAFRAN II pour le prix preferentiel de 2.600.000 €.

Concomitamment à cette acquisition, il a été etabli, le 19 juin 2017, un contrat de collaboration entre la SARL KAIROS et l’EURL OCEANIA SAILING.

L’objet de ce contrat était de définir les conditions de collaboration entre les parties et notamment, le partage à parts égales d’un éventuel solde financier positif déterminé lors de la revente du navire.

Le 8 février 2019, la SARL KAIROS a cédé le navire à la SAS MULTI INVEST.

Conformement aux dispositions prévues au contrat conclu le 19 juin 2017, les parties au litige sont rentrées en discussion pour determiner le solde financier, positif ou négatif, de leur collaboration.

Un désaccord profond est survenu entre les parties :

– un premier calcul, non daté , établi par le conseil d’OCEANIA SAILING determinait un solde a répartir de 55l.907,75 €;

– lors d’une audience en référés du 11 février 2021, introduite par OCEANIA SAILING devant le tribunal de commerce de QUIMPER, la SARL KAIROS faisait état d’un résultat négatif de 392.456 €.

Le 25 février 2021 a été rendue une ordonnance constatant l’existence d’une contestation sérieuse et déboutant la société OCENANIA SAILING de sa demande de provision.

La société OCEANIA SAILING a assigné la société KAIROS devant le tribunal de commerce de QUIMPER, et avant dire droit, a demandé l’organisation d’une expertise comptable, conduisant à une audience au cours de laquelle fut uniquement abordée cette demande.

Par jugement avant dire droit du 16 septembre 2022, le tribunal de commerce de Quimper a:

AVANT DIRE DROIT:

– ordonné une expertise et désigné monsieur [Y] [R], demeurant [Adresse 3], en qualite d’expert, avec pour mission :

– de prendre connaissance des dispositions du contrat de collaboration, et plus particulierement :

– article 2 : sur le versement d’une prime aux parties a l’occasion de la future cession du navire,

– article 3-3 1 sur la concertation et les reunions hebdomadaires prevues afin de valider chaque dépense à engager,

– article 4 : sur la détermination d’une balance permettant d’etablir un eventuel profit à partager, lors de la cession du navire.

– de déterminer les recettes, hors taxes, percues et/ou à percevoir par KAIROS entre l’acquisition et la cession du navire

– en ce compris le montant de la cession pour 3.055.000 € (non contesté par les parties),

– les contrats de partenariats evoqués par OCENIA SAILING: RENOSTYLE, [G] [H],[K], CHARAL etc …,

– contrepartie d’assurances pour 214.210 €,

– vente du mat cassé pour 96.000 €,

– autres

– de déterminer les depenses, hors taxes, régulierement justifiées, payées et/ou engagées par KAIROS durant la meme periode :

– en ce compris le prix d’acquisition du navire pour 2.600.000 € (non contesté par les parties), ainsi que d’autres dépenses éventuelles comptabilisées en compléments d’investissements,

– frais financiers (limités aux intérêts et frais bancaires),

– frais d’assurances,

– frais de logistiques engagés lors des courses,

– frais divers : droit de navigation, frais de cession …,

– charges salariales et sociales des équipes affectées à l’acquisition, l’uti1isation et la cession du navire,

– frais d’entretien du navire,

– autres

– d’établir un état financier récapitulatif et définitif permettant ainsi de déterminer le solde positif (et donc sa repartition selon les termes du contrat de collaboration), ou négatif des operations.

Le tribunal precise qu’il ne sera pas tenu compte des incidences fiscales concernant la TVA, l’impô t sur les societes, les économies d’impôt etc.. .. Ceci n’est pas prevu dans le contrat de collaboration et, de plus, demanderait un examen fiscal approfondi de la totalité des opérations réalisées par la SARL KAIROS durant la periode incriminée et non concerné es par le présent litige.

-fixé à la somme de 3000 euros le montant de la rémunération de l’expert, provision qui devra être consignée au greffe par L’EURL OCEANIA SAILING

– débouté l’Eurl OCEANIA SAILING de l’ensemble de ses demandes exposées sur le fond du litige,

– réservé l’article 700 et les dépens.

Appelante de ce jugement, la société OCEANIA SAILING, par conclusions du 24 janvier 2023, a demandé que la Cour:

– infirme le jugement en ce qu’il a :

– « débouté l’EURL OCEANIA SAILING de l’ensemble de ses demandes exposées sur le fond du litige »

– infirme le jugement avant-dire-droit en ce qu’il a fixé les chefs de mission de l’Expert

judicaires suivants :

– « de déterminer les recettes, hors taxe, perçues et/ou à percevoir par KAIROS entre l’acquisition et la cession du navire »

– « de déterminer les dépenses, hors taxes, régulièrement justifiées, payées et/ou engagées par KAIROS durant la même période ».

– « Le Tribunal précise qu’il ne sera pas tenu compte des incidences fiscales concernant la TVA, l’impôt sur les sociétés, les économies d’impôts etc’ Ceci n’est pas prévu dans le contrat de collaboration et, de plus, demanderait un examen fiscal approfondi de la totalité des opérations réalisées par la SARL KAIROS durant la période incriminée et non concernées par le présent litige »

– ajoute à la mission de l’Expert judiciaire les chefs de mission suivants :

– « de déterminer les recettes, hors taxe, perçues et/ou à percevoir par KAIROS au titre de l’acquisition et de la cession du navire »

– « de déterminer les dépenses, hors taxes, régulièrement justifiées, payées et/ou engagées par KAIROS au titre de ces même opérations ».

– « Tenir compte des incidences fiscales concernant la TVA, l’impôt sur les sociétés, relever toutes économies d’impôts réalisées par la SARL KAIROS»

– réserve les dépens.

Par conclusions du 14 février 2023, la société KAIROS a demandé que la Cour:

– à titre liminaire déclare l’appel irrecevable,

– subsidiairement, déboute la société OCEANIA SAILING de ses demandes,

– confirme le jugement déféré,

– condamne la société OCEANIA SAILING au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamne aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la recevabilité de l’appel:

L’examen du jugement déféré démontre que le premier juge indique dans l’exposé de la procédure que l’affaire est plaidée ce jour sur la seule demande d’expertise judiciaire.

Ensuite, les motifs développés par le premier juge ne concernent que la demande d’expertise: en quoi elle est nécessaire et sur quels points elle doit être ordonnée, le tribunal indiquant en fin de ses motifs réserver les dépens et frais irrépétibles.

Le dispositif indique que le jugement est rendu avant dire droit.

Après de nombreux alinéas relatifs à l’expertise (nomination de l’expert, mission, déroulement de l’expertise, consignation etc …), le dispositif la phrase suivante:

‘Déboute L’EURL OCEANIA SAILING de l’ensemble de ses demandes exposées sur le fond du litige’.

La société KAIROS fait valoir que l’appel du jugement serait irrecevable sur le fondement des dispositions de l’article 272 du code de procédure civile, selon lequel la décision ordonnant l’expertise ne peut être frappée d’appel indépendamment du jugement sur le fond que pour autant que le Premier Président de la Cour d’appel en ait donné l’autorisation, pour motif grave et légitime.

Elle soutient que la phrase du dispositif ‘Déboute L’EURL OCEANIA SAILING de l’ensemble de ses demandes exposées sur le fond du litige’ résulterait d’une erreur, les deux parties ayant exprimé leur accord pour que le tribunal ordonne avant dire droit une expertise.

La société OCEANIA SAILING soutient que le jugement que le jugement est mixte au sens des dispositions de l’article 480 du code de procédure civile et qu’ainsi, par application des dispositions de l’article 544 du même code, son appel immédiat est recevable.

Lorsqu’un dispositif contient une phrase telle que ‘Déboute L’EURL OCEANIA SAILING de l’ensemble de ses demandes exposées sur le fond du litige’, il tranche incontestablement une partie du principal.

Il est exact que le code de procédure civile permet à une partie de demander sur requête à la juridiction qui a rendu une décision de la rectifier pour le cas où elle ait commis une erreur matérielle ou pour celui où elle ait statué ultra petita.

Toutefois, le choix de ces procédures n’est qu’une simple faculté laissée à une partie et n’est pas exclusif du droit de faire appel d’un jugement ayant tranché une partie du principal, comme en l’espèce.

Il s’en déduit que l’appel est recevable.

Sur la la disposition déboutant la société OCEANIA SAILING de ses prétentions:

Cette disposition est contradictoire avec celle ordonnant l’expertise, qui a justement pour objet de vérifier dans quelle mesure et à quelle hauteur les prétentions de la société OCEANIA SAILING à voir la société KAIROS lui payer des sommes sont justifiées.

Il convient donc de l’infirmer et de dire que jusqu’au dépôt du rapport d’expertise, les demandes formées par la société OCEANIA SAILING sont réservées.

Sur la mission de l’expert:

L’article 2 et l’article 4 de la convention conclue par les parties déterminent les modalités de calcul de leurs rémunérations respectives.

Selon l’article 2: ‘en vertu d’un contrat de mandat de vente, KAIROS et OCENIA SAILING obtiendront une prime de vente de 10% du prix de vente HT du bateau; Les parties conviennent que cette prime sera partagée à parts égales entre les parties, incluant le traitement de la TVA (…)

Selon l’article 4 : ‘quelques soient les raisons de la mise en vente du bateau par KAIROS, cela résultera d’une décision commune des parties, un état financier sera réalisé sous le contrôle D’OCEANIA SAILING afin d’établir un prix de vente qui permettra au minimum de couvrir les dépenses supportées ou à supporter par KAIROS.

Cela prendre en compte toutes les dépenses validées par les parties, notamment les engagements financiers liés à la gestion de ce projet, le coût de l’emprunt, les éventuels frais d’expertise liés à la vente, les frais de gestion KAIROS liés à cette vente;

Une fois la vente réalisée et l’argent reçu une balance sera faite par KAIROS permettant d’identifier un éventuel profit réalisé.

Si un profit a été réalisé sur la vente du bateau, les parties conviennent que ce profit sera partagé à parts égales entre KAIROS et OCEANIA SAILING. Une analyse comptable sera effectuée afin de s’assurer du traitement de la TVA dans ce cadre.

Le premier juge a demandé à l’expert de déterminer les recettes hors taxes et les dépenses hors taxes, en précisant qu’il n’avait pas à prendre en compte les incidences fiscales de ces opérations, celles-ci n’étant pas prévues dans la convention.

La société OCEANIA SAILING soutient que doivent être prises en compte toutes les incidences fiscales, soit la TVA, le Crédit d’Impôt Recherche, et les économies d’impôt résultant de l’amortissement du bateau.

Le retraitement de la TVA est expressément prévu par la convention, et la mission de l’expert sera amendée sur ce point.

S’agissant du CIR éventuellement perçu par la société KAIROS pour la période durant laquelle elle a été propriétaire du bateau, la Cour constate qu’effectivement, dans un premier décompte, la société KAIROS l’avait elle-même inclus comme recette.

Il sera donc demandé à l’expert de déterminer le montant du CIR éventuellement perçu par la société KAIROS et lié à sa qualité de propriétaire du bateau.

S’agissant en revanche du gain d’impôt sur les sociétés liés à l’amortissement du bateau par la société KAIROS, il ne s’agit pas d’un profit lié à l’exploitation du bateau et la demande est rejetée.

Sur la période devant être prise en compte:

Le premier juge a limité les investigations à réaliser par l’expert à la période comprise entre l’acquisition et la cession du navire.

La société OCEANIA SAILING demande que les investigations soient réalisées pour les dépenses et recettes réalisées ‘au titre’ de l’acquisition et de la vente du navire.

Selon l’article 6 du contrat, ‘la durée de la convention est liée à la durée de possession du bateau par KAIROS. La convention prendra fin à l’issue de la fin des opérations liées à la vente du bateau ou à sa perte’.

La durée de la convention n’est donc pas exactement celle de la possession du bateau.

Elle commence avec la possession du bateau soit avec son achat, puisque la société KAIROS n’a pu en retirer aucune recette et n’a eu à supporter aucune charge tant qu’il était la propriété de la société SAFRAN.

Elle ne se termine en revanche qu’une fois terminées toutes les opérations liées à la vente ou à la perte du bateau.

Il n’y a donc lieu à modification de la mission de l’expert de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

A cette étape de la procédure, où le bien fondé des prétentions définitives de chacun reste à déterminer, il est équitable que chaque partie garde à sa charge ses frais et dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Déclare l’appel recevable.

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a:

– débouté L’EURL OCEANIA SAILING de l’ensemble de ses demandes exposées sur le fond du litige ,

– dit que les recettes et dépenses devront être déterminées par l’expert judiciaire entre l’acquisition et la cession du navire,

– dit qu’il ne sera pas tenu compte par l’expert judiciaire des incidences fiscales concernant la TVA, l’impôt sur les sociétés, les économies d’impôt etc ..

Statuant à nouveau:

Réserve les prétentions au fond de L’EURL OCEANIA SAILING jusqu’au dépôt du rapport d’expertise de M. [R] [Y].

Dit que la période à prendre en considération pour déterminer le solde de répartition s’étend de la date d’achat du bateau à la date de la dernière des opérations liées à la vente du bateau.

Dit que les recettes et dépenses perçues et exposées par la société KAIROS doivent être déterminées sur cette période.

Dit que l’expert devra, conformément aux dispositions de l’article 2 et de l’article 4 de la convention, assurer le retraitement de la TVA des éléments pris en considération pour déterminer le solde de répartition.

Dit que l’expert devra déterminer l’éventuel Crédit Impôt Recherche perçu par la société KAIROS et imputable à la possession du bateau et, le cas échéant, l’inclure dans les recettes à prendre en considération pour déterminer le solde de répartition.

Rejette le surplus des demandes de modification de la mission de l’expert.

Rejette le surplus des demandes.

Dit que chacune des parties gardera à sa charge ses propres frais et dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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