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ARRÊT DU
27 Janvier 2023
N° 08/23
N° RG 21/01073 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TVZN
PL/VM
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LANNOY
en date du
19 Mai 2021
(RG F 19/00218 -section 4 )
GROSSE :
aux avocats
le 27 Janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTES :
S.A.R.L. LES GOURMANDISES DE SOPHIE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substituée par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Romain THIESSET, avocat au barreau de LILLE,
Société CONFISERIE DU CHAUDRON
[Adresse 6]
[Localité 7] (BELGIQUE)
représentée par Me Marie Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI assistée de Me Dominique HENNEUSE, avocat au barreau de VALENCIENNES,
Société DRAKE MANUFACTURE
[Adresse 6]
[Localité 7] (BELGIQUE)
représentée par Me Marie Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI assistée de Me Dominique HENNEUSE, avocat au barreau de VALENCIENNES,
INTIMÉ :
M. [L] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 3]
n’ayant pas constitué avocat – assigné le 01 septembre 2021 à étude
DÉBATS : à l’audience publique du 29 Novembre 2022
Tenue par Philippe LABREGERE
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Gaetan DELETTREZ
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Philippe LABREGERE
: MAGISTRAT HONORAIRE
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC
: CONSEILLER
ARRÊT : Rendue par défaut
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 08 Novembre 2022
EXPOSE DES FAITS
Après avoir présenté en décembre 2012, au nom de la société Marketing Solutions, une proposition commerciale d’audit et d’accompagnement de l’entreprise à la société GOURMANDISE DE SOPHIE qui a conduit à des relations commerciales entre ces deux sociétés, [L] [Z] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 novembre 2013 par cette dernière société en qualité de commercial, statut non-cadre, avec une rémunération mensuelle brute de 2500 euros pour une durée hebdomadaire de travail de 39 heures. Aux termes de l’article 11 dudit contrat, le salarié s’engageait à l’expiration du contrat de travail à respecter une obligation de non-concurrence sur tout le territoire français durant vingt-quatre mois et en contrepartie de cette obligation de non-concurrence, devait percevoir pendant toute la durée de l’interdiction, une indemnité mensuelle égale à 20 % du salaire mensuel moyen de ses douze derniers mois d’appartenance à la société.
Après avoir été sanctionné par des avertissements les 13 octobre 2014 et 20 avril 2015, [L] [Z] a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er septembre 2015 à un entretien le 11 septembre 2015 en vue d’un éventuel licenciement après une mise à pied à titre conservatoire notifiée par courrier remis en main propre le 27 août 2015. A l’issue de cet entretien, son licenciement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 septembre 2015.
Les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lettre sont les suivants :
«nous sommes confrontés à d’importantes difficultés liées à votre comportement au sein de l’entreprise, et notamment depuis votre recrutement au mois de novembre 2013.
Dans un premier temps, nous n’avons pas souhaité formaliser ces difficultés, compte tenu de la proximité de nos relations.
Constatant néanmoins la dégradation de votre comportement et de votre professionnalisme, nous vous avions adressé, le 13 octobre 2014, un premier avertissement.
En l’absence d’évolution de la situation, et suite aux évènements du 16 avril 2015, au cours desquels nous avions constaté votre manque de loyauté, le non-respect de vos obligations et une nouvelle fois le caractère inadapté de votre comportement, nous vous avions notifié un second avertissement.
Ayant vivement réagi à cette nouvelle sanction, d’ailleurs de manière inappropriée et mal-fondée, et ayant reçu un message particulièrement grave de la part de votre compagne (le 6 mai 2015 à 20 heures 55 : « 28 mois d’investissement total, 2 avertissements, trop de Xanax, [L] est aux urgences’ pas de merci »), nous vous avions reçu afin de faire le point sur votre situation. Toutefois, à l’occasion de cette entrevue, le caractère inadapté de votre attitude avait de nouveau été constaté.
En effet, à cette occasion, nous avons notamment pris connaissance, sur votre téléphone professionnel, de messages ambigus avec votre compagne, au sein desquels vous faisiez état d’une activité parallèle, vous dénigriez l’entreprise, et plus particulièrement son dirigeant.
Nous vous avions alors indiqué que cette situation était grave et que nous envisagions d’engager une procédure de licenciement à votre encontre.
Toutefois votre compagne nous avait suppliés de ne pas engager cette procédure, tout en reconnaissant les erreurs que vous aviez commises.
Vous-même aviez reconnu par courrier en date du 22 mai 2015 avoir « des comportements inadéquats », convenant des reproches que nous vous avions formulés.
Dans ces conditions, nous avions accepté de vous donner une nouvelle chance.
Pourtant, nous avons été confrontés à de nouvelles difficultés suite à nos demandes de communication à l’ensemble du personnel de notes de frais professionnels et de suivi des déplacements professionnels réalisés avec les véhicules de la société.
Alors que, à cette occasion, nous vous avions simplement rappelé que la société n’acceptait pas de prendre en charge le carburant utilisé au titre des déplacements privés, vous avez réagi de manière inadaptée et disproportionnée, en invoquant notamment dans un message tardif reçu le 25 août 2015 (22 heures 16) : « Vos accusations s’avèrent donc infondées et très déstabilisantes ».
Nous vous avons alors rappelé simplement l’objet de notre demande, nous étonnant des nouvelles accusations portées à notre encontre.
Par mail en date du 26 août 2015, vous avez maintenu votre position.
C’est dans ce contexte, et constatant une nouvelle fois le caractère inadapté de votre comportement et de vos réactions, que nous vous avons mis à pied à titre conservatoire et que nous vous avons convoqué à un entretien préalable.
Concernant ces évènements, et dans le contexte dans lequel ils s’inscrivent depuis plusieurs mois, vous n’avez apporté aucune justification lors de notre entretien.
Il en est de même des autres griefs qui vous ont été présentés et qui ont été révélés à la société, concomitamment à votre mise à pied conservatoire, laquelle a en effet conduit les salariés de l’entreprise à évoquer de nombreuses difficultés qu’ils subissent ou constatent depuis plusieurs mois.
Ainsi, notamment, il nous a été précisé et confirmé que le texto de votre compagne en date du 6 mai 2015 et contenant des accusations d’une particulière gravité n’était que pure imagination et qu’il ne s’agissait que d’un stratagème mis en place avec votre compagne pour nous porter atteinte, sachant que nous sommes affectés depuis plusieurs mois par des accusations mensongères de harcèlement moral au titre desquelles vous nous aviez d’ailleurs apporté votre soutien par le passé.
De même, nous avons été informés que vous manipulez depuis plusieurs semaines certains salariés fragiles de l’entreprise afin de les dresser contre la société.
Par ailleurs, nous avons été informés par nos salariés, suite à votre mise à pied, que :
– Vous commettez de nombreuses erreurs dans les contrats, que vous n’hésitez pas à nous dissimuler en arrachant les pages concernées des contrats ou en les rectifiant irrégulièrement ;
– Vous usurpez notre identité en vous présentant comme étant le dirigeant de l’entreprise ou en utilisant notre signature et le cachet de l’entreprise ;
– Vous dénigrez l’entreprise, ses dirigeants et salariés auprès de nombreux de nos partenaires, clients, fournisseurs ;
– Vous aviez eu, à de nombreuses occasions, un comportement déplacé, notamment à l’égard de nos collaboratrices, en leur attribuant des surnoms blessants (vous appelez par exemple Madame [M] [K] « la nounou » au motif qu’elle travaillait parfois depuis notre domicile ; salariée que vous avez qualifiée de « gamine » pendant votre entretien préalable), en leur faisant des avances ou des blagues à caractère sexuel et sexiste en les encourageant à quitter l’entreprise’ Enfin, nous avons personnellement constaté, suite à votre mise à pied conservatoire, que :
– Vous avez continué à supprimer votre historique de navigation sur votre ordinateur, alors que nous vous l’avions déjà interdit ;
– Vous avez visualisé et stocké sur votre ordinateur des vidéos et photographies à caractère sensuel et sexuel, documents que vous avez d’ailleurs cherché à détruire (il en est de même des messages stockés sur votre téléphone portable) ;
– Vous avez installé sur votre ordinateur des filtres afin de nous empêcher de recevoir certains mails ou informations ;
– Vous avez détourné des informations, des appels et des messages sur des supports personnels ;
– De même, nous avons constaté que vous aviez cherché à accéder à vos dossiers et à vos mails à distance, alors même que vous faisiez l’objet d’une mise à pied conservatoire ;
Votre comportement lors de l’entretien préalable ne nous a pas permis de modifier notre appréciation de la situation.
Bien au contraire, il apparaît que vous avez persisté dans votre attitude, n’hésitant pas à cette occasion à nous mentir en maintenant par exemple votre présence aux urgences le 6 mai 2015 (alors que vous n’avez pas été capable de nous délivrer votre bulletin d’hospitalisation ni même le nom de votre médecin), ou en prétendant ne disposer d’aucun bien appartenant à la société alors que vous avez en votre possession des informations concernant la société et du matériel lui appartenant. Votre comportement, qui caractérise de nombreux manquements à vos obligations, et plus généralement un manque flagrant de loyauté à l’égard de l’entreprise, ne peut plus être toléré.»
Par requête reçue le 29 décembre 2015, le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes de Lannoy afin de faire constater l’illégitimité de son licenciement et d’obtenir le rappel de congés payés, le versement d’indemnités de rupture et de dommages et intérêts.
Par ailleurs, par assignation en date du 7 avril 2017, la société LES GOURMANDISES DE SOPHIE a engagé, devant le tribunal judiciaire de LILLE, une action en responsabilité délictuelle à l’encontre des sociétés de droit belge LES CONFISERIES DU CHAUDRON et DRAKE MANUFACTURE, résultant d’actes de concurrence déloyale susceptibles d’être imputables à la première société et des actes de parasitisme dont se serait rendue responsable la seconde. Un sursis à statuer a été ordonné le 30 avril 2018 par le juge de la mise en état, dans l’attente d’une décision définitive dans le cadre de la présente instance.
Par jugement en date du 19 mai 2021, le conseil de prud’hommes, après avoir ordonné la jonction de cette procédure avec celle consécutive à l’action engagée par les sociétés LES CONFISERIES DU CHAUDRON et DRAKE MANUFACTURE tendant à faire constater la nullité de la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail, a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour une cause réelle et sérieuse, a condamné la société LES GOURMANDISES DE SOPHIE à verser à [L] [Z]
– 2241,72 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire,
– 6797,88 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 1815,03 euros à titre d’indemnité légale de licenciement
– 10048,44 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de non-concurrence
– 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
a débouté le salarié du surplus de sa demande, la société LES GOURMANDISES DE SOPHIE de sa demande tendant au remboursement de l’indemnité versée au titre de la clause de non concurrence et au versement de dommages et intérêts et a condamné la société aux dépens.
Par ailleurs le conseil de prud’hommes a débouté les sociétés DRAKE MANUFACTURE et CONFISERIE DU CHAUDRON de l’ensemble de leurs demandes tendant à faire déclarer nulle et de nul effet la clause de non-concurrence liant la société LES GOURMANDISES DE SOPHIE à [L] [Z], à titre subsidiaire, à faire constater qu’en l’absence de versement de l’indemnité contractuelle, [L] [Z] était dégagé de toute obligation de non-concurrence.
Les sociétés GOURMANDISE DE SOPHIE, DRAKE MANUFACTURE et CONFISERIE DU CHAUDRON ont interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance en date du 8 novembre 2022, la procédure a été clôturée et l’audience des plaidoiries a été fixée au 29 novembre 2022.
Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 20 août 2021, la société GOURMANDISE DE SOPHIE sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a déclaré valable la clause de non concurrence de [L] [Z], débouté les sociétés DRAKE MANUFACTURE et CONFISERIE DU CHAUDRON de l’ensemble de leurs demandes, dit que les relations entre [L] [Z] et la société, pour la période du 1er janvier 2013 au 31 octobre 2013, avaient un caractère commercial et non salarial, débouté [L] [Z] de ses demandes, relatives au manquement prétendu à l’obligation de sécurité de résultat, la réformation pour le surplus, la condamnation de [L] [Z] à lui verser
– 11328,79 euros bruts au titre de l’indemnité de non-concurrence versée avant la découverte des agissements concurrentiels
– 23535,12 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence
et, en tout état de cause, la condamnation de [L] [Z] et des sociétés DRAKE MANUFACTURE et CONFISERIE DU CHAUDRON, chacune, au paiement de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’appelante expose que [L] [Z] a été licencié en raison de son comportement manifestement déloyal à l’égard de son employeur, comportement qui s’est notamment matérialisé par une réaction disproportionnée concernant un rappel à l’ordre relatif à l’utilisation de la carte essence, des erreurs commises dans des contrats commerciaux conclus par ce dernier, erreurs dissimulées en arrachant les pages concernées des contrats ou en les rectifiant irrégulièrement, l’usurpation de l’identité de la société, en se présentant comme le dirigeant de l’entreprise en utilisant la signature et le cachet de l’entreprise, le dénigrement de celle-ci, de ses dirigeants et salariés auprès des partenaires, clients et fournisseurs, un comportement déplacé à l’égard de certaines collaboratrices, auxquelles il attribuait des surnoms blessants, en leur faisant des avances ou des blagues à caractère sexuel et sexiste, en les encourageant à quitter l’entreprise, la visualisation de vidéos et photographies à caractère sexuel, le détournement d’informations, d’appels et de messages ainsi que la tentative d’accéder aux dossiers et informations confidentielles de la société alors qu’il était mis à pied à titre conservatoire, qu’il a délibérément proféré des accusations d’une particulière gravité, qu’il savait mensongères, relatives au prétendu lien entre son environnement professionnel et son état de santé, que ces difficultés sont matériellement établies par les éléments produits aux débats et justifient le licenciement pour faute grave, qu’il a été plus généralement la conséquence du comportement du salarié depuis son recrutement ayant donné lieu à deux avertissements dont le bien-fondé avait d’ailleurs été reconnu par ce dernier, que sa compagne avait remercié [J] [T] de sa mansuétude en donnant à l’intimé une nouvelle chance, que la matérialité des griefs est démontrée par les nombreuses attestations produites, établies par des salariés ou d’anciens salariés, que l’intimé s’est livré à des stratagèmes afin de laisser croire à son employeur que ce dernier était à l’origine de ses problèmes de santé, que la licéité de la clause de non-concurrence a été remise en cause, non par [L] [Z] mais par les sociétés DRAKE et CONFISERIE DU CHAUDRON, contre lesquelles la société avait engagé une action devant le tribunal judiciaire de Lille en indemnisation d’une situation de concurrence déloyale à laquelle [L] [Z] avait activement participé, que seul le salarié soumis à l’interdiction de concurrence est en mesure de se prévaloir de la nullité de cette interdiction, que la clause de non concurrence prévue au contrat de travail était valable, puisqu’elle prévoyait une limitation dans le temps, une limitation géographique, une contrepartie financière, que [L] [Z] n’a pas été libéré, à l’occasion de son licenciement, de son interdiction de concurrence, qu’il devait néanmoins justifier de sa situation professionnelle afin de permettre à la société de s’assurer du respect de l’obligation, qu’il n’a pas respecté cette interdiction de concurrence, qu’un de ses clients a informé l’appelante qu’il avait reçu la visite, le 12 mai 2016, de l’intimé accompagné de sa concubine, [V] [F], pour le compte de la société LA CONFISERIE DU CHAUDRON ayant une activité concurrente sur le territoire français avec une implantation particulièrement dense, que ces agissements concurrentiels pour le compte de la société LA CONFISERIE DU CHAUDRON et de la société DRAKE sont confirmés par de nombreux éléments matériels, que l’intimé doit être condamné à restituer des sommes perçues au titre de la clause de non-concurrence et au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, que [L] [Z] a refusé, malgré la demande insistante de [J] [T], son recrutement dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée car il était bénéficiaire de l’assurance chômage depuis le mois de mars 2013, qu’il était en outre salarié de la société MARKETING SOLUTIONS par sa concubine, qu’il n’est pas démontré l’existence de quelconques directives données par la société durant la période courant à compter de décembre 2012 ni d’une situation de harcèlement moral dont l’intimé aurait été victime, que celui-ci n’a jamais prouvé la dégradation prétendue de son état de santé.
Selon leurs conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 27 octobre 2022, les sociétés DRAKE MANUFACTURE et CONFISERIE DU CHAUDRON appelantes, sollicitent de la cour, à titre principal, la réformation du jugement entrepris, la nullité en raison de son caractère illicite de la clause de non concurrence liant la société LES GOURMANDISES DE SOPHIE à [L] [Z], la constatation que [L] [Z] n’était pas tenu par une clause de non-concurrence, le débouté de la demande de la société GOURMANDISE DE SOPHIE, à titre subsidiaire, la constatation de l’absence de versement de l’indemnité contractuelle, [L] [Z] étant de ce fait dégagé de toute obligation de non-concurrence, et en tout état de cause la condamnation de la société LES GOURMANDISES DE SOPHIE au versement de 3000 euros à chacune des deux sociétés au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les appelantes soutiennent qu’elles ont un intérêt à agir puisque, dans le cadre de leur assignation devant le tribunal judiciaire de Lille, la société GOURMANDISE DE SOPHIE a sollicité leur condamnation au paiement de différentes sommes au titre d’un trouble commercial, d’actes de parasitisme et d’un préjudice moral et la publication de la décision, que les actes de concurrence déloyale reprochés à la société CONFISERIE DU CHAUDRON reposent, selon la société LES GOURMANDISES DE SOPHIE, sur un prétendu détournement de clientèle opéré par le truchement de l’intimé lié par une clause de non concurrence, que le tribunal judicaire de Lille, suivant une ordonnance d’incident du 30 avril 2018 devenue définitive, a renvoyé expressément devant la juridiction prud’homale la question de la validité de ladite clause, que le conseil de prud’hommes ne s’est pas prononcé sur cette validité, que pour qu’une telle clause soit valable, elle doit être limitée dans le temps, dans l’espace et prévoir une contrepartie financière, que les éléments mentionnés à l’article 11 du contrat de travail ne suffisent pas à démontrer le caractère proportionné à l’objet du contrat et à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, que l’imposition d’une clause de non concurrence à l’échelle de la France entière est manifestement excessive et n’est proportionnée ni à l’objet du contrat de travail de l’intimé ni à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, que cette clause implique une restriction bien trop importante à la liberté de travail et doit être déclarée illicite et non valide. Les appelantes font valoir, à titre subsidiaire, que [L] [Z] a été libéré de la clause de non-concurrence en raison du non-paiement de sa contrepartie, que la société LES GOURMANDISES DE SOPHIE n’apporte pas d’éléments venant établir le non-respect par le salarié de son obligation de non-concurrence, contestée par ailleurs.
[L] [Z] n’a ni constitué avocat ni conclu. Les conclusions des sociétés LES GOURMANDISES DE SOPHIE, DRAKE MANUFACTURE et CONFISERIE DU CHAUDRON signifiées respectivement les 1er septembre 2021 et 25 mars 2022 n’ont pas été notifiées à sa personne.
MOTIFS DE L’ARRÊT
Attendu en application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties ;
Attendu qu’il n’est pas contesté que la relation de travail entre [L] [Z] et la société LES GOURMANDISES DE SOPHIE a débuté à compter du 2 novembre 2013 ;
Attendu que les sociétés DRAKE MANUFACTURE et CONFISERIE DU CHAUDRON n’ont interjeté qu’un appel partiel, sollicitant la réformation du jugement en ce qu’il les avait déboutées de leur demande tendant à la constatation de la nullité pour illicéité de la clause de non concurrence liant la société LES GOURMANDISES DE SOPHIE à [L] [Z] ; qu’en conséquence la cour n’est pas saisie de moyens portant sur la légitimité du licenciement ; qu’elle ne doit statuer que sur la gravité des faits sur lesquels est fondé le licenciement ;
Attendu en application de l’article L1234-1 du code du travail qu’il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés pour caractériser la faute grave reprochée au salarié sont une dissimulation de nombreuses erreurs dans les contrats conclus, une usurpation de l’identité du dirigeant de la société, un dénigrement de l’entreprise, l’adoption, à de nombreuses occasions, d’un comportement déplacé envers des collaboratrices, une suppression de l’historique de navigation sur son ordinateur, une visualisation et un stockage sur celui-ci de vidéos et photographies à caractère sensuel et sexuel, l’installation de filtres en vue d’empêcher le dirigeant de la société de recevoir certains mails ou informations, un détournement d’informations, d’appels et de messages sur des supports personnels, des tentatives d’accéder à ses dossiers et mails à distance, durant la mise à pied conservatoire ;
Attendu que l’appelante produit un courriel de [N] [C] dans lequel celle-ci rapporte que l’intimé dissimulait ses erreurs sur certains contrats en arrachant des pages ou en raturant des conditions, qu’il faisait preuve d’un manque de respect envers sa hiérarchie et ses collègues, critiquant ouvertement ces derniers, qu’il se faisait souvent passer pour le dirigeant ou le directeur commercial de la société auprès des clients de celle-ci, qu’il se livrait à des commentaires ou des remarques déplacés à forte connotation sexuelle sur la personne du témoin, au point que celle-ci l’avait menacé d’en référer à sa femme s’il ne cessait pas ; qu’elle relate également qu’il l’avait bloquée dans un ascenseur en lui faisant des avances ; que les affirmations de [N] [C] sont confortées par le courriel de [I] [H] tant sur le dénigrement de ses collègues que sur le fait qu’il laissait sous-entendre qu’il occupait le poste de directeur commercial ou de dirigeant de la société appelante ; qu’à cet égard elle rapporte que lors d’un rendez-vous à [Localité 5] avec deux commerciaux de la société Leonardo, la description physique du «patron» de la société appelante à laquelle ils s’étaient livrés au cours d’une discussion correspondait exactement à celle de l’intimé ; qu’elle ajoute que durant cinq jours, il l’avait incitée à abandonner la société ; que les constatations de [A] [B] et de [M] [K], relatées dans leurs courriels, confirment la gravité des faits reprochés ; qu’en outre l’intimé avait précédemment fait l’objet à deux reprises, les 13 octobre 2014 et 20 avril 2015, d’avertissements, le premier en raison de l’adoption de façon persistante d’un comportement inapproprié envers les clients et le dirigeant de la société, et la tenue de propos graveleux de nature à choquer ses collègues de sexe féminin, le second du fait du non-respect de la consigne de sauvegarder régulièrement les informations stockées sur son ordinateur ayant conduit à leur perte par suite de l’introduction d’un virus ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que les faits fautifs reprochés à l’intimé présentaient un degré de gravité tel qu’il rendait bien impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; que la mise à pied conservatoire était justifiée ;
Attendu que la nullité de la clause de non-concurrence ne peut être invoquée que par le salarié ; qu’il s’ensuit qu’il convient de débouter les sociétés DRAKE MANUFACTURE et CONFISERIE DU CHAUDRON de leur demande ;
Attendu, sur le non-respect de la clause de non-concurrence, qu’aux termes de l’article 11 du contrat de travail l’intimé s’était engagé expressément à ne pas exercer directement ou indirectement des fonctions similaires ou concurrentes de celles attribuées au sein de la société intimée ; qu’interdiction lui était faite de travailler en qualité de salarié ou de non-salarié pour une entreprise concurrente et de créer, directement ou indirectement, par personne interposée, une entreprise ayant des activités concurrentes ou similaires à celles de la société appelante sur le territoire français ;
Attendu que la somme susceptible d’être due à [L] [Z] au titre de la clause de non concurrence correspond à un reliquat de 10048,44 euros puisqu’il n’est pas contesté que celui-ci était débiteur envers l’appelante d’une créance correspondant à la somme de 11328,79 euros ; que celle-ci a été imputée par la société sur l’indemnité de non-concurrence due et dont elle réclame le remboursement ;
Attendu que si, comme le soutient l’appelante, l’activité de la société CONFISERIE DU CHAUDRON s’exerçait sur l’ensemble du territoire national, ce constat n’est pas suffisant pour démontrer que l’intimé se soit personnellement livré, postérieurement à la rupture de la relation de travail, à une activité concurrente sur le territoire français en violation de la clause de non concurrence ; que l’appelante ne peut, sans contradiction, soutenir que cette clause était valable au motif qu’elle était limitée dans l’espace au territoire français et faire valoir par ailleurs que cette limitation s’appliquait à l’entreprise pour le compte de laquelle l’appelant était employé ; que ce dernier argument conduisait de facto à élargir ladite interdiction au-delà du territoire national puisqu’était interdite toute activité de l’appelant pour le compte de cette dernière quel que soit le lieu d’exécution de sa prestation alors que, selon la carte des distributeurs, l’activité de la société s’étendait également à la Belgique, l’Espagne, l’Italie, l’Autriche et la Suisse ; que le courriel du 7 septembre 2016 adressé par [X] [E], directeur de division du groupe Findis au gérant de la société appelante, se borne à rapporter la visite dans les locaux parisiens du groupe d'[V] [F], responsable commerciale de la société CONFISERIE DU CHAUDRON, accompagnée de [L] [Z] ; que des courriels joints au procès-verbal de constat dressé le 23 novembre 2016 par maître [R] [O], retrouvés sur l’ordinateur d'[V] [F], il apparaît que seuls figurent deux mails en date des 5 septembre 2016 et 11 février 2016 adressés par l’intimé, le premier, à la société CONFISERIE DU CHAUDRON, consistant en l’envoi de photographies sur des étagères de produits de cette dernière, le deuxième, à [D] [W] de la société Cameleon en vue de la fixation d’un rendez-vous le 26 février 2016 et un mail en date du 20 mai 2016, transmis à l’intimé par [V] [F], contenant en pièce jointe la matrice des tarifs de la société CONFISERIE DU CHAUDRON ; qu’en outre l’envoi par « We transfer » par [L] [Z], à partir de sa messagerie, vers l’adresse de la société CONFISERIE DU CHAUDRON du fichier intitulé « KATA LCDC », correspondant à un catalogue des confiseries de cette dernière, rapporté dans le constat, ne suffit pas à caractériser la violation de l’interdiction de non concurrence telle que prévue par le contrat de travail ;
Attendu que le non-respect par l’intimé de son obligation de non concurrence n’étant pas établi, la société appelante ne peut solliciter le remboursement de l’indemnité qu’elle a versée à ce titre et l’allocation de dommages intérêts par suite de la violation alléguée ;
Attendu qu’il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l’appelante les frais qu’elle a dû exposer en cause d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu’il convient de condamner solidairement les sociétés DRAKE MANUFACTURE et CONFISERIE DU CHAUDRON à lui verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par défaut,
INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société GOURMANDISE DE SOPHIE à verser à [L] [Z]
– 2241,72 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire,
– 6797,88 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 1815,03 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,
ET AJOUTANT,
CONDAMNE solidairement les sociétés DRAKE MANUFACTURE et CONFISERIE DU CHAUDRON à verser à la société GOURMANDISE DE SOPHIE 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE les sociétés DRAKE MANUFACTURE et CONFISERIE DU CHAUDRON aux dépens d’appel.
LE GREFFIER
A. LESIEUR
LE PRÉSIDENT
P. LABREGERE