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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU02 FEVRIER 2023
N° 2023/86
Rôle N° RG 21/15921 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIMDO
[F] [S] veuve [O]
[N] [O]
SCI LA JACINE
SCI LA MONTAGNETTE
SCI LE GIROLIER
C/
[W] [O]
[K] [O]
[J] [O]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Pascale PENARROYA-LATIL
Me Françoise BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par du Président du Tribunal Judiciaire de TARASCON en date du 29 octobre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/00129.
APPELANTES
Madame [F] [S] veuve [O]
Née le 26 novembre 1961 à [Localité 10], demeurant [Adresse 11]
Madame [N] [O]
Née le 3 janvier 1991 à [Localité 10], demeurant [Adresse 3]
SCI LA JACINE
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 13]
SCI LA MONTAGNETTE
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 8]
SCI LE GIROLIER
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 13]
représentés par Me Pascale PENARROYA-LATIL substituée par Me LATIL, de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistés de Me Frédéric TORT, avocat au barreau d’AVIGNON, plaidant
INTIMES
Monsieur [W] [O]
né le 27 juin 1971 à [Localité 10], demeurant [Adresse 4]
Monsieur [K] [O]
né le 20 septembre 1974 à [Localité 6], demeurant [Adresse 1]
Madame [J] [O]
demeurant [Adresse 12]
représentés par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Rebecca VANDONI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistés de Me Jean-François CASILE, avocat au barreau d’AVIGNON, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 03 janvier 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme GINOUX, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Angélique NETO, Conseillère
Madame Myriam GINOUX, Conseillère rapporteur
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 février 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 février 2023,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
[Y] [O] est décédé le 25 décembre 2015 en laissant pour lui succéder:
– ses trois enfants issus d’une première union, [K], [J] et [W] [O] ;
– son quatrième enfant, Madame [N] [O] issue de sa seconde union
– son épouse sous le régime de la séparation de biens Madame [F] [O] née [S] avec laquelle il s’était marié le 25 Juin 1994.
Faisant valoir que le notaire qu’ils ont sollicité pour le règlement de la succession leur a indiqué que l’actif ne comportait aucun bien alors que leur père, expert-comptable de profession disposait de revenus confortables et avait acquis divers biens immobiliers, Monsieur [K] [O], Madame [J] [O] et Monsieur [W] [O] ont fait citer par exploits des18, 19 et 24 avril 2018 Madame [F] [O] née [S], la SCI LA MONTAGNETTE, la SCI LA JACINE, la SCI LE GIROLIER, la SARL TARASCON INFORMATIQUE et Madame [N] [O] devant le président du tribunal de grande instance de Tarascon statuant en référé sur le fondement des articles 145, 808 et 809 du code de procédure civile aux fins de les entendre condamner à justifier dans le cadre de la présente procédure des pièces suivantes:
-les relevés bancaires de [Y] [O] au titre des dix dernières années,
-les avis d’imposition de [Y] [O] et de Madame [F] [S] depuis l’année 2012,
– le détail de tous les biens immeubles ayant pu être acquis par [Y] [O], par Madame [F] [S] veuve [O] et par Madame [N] [O],
– l’inventaire de tous les biens meubles et immeubles ayant appartenu à [Y] [O], à Madame [N] [O] et à Madame [F] [O] en ce compris les placements financiers SICAV. assurances vie, véhicules, bateaux, placements, parts sociales(SCI, SARL~SAS…),
-la copie de tous les actes d’achats des biens immobiliers acquis directement ou via une SCI,
– la justification des factures d’achat de ces différents biens et de leur financement,
– la justification des frais et travaux réalisés au titre de ces différents biens immobiliers et de l’origine des fonds ayant permis les règlements,
– les actes d’achats et de vente des bateaux et de l’emplacement au port de [Localité 9],
– les statuts et les comptes sociaux de la SCI LA MONTAGNETR , la SCI LA JACINE,la SCI LE GIROLIER, et de la SCI MYOSOTIS,
– les comptes sociaux de Madame [F] [S] veuve [O] sous l’immatriculation RCS n0497 838 631,
– les statuts et les comptes sociauxde la SARL TARASCON INFORMATIQUE immatriculée sous le n° RCS 332 747 062.
Ils ont demandé d’assortir cette condamnation d’une astreinte fixée à la somme de 500 € par jour de retard à partir de la signification de la décision à intervenir .
Ils sollicitaient également la désignation d’un expert avec mission de:
-déterminer si Monsieur [Y] [O] a financé l’acquisition, la conservation et l’entretien des biens immobiliers et mobiliers acquis par les personnes mises en cause,
– chiffrer l’ensemble des apports faits par Monsieur [Y] [O] sur ses deniers personnels au profit des personnes requises,
-chiffrer le patrimoine immobilier et mobilier de Monsieur [Y] [O] au moment de son décès,
– reconstituer le patrimoine de Monsieur [Y] [O] au moment de son décès en y rapportant les sommes dues au titre des donations directes et indirectes, connues et déguisées,
– déterminer la part revenant à chacun des héritiers de Monsieur [Y] [O] en application des règles légales correspondantes à leurs droits successoraux,
– outre de voir réserver les dépens.
L’huissier instrumentaire, également mandaté pour faire citer la SCI MYOSOTIS a dressé le 24 avril 2018 un procès verbal de difficultés après avoir constaté que la société requise avait été radiée le 30 décembre 2011du registre du commerce et des sociétés et qu’elle n’avait plus de personnalité juridique.
Par ordonnance du 12 juillet 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Tarascon a :
-ordonné la réouverture des débats,
– invité Monsieur [K] [O], Madame [J] [O] et Monsieur [W] [O] :
à faire citer Madame [N] [O] à son domicile [Adresse 2],
à faire citer la SCI MYOSOTIS après désignation d’un mandataire ad hoc pour représenter cette société,
à communiquer un extrait Kbis actualisé de la SARL TARASCON INFORMATIQUE permettant de vérifier si la personne morale subsiste ou si elle a été liquidée.
Monsieur [K] [O], Madame [J] [O] et Monsieur [W] [O] ont fait citer par exploit du 13 août 2018 Madame [N] [O].
Après un renvoi, l’affaire a été appelée à l’audience du 27 septembre 2018.
L’ensemble des parties a sollicité une mesure de médiation.
Par ordonnance du 11 octobre 2018, le juge des référés a, par mesure d’administration judiciaire, au vu de l’accord des parties :
– désigné le CENTRE DE MEDIATION DES NOTAIRES, [Adresse 5] en qualité de médiateur afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose,
– fixé la durée de la médiation à TROIS MOIS à compter de la première réunion de médiation,
– dit que la durée de la médiation pourra le cas échéant être prorogée avec l’accord des parties pour une période maximum de trois mois à la demande du médiateur,
– fixé la provision à valoir sur la rémunération du médiateur à la somme de 1 500€,
– dit que Monsieur [K] [O], Madame [J] [O] et Monsieur [W] [O] d’une part, Madame [F] [S] veuve [O], Madame [N] [O], la SCI LA MONTAGNETTE, la SCI Le GIROLIER et la SCl LA JAClNE d’autre part devront consigner au greffe pour moitié chacun cette somme dans le délai de deux mois à compter de la décision,
– rappelé que le défaut de consignation entraîne la caducité de la décision ordonnant la médiation,
– dit que le médiateur devra immédiatement aviser le juge de l’absence de mise en ‘uvre de cette mesure, ou de son interruption, et tenir le juge informé des difficultés éventuellement rencontrées dans l’exercice de sa mission,
– dit qu’à l’expiration de cette mission, le médiateur devra informer le juge de ce que les parties sont parvenues ou non à trouver une solution au litige qui les oppose,
– dit que le rapport de mission, qui ne fera pas mention des propositions transactionnelles éventuellement avancées par l’une ou l’autre des parties sera remis au greffe ainsi qu’à chacune des parties dans un délai de huit mois,
– réservé les dépens.
Par conclusions du 3 mai 2021, Monsieur [K] [O] a sollicité la reprise de l’instance compte tenu du constat d’ échec de la mesure de médiation en date du 30 juillet 2020.
Aux termes de leurs conclusions, Madame [N] [O], Madame [F] [O], la SCI LA MONTAGNETTE, la SCI LE GIROLIER, la SCl LA JACINE soulèvaient avant toute défense au fond la péremption de l’instance.
Par ordonnance du 10 septembre 2021, le juge des référés a :
-ordonné la réouverture des débats à l’audience du 30 septembre 2021 à 10h00 aux fins de mettre à disposition des parties, au greffe du service des référés, le dossier de mesure d’instruction n°18/1215 enregistré au service des expertisés, comportant notamment le rapport du centre de médiation des notaires adressé au juge en date du 10 juillet 2021,
– invité M . [K] [O], Mme [J] [O] et M. [W] [O] à :
faire citer la SCI MYOSOTIS après désignation d’un mandataire ad hoc pour représenter cette société ;
communiquer un extrait KBIS actualisé de la SARL TARASCON INFORMATlQUE permettant de vérifier si la personne morale subsiste ou si elle a été liquidée, et le cas échéant la faire citer après désignation d’un mandataire ad’hoc pour la représenter ;
– réservé l’intégralité des demandes et les dépens.
L’affaire a été retenue à l’audience du 7 Octobre 2021.
Par ordonnance contradictoire en date du 29 Octobre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Tarascon a :
– rejeté la demande tendant à constater la caducité de l’ordonnance du juge des référés du tribunal de Tarascon du 11 Octobre 2018 ( RG n° 18/129),
– écarté des débats le compte rendu de la réunion tenue par le médiateur et signé par les parties,
– dit n’y avoir lieu à écarter des débats le compte rendu de fin de mission du médiateur en date du 10 juillet 2020,
– rejeté la demande de Mmes [N] et [F] [O], la SCI la Montagnette, la SCI le Girolier, la SCI La Jacine tendant à constater la péremption d’instance,
-constaté que la SCI Myosotis n’a pas été régulièrement mise en cause dans l’instance,
– mis hors de cause la SARL TARASCON INFORMATIQUE,
– dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de communication de pièces sous astreinte sollicitée par Monsieur [K] [O], Madame [J] [O] et Monsieur [W] [O] ,
– ordonné une expertise aux fins :
de décrire tous les meubles, liquidités et immeubles dépendant de la succession de [Y] [O],
procéder à l’évaluation de la consistance et de la valeur de la masse successorale à la date d’ouverture de la succession,
examiner-les comptes de la succession, rechercher et évaluer, le cas échéant, les biens ou les sommes-devant être rapportés à la succession par l’un ou l’autre des héritiers appelés en la cause, ou, à l’inverse, les dettes de la succession à l’égard de l’une ou l’autre des parties,
recueillir tous éléments sur les avantages, donations, gratifications et paiements de toute nature qui auraient pu être consentis par [Y] [O] à l’un ou l’autre des héritiers,
déterminer si [Y] [O] a financé l’acquisition, laconservation et l’entretien des biens immobiliers et mobiliers acquis par l’un ou l’autre des héritiers ou l’une des sociétés dans lesquels ils sont associés,
Le cas échéant, reconstituer le patrimoine de [Y] [O] au moment de sondécès en incluant les biens ou les sommes devant y être rapportées, le chiffrer,
évaluer les conséquences de la donation entre époux du 21 juillet 2003 résultant d’un acte authentique reçu par Maître [D] [U], notaire à [Localité 7],
évaluer les charges du ménage auxquelles Madame [F] [O] et [Y] [O] ont dû faire face au regard notamment des dettes du couple mais également du fait de son état de santé,
donner son avis sur la part revenant à chacun des héritiers,
procéder de façon générale à toutes constatations et conclusions utiles à la solution du litige, et faire les comptes nécessaires ,
– outre les mentions habituelles relatives aux missions d’expertise,
– fixé à la somme de 4 000 € le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée avant le 29 décembre 2021 par [J], [K] et [W] [O] faute de quoi la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet,
– dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que Monsieur [K] [O], Madame [J] [O] et Monsieur [W] [O] supporteront les dépens de l’instance.
Selon déclaration reçue au greffe le 10 novembre 2021, Madame [N] [O], Madame [F] [O], la SCI LA MONTAGNETTE, la SCI LE GIROLIER, la SCI LA JACINE ont interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 9 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les appelantes sollicitent de la cour qu’elle :
Au principal:
-réforme l’ordonnance et :
jugeque [K] [O], [J] [O] et [W] [O] n’ont accompli aucun acte procédural pendant plus de deux ans,
juge que l’instance engagée par ces derniers les 18, 9 et 24 avril 2018 est périmée,
juge que l’ordonnance du 11 Avril 2018 est caduque,
juge irrégulière la rnédiation débutée le 16 avril 2019,
juge qu’elle ne peut avoir aucun effet tout comme les actes résultant de cette médiation et/ou accomplis dans le cadre de cette médiation,
-condamne [K], [J] et [W] [O] à payer à chacune des concluantes la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
-les condamne aux dépens,
Subsidiairement:
-juge que doit être écarté des débatstout document remis au greffe en violation du principe de confidentialité et, précisément, le rapport et le compte-rendu de la médiation comportant des informations confidentielles,
-ordonne que tout document violant cette confidentialité et, précisément, le rapport et le compte-réndu de la médiation comportant des informationsconfidentielles soit retiré de tous les actes et pièces soumis au tribunal et de tout acte détenu par quelque juridiction que ce soit,
-juge que le fait allégué par [K], [J] et [W] [O] de legs de l’universalité du patrimoine de [Y] [O] à son épouse et à sa fille ne présente pas un caractère de plausibilité suffisante requis pour ordonner une expertise,
-condamne [K], [J] et [W] [O] à payer à chacune des concluantes la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-les condamne aux dépens.
plus subsidiairement encore, au cas où la cour jugerait à la fois que l’instance n’est pas périmée, et suffisammentplausible le prétendu legs de l’universalité du patrimoine de [Y] [O] à [F] [O] et [N] [O] malgré l’absence de la moindre preuve des faits allégués et, ainsi, ferait droit à la demande d’expertise
-juge que l’expertise ne peut être ordonnée au contradictoire de la société Le Myosotis, société liquidée qui n’a pas été régulièrement attraite en la présente instance,
-juge que [Y] [O] n’était pas associé des sociétés LA MONTAGNETTE, LE GIROLIER, LA JACINE,
-juge que les demandeurs ne produisent aucune preuve ou même un indice d’une plausibilité d’un fait quelconque pouvant laisser supposer que tout ou partie de l’actif des sociétés LA MONTAGNETTE, LE GIROLIERou LA JACINE pourrait être inclus dans l’actif successoral de [Y] [O],
-juge que l’expert ne peut exiger des sociétés LA MONTAGNETTE, LE GIROLIER et LAJACINE aucune information comptable ,
-cantonne la mission de l’expert aux seuls faits et documents présentant un caractère direct avec le patrimoine deMonsieur [O] en mentionnant expressément que la mission de l’expert ne peut viser l’examen d’aucune pièce dont la teneur serait couverte par le secret des affaires ou le droit au respect de la vie privée, sans lien avec le patrimoine de Monsieur [O], ne peut porter sur l’actif des sociétés LA MONTAGNETTE, LE GIROLIER ou LAJACINE dont [Y] [O] n ‘était pas associé,
-donne pour mission à l’expert:
-de procéder à toute investigation et de recueillir tout élément sur lesavantages, donations, gratififications et paiments de toute nature qui auront pu être consentis et/ou opérés par Monsieur [O] : tant à [K] [O], [J] et [W] [O] telles que, par exemple, mise à disposition gratuite d’immeuble, financement d’ acquisition de navire, qu’à son ancien épouse, à [F] [O],à [N] [O].
-d’évaluer les conséquences de la donation entre époux du 21 juillet2003,
– d’évaluer les charges du ménage auxquelles Madame [F] [O] et son époux ont dû faire face, compte tenu:
des dettes du couple (pensions alimentaires, autres dettes …),
du fait que Monsieur [O] avait cessé toute activité professionnelle depuis 2008 et qu’il était atteint depuis 2009 d’une affection de longue durée imposant l’engagement de dépenses importantes pour faire face à la situation, l’engagement de ces dépense spouvant, comme c’est hélas systématiquement le cas. conduire à une réduction significative du patrimoine du défunt.
-réserve les dépens.
Les appelants considèrent que l’instance, engagée trois ans avant la demande de reprise d’instance est périmée en vertu des dispositions de l’article 386 du code de procédure civil,s’étant écoulé plus de deux ans entre la dernière diligence du 27 juin 2018, date à laquelle les intimés ont adressé leurs dernières écritures et les conclusions de reprise d’instance transmises par ces derniers le 25 mai 2021. Ils rappellent que l’instance n’est pas interrompue par la médiation et que toutes les parties peuvent et doivent accomplir auprès de la juridiction des actes permettant l’avancement de l’instance ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.
Ils estiment que l’ordonnance du 11 Octobre 2018 est atteinte de caducité , faute pour les intimés d’avoir consigné dans le délai requis par la dite ordonnance. Elle est donc dénuée de tout effet et la médiation est de ce fait irrégulière. Par ailleurs, ils soutiennent que le médiateur a remis à la juridiction un document confidentiel violant son obligation de confidentialité de sorte que ces rapport et compte-rendu doivent être écartés de débats.
Sur le fond, les appelants estiment que les fraudes dont se plaignent les intimés résultent de leurs seules allégations, ne sontétayées par aucune des pièces communiquées, qu’aucun indice ne prouve la plausibilité des accusations portées, que le motif légitime n’est pas démontré ; qu’au surplus, la mission telle que sollicitée excède significativement le périmètre des informations utiles en vue d’un procès éventuel, et n’a pour objet que de pallier leur propre carence ; qu’enfin les missions sollicitées sont pour certaines non légalement admissibles et portent atteinte de manière disproportionnée au secret des affaires ou au droit à le vie privée.
Par dernières conclusions transmises le 1er février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens,Monsieur [K] [O], Madame [J] [O] et Monsieur [W] [O] sollicitent de la cour qu’elle :
– confirme dans toutes ses dispositions l’ordonnance du 29 Octobre 2021,
-déboute Mesdames [F] et [N] [O] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
– réserve les dépens, ceux d’appel distraits au profit de Me Françoise Boulan, Avocat.
Sur la péremption d’instance, ils estiment que le point de départ du délai s’exerce à compter du prononcé de l’ordonnance du 18 Octobre 2018, et qu’ils ont accompli des diligences, dont le règlement de la consignation mise à leur charge, leur participation à une réunion avec le médiateur et la sollicitation du notaire en charge de la succession en vue de l’établissement d’un acte de notoriété le 18 octobre 2019, diligences dûment relevées par le premier juge, de sorte que le délai de péremption n’est pas acquis, d’autant que la médiation ordonnée judiciairement constitue un événement procédural.
Ils considèrent qu’ayant réglé la consignation sans que la caducité soit soulevée, les appelants ne sont plus recevables à la soulever et qu’il n’y a plus lieu à caducité.
Quant à l’expertise sollicitée, l’acte notarié du 21 juillet 2003 aux termes duquel madame[O] recevait l’universalité des biens meubles et immeubles qui composeront la succession de son époux, sans considération pour eux-mêmes, héritiers réservataires constitue un motif légitime pour reconstituer le patrimoine de feu [Y] [O] ; qu’enfin la capital social des SCI, parties à l’instance a forcèment été constitué à l’aide du patrimoine de [Y] [O], Mesdames [O] étant toutes deux sans activité professionnelle à cette époque.
Enfin, à leur sens, il n’y a pas d’atteinte à la vie privée sauf à ce que mesdames [O] invoquent ce prétexte afin de dissimuler l’origine des fonds ayant servi au financement de l’intégralité de leur patrimoine ; qu’il n’y a pas non plus d’atteinte au secret du droit des affaires, dans la mesure où l’expertise procède d’un motif légitime et qu’elle est nécessaire à la préservation de leurs droits dans la succession de leur père.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 14 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de péremption d’instance :
En application des dispositions de l’article 386 du code de procédure civile, l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
Un acte est considéré comme une diligence interruptive de péremption s’il émane d’une partie à l’instance, s’il est de nature à faire progresser celle-ci et s’il est accompli au sein de l’instance.
Pour que l’absence de diligences soit sanctionnée, encore faut-il que les parties soient tenues à des diligences.
Madame [J] [O] et messieurs [K] et [W] [O] ont introduit l’instance en avril 2018.
Les appelants soutiennent que les dernières diligences des demandeursremontent au 27 juin 2018, date à laquelle ceux-ci ont notifié leurs dernières écritures, et qu’ils se sont abstenus d’accomplir toutes diligences jusqu’à leur demande de reprise d’instance sollicitée par conclusions du 25 mai 2021 de [K] [O] et par conclusions du 13 Juillet 2021 de [J] et [W] [O] ; que la médiation ordonnée n’emporte, à leur sens, ni interruption ni suspension .
En l’espèce, les parties ont échangé leurs conclusions le 27 juin 2018 puis ont comparu à l’audience du 28 juin 2018 où l’affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2018. A cette date , le juge des référés a ordonné la réouverture des débats et renvoyé l’affaire à l’audience du 23 Août 2018, puis l’a renvoyée au 27 septembre 2018. La décision a été rendue le 11 Octobre 2018.
Ainsi que l’a pertinemment relevé le premier juge, au 27 septembre 2018, la péremption n’était pas acquise et à compter de la clôture des débats jusqu’au rendu de la décision, aucune diligence n’était requise des parties de sorte que le point de départ du nouveau délai de péremption doit être fixé au jour du prononcé de la décision, soit le 11 octobre 2018.
Cette décision, au vu de l’accord entre les parties, a ordonné une mesure de médiation.
En application de l’article 8 de la directive n° 2008-52 du Conseil de l’Europe relative aux effets de la médiation sur les délais de precription, il est énoncé que :
les Etats membres veillent à ce que les parties qui choisissent la médiation pour tenter de résoudre un litige ne soient pas empêchées par la suite d’entamer une procédure judiciaire ou une procédure d’arbitrage concernant ce litige du fait de l’expiration des délais de prescription pendant le processus de médiation.
Il en résulte que la médiation ainsi ordonnée a interrompu le délai de péremption.
Le médiateur désigné a rendu son rapport de fin de mission le 10 juillet 2020 et les parties en ont été informées le 31 juillet 2020.
Dès lors, les conclusions de reprise d’instance de M. [K] [O] transmises le 25 Mai 2021 l’ont été dans le délai de deux ans à compter du rapport de fin de mission et l’instance n’est pas périmée.
Les appelants seront déboutés de cette demande.
L’ordonnance querellée sera confirmée de ce chef.
Sur la caducité de l’ordonnance du 11 octobre 2018:
Les appelants soutiennent que la décision du 11 octobre 2018 est caduque fautepour les intimés d’avoir payer la provision à valoir sur la rémunération du médiateur dans les délais requis, à savoir dans les deux mois du prononcé de la dite décision.
Les avis de consignation établissent que :
– les appelants ont versé le 3 décembre 2018 , la partie de consignation mise à leur charge soit 750 €, dans les délais impartis,
-les intimés ont payé pour leur part cette somme, le 1er février 2019, soit postérieurement à ce délai qui expirait le 12 décembre 2018.
Aucune des parties, ni le médiateur désigné,n’ont avisé le premier juge du retard de paiement dans la consignation en sollicitant la caducité de l’ordonnance. La médiation s’est réalisée.
C’est à juste titre que le premier juge a énoncé que les parties n’étaient plus recevables à se prévaloir de la caducité de la décision pour ce motif, après l’acquittement de la totalité de la provision et le début de la médiation; qu’il n’y avait donc pas lieu à caducité de la décision et, qu’ en conséquence la médiation ordonnée était régulière.
Les appelants doivent être déboutés de cette prétention.
L’ordonnance sera également confirmée de ce chef.
Sur la violation du principe de confidentialité:
Les appelants sollicitent subsidiairement que soient écartés de débats tout document remis au greffe en violation du principe de confidentialité et précisément le rapport et le compte rendu de la médiation comportant des informations confidentielles.
Le premier juge, saisi de ces demandes, a considéré que le rapport de fin de misssion du médiateur, en date du 10 juillet 2020,précisait au juge les difficultés rencontrées dans la conduite de sa mission, sans faire état des constatations ou des déclarations recueillies ni des propositions transactionnelles éventuellement avancées par l’une ou l’autre des parties, respectant ainsi les dispositions de l’ordonnance du 11 Octobre 2018.
C’est à juste titre qu’il a retenu ce rapport.
Il a écarté des débats le compte rendu de réunion signé par les parties qui en revanche, faisait état des échanges des parties durant la mesure de médiation.
Aucun élément nouveau en cause d’appel justifie que la cour infirme ces dispositions pertinentes et fondées en droit.
Les appelants doivent être déboutés de leur demande de ce chef et l’ordonnance querellée confirmée.
Sur la demande d’expertise :
En application de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout interessé, notamment en référé.
Le motif légitime est caractérisé dès lors qu’il existe un litige susceptible d’opposer les parties devant le juge du fond, non manifestement voué à l’échec et à la résolution duquel la mesure d’instruction est utile.
Il suffit que le demandeur à la mesure rapporte la preuve d’éléments suffisants à rendre crédibles ses allégations et démontre que le résultat de l’expertise à ordonner présente un intérêt probatoire, dans la perspective d’un procès au fond susceptible d’être engagé ultérieurement.
M. [Y] [O], né le 27 juin 1943 etdécédé le 25 décembre 2015 exerçait de son vivant la profession d’expert comptable.
Il a épousé en secondes noces madame [F] [S], le 25 juin 1994.
Aux termes de son testament en la forme olographe en date du 15 juillet 2013, il a institué son épouse [F] [S] légataire de la quotité disponible en pleine propriété, et l’a nommée exécuteur testamentaire.
Par acte authentique reçu le 21 juillet 2013, il a fait donation à son épouse de l’universalité des biens meubles et immeubles qui composeront sa succession sans aucune exception ni réserve, cet acte précisant ” qu’en cas d’existence d’ayants droit à une réserve légale dans la succession du donateur et si la réduction en est demandée, cette donation portera sur l’une des quotités disponibles entre époux qui seront en vigueur au décès du donateur, fixées alors soit en toute propriété, soit en toute propriété et en usufruit, soit en usufruit, soit en toute propriété et nue-propriété. ”
Par acte du 28 décembre 2008, il avait fait donation aux trois enfants de son premier lit, les intimés à la présente procédure,d’immeubles et liquidités.
Au décès de leur père et à l’ouverture des opérations successorales, ces trois enfants se sont étonnés du seul patrimoine restant à se partager, en l’espèce, la somme de 3 368,73 € alors que selon eux, leur père disposait de revenus confortables.
Il résulte des pièces versées aux débatsnotamment les statuts des sociétés et les extraits KBIS, que plusieurs sociétés ont été constituées entre Madame [F] [S] épouse [O] et Madame [N] [O], le 28 septembre 2009:
– La SCI LA JACINE, le capital social étant fixé à la somme de 106 714,32 € réparti en 700 parts, Madame [F] [S] épouse [O], étant titulaire de 350 parts,et Madame [N] [O] de 350 parts ;
– La SCI LA MONTAGNETTE, le capital social étant fixé à la somme de 7 622,45 € réparti en 50 parts, Madame [F] [S] épouse [O], étant titulaire de 40 parts et Madame [N] [O] de 10 parts. La gérante était Madame [F] [S] épouse [O] ;
– La SCI LE GIROLIER , le capital social étant fixé à la somme de 762,25 € réparti en 50 parts, Madame [F] [S] épouse [O], étant titulaire de 40 parts et Madame [N] [O] de 10 parts.
Madame [F] [S]épouse [O] était également gérante de la SCI MYOSOTIS, immatriculée le 19 août 2004 dont les statuts n’ont pas été communiqués, et qui a fait l’objet d’une dissolution amiable le 5 décembre 2011 puis a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 30 décembre 2011 à compter du 6 décembre 201l.
Il ressort des pièces du dossier que ces sociétés ont procédé à l’acquisition de plusieurs biens immobiliers:
– un ensemble immobilier à usage d’habitation sur le territoire de la commune d’ORGON pour un prix de 270 000 € par acte authentique du 7 mars 2007 pour la SCI MYOSOTIS ; ce bien a été vendu le 17 avril 2008 au prix de 529 006 € ;
– un ensemble immobilier sur la commune de Tarascon pour un prix de165 254,73 euros par acte authentique du 12 avril 2000 pour la SCI LE GIROLIER ;
– une maison à usage d’habitation sur la commune de TARASCON pour un prix de 1 250 000, francs par acte authentique du 23 décembre 1992 pour la SCI LA MONTAGNETTE;
– un bien immobilier sur la commune de Rognonas pour un prix de 637 975 francs acheté par adjudication les 14 octobre 1997 et 20 janvier 1998 pour la SCI LA JACINE ;
– un bien immobilier sur la commune de TARASCON acquis suivant acte du 19 mai 2006 pour le prix de 221 000 € pour la SCI LA JACINE. Ce bien a fait l’objet d’une division parcellaire ayant donné lieu à trois cession distinctes :
‘ cession du 15 avril 2010 au prix de 248 000 € ;
‘ cession du 29 juin 2012 au prix de 165 000 € ;
‘ cession du 18 décembre 2014 au pr.ixde 215 000 €.
Ces biens ont bien été acquis par la SCI LA JACINE, gérée par Madame [F] [S] veuve [O] tel que cela résulte de la comparaison entre l’extrait KBIS et le relevé des formalités publiées, le siège social et le numéro RCS étant les mêmes.
Or, il n’est pas contesté que Madame [F] [S] épouse [O] était sans activité au moment de la constitution de ces sociétés et que sa fille, [N] [O], alors âgée de 18 ans, n’avait pas davantage d’activité ni de revenus professionnels.
Compte tenu de l’ensemblede ces éléments, c’est à juste titre que le premier jugea énoncé que la question de l’origine des fonds ayant servi à constituer le patrimoine de ces sociétés peut se poser, même si [Y] [O] n’était pas associé dans ces sociétés, de la même façon que le sort des plus-values qui ont été réalisées par ces sociétés à l’occasion d’opérations immobilières, fonds qui pourraient être rapportés à la succession, et/ou venir en réduction des legs accordés par le de cujus.
En conséquence, les intimés justifient du caractère crédible et plausible des faits qu’ils allèguent, lesquels ne relèvent pas de la simple hypothèse et présentent un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée.
Le motif légitime justifiant une mesure d’expertise est donc constitué.
C’est également à bon droit que le premier juge a rappelé que le respect de la vie privée et le secret des affaires ne constituent pas un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, dès lors que la mesure ordonnée par le juge procède d’un motif légitime et qu’elle est nécessaire à la
protection des droits de la partie qui l’a sollicitée, ce qui est le cas en l’espèce s’agissant de la préservation des droits des demandeurs dans la succession de leur père, aucune atteinte disproportionnée aux droits des défenderesses n’en résultant.
Les appelantes sollicitent dans l’hypothèse où une expertise serait ordonnée, de dire qu’ elle ne pourra avoir lieu au contradictoire des sociétés MYOSOTIS et TARASCON INFORMATIQUE.
Le premier juge a statué ce que de droit sur cette demande relevant que la SCI MYOSOTIS qui n’est pas appelante dans l’instance en cause d’appel, n’a pas été régulièrementmise en cause en première instance de sorte que les opérations d’expertise ne peuvent se dérouler à son contradictoire et a également mis hors de cause la SARL TARASCON INFORMATIQUE , son activité apparaissant sans lien avec le litige.
Enfin, aucun élément suffisamment pertinent produit par les appelantes justifie qu’ il y ait lieu de modifier ou restreindre la mission dévolue à l’expert par la décision querellée.
Les appelantes doivent être déboutées de leurs demandes.
L’ordonnance sera en conséquence confirmée de ce chef également.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
L’ordonnance querellée sera confirmée en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles.
Les appelantes qui succombent supporteront les dépens de la procédure d’appel récouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile.
Elles doivent être déboutées de leurs demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions entreprises ,
Y ajoutant :
Condamne madame [F] [O], madame [N] [O], la SCI LA JACINE, la SCI LA MONTAGNETTE, LA SCI LE GIROLIER au paiement des dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, au profit de Me Françoise BOULAN, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE,
Déboute madame [F] [O], madame [N] [O], la SCI LA JACINE, la SCI LA MONTAGNETTE, LA SCI LE GIROLIER de leur demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière Le président