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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 03 FEVRIER 2023
N° 2023/032
Rôle N° RG 19/12759 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEXBQ
Association MEDIATION SOCIALE
C/
[Z] [A]
Copie exécutoire délivrée le :
03 FEVRIER 2023
à :
Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Me Pierre ARNOUX, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 26 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/01243.
APPELANTE
ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE (AMS) prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Jean-emmanuel FRANZIS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [Z] [A], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Pierre ARNOUX, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Février 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Février 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [Z] [A] a été embauché en qualité en qualité de chef de projet polyvalent le 5 septembre 2013 par l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE (AMS), dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée suivi d’un contrat de travail à durée indéterminée conclu par avenant en date du 5 février 2014.
Par courrier recommandé du 16 septembre 2016, Monsieur [Z] [A] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 29 septembre 2016, avec notification d’une mise à pied conservatoire, puis il a été licencié pour faute grave le 6 octobre 2016 en ces termes, exactement reproduits :
« Nous faisons suite à l’entretien préalable en date du 29 septembre 2016 pour lequel vous avez été régulièrement convoqué. Lors de cet entretien vous étiez assisté. Nous avons pu évoquer précisément l’ensemble des faits reprochés et entendre vos explications.
Nonobstant vos explications nous sommes amenés à vous notifier un licenciement pour faute grave motivé par les éléments suivants.
En effet vous avez diffusé durant le début du mois de septembre 2016 un document intitulé “Objections à refus de négociation DIR”, que vous aviez établi, auprès de divers salariés de l’Association qui ont avisé la direction de vos actes.
Dans ce document vous faites tenir à la direction des propos qui n’ont pas été tenus, et vous portez des accusations en visant directement la Direction.
Vous avez organisé des réunions avec des salariés en affirmant des choses fausses après avoir diffusé en interne le document précité.
Tout cela a eu pour effet de déstabiliser la Direction vis à vis des salariés de votre fait. Vos agissements et vos propos sont véritablement dénigrants et non admissibles, En votre qualité de Chef de projet de tels actes sont d’autant plus inacceptables que vous avez usé de votre autorité.
Eu égard à la gravité de ces agissements que nous ne pouvons accepter, nous vous informons que nous prenons à votre égard une mesure de licenciement pour faute grave privative d’indemnités.
La poursuite de votre contrat de travail s’avère impossible du fait de votre comportement et de vos manquements contractuels. Votre licenciement sera effectif à compter de la présente lettre, étant précisé que la période de mise à pied conservatoire ne vous sera pas rémunérée… ».
Contestant son licenciement et réclamant le paiement de rappel de congés payés conventionnels, de rappel de compensation de l’astreinte, de dommages-intérêts, d’indemnité pour travail dissimulé et d’indemnités de rupture, Monsieur [Z] [A] a saisi la juridiction prud’homale par requête du 23 mai 2017.
Par jugement du 26 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Marseille a :
-jugé que la convention collective des acteurs du lien social et familial ne s’appliquait pas à l’association MEDIATION SOCIALE,
-débouté Monsieur [Z] [A] de sa demande relative à l’application de la convention collective des acteurs du lien social et familial,
En conséquence,
-rejeté de ce chef toutes les demandes subséquentes liées à l’application de la convention collective susvisée et ce, quel qu’en soit l’objet,
-débouté Monsieur [Z] [A] de ses demandes indemnitaires liées aux astreintes,
Par suite,
-rejeté de ce chef la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
-dit que le licenciement pour faute grave notifié le 6 octobre 2016 à Monsieur [Z] [A] s’analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-dit que le salaire mensuel moyen de Monsieur [Z] [A] s’élèvait à la somme brute de 2756,91 euros,
En conséquence,
-condamné l’association MEDIATION SOCIALE à verser à Monsieur [Z] [A] les sommes suivantes :
-16’541 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-2242,23 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
-1654,11 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,
-165,41 euros à titre de congés payés y afférents,
-5513,82 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
-551,38 euros à titre d’incidence de congés payés sur préavis,
-1000 euros au titre de l’article 700 du CPC,
-précisé que les créances de nature salariale produiraient des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,
-ordonné à l’association MEDIATION SOCIALE de remettre à Monsieur [Z] [A] les documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision,
-dit n’y avoir lieu à sortir cette remise de documents d’une astreinte,
-ordonné l’exécution provisoire du jugement sur le fondement de l’article 515 du CPC,
-dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devraient être supportées par l’association MEDIATION SOCIALE en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté Monsieur [Z] [A] du surplus de ses demandes,
-débouté l’association MEDIATION SOCIALE de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-dit que l’association MEDIATION SOCIALE supportera les entiers dépens de l’instance.
L’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE demande à la Cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 9 mars 2020, de :
Sur l’appel incident de M. [A]
. Sur l’application de la convention collective des acteurs du lien social et familial :
DIRE ET JUGER que la convention collective des acteurs du lien social et familial ne s’applique pas à l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE
DÉBOUTER Monsieur [Z] [A] de toutes ses demandes fins subséquentes liées à l’application de la convention collective.
. Sur les astreintes :
DÉBOUTER Monsieur [Z] [A] de toutes ses demandes fins et conclusions liées à sa demande d’astreinte.
Confirmer le jugement en date du 26 juin 2019 rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a jugé :
-Juge que la convention collective des acteurs du lien social et familial ne s’applique pas à l’Association MEDIATION SOCIALE,
-Déboute Monsieur [Z] [A] de sa demande relative à l’application de la convention collective des acteurs du lien social et familial,
-En conséquence, rejette de ce chef toutes les demandes subséquentes liées à l’application de la convention collective susvisée,
-Déboute Monsieur [A] de ses demandes indemnitaires liées aux astreintes,
-Rejette de ce chef les demandes de dommages et intérêts pour travail dissimulé.
Sur l’appel limité formé par l’Association Médiation Sociale
RÉFORMER le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement pour faute grave de Monsieur [A] devait s’analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
JUGER que le licenciement pour faute grave notifié le 6 octobre 2016 à Monsieur [Z] [A] est justifié par une faute grave.
En conséquence :
RÉFORMER le jugement en ce qu’il a condamné l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE à verser à Monsieur [Z] [A] les sommes suivantes :
-16’541 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-2242,23 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
-1654,11 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,
-165,41 euros à titre de congés payés y afférents,
-5513,82 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
-551,38 euros à titre d’incidence de congés payés sur préavis,
-1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
DÉBOUTER Monsieur [Z] [A] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
CONDAMNER Monsieur [Z] [A] à verser à l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE une somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER Monsieur [Z] [A] aux entiers dépens.
Monsieur [Z] [A] demande à la Cour, au terme de ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 décembre 2019, de :
INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a jugé que la Convention collective des acteurs du lien social et familial n’était pas applicable.
INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Monsieur [A] de ses demandes afférentes à l’application de la Convention collective des acteurs du lien social et familial n’était pas applicable.
INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Monsieur [A] des demandes indemnitaires concernant les astreintes réalisées.
INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Monsieur [A] des demandes indemnitaires pour travail dissimulé.
CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
STATUANT A NOUVEAU
DÉBOUTER l’ASSOCIATION DE MEDIATION SOCIALE de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
DIRE ET JUGER que la convention collective des acteurs du lien social et familial est applicable à l’ASSOCIATION DE MEDIATION SOCIALE et, notamment, aux rapports entretenus entre cette ASSOCIATION et Monsieur [A]
CONSTATER les fonctions réellement exercées par Monsieur [A]
DIRE ET JUGER, en conséquence, que Monsieur [A] a fait le statut conventionnel Cadre, selon l’emploi-repère coordinateur (Chef de Projet), coefficient 614.
CONSTATER le préjudice de Monsieur [A] issu de la non-application fautive de la convention collective des acteurs du lien social et familial et ainsi des avantages y afférents, et ce, durant le temps de la relation contractuelle.
CONDAMNER à ce titre l’ASSOCIATION DE MEDIATION SOCIALE à verser à Monsieur [A] la somme de 3201,64 euros à titre de rappels de congés payés conventionnels.
CONDAMNER à ce titre L’ASSOCIATION DE MEDIATION SOCIALE à verser à Monsieur [A] la somme de 15’000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice en résultant.
CONSTATER la réalisation d’astreintes par Monsieur [A], en l’absence de toute disposition contractuelle, décompte ou contrepartie.
CONDAMNER, en conséquence, L’ASSOCIATION DE MEDIATION SOCIALE à verser à Monsieur [A] les sommes suivantes :
– 3253,26 euros et ce à titre de rappel de compensation de l’astreinte pour l’année 2016 dont les plannings sont versés au débat ;
– 19’519,56 euros à titre de dommages et intérêts pour astreintes non payées en 2014, 2015, et partiellement 2016.
– 16 541,46 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé.
CONSTATER l’absence de faute commise par Monsieur [A].
DIRE ET JUGER, en conséquence, son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
CONDAMNER, en conséquence, L’ASSOCIATION DE MEDIATION SOCIALE à lui verser les sommes suivantes :
– 1654,11 euros à titre de rappels de salaires sur mise à pied conservatoire
– 165,41 euros à titre de congés payés y afférents,
– 8270,73 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 827,07 euros à titre de congés payés y afférents,
– 4135,36 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement
– 19’298,37 euros de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
– 5000 euros pour préjudice moral
CONDAMNER L’ASSOCIATION DE MEDIATION SOCIALE à remettre à Monsieur [A] : d’une part, l’intégralité de ses bulletins de salaire rectifiés depuis le début de la relation contractuelle (05.09.2013) faisant apparaître sans statut Cadre, emploi repère coordinateur (chef de projet) coefficient 614 de la Convention collective applicable ; d’autre part, les documents de fin de contrat rectifiés (solde de tout compte, attestation Pôle Emploi, Certificat de travail) conformément aux termes de la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, le Conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte.
DIRE ET JUGER que les condamnations prononcées seront assorties d’intérêts à taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;
ORDONNER la capitalisation des intérêts ;
CONDAMNER l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE, outre aux entiers dépens, à verser la somme de 3500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 6 octobre 2022.
SUR CE :
Sur l’application de la convention collective des acteurs du lien social et familial :
Monsieur [Z] [A] fait valoir que le code NAF de l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE est le 88.99B correspondant à l’activité « action sociale sans hébergement » ; qu’au vu des statuts de l’Association et de ses missions (médiation de proximité des collèges, médiation au sein des transports et médiation sur le littoral), la majorité de l’activité de l’association est destinée à l’ensemble de la population du secteur géographique défini ; que la “médiation transports” concerne tous les types de transports et, par définition, toutes les populations, les transports collectifs étant un lieu incontestable de mixité sociale ; que la prévention de la délinquance et la cohésion sociale sont des synonymes et corollaires des objectifs poursuivis par les acteurs du lien social, tels que décrits dans la convention collective ; que la convention collective des acteurs du lien social et familial mentionne un faisceau d’indices pour déterminer son application, et non une liste de critères cumulatifs nécessaires, comme l’indique l’employeur ; qu’il convient d’infirmer le jugement et de dire que la convention collective des acteurs du lien social et familial est applicable à la relation contractuelle.
L’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE fait valoir que l’activité première du médiateur social est le rappel à la règle et la gestion des comportements à risque dans l’espace public ; qu’il engage un dialogue avec les habitants pour les aider à trouver des solutions ; que sa présence, notamment dans les transports en commun, vise essentiellement à prévenir des situations de tension dans un espace clos ; que la définition de la médiation sociale est donnée dans la Charte de référence de la médiation sociale, adoptée par le groupe de travail interministériel et inter-partenariat sur les emplois dits de « médiation sociale » visés par le comité interministériel des villes en date du 1er octobre 2001 ; que les associations relevant du champ d’application de la convention collective des acteurs du lien social et familial sont les centres sociaux et socioculturels, les établissements d’accueil de jeunes enfants et les associations de développement social local ; que ces organismes ont des activités à visée sociale et globale ; que le champ d’application tel que défini par la convention collective est en opposition directe avec l’activité même de l’Association de Médiation Sociale, qui n’a pas de caractère social global et n’a aucune finalité de développement social participatif, son activité étant ciblée à un ensemble très réduit de la population, c’est-à-dire les quartiers les plus défavorisés où la délinquance et le trafic de stupéfiants sont prédominants ; que le code NAF de l’association, nomenclature créée par le législateur à des fins statistiques, n’a aucune valeur juridique probante afin de définir l’activité principale exercée ; que la médiation n’entre absolument pas dans le champ d’application de la convention collective précitée et que Monsieur [A] doit être débouté de ses demandes relatives à l’application de ladite convention.
***
Il n’est pas discuté que le code NAF attribué à l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE est le “8899B – Action sociale sans hébergement n.c.a.” (selon extrait du répertoire SIRENE versé en pièce 1 par le salarié) et que ce code 88.99B est cité à l’article 1.1 de la Convention collective nationale des acteurs du lien social et familial : centres sociaux et socioculturels, associations d’accueil de jeunes enfants, associations de développement social local en date du 4 juin 1983, étendue par arrêté du 22 janvier 1987.
Toutefois, le code NAF n’a qu’une valeur indicative et Monsieur [Z] [A], aux fins de prétendre à l’application de la Convention collective nationale des acteurs du lien social et familial à la relation le liant à l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE, doit établir que l’activité principale de l’association entre dans le champ d’application de ladite convention collective.
Aux termes de l’article 1.1 de la Convention collective nationale des acteurs du lien social et familial : centres sociaux et socioculturels, associations d’accueil de jeunes enfants, associations de développement social local du 4 juin 1983, son champ d’application est ainsi défini :
« Principe
La présente convention règle sur l’ensemble du territoire national, y compris les DOM, les rapports entre les employeurs et les salariés des associations et organismes de droit privé sans but lucratif, quelle qu’en soit la forme juridique, qui exercent à titre principal des activités :
‘ d’accueil et d’animation de la vie sociale ;
‘ d’interventions sociales et/ ou culturelles concertées et novatrices ;
‘ d’accueil de jeunes enfants.
Ces activités peuvent se caractériser par :
‘ leur finalité de développement social participatif ;
‘ leur caractère social et global ;
‘ leur ouverture à l’ensemble de la population ;
‘ leur vocation familiale et plurigénérationnelle ;
‘ l’implication de la population à l’élaboration et à la conduite des projets ;
‘ leur organisation dans le cadre de l’animation globale.
Entrent notamment dans le champ d’application :
‘ les organismes de type centre social et socioculturel agréés ou pouvant être agréés au titre de la prestation de services « animation globale et coordination » par les caisses d’allocations familiales, ainsi que leurs fédérations, regroupements, centres de gestion et de ressources ;
‘ les organismes d’accueil de jeunes enfants de moins de 6 ans visés aux articles R. 2324-16 et suivants du code de la santé publique, ainsi que leurs fédérations et regroupements, centres de gestion et de ressources.
Les activités de ces organismes sont en général répertoriées à la nomenclature d’activités et produits sous les codes 88. 99A, 88. 99B, 88. 91A, 94. 99Z, 79. 90Z, 90. 04Z, 94. 12Z, 93. 29Z ainsi que leurs fédérations et regroupements, centres de gestion et de ressources ».
Selon les statuts de l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE, « Cette associations a pour but le prolongement des politiques publiques ou privées de prévention de la délinquance et de cohésion sociale par la mise en place de dispositifs de médiation sociale, urbaine, culturelle et sportive, ainsi que la mise en ‘uvre de toute organisation, structure et moyens adaptés permettant de renforcer le lien social entre les publics les plus fragilisés et/ou rencontrant des difficultés d’insertion sociale et professionnelle.
La prévention de la délinquance par la participation à la mise en place des réponses diversifiées aux actes délictueux.
La professionnalisation des métiers de la médiation, de la prévention et de la sécurité dans le cadre de la mise en ‘uvre de sous établissements dédiés à la formation appelés “Centre de Formation AMS” l’association pourra se doter d’antennes décentralisées sur le territoire métropolitain » (pièce 13 versée par le salarié).
Il n’est pas discuté que l’activité de médiation de l’association AMS concerne trois secteurs : médiation de proximité des collèges, médiation au sein du transport dans la ville de [Localité 4] en partenariat avec la Régie des Transports de [Localité 4], médiation sur la bande littorale (extrait du site internet de l’AMS – pièce 12 versée par le salarié).
Monsieur [Z] [A] déduit des documents qu’il produit que l’AMS entre dans le champ d’application de la convention collective des acteurs du lien social et familial au vu des activités concrètes de l’association, sans pour autant expliciter son raisonnement déductif.
Il soutient que la prévention de la délinquance et la cohésion sociale (termes cités dans les statuts de l’AMS) seraient des “synonymes et corollaires des objectifs poursuivis par les acteurs du lien social tels que décrits dans la convention collective” (page 7 de ses écritures), alors même que la prévention de la délinquance et le renforcement du lien social “entre les publics les plus fragilisés et/ou rencontrant des difficultés d’insertion sociale et professionnelle” (selon statuts de l’AMS) n’entrent pas dans le cadre des activités définies par l’article 1.1 de la Convention collective nationale des acteurs du lien social et familial (activités d’accueil et d’animation de la vie sociale, d’interventions sociales et/ou culturelles concertées et novatrices et d’accueil de jeunes enfants, se caractérisant notamment par “leur caractère social et global”, “leur ouverture à l’ensemble de la population”).
Monsieur [A] verse également un document de “synthèse prospective emploi-compétences – acteurs du lien social et familial” (sa pièce 43) faisant état du financement en baisse et du renforcement subséquent du contrôle des collectivités locales, le concluant soulignant que l’évolution du rôle des associations actrices du lien social et familial est “sensiblement similaire à celui de l’AMS actuellement, soit celui d’une association parapublique d’intervention sociale” (page 8 de ses écritures). Une telle observation est inopérante à établir que l’activité de l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE correspondrait à celles entrant dans le champ d’application de la Convention collective nationale des acteurs du lien social et familial.
Monsieur [A] soutient enfin que seule la médiation de proximité des collèges est une activité de l’AMS ciblée sur un certain public (les collégiens), mais que les autres activités de médiation de l’Association, définies par secteur géographique, sont destinées à l’ensemble de la population des quartiers concernés et notamment que la médiation au sein du transport dans la ville de [Localité 4] concerne tous les types de transports et toutes les populations transportées.
Cependant, les activités de médiation exercées par l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE ont pour objet de prévenir la délinquance et de renforcer la cohésion sociale “entre les publics les plus fragilisés et/ou rencontrant des difficultés d’insertion sociale et professionnelle” selon les statuts de l’association.
S’agissant de l’activité des médiateurs transports, il ressort de l’extrait du site internet de l’AMS produit par le salarié que les actions de médiation ont pour objectif “d’insister avant tout sur la prévention des actes de délinquance et des incivilités qui perturbent l’activité (de transport) et nuisent au climat de tranquillité”, de même que, s’agissant de l’activité de médiation sur la bande littorale, l’action a “vocation à contribuer à la fois à la prévention et la sécurisation des risques liés à l’environnement et à la fréquentation des plages et du littoral marseillais”, n’étant pas discuté enfin que les médiateurs de proximité des collèges interviennent auprès d’un public ciblé.
Ainsi, les activités de médiation de l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE concernent, non l’ensemble de la population sur un territoire, mais une population ciblée (collégiens, publics fragilisés et/ou rencontrant des difficultés d’insertion sociale et professionnelle).
L’activité principale de l’AMS n’entre pas dans le champ d’application de la Convention collective nationale des acteurs du lien social et familial en ce que, d’une part, elle n’entre pas dans le cadre des activités définies par l’article 1.1 de la Convention collective nationale des acteurs du lien social et familial (activités d’accueil et d’animation de la vie sociale, d’interventions sociales et/ou culturelles concertées et novatrices et d’accueil de jeunes enfants) et, d’autre part, elle ne présente pas un “caractère social et global” et n’est pas ouverte “à l’ensemble de la population”, pas plus qu’elle ne se caractérise par sa finalité de “développement social participatif”, sa “vocation familiale et plurigénérationnelle”, par “l’implication de la population à l’élaboration et à la conduite des projets” ou son “organisation dans le cadre de l’animation globale”.
Cette analyse est confortée par la “Note de cadrage 2012 de la branche professionnelle des acteurs du lien social et familial -Observatoire Emploi Formation” (pièce 1 versée par l’AMS) dont il ressort que la branche professionnelle des acteurs du lien social et familial recouvre principalement des centres sociaux et socioculturels, des associations de développement social local (ADSL), des établissements d’accueil de jeunes enfants (EAJE), des fédérations de centres sociaux (FCSF) et des crèches parentales (ACEPP), sans que ne soient à aucun moment visées les associations de médiation.
En conséquence, la Cour confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de Monsieur [Z] [A] de voir juger applicable à la relation salariale la Convention collective nationale des acteurs du lien social et familial : centres sociaux et socioculturels, associations d’accueil de jeunes enfants, associations de développement social local du 4 juin 1983.
Les demandes de Monsieur [A] d’attribution du statut conventionnel Cadre (emploi-repère coordinateur, coefficient 614), de paiement d’un rappel de congés payés conventionnels, de paiement de dommages-intérêts au titre d’une non-application fautive de la convention collective des acteurs du lien social et familial et de délivrance de l’intégralité des bulletins de salaire rectifiés et des documents de fin de contrat rectifiés faisant apparaître l’application de la convention collective des acteurs du lien social et familial et la reclassification de l’emploi du salarié sont rejetées, étant liées à l’application non reconnue par la Cour de la convention collective nationale des acteurs du lien social et familial.
Sur les astreintes :
Monsieur [Z] [A] invoque les dispositions des articles L.3121-5, L.3121-7 et L.3121-8 du code du travail et fait valoir qu’il effectuait régulièrement des temps d’astreinte, comme mentionnés sur les plannings versés au débat. Il soutient que, si parfois les horaires d’astreinte correspondaient à des horaires de travail, il arrivait fréquemment que des astreintes lui soient imposées sur des jours de repos, des samedis ou encore au-delà de ses horaires de travail jusqu’à 20 heures ; qu’il est indéniable que son contrat de travail ne fait aucune référence à l’astreinte, à son mode de décompte ou encore à sa compensation ; qu’il ressort des plannings que les astreintes étaient assurées de 7 heures à 20 heures, pendant une semaine continue ; que le décompte du temps d’astreinte réalisé par Monsieur [A] pour l’année 2016 (effectué en tenant compte des seuls plannings versés aux débats) fait apparaître 179 heures hors temps de travail régulier ; que la Cour s’apercevra que le temps d’astreinte effectué par Monsieur [A] était sensiblement plus important (roulements d’astreintes s’opérant à 2 au lieu de 3 lors du congé pathologique et congé maternité de Mme [H] ; astreintes assurées seul par M. [A] alors que M. [O] était arrêté pour maladie du 13 au 27 octobre 2014) ; que la Cour prendra connaissance de l’attestation de Monsieur [W], directeur de l’UHU, témoignant des nombreuses interventions de Monsieur [A] au sein de l’UHU lors de ses horaires habituels de travail ; qu’en conséquence, l’employeur doit être condamné à lui verser la somme de 3253,26 euros à titre de rappel de compensation d’astreinte, ainsi que la somme de 19’519,56 euros à titre de dommages et intérêts pour astreintes non payées en 2014, 2015 et partiellement 2016.
L’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE réplique que Monsieur [A], recruté en qualité de chef de projet polyvalent, a mis en place le dispositif médiation-transport, avait sous son autorité des coordinateurs principaux et des médiateurs référents, à savoir cinq personnes, et organisait lui-même l’ensemble du dispositif qu’il critique aujourd’hui ; qu’il confond astreinte et permanence téléphonique ; qu’il ressort des pièces versées aux débats par Monsieur [A] qu’il s’agissait d’une permanence téléphonique en sa qualité de chef de projet, que Monsieur [A] était sur son lieu de travail, ce qui exclut donc toute astreinte ; que la permanence téléphonique était effectuée uniquement durant les heures de travail journalières, à savoir sur les 7 heures de plages horaires ; qu’il convient de préciser que Monsieur [A] utilisait le véhicule de société à des fins personnelles, pour rentrer à son domicile et pour aller faire ses courses ou toutes autres activités personnelles avec le véhicule de l’association ; que Monsieur [A] confond durée du travail et exécution de son contrat de travail et astreinte ; qu’il doit être purement et simplement débouté de ses demandes liées aux astreintes.
***
Il ressort du contrat de travail à durée déterminée du 5 septembre 2013, transformé en contrat à durée indéterminée par avenant du 5 février 2014 sans modification des dispositions contractuelles, que Monsieur [Z] [A] a été employé pour une durée hebdomadaire de travail de 35 heures, soit 151,67 heures mensuelles, étant précisé que « les horaires de travail seront répartis du lundi au dimanche, dans la limite de 5 jours par semaine et compris dans une plage horaire allant de 07h à 22h. Les dépassements d’horaires sont soumis à compensation selon les dispositions légales ».
Au vu des bulletins de salaire de Monsieur [A] que ce dernier verse de septembre 2013 à octobre 2016, il apparaît que le salarié a toujours été rémunéré au titre de 151.67 heures mensuelles de travail, sans mention du paiement d’heures supplémentaires ou de repos compensateurs. Il percevait en dernier lieu un salaire mensuel brut de base de 2756,91 euros au titre de 151.67 heures de travail.
Monsieur [A] produit des planning prévisionnels hebdomadaires sur la période du 4 janvier 2016 au 2 septembre 2016, ainsi qu’un tableau de décompte intitulé “Pointage mensuel [Z] [A]” de janvier 2016 à septembre 2016.
Dans le cadre du décompte établi par le salarié, il est mentionné des horaires d’arrivée et de départ pour chaque jour travaillé, outre des horaires d’astreinte selon planning, les heures travaillées et les heures d’astreinte effectuées au-delà des heures travaillées, jour par jour, et le total des heures travaillées chaque mois, outre une colonne avec des observations sur les missions exercées certains jours.
Monsieur [A] verse également l’attestation du 19 mars 2018 de Monsieur [X] [W], directeur de l’unité d’hébergement d’urgence (UHU) de [2]-Ville (à [Localité 4]), qui présente Monsieur [Z] [A] comme “appartenant à l’équipe dirigeante de l’association A.M.S. qui a répondu à l’appel d’offres lancé en 2015 par la Mairie de [Localité 4] et l’État pour prendre la gestion de l’Unité d’Hébergement de [2]-Ville de [Localité 4]. Nous avons travaillé à trois pour établir le dossier’ Monsieur [A] s’est chargé seul de toute la partie financière qui a été déterminante pour remporter cet appel d’offres.
A.M.S. a donc pris la gestion de l’UHU le 1er décembre 2015.
L’équipe dirigeante de cette structure étant trop faible, Monsieur [A] était détaché régulièrement à l’UHU pour s’occuper des finances ou de l’informatique.
Il a même remplacé le directeur (moi-même) pour assurer les entretiens individuels avec Mr [C] et recevoir tous les salariés de l’UHU (60 personnes).
Les fonctions à l’UHU étaient celles d’un cadre qui bénéficiait de la confiance du directeur. Il était apprécié sur la structure pour son intelligence des situations, sa rapidité d’exécution, et son management.
A l’issue de chacun de ses déplacements à l’UHU, il rendait compte aux dirigeants d’AMS de son intervention.
Quand je me déplaçais à la direction d’AMS, je rencontrais régulièrement le directeur général, le directeur Mr [C] et Monsieur [A].
Celui-ci dirigeait un secteur avec des collaborateurs qui semblaient l’apprécier pour son encouragement dynamique.
Au cours des réunions de direction, relatives à l’UHU, Monsieur [A] y était régulièrement présent et nous étions quatre’, a évoqué les problèmes de l’UHU et à prendre des décisions relatives à cette gestion.
Par ailleurs, cette direction à quatre personnes était présentée aux institutionnels : Mairie, État, Préfecture, comme l’organisation dirigeant l’AMS. Mr [A], à ces occasions, intervenait seul sur le plan financier, domaine de sa compétence, qui lui était dévolu ».
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Le témoignage ci-dessus de Monsieur [X] [W] n’établit pas que les interventions de Monsieur [Z] [A] au sein de l’UHU se seraient effectuées en dehors de ses horaires habituels de travail, comme prétendu par le salarié. Ainsi par exemple, le lundi 11 janvier 2016, il est mentionné dans le décompte “Pointage mensuel” un “départ direct UHU” avec des horaires travaillés de 8h54 à 16h30, sans que ne soient mentionnées des heures de travail effectuées en dehors de ces horaires, étant observé de surcroît que le salarié a indiqué dans son décompte un horaire total journalier de 7h45 alors que l’amplitude horaire est de 7h36, sans déduction du temps de pause-repas. De même, par exemple, le jeudi 28 janvier 2016, il est mentionné dans le décompte un “départ direct UHU” avec des horaires travaillés de 9h08 à 17h24, sans que ne soient mentionnées des heures de travail effectuées en dehors de ces horaires (décompte horaire total journalier de 8h26 alors que l’amplitude horaire est de 8h16, sans déduction du temps de pause-repas).
Il ressort des plannings produits aux débats que les seuls horaires de travail de Monsieur [Z] [A] inscrits correspondent aux heures de permanence (par exemple le vendredi 8 janvier 2016 de 13 à 20 heures, le mardi 3 février 2016 de 10 à 13 heures, le mercredi 10 février 2016 de 13 à 20 heures, le jeudi 12 février 2016 de 13 à 20 heures, etc.), représentant au maximum 7 heures par jour, sans que le total des heures de permanence dépasse l’horaire de 151.67 heures mensuelles.
Si Monsieur [A] soutient qu’il a exécuté des heures de travail en dehors de ses heures de permanence, il ne verse toutefois aucun élément probant susceptible d’établir la réalité des heures de travail mentionnées sur son décompte (“Planning mensuel”). De surcroît, il a été vu ci-dessus que des erreurs existaient dans ce décompte quant au calcul journalier des heures travaillées et que par ailleurs, le salarié calcule le temps de travail sur la journée selon les heures d’arrivée et de départ, sans déduction d’aucune pause déjeuner.
Il s’ensuit que le calcul retenu par le salarié de ses heures dites d’ “astreintes” (heures de permanence) effectuées au-delà des heures travaillées est inexact.
Les éléments ainsi produits par l’appelant ne démontrent pas que celui-ci aurait effectué des heures de permanence au-delà de 151.67 heures mensuelles de travail.
En conséquence, la Cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [Z] [A] de sa demande en paiement de rappel de salaire à titre de compensation d’astreinte et de dommages-intérêts pour astreintes non payées.
Sur le travail dissimulé :
Monsieur [Z] [A] soutient que l’employeur n’a fait aucune référence aux temps d’astreinte sur ses bulletins de salaire ; qu’au cours de ses astreintes, il lui arrivait fréquemment de devoir intervenir sur place et ce, en dehors de ses temps de travail habituels ; que l’employeur en avait parfaitement connaissance puisque le véhicule de fonction de Monsieur [A] était équipé d’une géolocalisation (pièce 32 – relevé de géolocalisation du 1er août 2016 au 16 septembre 2016) et que l’employeur doit être condamné à lui verser la somme de 16’541,46 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé.
L’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE soutient que Monsieur [A] a effectué des permanences téléphoniques uniquement durant ses heures de travail journalières ; qu’il ressort du relevé de géolocalisation versé par Monsieur [A] que celui-ci utilisait le véhicule de société à des fins personnelles ; qu’il doit être débouté de sa demande au titre du travail dissimulé.
Alors que Monsieur [A] a été débouté ci-dessus de ses demandes de rappel de salaire à titre de compensation d’astreintes et de dommages-intérêts pour astreintes non payées, il n’est pas établi que l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE aurait dissimulé volontairement une partie de l’emploi salarié de Monsieur [A].
En conséquence, la Cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [Z] [A] de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé.
Sur le licenciement :
L’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE soutient que la liberté d’expression autorise le salarié à émettre des critiques mais pas à dénigrer l’employeur, que la liberté d’expression doit être exempte d’abus, lequel peut résulter de la fausseté des informations exprimées, de l’excès ou de l’injure des termes employés ; qu’il résulte d’un arrêt de la Cour de Cassation rendu le 9 juillet 2014 opposant l’Association de Médiation Sociale à l’Union Locale des Syndicats CGT, à l’Union Départementale CGT ainsi qu’à la Confédération Générale du travail que l’AMS ne devait pas organiser les élections professionnelles en considération d’un effectif temps plein inférieur à 11 ; que l’argumentation de Monsieur [A] est donc sans aucun fondement juridique ; qu’à ce jour, l’Association ayant dépassé le seuil de 11 a donc procédé à l’élection de délégués du personnel ; que Monsieur [A] fait dire au représentant de l’Association des faits qui n’ont jamais été tenus dans le document intitulé “Objection à refus de négociation DIR” ; qu’il est constant que les propos et les écrits de Monsieur [A] revêtent un caractère tant diffamatoire qu’excessif, notamment en sa qualité de chef de projets et donc en sa qualité de responsable ; que l’Association est exclusivement financée par le biais d’un financement provenant de l’État et des diverses collectivités territoriales et, si le montant global n’est pas dépensé, il est procédé à une restitution des fonds au Trésor Public ; qu’en effet, une association ne peut absolument pas réaliser de bénéfices ; que le seul objectif de Monsieur [A] en diffusant cette note était de déstabiliser la direction et que le licenciement pour faute grave du salarié est justifié.
Monsieur [Z] [A] soutient que dans le cadre de négociations sur une revalorisation salariale et une augmentation de la transparence au sein de l’Association, la direction avait accordé aux salariés une réunion, initialement prévue le 19 septembre 2016 et repoussée au 22 septembre 2016 ; que les 3 coordinateurs du dispositif médiation transports confirmaient leur présence à cette réunion (courriel du 16 septembre 2016) ; qu’aux fins de préparer une telle rencontre, les salariés rédigeaient un document intitulé “objection à refus de négociation DIR” et ce, pour s’accorder sur les arguments qu’ils allaient devoir porter devant le refus de la direction de négocier ; que la Cour notera que Monsieur [A] a été mis à pied à titre conservatoire le jour où, à l’image des autres salariés, il confirmait sa présence à la nouvelle date de réunion fixée par l’employeur ; qu’il est manifeste que cette mise à pied avait pour objet d’empêcher Monsieur [A] de participer à la réunion, ce qui constitue une atteinte caractérisée à la liberté d’expression du salarié ; que l’employeur ne démontre aucunement que Monsieur [A] est l’unique auteur de ce document, qui ne contient aucun terme injurieux, diffamant ou excessif ; que la rédaction et la diffusion de ce document s’inscrivaient dans le cadre légitime du droit à l’expression collective des salariés ; que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
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L’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE produit le document intitulé “Objections à refus de négociation DIR” dont la diffusion auprès de salariés de l’Association par Monsieur [A] est reprochée à ce dernier dans la lettre de licenciement. Ce document est ainsi rédigé :
« Objection DIR :
« L’association se porte mal financièrement », « Les résultats ne sont pas suffisants », « On est à peine à l’équilibre », « On est en déficit »
Réponse :
Les comptes des associations subventionnées sont publics et consultables en Mairie, c’est un droit de citoyen. Les comptes des Associations percevant plus de 153.000 € de Subventions sont publics et consultables sur le Journal Officiel (Décret mai 2009)
Année Excédent Officiel 31/12/N
2012 250.000
2013 113.000
2014 120.000
2015 650.000 (non 100 % vérifié)
En Fonds Propres, les Fonds Associatifs sans droits de reprise sont de 1.172.804 € au 31/12/2015
Au 31/12/2016, ils s’élèveront à plus de 1.700.000 € … (moins de 500.000 € d’immobilisation corporelles donc entre 800.000 et 1.200.000 de disponibilité et d’encours de créance).
Objectif DIR :
« L’Avenir de l’Association est difficile » ; « L’association est en péril on va perdre les collèges » ; « L’association est en péril on peut perdre MPM ».
Réponse :
Les dispositifs opérationnels Collège et Transport sont très efficaces, très appréciés sur le terrain. Les attaques des institutionnels portent sur la Direction. Ce sont des attaques personnelles et pas une remise en cause de la qualité du travail.
Vous dites que l’avenir est noir, pourtant vous vous êtes vu accordé des primes importantes et des salaires élevés quii alourdissent les frais de structure. Et si l’avenir est noir, pourquoi de rémunérer aussi fortement.
Conclusion : les opérationnels font du bon boulot et n’ont rien depuis des années. La DIR est attaquée personnellement et met en péril l’association mais est grassement payée et de plus en plus malgré l’avenir noir ….
Objection DIR :
« On peut pas augmenter autant les salaires », « Il faut être raisonnable », « On ne gagne pas beaucoup », « On a pas été augmenté ».
Réponse :
Au fil des années, la DIR s’est vue accordée des niveaux de salaires dans une progression qui n’est pas celle des autres CDI. Inégalité déraisonnable des traitements :
– Salaire DG : 6.000 €. Augmentation en 10 ans de 200 % quand les coordinateurs ont augmenté de 23 %
– Salaire DGA : 5.500 € net -> 2,60 x plus qu’un Chef de Projet ; 3,4 x plus qu’un Coordinateur Principal
– Responsable Accueil : autant (données 2014) voire plus (augmentation 2015 ”’) qu’un CDP !!
500 € minimum de plus qu’un Coordinateur pour moins de responsabilité, moins de fonctions et aucun management.
Objection DIR :
« On ne peut pas verser de primes aussi importantes », « On ne fait pas de prime au résultat »
La Direction s’attribue chaque année une prime de résultat. Avec intitulé sans équivoque « Prime de Résultat »
En 2014 : 4.200 € Brut DG et 3.600 € Brut DGA
2015 plus …. (bluff) … -> perte de confiance, demande de transparence avec diffusion des Bruts Annuels Cumulés
« On est une association on ne peut pas verser un % sur excédent »
Faux, rien n’empêche de fixer des critères objectifs de prime de résultat, même en association. Et si ce n’est pas un %, ça peut-être Un mois de Salaire fixe si 50.000 € d’excédent atteint par exemple.
Et si la DIR a des « Primes de Résultats » c’est que c’est possible.
Objection DIR :
« On ne peut pas participer plus à la mutuelle », « 6 € c’est la cotisation légale »
Réponse :
Prise en charge Directeur Adjoint = 1.700 € / an (données comptables publiées Journal Officiel)
… autre encadrement CDl = 72 € / an …
Objection DIR sur le thème de la « Transparence »
« on n’a pas à communiquer sur nos salaires »,
Réponse :
Dans une structure associative avec aussi peu de permanents le climat de confiance affichée par la Direction est essentiel au bon fonctionnement. Déclarer au fil des ans, que les résultats sont « limites » voire que l’on est en « déficit ». Promettre des avancées tout en gelant salaires et primes au nom de la rigueur budgétaire se comprend tout à fait si la règle s’impose à tous.
Or les résultats sont excellents, la DIR a augmenté son salaire dans des proportions Hors Normes, la DIR se voit attriber des primes de résultat très importantes pour seulement 3 personnes a rompu totalement le lien de confiance prôné par cette DIR.
« Les salariés n’assistent pas aux AG »
Faux. II est tout à fait possible légalement à une structure associative d’inviter ses salariés aux AG. C’est un acte de transparence et de saine gestion
Objection DIR :
« ”” autre ””” », « ”” autre ””” »,
Réponse :
« ”” autre ”” ».
Il convient d’observer que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, fait grief à Monsieur [Z] [A] d’avoir tenu dans ce document intitulé “Objections à refus de négociation DIR” des propos inexacts (avoir fait tenir à la direction des propos qui n’ont pas été tenus) et d’avoir tenu des propos dénigrants, accusatoires envers la Direction, alors qu’il résulte de l’attestation du 29 septembre 2016 de Madame [F] [K], assistante SAV et Formation, ayant assisté Monsieur [Z] [A] à l’entretien préalable du 29 septembre 2016, que « les faits reprochés à l’employé par M. [R] et M. [N] (président de l’association) (sont) : obtention illégale et diffusion des documents comportant des informations confidentielles de l’association à tous les salariés en CDI ; et tenue d’une réunion non officielle avec les salariés sans autorisation de la direction’ », Monsieur [A] ayant répliqué « que les documents soulignés par M. [N] sont des informations publiques accessibles à tout le monde. Concernant la réunion illégale, M. [A] dit que c’était juste un regroupement de collègues pendant leur pause sans aucune obligation » (pièce 6 versée par M. [A]).
En tout état, il n’est pas reproché à Monsieur [A], dans la lettre de rupture, d’avoir obtenu illégalement et diffusé des documents comportant des informations confidentielles de l’Association, mais d’avoir tenu des propos faux, dénigrants et accusatoires envers la direction de l’Association.
Aux fins de justifier la faute grave, l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE produit les attestations de Messieurs [I] [U], [J] [S] [O], [L] [E] et [V] [D], respectivement chef de projet, coordinateur social principal et coordinateurs au sein de l’AMS, qui certifient que Monsieur [Z] [A] leur a remis le document “concernant la procédure questions/réponses”.
Ces seuls éléments ne justifient pas que Monsieur [A] aurait fait “tenir à la direction des propos qui n’ont pas été tenus” dans le document cité ci-dessus ou qu’il aurait organisé des réunions avec des salariés “en affirmant des choses fausses”.
Il ressort du document intitulé “Objections à refus de négociation DIR” que Monsieur [Z] [A] évoque les comptes de l’association excédentaires et les augmentations de salaires et primes perçues par la Direction (notamment les DG et DGA), informations dont il n’est pas établi par l’AMS qu’elles seraient fausses. De même, il n’est pas démontré que les informations transmises dans ce document sur la participation de l’employeur à la mutuelle seraient inexactes.
A défaut de justifier que les propos tenus par le salarié seraient faux et constitueraient des accusations “visant directement la Direction” et alors que ces propos ne présentent pas de caractère dénigrant et s’inscrivent dans le cadre d’une réunion prévue entre des salariés et la direction générale de l’Association le 19 septembre 2016, reportée par la direction le jeudi 22 septembre 2016 à 15 heures, avec pour objet : “Échanges autour des questions d’organisation de l’Association, du statut des salariés et des rémunérations” (courriel du 16 septembre 2016 du “Dispositif Médiation Transport AMS” annonçant la présence à cette réunion de [Z] [A], [T] [H] et [J]-[S] [O] – pièce 36 versée par le salarié), étant précisé que Monsieur [A] a été mis à pied à titre conservatoire le 17 septembre 2016, il n’est pas démontré que le salarié aurait abusé de sa liberté d’expression au sein de l’entreprise. Il n’est pas plus établi que Monsieur [A] aurait organisé des réunions avec des salariés “en affirmant des choses fausses”, ni qu’il aurait abusé de son autorité en sa qualité de chef de projet, ni que les agissements de Monsieur [A] auraient “eu pour effet de déstabiliser la Direction vis-à-vis des salariés”.
En conséquence, la Cour confirme le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de Monsieur [Z] [A] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Alors que Monsieur [A] a vu sa demande de reclassification conventionnelle de son emploi rejetée, la Cour confirme le jugement en ce qu’il lui a accordé, sur la base d’un salaire mensuel brut de 2756,91 euros, la somme brute de 5513,82 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire, la somme brute de 551,38 euros de congés payés sur préavis et la somme nette de 2242,33 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement, pour 3 ans et 3 mois d’ancienneté selon le calcul retenu par le Conseil et non discuté par les parties. Il y a lieu également de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué à Monsieur [Z] [A] la somme brute de 1654,11 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire et la somme brute de 165,41 euros au titre des congés payés y afférents.
Monsieur [Z] [A] produit des relevés de Pôle emploi sur la période d’octobre 2016 à février 2017 (allocation de formation de reclassement à partir du 9 janvier 2017), un relevé de Pôle emploi du 3 novembre 2017 attestant des indemnités de chômage versées du 1er décembre 2016 au 3 novembre 2017, un relevé de sa banque relatif à son crédit immobilier (mensualités de 428,74 euros) et un état de frais de scolarité concernant ses trois enfants (909 euros sur le premier trimestre 2017).
Il ne verse pas d’élément sur l’évolution de sa situation professionnelle postérieurement au mois d’octobre 2017, ni sur ses ressources.
En considération des éléments versés sur son préjudice, de l’ancienneté de 3 ans dans l’entreprise dont il n’est pas démontré qu’elle occupait moins de 11 salariés à la date de notification du licenciement de Monsieur [A], la Cour réforme le jugement et accorde à Monsieur [Z] [A] la somme de 19’000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Monsieur [Z] [A] sollicite également des dommages-intérêts pour rupture vexatoire, invoquant avoir été licencié pour avoir fait un usage pourtant légitime de son droit à l’expression. Il ne verse toutefois aucun élément susceptible de démontrer l’existence et l’étendue de son préjudice moral.
Par conséquent, la Cour déboute Monsieur [A] de sa demande d’indemnisation au titre d’un préjudice moral, par confirmation du jugement entrepris.
Sur la remise des documents sociaux :
Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la remise par l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE d’un bulletin de paie récapitulatif et d’une attestation Pôle emploi rectifiée, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
Il n’y a pas lieu d’ordonner la délivrance d’un certificat de travail modifié, en l’absence de modification de la classification de l’emploi du salarié et des dates d’emploi, ni d’un reçu pour solde de tout compte rectifié, le présent arrêt valant inventaire des sommes versées au salarié à l’occasion de la rupture de son contrat de travail.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf sur le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau sur le point réformé et y ajoutant,
Condamne l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE à payer à Monsieur [Z] [A] la somme de 19’000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Ordonne la remise par l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE d’un bulletin de paie récapitulatif et de l’attestation Pôle emploi rectifiée, en conformité avec le présent arrêt,
Dit que les sommes allouées de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter de la citation devant le bureau de conciliation, soit à compter du 23 mai 2017, avec capitalisation des intérêts échus et dus pour plus d’une année à compter de la citation,
Dit que les sommes allouées de nature indemnitaire produiront des intérêts au taux légal à compter du jugement pour les montants confirmés et à compter du présent arrêt pour les montants excédentaires,
Condamne l’ASSOCIATION MEDIATION SOCIALE aux dépens et à payer à Monsieur [Z] [A] 2000 euros supplémentaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette tout autre prétention.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction