Données confidentielles : 9 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/08307

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Données confidentielles : 9 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/08307
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 09 FEVRIER 2023

(n° 2023/ , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/08307 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCY6F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/01320

APPELANT

Monsieur [N] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Sophie LECRUBIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1644

INTIMEE

ASSOCIATION DE GESTION DES INTERETS DES LIBERAUX A GIL

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Thomas HOLLANDE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 novembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 12 septembre 2011, l’association de gestion des intérêts des libéraux (ci-après l’AGIL ou l’association) a embauché M. [N] [I] en qualité d’assistant comptable, statut employé, moyennant un salaire mensuel brut de 2 400 euros pour un horaire mensuel de 151,67 heures.

Par avenant à ce contrat en date du 1er juillet 2012, la durée de travail de M. [I] a été fixée à 28 heures par semaine moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 080 euros.

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er juillet 2012, M. [I] a été embauché par la SELARL d’expertise-comptable [Z] Associés ‘ ci-après la société) en qualité d’assistant comptable, coefficient 260, pour une durée de 7 heures par semaine, moyennant une rémunération mensuelle brute de 520 euros. Il est encore stipulé que la durée de travail de M. [I] pourra varier entre 5 et 45 heures par semaine afin de faire face aux fluctuations d’activité de l’entreprise car celle-ci connaît une alternance de périodes de forte et faible activité.

L’association et la société étaient représentées par M. [S] [Z] lors de la signature de ces contrats de travail et ont l’une et l’autre leur siège à la même adresse [Adresse 3] à [Localité 4].

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale des cabinets d’experts comptables et de commissaires aux comptes et l’association employait au moins onze salariés lors de la relation de travail.

Par lettre remise en main propre contre décharge le 26 juin 2018 mais datée du 28 juin 2018, l’association AGIL a convoqué M. [I] à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement le 6 juillet 2018.

Par lettre remise en main propre contre décharge le 28 juin 2018, la société [Z] Associés a convoqué M. [I] à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé le 6 juillet 2018.

Par lettre recommandée datée du 10 juillet 2018, l’association a notifié à M. [I] un avertissement pour insubordination manifeste.

Par lettre recommandée datée du 10 juillet 2018, la société a notifié à M. [I] un avertissement pour insubordination manifeste.

Par lettres du 30 juillet 2018, M. [I] a contesté ces avertissements.

Par lettres recommandées du 29 août suivant, l’association et la société ont maintenu les avertissements.

Toujours par lettre du 30 juillet 2018, M. [I] avait réclamé à l’association une « régularisation des heures complémentaires, jours fériés et congés due à l’ancienneté », ce à quoi l’association a répondu, par lettre recommandée du 29 août suivant, qu’une erreur d’imputation avait été commise et qu’elle serait rectifiée sur le bulletin de paie du mois de septembre avec versement d’une somme de 145,05 euros au titre du 1er mai 2016 et de 126,90 euros au titre du 1er mai 2017.

Egalement par lettre du 30 juillet 2018, M. [I] avait réclamé à la société un rappel de prime d’ancienneté, ce à quoi la société a répondu, par lettre recommandée du 29 août suivant, qu’une erreur d’imputation avait été commise lors du règlement de cette prime, que cette erreur serait rectifiée en septembre avec le versement des sommes suivantes : 26,28 euros pour les mois d’août à décembre 2015, 63,40 euros pour 2016 et 63,78 euros pour 2017.

Le 14 février 2019, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris aux fins de voir prononcer la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein et en solliciter la résiliation judiciaire.

Par lettre remise en main propre contre décharge, l’association a convoqué M. [I] à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé le 6 mars 2019.

Par lettre recommandée du 12 mars 2019, l’association a notifié à M. [I] un avertissement.

Par lettre recommandée du 3 juin 2019, l’association a convoqué M. [I] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 13 juin 2019, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée du 25 juin 2019, l’association a notifié à M. [I] son licenciement pour faute grave.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 14 octobre 2019.

Par jugement du 7 octobre 2020 auquel il est renvoyé pour l’exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Paris a :

– prononcé la jonction de l’affaire portant RG n°19/09145 avec l’affaire portant RG n°19/01320 ;

– dit la pièce 30 recevable ;

– débouté M. [I] de l’ensemble de ses demandes ;

– débouté l’association de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– laissé les dépens à la charge de M. [I].

Par déclaration du 4 décembre 2020, M. [I] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 mars 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [I] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes ;

statuant à nouveau,

– prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l’association ;

– subsidiairement, juger le licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

en conséquence,

– condamner l’association à lui verser les sommes suivantes :

* 1870,02 euros au titre des rappels de salaire sur la période de mise à pied à titre conservatoire (du 5 juin au 25 juin 2019),

* 187 euros au titre des congés payés afférents,

* 5 500 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 550 euros au titre des congés payés afférents,

* 5442,70 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 22 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein ;

en conséquence,

– condamner l’association à lui verser les sommes suivantes :

* 3 300 euros au titre de rappels de salaire sur la période de juillet 2018 à janvier 2019,

* 330 euros au titre des congés payés y afférents,

– condamner l’association à lui verser la somme de 16 500 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l’article L. 8223-1 du code du travail ;

– condamner l’association à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner l’association aux dépens ;

– ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil.

Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée transmises par voie électronique le 1er juin 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, l’association demande à la cour de :

– dire et juger que la pièce adverse n°30 est irrecevable ;

à titre principal,

– débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes ;

à titre subsidiaire,

– ramener l’indemnisation de M. [I] au titre de la résiliation judiciaire à des proportions légales plus justes ;

– ramener l’indemnisation de M. [I] au titre du licenciement à des proportions plus justes ;

en tout état de cause,

– débouter M. [I] de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [I] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 octobre 2022.

MOTIVATION

Sur la pièce n° 30

A l’appui de sa demande de rejet de la pièce n°30 produite par M. [I], l’association soutient que le salarié a obtenu des informations confidentielles présentes sur un fichier répertoriant des informations relatives aux clients de la société adhérents de l’association alors qu’il n’avait pas accès à ce fichier dans le cadre de ses fonctions et que ce fichier n’était accessible que depuis l’ordinateur de M. [S] [Z] à l’aide du logiciel « Gestion Dossiers Compta » et que l’accès au bureau de M. [Z] était interdit ; qu’au surplus, M. [I] ne démontre pas en quoi ces informations sont indispensables pour sa défense. L’association fait valoir qu’aux termes de la jurisprudence de la Cour de cassation, un salarié ne peut produire en justice que des documents dont il a eu loyalement connaissance dans l’exercice de ses fonctions ; qu’un document obtenu de manière déloyale ou illicite n’est admissible que si le salarié en a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et que ce document est strictement nécessaire à l’exercice des droits de sa défense ; qu’en l’occurrence, M. [I] échoue à rapporter à cette preuve.

Ce à quoi M. [I] réplique qu’il a effectivement pris en photo, le 21 décembre 2018, la dernière page de la liste des clients traités par lui pour la société afin de prouver qu’au regard du nombre de dossiers traités par ses soins, il n’avait pas pu travailler pour l’association de 2016 à juillet 2018. M. [I] fait valoir que la Cour de cassation admet que la production en justice de documents appartenant à l’entreprise dont le salarié a eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, même s’il n’en a pas été personnellement destinataire, ne constitue pas un vol dès lors que leur production dans une procédure prud’homale est nécessaire à l’exercice des droits de sa défense. M. [I] fait encore valoir qu’il a été sommé par l’association de produire la liste de ses clients « AGIL » le 29 août 2018 alors que l’association savait qu’il n’avait pas travaillé pour elle depuis deux ans et que le document pris en photo était la seule manière d’établir qu’il avait travaillé pour la société et justifier du nombre de dossiers traités pour elle. M. [I] fait enfin valoir que l’huissier de justice a constaté qu’il n’y avait pas d’affichette placée à l’entrée du bureau de M. [Z] et qu’aucun code d’accès n’était requis pour accéder à son ordinateur.

Lorsque cela est strictement nécessaire à l’exercice des droits de sa défense, un salarié peut produire en justice des documents dont il a eu connaissance à l’occasion de ses fonctions.

En l’espèce, la pièce n°30 litigieuse consiste en trois captures d’écran d’ordinateur dont aucune des parties ne conteste qu’elles sont issues du logiciel Gestion Dossiers Compta. En effet, M. [I] admet qu’il a réalisé ces captures d’écran à partir de l’ordinateur de M. [Z] après être entré dans le bureau de celui-ci mais fait valoir qu’il avait besoin des informations contenues dans ces captures d’écran pour l’exercice des droits de sa défense dans le présent litige en ce qu’elles établissent le nombre de dossiers qu’il avait traités en 2015, 2016, 2017 et 2018 pour la société démontrant par là-même, selon lui, qu’il n’avait pas pu travailler pour l’association au cours de cette même période.

Aux termes du procès-verbal de constat établi par huissier de justice le 13 juin 2019, les captures d’écran litigieuses ont été réalisées le 21 décembre 2018 à partir de l’ordinateur de M. [Z] accessible sans utilisation d’un mot de passe. Par ailleurs, la circonstance selon laquelle l’accès au bureau de M. [Z] était interdit aux salariés en son absence – qu’elle soit matérialisée ou non par une affiche sur la porte – n’est pas de nature à priver le salarié du droit de se prévaloir desdites copies d’écran dès lors qu’il établit que celles-ci sont nécessaires à l’exercice des droits de sa défense.

Or, M. [I] a nécessairement eu connaissance du logiciel « Gestion Dossiers Compta » à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, quand bien même il n’y avait pas accès depuis l’ordinateur mis à sa disposition, et son contenu, tel qu’il est présenté par le salarié et non utilement contredit par l’association, apparaît nécessaire à l’exercice des droits de sa défense.

Partant, la demande tendant à voir écarter la pièce n°30 de M. [I] sera rejetée et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

Sur l’exécution du contrat de travail

* sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et le rappel de rémunération

Suivant l’article L. 3123-14 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de l’avenant, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L’article L. 3123-17 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de l’avenant dispose :

Le nombre d’heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d’une même semaine ou d’un même mois ou sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 3122-2 ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat calculée, le cas échéant, sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L.3122-2.

Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.

L’action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet est une action en paiement du salaire qui se prescrit par trois ans.

M. [I] soutient que, pour la période non prescrite de février 2016 à juillet 2018, l’association ne lui a fourni aucun travail mais qu’elle a continué à le rémunérer pour le travail effectué au sein de la société; que, cependant, à compter du mois de juillet 2018, date de sa réclamation notamment au titre des heures complémentaires, l’association lui a fourni du travail et qu’il a alors effectué un temps complet sans qu’aucun avenant n’ait été signé ; qu’il n’a plus exercé ses fonctions au sein de la société à compter de juillet 2018. M. [I] soutient également que la présomption de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein en raison de l’absence d’écrit ou des mentions sur la durée du travail ou sur sa répartition peut être renversée par l’employeur en apportant la preuve contraire. Il fait ainsi valoir qu’il appartient à l’association de rapporter la preuve de la durée exacte de travail convenue avec lui et de ce qu’il était en mesure de prévoir son rythme de travail sans avoir à se tenir constamment à la disposition de l’employeur et qu’en l’occurrence, l’association échoue à rapporter cette preuve.

Ce à quoi l’association réplique qu’il appartient à M. [I], en application de l’article L. 3171-4 du code du travail, de produire des éléments de nature à démontrer la réalité des heures complémentaires alléguées et qu’en l’occurrence, M. [I] n’apporte aucun élément. L’association fait valoir que M. [I] exerçait ses fonctions dans les deux structures pour une durée cumulée de 35 heures par semaine et que ses heures lui ont toujours été rémunérées. Elle fait également valoir, en se référant à des courriels de M. [Z] de février et avril 2019, que l’organisation du travail était très claire tout comme l’interdiction faite à M. [I] de réaliser des heures complémentaires sans l’accord de l’employeur. Elle fait enfin valoir qu’il est contradictoire de solliciter à la fois la requalification du contrat de travail qui le lie à l’association et celle du contrat de travail qui le lie à la société.

En l’espèce, l’examen de l’avenant révèle que l’association n’a pas respecté les prescriptions édictées à l’article L. 3123-14 du code du travail, notamment celles relatives à la répartition de la durée du travail. Dès lors, il existe une présomption de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein qu’il appartient à l’employeur de renverser, le cas échéant, en apportant la preuve contraire. Or, l’association ne rapporte pas la preuve d’avoir complété l’avenant n°1 par un autre avenant indiquant la répartition des heures de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition pouvait intervenir ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée lui étaient communiqués par écrit et les limites dans lesquelles pouvaient être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

Partant, le contrat de travail liant M. [I] à l’association sera requalifié en contrat de travail à temps plein. Il importe peu qu’un autre contrat de travail à temps partiel liant M. [I] à la société soit susceptible d’être requalifié également en contrat de travail à temps plein puisqu’une telle situation ne serait que le résultat de la sanction légalement prévue – quel que soit le nombre de contrats de travail ‘ lorsque l’employeur ne renverse pas la présomption.

Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l’espèce qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. [I] produit un décompte intitulé « retour chez Agil » pour les semaines 28 à 52 de l’année 2018 faisant apparaître un nombre de jours de travail par semaine, un nombre d’heures de travail effectuées dont le nombre d’heures complémentaires en distinguant celles soumises à une majoration de 10% et celles soumises à une majoration de 25% pour un montant total de 3 136,75 euros. Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées concernant la période de juillet à décembre 2018 pour permettre à l’association de produire ses propres éléments.

Or, l’association ne produit aucun élément.

Partant, la cour retient l’existence d’heures de travail complémentaires n’ayant pas été rémunérées et fixe les créances salariales de M. [I] à la somme de 3 136,65 euros au titre du rappel de rémunération et à la somme de 313,66 euros au titre des congés payés afférents.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

sur le travail dissimulé

Selon l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article L. 8223-1 du code du travail prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

M. [I] soutient que la dissimulation du nombre d’heures est caractérisée car la prétendue articulation des deux temps partiels entre les deux entités juridiques permettait de contourner la réglementation relative aux majorations dues au titre des heures complémentaires au préjudice du salarié et que des primes correspondaient pour partie aux heures complémentaires effectuées.

Ce à quoi l’association réplique que la demande suppose que la cour ait accueilli au préalable la demande au titre des heures complémentaires et souligne qu’en tout état de cause, le caractère intentionnel de la dissimulation n’est pas caractérisé ; qu’il s’agit, tout au plus, d’une erreur d’imputation des sommes par les deux employeurs et non d’une volonté de dissimuler des heures de travail.

En l’espèce, la cour a retenu des heures complémentaires sur plusieurs mois au titre du rappel de rémunération réclamé. De plus, comme la cour le retiendra ensuite, l’association n’a pas rempli son obligation de fournir un travail à M. [I] à hauteur de 28 heures par semaine entre 2015 et juillet 2018, alors que les bulletins de paie de M [I] établis par l’association pour les mois de juin 2016 et juin 2017 mentionnent des primes supérieures au salaire de base. Ces éléments, auxquels s’ajoute une confusion entretenue entre les heures de travail prévues au titre de chacun des contrats de travail – les deux employeurs ayant le même représentant légal et utilisant une pointeuse commune dans les mêmes locaux ‘ sont suffisants pour caractériser l’intention de se soustraire intentionnellement aux obligations rappelées au 2° de l’article L. 8221-5 du code du travail.

Eu égard aux bulletins de salaire produits et au rappel de rémunération accordé par la cour, l’association sera donc condamnée à payer à M. [I] la somme de 16 500 euros et la décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

* sur la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur

A l’appui de sa demande en résiliation judiciaire, M. [I] invoque trois griefs :

* l’absence de fourniture de travail pendant plusieurs années, de 2015 à juillet 2018 ;

* la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein à compter de juillet 2018 ;

* le travail dissimulé.

Ce à quoi l’association réplique que M. [I] ne démontre aucun des griefs allégués et qu’en tout état de cause, il ne rapporte pas la preuve de leur persistance à la date de l’audience.

Le salarié peut demander la résiliation de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations. Il lui appartient de rapporter la preuve des faits, manquements ou agissements d’une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail invoqués. Le juge apprécie si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat. Le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour apprécier la gravité des manquements reprochés à l’employeur, le juge prend en compte l’ensemble des événements survenus jusqu’à l’audience ou jusqu’à la rupture du contrat de travail si celle-ci est antérieure.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; c’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur ; la date de la rupture est fixée à la date d’envoi de la lettre de licenciement.

Tout d’abord, la cour considère que le grief tiré de la requalification du contrat de travail renvoie au non-respect par l’employeur de ses obligations au titre du temps partiel à commencer par celle relative à la répartition du temps de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Or, il ressort des développements qui précèdent que l’avenant au contrat de travail ne comportait pas toutes les mentions requises par l’article L. 3123-14 du code du travail, que M. [I] ne s’est pas vu notifier avant le 21 avril 2019 une répartition de ses tâches hebdomadaires entre celles accomplies pour l’association et celles accomplies pour la société et que la cour a retenu l’existence d’heures complémentaires régulières. La cour observe d’ailleurs que le courriel du 21 avril 2019 de M. [Z] sur la répartition est postérieur à la première saisine du conseil de prud’hommes par M. [I], le 14 février 2019 aux termes de laquelle il demandait la requalification de son contrat de travail et sa résiliation judiciaire. Quant au courrier daté du 26 février 2019 dont se prévaut l’association, la cour relève qu’il est à en-tête de la société et non de l’association et que son contenu se rapporte au contrat de travail passé avec la société. Le grief tiré du non-respect par l’employeur de ses obligations au titre du temps partiel est donc caractérisé.

S’agissant du grief tiré de l’absence de fourniture de travail entre 2015 et juillet 2018, M. [I] produit l’état des « ECV » (examens de concordance, de cohérence et de vraisemblance que les associations agréées sont seules à réaliser, aux dires de l’association) pour les années 2016, 2017 et 2018. Il en ressort que ces « ECV » ont été ouverts par M. [I] à compter seulement de juillet 2018 alors qu’il s’agit de l’une des tâches principales accomplies par l’association. La circonstance selon laquelle d’autres salariés de l’association n’ont pas non plus réalisé de tels « ECV » n’est pas concluante dans la mesure où la situation contractuelle de ces autres salariés n’est pas connue.

M. [I] verse également aux débats une attestation de M. [T] [H] qui était salarié de l’association et de la société dans les mêmes termes contractuels que M. [I] et qui déclare qu’entre juillet 2012 et novembre 2015, date à laquelle il a quitté « l’entreprise », il avait essentiellement travaillé pour la société et de très rares fois pour l’association. La situation décrite par M. [I] est donc concordante avec celle relatée par M. [H] quand bien même les périodes de temps sont distinctes.

Enfin, M. [I] se prévaut des copies écran qu’il a réalisées sur le logiciel accessible depuis l’ordinateur de M. [Z]. En dessous de chacune d’elles, M. [I] a fait figurer le nombre de dossiers qu’il dit avoir traité pour la société en 2015, 2016, 2017 et 2018 et ces nombres n’ont été ni contestés ni utilement contredits par l’association qui en avait les moyens compte tenu de ses liens de fait avec la société, attestés notamment par l’utilisation d’une pointeuse commune.

Ces éléments sont suffisamment concordants pour établir que M. [I] n’a pas travaillé, entre 2015 et juillet 2018, pour l’association et que celle-ci ne lui a donc pas fourni de travail à raison de 28 heures par semaine au cours de cette période.

Enfin, le caractère intentionnel du travail dissimulé a été retenu par la cour.

Partant, les trois griefs allégués par M. [I] sont établis et sont suffisamment graves, eu égard à la durée et à l’ampleur des manquements de l’association à ses obligations légales et contractuelles, pour justifier le prononcé de la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur à compter du 25 juin 2019, date de notification du licenciement ‘ quand bien même ces manquements avaient cessé pendant la période comprise entre la date de la première saisine du conseil de prud’hommes et la date de notification du licenciement de M. [I].

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur les conséquences de la résiliation judiciaire

La résiliation judiciaire aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et les congés payés afférents

La lecture du bulletin de paie de M. [I] établi par l’association pour le mois de juin 2019 révèle qu’une somme de 1 870,02 euros a été retenue au titre de la mise à pied à titre conservatoire. Cette retenue ayant été effectuée à tort, eu égard à la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l’association, celle-ci sera condamnée à payer à M. [I] la somme de 1 870,02 euros au titre de ce rappel de salaire ainsi que la somme de 187 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

En application de l’article L. 1234-1 du code du travail et de l’article 6.2 de la convention collective et eu égard à l’ancienneté de M. [I] d’au moins deux ans, l’association sera condamnée à payer au salarié une somme de 5 500 euros correspondant à la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait travaillé pendant les deux mois de préavis ainsi que la somme de 550 euros au titre des congés payés afférents.

* sur l’indemnité légale de licenciement

En application des articles L. 1234-9, R. 1234-1 et R.1234-2 du code du travail et au vu des bulletins de salaire, l’association sera condamnée à payer à M. [I] une indemnité légale de licenciement d’un montant de 5 542,70 pour une ancienneté de sept ans et onze mois (préavis inclus). La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau soit en l’espèce entre trois et huit mois de salaire.

M. [I] justifie avoir perçu l’allocation d’aide au retour à l’emploi entre le 9 août 2019 et le 31 juillet 2020 et déclare avoir retrouvé un emploi, sans autre précision, à compter du mois de février 2021.

Compte tenu de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge – 31 ans – de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle ainsi que des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, il sera alloué à M. [I], en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 16 500 euros, suffisant à réparer son entier préjudice. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur la remise des documents

L’association devra remettre à M. [I] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision.

Sur les autres demandes

* sur les intérêts et leur capitalisation

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce. La capitalisation des intérêts dus pour une année entière est ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.

* sur le remboursement à Pôle emploi

Conformément aux dispositions de l’article. L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne à l’association de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [I] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d’indemnités.

* sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile

L’association sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel. La décision des premiers juges au titre des dépens sera donc infirmée.

L’association sera condamnée à payer à M. [I] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la décision des premiers juges sera confirmée au titre des frais irrépétibles.

Enfin, l’association sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions hormis en ce qu’il a dit recevable la pièce n°30 produite par M. [N] [I] et débouté l’association de gestion des intérêts des libéraux (AGIL) de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

REQUALIFIE le contrat de travail à temps partiel liant M. [N] [I] à l’association de gestion des intérêts des libéraux (AGIL) en contrat de travail à temps plein ;

CONDAMNE l’association de gestion des intérêts des libéraux (AGIL) à payer à M. [N] [I] la somme de 3136,65 euros à titre de rappel de rémunération et la somme de 313,66 euros au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNE l’association de gestion des intérêts des libéraux (AGIL) à payer à M. [N] [I] la somme de 16 500 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’association de gestion des intérêts des libéraux (AGIL) à la date du 25 juin 2019 ;

CONDAMNE l’association de gestion des intérêts des libéraux (AGIL) à payer à M. [N] [I] les sommes suivantes :

* 1 870,02 euros au titre du rappel de salaire de la période de mise à pied à titre conservatoire ;

* 187 euros au titre des congés payés afférents ;

* 5 500 euros au titre de l’indemnité de préavis ;

* 550 euros au titre des congés payés afférents ;

* 5 542,70 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

* 16 500 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ORDONNE à l’association de gestion des intérêts des libéraux (AGIL) de remettre à M. [N] [I] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision ;

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l’article 1343-2 du code civil ;

ORDONNE à l’association de gestion des intérêts des libéraux (AGIL) de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [N] [I] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d’indemnités ;

CONDAMNE l’association de gestion des intérêts des libéraux (AGIL) à payer à M. [N] [I] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE l’association de gestion des intérêts des libéraux (AGIL) aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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