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COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023
N° RG 21/02188 – N° Portalis DBVY-V-B7F-G25O
S.A.S. ALILA PROMOTION agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, demeurant es qualité audit siège
C/ [H] [R]
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNECY en date du 29 Septembre 2021, RG F 20/00176
APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE
S.A.S. ALILA PROMOTION agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, demeurant es qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée Me Aline JAMEN, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON
et par Me Audrey BOLLONJEON de la SELARL BOLLONJEON, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY
INTIME ET APPELANT INCIDENT
Monsieur [H] [R]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Cyrielle MARQUILLY MORVAN, avocat plaidant inscrit au barreau de LA DROME
et par Me Noemie FRANCOIS, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 26 Janvier 2023 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Frédéric PARIS, Président, chargé du rapport
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Françoise SIMOND, Magistrat honoraire,
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Capucine QUIBLIER,
Copies délivrées le :
********
FAITS ET PROCÉDURE
M. [H] [R] a été engagé par la société Alila sous contrat à durée indéterminée à compter du 5 décembre 2016 en qualité de directeur de développement des 2 Savoie et du Pays de [Localité 6] statut cadre niveau 4, échelon 2, coefficient 390 de la convention collective nationale de la promotion immobilière.
Au dernier état de la relation contractuelle, il percevait un salaire mensuel moyen brut de 7285,75 €
L’effectif de la société est de 80 salariés.
Le 3 janvier 2019 le salarié a adressé à son employeur un courrier de démission.
Il a pris acte de la rupture anticipée de son préavis par lettre du 19 février 2019 motif pris notamment que :
– ses outils de travail ont été supprimés,
– il a été mis à l’écart de toute décision et d’information sur les dossiers en cours,
– ses primes variables et d’objectif ne lui ont pas été versées,
– il a subi des manoeuvres d’intimidation.
Le salarié a d’abord saisi le bureau de jugement du conseil de prud’hommes d’Annecy et l’affaire a fait l’objet d’une radiation le 3 juillet 2019.
Il a ensuite saisi le conseil de prud’hommes le 23 juillet 2020 d’une demande de rétablissement de l’affaire et d’une nouvelle requête. Les procédures ont été jointes.
Par jugement du 29 septembre 2021 le conseil de prud’hommes a :
– prononcé la jonction des dossiers n° 20/175 et 20/176
– condamné la société Alila à payer à M. [R] les sommes suivantes :
* 8333,64 € de rappel de salaire, et 833,36 € de congés payés afférents,
* 20 000 € au titre de la prime forfaitaire annuelle 2018 et 2000 € de congés payés afférents,
* 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et de sa demande en paiement d’un rappel de rémunération variable ;
– condamné la société Alila à remettre à M. [R] les bulletins de salaire, certificat de travail et attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 15 € par jour de retard,
– condamné la société Alila aux dépens.
La société Alila a interjeté appel par déclaration du 8 novembre 2021 au réseau privé virtuel des avocats sur les dispositions ordonnant la jonction des dossiers et la condamnant à payer un rappel de salaire, un rappel de prime, une indemnité au titre des frais irrépétibles, et ordonner la remise sous astreinte des documents de fin de contrat et bulletins de salaire.
Par conclusions notifiées le 26 juillet 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens la société Alila demande à la cour de :
– juger que M. [R] a rompu à tort le préavis,
– juger qu’elle n’a pas été déloyale,
– juger qu’aucune rémunération variable et de primes d’objectif n sont dues,
– confirmer le jugement déféré en qu’il a débouté M. [R] de ses demandes de paiement de rémunération variable et de sa demande de dommages et intérêts,
– l’infirmer pour le surplus,
– débouter M. [R] de ses demandes,
– condamner M. [R] à lui payer la somme de 8333,64 € pour défaut d’exécution du préavis sans en avoir été dispensé par l’employeur, et une somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient en substance que le salarié a adopté au cours de son préavis une attitude fautive avant de ne pas exécuter totalement son préavis.
Lors d’une réunion, le salarié a refusé de faire le point sur les dossiers en cours et a quitté la réunion.
Suite à cette réunion, il a refusé de se rendre au siège social de [Localité 7] pour assurer la passation de ses dossiers, en violation des consignes données par sa hiérarchie, malgré des demandes répétées formulés par plusieurs courriers.
Le salarié invoquant une intention de nuire de la société, elle lui a répondu par lettre du 4 février 2019 en lui assurant qu’il n’y avait aucune intention de nuire, et lui demandait à nouveau de se présenter au siège de la société.
Le salarié a persisté dans son refus avant de rompre abusivement son préavis.
Elle a demandé au salarié au cours de son préavis de se concentrer sur la passation des consignes, et elle était légitime à ne plus le mettre en avant notamment lors de rencontres avec des politiques.
Elle était de plus fondée à ne plus l’informer des nouveaux dossiers, compte tenu de sa démission et de l’absence de clause de non concurrence, et de ne plus l’inviter à des réunions stratégiques, des informations confidentielles étant échangées sur ces dossiers.
Il n’était pas vexatoire qu’elle lui demande de se limiter à la passation des dossiers.
Le salarié était en arrêt maladie depuis le 5 février 2019, ses outils professionnels ne lui étaient pas nécessaires, et l’employeur peut les retirer pendant la suspension du contrat de travail.
Aucune déloyauté n’est établie, et la demande à ce titre sera rejetée.
Sur la rémunération variable, le salarié n’a pas rempli les conditions contractuelles dans plusieurs dossiers pour pouvoir en bénéficier. Dans quatre dossiers, les sommes dues au salarié ont été versés à hauteur de 3720 € bruts.
Pour la prime d’objectif le minimum de logements était de 290 logements, nombre que le salarié n’a pas atteint.
Seuls les logements signés par dossier par le salarié peuvent être comptés, et non ceux des membres de son équipe conformément au contrat de travail et à l’avenant du 18 avril 2018.
Elle justifie que le salarié n’a signé que 253 logements, ce qui correspond aux bulletins de salaire et aux tableaux de rémunération variable entérinés par la direction.
Pour les dossiers dont il fait état dans son mail du 20 décembre 2018, soit les conditions contractuelles n’étaient pas remplies (accord de la ville ou du bailleur), soit les dossiers étaient de l’un des membres de son équipe.
Par conclusions notifiées le 26 avril 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, M. [R] demande à la cour de :
– confirmer le jugement sur les condamnations prononcées avec intérêts au taux légal, la remise des bulletins de salaire, certificat de travail, attestation Pôle emploi sous astreinte de 15 € par jour de retard et par document,
– l’infirmer pour le surplus,
statuant à nouveau,
– condamner la société Alila à lui payer les sommes suivantes :
* 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
* 10 460 € à titre de rémunération variable et 1046 € de congés payés afférents,
– débouter la société Alila de ses demandes,
– condamner la société Alila à lui payer la somme de 3500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux dépens.
Il fait valoir que l’article 15 de la convention collective stipule un préavis de trois mois pour les cadres sauf en cas de faute grave ou de faute lourde.
Aucune modification du contrat de travail ne peut avoir lieu au cours du préavis.
Si le préavis n’est pas exécuté du fait fautif de l’employeur, celui-ci doit payer une indemnité compensatrice de préavis.
La privation des outils de travail nécessaires à l’exécution du contrat de travail constitue une modification unilatérale des conditions substantielle du contrat.
Rapidement après sa démission, il a été écarté de toute prise de décision et d’information sur les dossiers en cours.
Il n’était plus invité aux réunions de travail ‘points de développement’ , aux réunions du comité exécutif, il n’était pas informé de l’état d’avancement de ses dossiers.
Il ne recevait aucun compte rendu des réunions de travail, et ne pouvait plus travailler sur les dossiers en cours.
Il s’est donc retrouvé dans l’impossibilité d’exercer normalement ses fonctions telles que prévus par son contrat de travail.
L’intégralité de ses rendez-vous avec des partenaires étaient annulés ou assurés par d’autres collaborateurs.
Rien ne justifiait ces annulations, alors que son contrat de travail prévoit qu’il détecte les opportunités foncières, développe les projets immobiliers à céder en bloc à des bailleurs sociaux.
Ses activités ont été particulièrement réduites voire inexistantes.
A la date du 30 janvier 2019 il a constaté que l’intégralité de ses dossiers avaient déjà été transmis.
Il n’a pas refusé de faire le point sur les dossiers en cours comme le prétend l’employeur.
Il lui est reproché un manque d’implication alors que son poste a été vidé de sa substance.
Il a été privé au cours du préavis de ses outils de travail, sa ligne téléphonique a été transférée à compter du 4 février 2019, son téléphone a été bloqué. Il ne pouvait plus non plus recevoir de mail ou en envoyer à compter du 9 février, La suppression de sa messagerie l’empêchait d’exercer ses fonctions. Son compte mail n’était pas simplement suspendu mais désactivé.
Il n’avait plus accès au serveur, alors que cet accès lui était indispensable pour travailler.
Son abonnement de veille professionnelle a été aussi supprimé.
S’il était en arrêt de travail, l’employeur n’a pas procédé de la sorte lors de ses précédents arrêt de travail, ou lors de la suspension du contrat de travail d’autres salariés. Seul son départ programmé explique la suppression de ses outils de travail.
Il a été exclu de la vie de l’entreprise (demande ne pas se rendre à l’inauguration des locaux d'[Localité 4], exclusion du réseau social de la société).
Il a été victime de pression, il lui été demandé de travailler à [Localité 7] au siège social alors qu’il travaillait à [Localité 4] où il résidait, et qu’aucune clause de mobilité ne figurait dans le contrat de travail.
Il n’a pas refusé de faire le point sur ses dossiers, il avait proposé un point hebdomadaire, son refus ne peut dès lors être considéré comme fautif.
Au cours de son contrat, les primes variables lui étaient régulièrement versées, et il en a été anormalement privé.
Il a droit au versement d’un salaire du 19 février au 3 avril 2019 du fait de la rupture imputable à l’employeur
A titre subsidiaire, l’employeur a été déloyal et il a subi une perte de chance de bénéficier de son salaire pendant son préavis.
Il a subi un préjudice distinct, en raison d’une dégradation de ses conditions de travail.
Le refus de verser les primes variables n’est pas justifié. Au cours de l’exécution du contrat l’employeur n’a jamais appliqué les conditions tenant à l’accord écrit du bailleur et de la ville su les projets.
Une partie des primes lui ont été versées, mais l’employeur refuse de verser le surplus sur quatre dossiers pour des motifs non acceptables.
Sur la prime d’objectifs 2018, il a atteint ses objectifs et le refus de la société de lui verser une prime de 20 000 € n’est pas justifié.
L’instruction de l’affaire a été clôturée le 24 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les obligations du contrat de travail, en particulier pour le salarié d’exécuter les prestations prévues par le contrat de travail et pour l’employeur de fournir du travail conformément au dit contrat sauf accord express du salarié de modifier ses missions même partiellement, sont maintenues au cours de l’exécution du préavis.
Le salarié doit disposer des instruments de travail pour exécuter son travail.
S’il est constant que le salarié était en arrêt de travail à compter du 5 février 2019, le contrat de travail était cependant juste suspendu au cours de cet arrêt de travail.
Il n’est pas discuté qu’il avait été fourni au salarié qui occupait des fonctions de cadre un téléphone professionnel, un ordinateur ; il avait accès à la messagerie professionnelle de la société et au serveur informatique.
Il ressort du constat d’huissier de justice en date 15 février 2019 réalisé au cours de la suspension du contrat de travail que l’officier public a constaté que l’Iphone du salarié n’était plus activé, que lorsqu’il a composé depuis son étude le numéro de l’Iphone, il a entendu sur la boîte vocale un message d’accueil délivré par une voix de femme.
L’huissier de justice a aussi constaté après avoir ouvert l’ordinateur professionnel en effectuant le mot de passe qu’il ne pouvait accéder à la messagerie professionnelle Outlook du salarié, l’identification ayant échoué, qu’il ne pouvait pas plus accéder au Dropbox de la société où sont partagés et enregistrés les fichiers de tous les salariés de la société.
Ces éléments établissent que le salarié ne disposait plus de son téléphone portable professionnel, ne pouvait plus utiliser son ordinateur professionnel, dont il n’est pas discuté qu’il s’agit d’outils indispensables à l’exercice de son travail.
L’employeur ne prouve par aucun élément que cette privation des outils professionnels pendant un arrêt maladie très récent et d’une durée courte était indispensable pour l’entreprise. Il n’a même pas prévenu le salarié qu’il ne pourrait plus téléphoner et accéder à sa messagerie, et du délai d’application de cette mesure.
Une telle mesure était particulièrement abusive.
Sur la directive de l’employeur d’exécuter son préavis au siège social de la société à [Localité 7], il est constant que le salarié exécutait son travail à l’agence d'[Localité 4] et que sa résidence familiale se trouvait à Talloire à proximité d'[Localité 4].
Si le contrat de travail stipulait que le lieu de travail habituel se situait à [Localité 4], et que ‘cependant en cas de besoin, M. [H] [R] pourra être amené à effectuer des déplacements professionnels sur tout le territoire national, et ce quelles qu’en soit la durée et la fréquence’ , il reste que l’employeur au cours du préavis avait ordonné au salarié de se rendre tous les jours à [Localité 7], et lui imposait donc soit un trajet important quotidien soit un hébergement à [Localité 7] sur la semaine de travail.
Bien que la clause du lieu de travail soit licite, l’employeur n’établit par aucun élément qu’il était indispensable que toutes les prestations que devait accomplir le salarié au cours de son préavis soient exécutées à [Localité 7], alors même que les missions du salarié s’étaient exécutées quasi entièrement à [Localité 4] depuis la conclusion du contrat de travail.
De plus il ressort des échanges entre la société et le salarié au cours du mois de janvier 2019 que ce dernier ne refusait pas de réaliser la passation de ses dossiers.
Ainsi dans un mail du 11 janvier 2019 le salarié fait état de son activité de la semaine en précisant qu’il l’adresse par mail car ‘vous m’avez demandé de ne pas venir au point de développement à [Localité 7] lundi 14 prochain’.
Dans sa lettre du 30 janvier 2019 adressé au président de la société, le salarié expose après avoir noté que ‘vous m’avez adressé une demande de prise de fonctions à votre siège pour le solde de ma période de préavis. En date du 7 janvier, nous sommes pourtant convenus de la réalisation d’une liste exhaustive de tâches avant que vous me dispensiez de mon préavis’, qu’il a adressé aux services de développement et programmes cette liste, qu’il avait envoyé deux mails les 11 janvier ‘Point d’activité hebdomadaire’ et 16 janvier et qu’il n’avait pas reçu de réponse.
Il ajoute qu’il ne reçoit plus de compte rendu de réunion, que le temps nécessaire sur ses dossiers en cours sont réduits, qu’il lui a été demandé de ne plus se rendre sur [Localité 7] aux réunions hebdomadaires. Il en concluait que la demande qu’il se rende à [Localité 7] chaque jour était abusive.
L’employeur lui répondait le jour même par lettre en notant ses remarques et en considérant qu’il n’avait pas à juger de l’organisation choisie. Il demandait au salarié de se conformer à ses obligations.
Pourtant l’employeur ne justifie par aucune pièce que la passation des dossiers encore nécessaire devait se faire impérativement sur [Localité 7].
Dès lors imposer au salarié de se rendre tous les jours à [Localité 7] alors qu’il n’en est pas prouvé la nécessité, et que cela impactait la vie privée du salarié est également abusif.
S’agissant des missions mêmes du salarié, il est constant que l’employeur a juste demandé au salarié de mettre à jour ses dossiers en cours et d’en faire la passation au siège social de [Localité 7].
Pourtant l’employeur avait engagé le salarié en qualité de directeur du développement avec pour fonctions de mettre en oeuvre la stratégie de développement régional, assurer le développement foncier, sur la région Savoie, Haute Savoie et Pays de [Localité 6], développer les projets immobiliers, servir d’interface avec les partenaires externes comme les architectes, les notaires et les promoteurs.
Il était stipulé que ces missions pouvaient faire l’objet de modifications et d’évolutions déterminées par la société sous réserve que celles-ci ne dénaturent pas l’importance et le contenu fondamental de la mission confiée.
En limitant pendant trois mois, les fonctions du salarié à la passation des dossiers en cours sans même pouvoir assister à une réunion fonctionnelle, l’employeur a réduit drastiquement les missions du salarié.
Il convient de rappeler que l’une des principales missions de l’employeur est de fournir au salarié une prestation de travail conforme au contrat de travail.
S’il estimait que la poursuite du contrat de travail avec toutes les missions représentait une difficulté notamment quant à la nécessaire confidentialité de certaines informations, il n’avait qu’à dispenser le salarié de préavis et lui payer le salaire jusqu’à la fin du préavis.
Là encore l’employeur a manqué à ses obligations.
Il n’était dès lors pas étonnant que le salarié lors d’une réunion ait mal réagi et contesté les positions de l’employeur d’autant que le versement de la prime variable de décembre 2018 était remis en cause.
Au regard de tous ces éléments, la rupture anticipée du préavis aux torts de l’employeur était justifiée.
Le jugement condamnant l’employeur à payer au salarié un rappel de salaire sur la période restant du préavis outre les congés payés afférents sera confirmé.
Sur le préjudice distinct, le salarié a été privé de ses outils de travail au cours du préavis de manière injustifiée ; il n’a plus été convié à aucune réunion, il ne pouvait plus être joint sur sa ligne téléphonique professionnel. De telles pratiques ressortent d’un management brutal et sans aucune considération du salarié et sont vexatoires. Le salarié a donc subi un préjudice distinct des conséquences de la rupture du préavis, qu’il convient au regard des circonstances d’évaluer à la somme de 7000 €.
Sur la rémunération variable, le contrat de travail stipulait qu’une prime de 150 € aurait vocation à être versée pour chaque opération développée directement par les soins du salarié.
L’avenant au contrat de travail ajoutait qu’une rémunération variable serait perçue par le salarié, cette rémunération se composant d’une prime de 50 € par chaque opération développée et signée par les soins de l’équipe d'[Localité 4] sous sa responsabilité.
Ces primes étaient versées selon les modalités suivantes :
– 30 % lors de la signature de la promesse de vente de terrain et de la réception d’un accord écrit d’acquisition avec un bailleur social ou tout autre partenaire validant le prix arrêté par le comité de direction et accord de la ville ;
– 30 % lors de l’obtention du permis de construire,
– 40 % lors de la signature de l’acte d’achat du terrain.
Il en résulte que l’accord écrit d’acquisition avec un bailleur social et l’accord de la ville conditionnait le versement de la première partie de la prime.
Le salarié qui réclame le paiement de la prime doit prouver qu’il remplissait bien les conditions suscitées.
Il ne produit aucun accord de bailleurs sociaux et d’accord des villes concernées par les projets.
L’employeur justifie que l’obtention d’un accord était possible en produisant des accords de maîtres d’ouvrage ou de promoteurs (accord de la société Logiest du 20 mars 2019 pour la construction de 65 logements, accord de la société Inh SA du 17 septembre 2018 pour 31 logements, accord de la société Immobilière Podeliha du 9 novembre 2018 pour 19 logements , accord de la société Immobilière Atlantic Aménagement du 20 juin 2016 pour 18 logements collectifs).
Il produit également des refus de communes et des rejets de permis de construire sur des projets pour lesquels le salarié réclame le paiement de la prime.
Si l’employeur se montrait souple dans l’attribution des primes, les conditions contractuelles étaient toujours en vigueur et obligeaient les parties.
Le salarié qui met en cause la loyauté de l’employeur en avançant que ce dernier différait volontairement l’accord des bailleurs après le départ du salarié, ou en retardant la signature de l’acte d’achat d’un terrain (dossier Vetraz-Monthoux HPL Colline), ou en ne l’informant pas de l’avancée de dossiers ne produit là encore aucun élément permettant d’établir la déloyauté de l’employeur.
C’est donc à juste titre que le conseil des prud’hommes a rejeté la prétention du salarié, le jugement sera confirmé sur ce point.
Concernant la prime d’objectif prévu par l’avenant au contrat de travail, l’objectif minimum de 290 logements était fixé pour l’année 2018.
Il était stipulé que le salarié avait droit à une prime comme suit :
– en cas de réalisation de 290 logements signés : prime forfaitaire de 10 000 €
– en cas de réalisation de 350 logements signés : prime forfaitaire de 15 000 €
– en cas de réalisation de 400 logements signés : prime forfaitaire de 20 000 €
Il appartient au salarié de prouver qu’il avait droit à cette prime conformément à l’article 1353 du code civil.
L’avenant au contrat de travail prévoyait que par logement signé ‘il convient d’entendre les logements ayant fait l’objet d’une promesse de vente entérinée et d’un accord écrit avec un bailleur social ou toute autre partenaire institutionnel fixant le prix de vente.
Le salarié a transmis le 20 décembre 2018 un état de 425 lots.
L’employeur conteste que le salarié ait atteint l’objectif maximum en relevant qu’il est mal fondé à invoquer un nombre conséquent de logements.
Il s’agit des dossiers suivants :
– dossier [V], 38 logements : un mail du 18 mars 2019 de la société Vilogia établit que le projet et la vente n’étaient pas finalisés à cette date, le permis de construire a été en outre refusé (arrêté du 26 juin 2019) ;
– dossier [Localité 5], 28 logements (HPL Rosière) : ce dossier a été signé par un membre de l’équipe d'[Localité 4], M. [I] et non par le salarié et M. [I] a perçu la prime (bulletin de salaire de M. [I]) ;
– dossier [Localité 8](OAP Gare), 68 logements : la société Dynité n’a donné son accord que le 4 mars 2019 ;
– dossier Saint Genix [Localité 9] (HPM Arcades), 87 logements : ce projet n’a pu être mené à son terme, l’employeur produisant un arrêté de refus du permis de construire en date du 10 avril 2019 ;
– dossier Sallanges (HPM Vouilloux), 60 logements et dossier [Localité 10]( HPM [Localité 11]), 17 logements : ces dossiers ont été signés par M. [I] qui a perçu la prime (bulletins de salaire de M. [I]).
Sur les dossiers signés par M. [I], le salarié a perçu une prime de 50 € par logement.
Si pour certains dossiers, les motifs invoqués par l’employeur sont discutables, notamment pour les dossiers où le permis a été refusé, alors que la promesse de vente a été signée bien avant pour les logements concernés, il reste que le salarié ne produit aucune des promesse de ventes et il ne verse sur ces dossiers aucun accord écrit de bailleur social ou tout autre partenaire institutionnel.
Il ne produit pas d’autres pièces établissant qu’il a signé les 425 lots qu’il revendique.
Il en prouve pas plus qu’il a atteint l’objectif minimum de 290 logements signés.
Compte tenu de ces éléments, le salarié ne prouve pas avoir atteint un objectif lui permettant de percevoir une prime d’objectif.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Les dépens d’appel seront à la charge de l’employeur, le salarié ayant été obligé d’agir en justice pour obtenir la réparation de la rupture du préavis.
La condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera modérée, le salarié ayant échoué partiellement dans ses prétentions.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement du 29 septembre 2021 rendu par le conseil de prud’hommes d’Annecy en ce qu’il a :
– prononcé la jonction des dossiers n° 20/175 et 20/176,
– condamné la société Alila à payer à M. [R] les sommes suivantes :
* 8333,64 € de rappel de salaire, et 833,36 € de congés payés afférents,
* 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [R] de sa demande en paiement d’un rappel de rémunération variable;
– condamné la société Alila à remettre à M. [R] les bulletins de salaire, certificat de travail et attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 15 € par jour de retard,
– condamné la société Alila aux dépens ;
L’INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,
CONDAMNE la société Alila à payer à M. [H] [R] la somme de 7000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct du préjudice résultant de la rupture du préavis ;
DÉBOUTE M. [R] du surplus de sa demande de dommages et intérêts ;
DÉBOUTE M. [R] de sa demande de paiement de la prime d’objectif de l’année 2018 ;
CONDAMNE la société Alila aux dépens d’appel ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Alila à payer à M. [H] [R] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 23 Février 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président