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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 8
ARRET DU 03 MARS 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/10214 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF4IS
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Mai 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021048141
APPELANTES
S.A.S. PYG HOLDING agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 1]
[Localité 3]
S.A.S. CHANGE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentées et assistées par Me Nicolas SIDIER de la SCP PECHENARD & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R047
INTIMEE
S.A.S. NOUVEAU MONDE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Stéphane FERTIER de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assistée par Me Justine MOREAU de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T504
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 janvier 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président et Rachel LE COTTY, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Florence LAGEMI, Président,
Rachel LE COTTY, Conseiller,
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Marie GOIN
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier présent lors de la mise à disposition.
La société Nouveau Monde est une agence de communication, design et publicité dont le siège social se situe à [Localité 4]. Elle est présidée par la société Forsilis, elle-même gérée par M. [J].
La société Change exerce une activité de conseil en marketing et communication. Son siège social est situé [Adresse 1]. Elle est présidée par M. [L] et a pour associé unique la société Pyg Holding, dont le siège social est également situé [Adresse 1].
La société Pyg Holding exerce une activité de holding et est présidée par la société PM Holding, elle-même présidée par M. [L].
Au cours de l’été 2019, les sociétés Pyg Holding et Nouveau Monde se sont rapprochées afin d’envisager une prise de participation de la société Pyg Holding au capital de la société Nouveau Monde. En août 2019, des rencontres ont eu lieu entre les dirigeants des sociétés, M. [L], d’une part, Mme [E] et M. [J], d’autre part.
A l’occasion de ces échanges, deux engagements réciproques de confidentialité ont été signés le 16 septembre 2019, l’un par M. [L] au nom de la société Pyg Holding, l’autre par M. [J] au nom de la société Nouveau Monde.
Les échanges n’ont finalement abouti à aucun accord et, en juillet 2021, la société Nouveau Monde a sollicité du président du tribunal de commerce de Paris des mesures d’instruction in futurum sur requête afin d’établir des faits de concurrence déloyale reprochés aux sociétés Pyg Holding et Change.
Par ordonnance du 27 juillet 2021, la société Nouveau Monde a été autorisée à faire procéder par huissier à diverses mesures de saisie au sein des sièges sociaux des sociétés Pyg Holding et Change.
Par acte du 19 octobre 2021, les sociétés Pyg Holding et Change ont assigné en référé la société Nouveau Monde devant le président du tribunal de commerce de Paris aux fins de rétractation de l’ordonnance du 27 juillet 2021.
Par ordonnance contradictoire du 12 mai 2022, le juge des référés a :
débouté les sociétés Pyg Holding et Change de leur demande de rétractation ;
confirmé l’ordonnance sur requête en toutes ses dispositions ;
renvoyé les parties à comparaître à l’audience du jeudi 16 juin 2022 à 14h30 pour les entendre sur la levée des pièces séquestrées en présence de l’huissier instrumentaire ;
rejeté toute autre demande ;
condamné solidairement les sociétés Pyg Holding et Change aux dépens ;
condamné solidairement les sociétés Pyg Holding et Change à payer à la société Nouveau Monde la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 23 mai 2022, les sociétés Pyg Holding et Change ont interjeté appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de jugement.
Par ordonnance du 22 juillet 2022, le président du tribunal de commerce de Paris a sursis à statuer sur les opérations de levée de séquestre dans l’attente de la présente décision.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 8 décembre 2022, les sociétés Pyg Holding et Change demandent à la cour de :
infirmer l’ordonnance entreprise en l’ensemble de ses chefs de dispositif ;
en conséquence, statuant à nouveau,
ordonner la rétractation de l’ordonnance du 27 juillet 2021 sur requête de la société Nouveau Monde ;
juger nulles et privées de tout effet l’intégralité des mesures exécutées par tout huissier de justice de la SCP Carole Duparc & Olivier Flament, commise par le président du tribunal de commerce de Paris dans son ordonnance du 27 juillet 2021, à l’encontre des sociétés PYG Holding et Change ;
ordonner la restitution entre leurs mains de l’ensemble des documents et de tous autres éléments saisis par tout huissier de justice de la SCP Carole Duparc & Olivier Flament, ainsi que la destruction de toute copie, dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
débouter la société Nouveau Monde de l’intégralité des demandes qu’elle viendrait à formuler dans le cadre de la présente instance ;
subsidiairement,
modifier l’ordonnance du 27 juillet 2021 en supprimant de la liste des mots-clés le mot « [E] » ;
ordonner la restitution entre leurs mains de l’ensemble des éléments découlant de l’utilisation du mot-clé « [E] », isolé ou pris en combinaison avec d’autre(s) mot(s)-clé(s), saisis par tout huissier de justice de la SCP Carole Duparc & Olivier Flament, ainsi que la destruction de toute copie, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
débouter la société Nouveau Monde de sa demande de mainlevée du séquestre, cette demande étant irrecevable dans le cadre de la présente instance et de l’instance pendante devant le président du tribunal de commerce de Paris sous le RG n°2021048141 ;
très subsidiairement,
renvoyer les parties devant le président du tribunal de commerce de Paris afin qu’il soit statué sur les modalités d’une éventuelle levée du séquestre ;
en tout état de cause,
condamner la société Nouveau Monde à leur payer à chacune la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Nouveau Monde aux entiers dépens de l’instance, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions des articles 695 à 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 13 septembre 2022, la société Nouveau Monde demande à la cour de :
confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;
par conséquent,
débouter les sociétés Pyg Holding et Change de leur demande de rétractation de l’ordonnance entreprise et, par-là, de celle du 27 juillet 2021 ;
rejeter l’ensemble des demandes des appelantes visant à faire échec à l’utilisation des données extraites ensuite des opérations menées le 24 septembre 2021 ;
à titre subsidiaire, si la cour venait à faire partiellement droit à la demande de rétractation formulée par les sociétés Pyg Holding et Change,
juger que doivent être ôtés de la restitution les éléments découlant de l’utilisation isolée du mot-clé [E] et postérieurs à son embauche au mois de mai 2021 ;
en tout état de cause,
condamner les sociétés Pyg Holding et Change au paiement de la somme de 20.000 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 4 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
SUR CE, LA COUR,
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
L’article 493 du même code dispose que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.
Les mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peuvent donc être ordonnées sur requête qu’à la condition, pour le requérant de justifier, d’une part, d’un motif légitime, d’autre part, de la nécessité de déroger au principe de la contradiction
En outre, les mesures doivent être nécessaires à l’exercice du droit à la preuve du requérant et ne pas revêtir un caractère disproportionné.
Sur le motif légitime
Les appelantes soutiennent que la société Nouveau Monde ne fait état d’aucun élément objectif, précis et vérifiable qui tendrait à démontrer l’existence de violations de l’engagement de confidentialité du 16 septembre 2019 et qu’elle est incapable de dire quelles informations confidentielles auraient été utilisées par la société Pyg Holding pour se rapprocher de ses clients et recruter ses salariés.
Elles ajoutent que le président du tribunal de commerce a relevé un moyen d’office en retenant que les embauches de Mmes [E] et [H] constituaient une « apparente violation des engagements contractuels », ce qui n’était pas invoqué à titre de manquements par la société Nouveau Monde. Elles affirment que les deux salariées n’ont pas été embauchées par la société Pyg Holding mais par la société Change, non signataire de l’engagement du 16 septembre 2019, que les embauches de Mmes [E] et [H] sont intervenues plusieurs mois après leur démission et alors qu’elles n’étaient tenues par aucune clause de non-concurrence et que l’engagement de confidentialité n’interdisait pas leur recrutement dans la mesure où elles n’étaient plus salariées de la société Nouveau Monde lors de leur embauche.
S’agissant de la société Boiron, elles affirment qu’il n’y a eu aucun détournement de clientèle puisque la société Nouveau Monde continue de travailler avec elle, ce qui résulte de ses propres pièces.
Mais il résulte des pièces versées aux débats que l’existence d’actes de concurrence déloyale et de violation de l’engagement de confidentialité de la part des sociétés Change et Pyg Holding au détriment de la société Nouveau Monde ne peut être exclue.
En effet, l’engagement de confidentialité signé par la société Pyg Holding le 16 septembre 2019 était ainsi formulé :
« Conscient du préjudice que subirait la Société [la société Nouveau Monde] en cas de divulgation des Informations à des tiers sans l’autorisation expresse préalable de la Société, nous nous engageons formellement :
(i) A respecter le caractère confidentiel de toutes ces Informations et à ne pas les dupliquer, ni les transmettre à des tiers ;
(ii) A n’utiliser ces Informations que dans le seul but de procéder à une évaluation de la Société et de son projet, à étudier son acquisition ;
(iii) A ne communiquer exclusivement les Informations qu’à nos collaborateurs dont l’intervention est absolument nécessaire dans le cadre de cette acquisition potentielle, à nous porter fort de l’exécution de l’engagement de confidentialité pour tous préposés ayant eu connaissance des Informations dans le cadre de leur mission, et à accepter toute responsabilité pouvant en découler de notre chef ou de celui de ces personnes ; […]
(iv) A ne pas révéler à d’autres personnes que celle visées au iii) ci-dessus, que nous avons été contactés par vous dans la perspective de cette acquisition potentielle et que des discussions ou négociations sont en cours ;
(v) A vous retourner dans un délai maximum de 15 jours, dans le cas où nous déciderions de ne pas poursuivre l’acquisition ou à votre première demande, les informations qui nous auront été adressées et à détruire dans le même délai tous papiers internes, analyses, études ou tous autres documents établis par nous en relation avec cette acquisition potentielle en nous interdisant d’en garder copie, ladite interdiction s’appliquant, bien entendu, aux personnes qui nous l’aurons transmise ;
(vi) A ne pas prendre contact sous quelque forme que ce soit, ne ménager aucun entretien, ni adresser ou échanger aucune correspondance avec l’un des dirigeants, des administrateurs, des membres du personnel de la Société ou toute autre relation directe d’affaires, que ce soit à notre initiative ou à la leur ou à celle d’une tierce partie, sans votre autorisation écrite et préalable et à ne solliciter directement ou indirectement en vue d’une embauche (en tant qu’employé ou conseil extérieur), aucun employé de la Société. »
Une lettre d’intention relative au projet de rapprochement entre le groupe Change et la société Nouveau Monde a été adressée par la société Pyg Holding à la société Nouveau Monde le 25 octobre 2019. Aux termes de cette lettre, une prise de participation de la société Pyg Holding était envisagée à hauteur de 70% à 100% du capital de la société Nouveau Monde.
Mais, par courriel du 28 novembre 2019, M. [L] a annoncé mettre un terme aux discussions.
Par la suite, Mme [E], salariée de la société Nouveau Monde depuis 2001 et directrice générale depuis 2018, a démissionné de ses fonctions en novembre 2020, à effet au 31 décembre 2020, et a été nommée directrice générale de la société Change en mai 2021.
Mme [H], salariée de la société Nouveau Monde depuis 2014 et responsable du département digital, a également démissionné de son poste le 10 février 2021 et a été embauchée en avril 2021 par la société Change en qualité de directrice commerciale.
Il est établi qu’en avril 2021, la société Boiron, principal client de la société Nouveau Monde, a débuté une collaboration avec la société Change.
Or, Mme [E] était directrice de marque (outre ses fonctions de directrice générale) et elle s’occupait à ce titre, notamment, des laboratoires Boiron.
Il résulte de l’attestation de l’expert comptable de la société Nouveau Monde du 24 novembre 2021 que celle-ci a perdu 59 % de son chiffre d’affaires avec la société Boiron entre octobre 2020 et octobre 2021.
La société Nouveau Monde peut donc légitimement craindre que les sociétés Pyg Holding et Change aient profité des informations transmises en 2019 pour créer des liens privilégiés avec sa directrice générale et détourner ensuite, à leur bénéfice, en la recrutant ainsi qu’une autre salariée, les clients du portefeuille dont elle avait la charge.
A cet égard, le président du tribunal de commerce n’a pas relevé de moyen d’office en prenant en considération des faits qui étaient dans les débats, à savoir les embauches de Mmes [E] et [H] par la société Change, alors que, par l’engagement de confidentialité, M. [L] s’était engagé à « ne solliciter directement ou indirectement en vue d’une embauche (en tant qu’employé ou conseil extérieur) aucun employé de la Société ».
Les appelantes exposent que l’engagement de confidentialité n’interdisait pas le recrutement de Mmes [E] et [H] car elles n’étaient plus salariées de la société Nouveau Monde lors de leur embauche. Mais elles l’étaient lors de la signature de l’engagement.
En outre, la circonstance qu’elles n’aient été tenues par aucune clause de non-concurrence n’est pas de nature à exclure des manoeuvres déloyales des sociétés Pyg Holding et Change.
De même, eu égard aux liens capitalistiques entre ces deux sociétés, la circonstance que seule la société Pyg Holding ait signé l’engagement du 16 septembre 2019 et que la société Change ait procédé aux embauches des salariés n’est pas de nature à priver de tout fondement un procès futur engagé par la société Nouveau Monde. M. [L], signataire de l’acte, préside en effet directement la société Change et dirige indirectement, par l’intermédiaire de la société PM Holding, la société Pyg Holding.
Enfin, la société Boiron était un client majeur de la société Nouveau Monde et le chiffre d’affaires réalisé avec elle a diminué de moitié, ce qui justifie les craintes de l’intimée, peu important que les relations contractuelles aient néanmoins perduré avec ce client.
Il existe en conséquence un procès en germe entre les parties relatif à la violation de l’accord de confidentialité signé, qui justifie la recherche de preuves de la société Nouveau Monde pour apprécier la réalité et l’éventuelle importance des manquements des appelantes.
En l’état des pièces produites, une action en concurrence déloyale est possible et non manifestement vouée à l’échec, étant rappelé qu’il n’appartient pas à la société Nouveau Monde de prouver les faits qu’elle allègue puisque la mesure a précisément pour objet d’améliorer sa situation probatoire.
Sur la dérogation au principe de la contradiction
Les appelantes soutiennent que ni la requête ni l’ordonnance du 27 juillet 2021 ne caractérisent l’impossibilité de procéder de façon contradictoire.
Mais la requête, dont l’ordonnance du 27 juillet 2021 s’est approprié les motifs, précisait les raisons pour lesquelles il était nécessaire de déroger au principe de la contradiction, à savoir, d’une part, la détention des données commerciales recherchées sur support numérique, et notamment des courriels, rendant possible une destruction facile et rapide en cas de connaissance des mesures d’investigation, d’autre part, les risques de concertation rapide de M. [L] et Mme [E] afin de faire échec aux mesures d’investigation.
Ainsi que l’a exactement relevé le premier juge, dès lors que la société Nouveau Monde produit des éléments suffisants pour laisser supposer de possibles manoeuvres déloyales de la part des sociétés Pyg Holding et Change et de leurs dirigeants, il existait un risque de concertation des intéressés pour faire disparaître tous éléments de preuve.
Contrairement à ce que font valoir les appelantes, les éléments recherchés ne sont pas seulement des éléments de nature contractuelle, insusceptibles de disparition ou de suppression définitive, mais sont également des courriels et des fichiers de clientèle, documents figurant sur supports informatiques et messageries électroniques, par nature volatiles et susceptibles de faire l’objet de destruction, même à distance par un administrateur.
Il en résulte que de l’effet de surprise était une condition de l’efficacité des mesures, justifiant une dérogation au principe de la contradiction.
Sur la proportionnalité de la mesure
Les appelantes soutiennent que la mesure est disproportionnée en ce qu’elle n’est pas suffisamment circonscrite dans le temps et l’objet et en ce qu’elle procède à partir de onze mots-clés, dont l’un correspond au nom de la directrice générale de la société Change, ce qui constitue un mot-clé « balai » permettant d’appréhender tout élément portant sur toute leur activité.
Ainsi, la mesure donnerait à la société Nouveau Monde un accès illégitime à des informations de toutes natures sur les sociétés du groupe Change, en violation du secret des affaires, et s’apparenterait à une perquisition civile.
Mais la mesure est circonscrite dans le temps puisqu’elle est limitée à la période du 1er juillet 2019 – début des échanges entre les parties en vue du rapprochement projeté – au jour de l’exécution de la mesure, soit le 24 septembre 2021. Aucune restriction temporelle supplémentaire ne pouvait être envisagée, sauf à la priver de tout intérêt.
Elle est également circonscrite dans l’espace puisqu’elle devait être exécutée au siège des sociétés Pyg Holding et Change ou « en tout autre lieu où serait assurée la gestion administrative et/ou l’exploitation desdites sociétés » et non au domicile des dirigeants ou de salariés. De surcroît, dans les faits, elle a uniquement été exécutée au siège social des deux sociétés.
Elle est enfin circonscrite dans son objet dès lors que seuls onze mots clés ont été retenus, qui correspondent à quatre clients qui faisaient partie du portefeuille des anciennes salariées de la société Nouveau Monde embauchées par la société Change, six salariés de la société Nouveau Monde dont deux anciennes salariées (Mmes [E] et [H]) et le mot-clé « Nouveau Monde ».
Seize autres mots clés ont été exclus par le juge des requêtes dans son ordonnance du 27 juillet 2021.
La demande subsidiaire des appelantes tendant à la suppression du mot-clé « [E] » ne saurait être accueillie dès lors que la teneur des échanges entre Mme [E] et M. [L] avant son embauche par la société Change est déterminante dans la recherche des éléments de preuve objets de la mesure.
Néanmoins, ce mot-clé, pris isolément pour la période postérieure à l’embauche de Mme [E] en qualité de la directrice générale de la société Change, permet d’appréhender tout élément portant sur toute l’activité des appelantes.
En conséquence, seront supprimés de la restitution les éléments découlant de l’utilisation isolée du mot-clé « [E] » pour la période postérieure au 4 mai 2021, sans qu’il ne soit nécessaire de prononcer une astreinte.
Pour le surplus, la mesure est légale et proportionnée, étant précisé de surcroît que les éléments appréhendés ont été séquestrés afin qu’une procédure de levée de séquestre dans le respect du secret des affaires soit mise en oeuvre.
La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance sur requête, sous réserve de la modification susvisée.
Sur les frais et dépens
La partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile (2e Civ., 10 février 2011, pourvoi n° 10-11.774, Bull. 2011, II, n° 34). En effet, les mesures d’instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d’un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier.
En revanche, il est possible de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et, par suite, de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une d’elles (2e Civ., 27 juin 2013, pourvoi n° 12-19.286, Bull. 2013, II, n° 148).
Au cas présent, la nature et l’issue du litige tant en première instance qu’en appel commandent de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens mais d’indemniser l’intimée des frais qu’elle a dû exposer pour se défendre. Les appelantes seront donc condamnées au paiement de la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en appel.
L’ordonnance entreprise sera en conséquence infirmée sur les dépens et la condamnation prononcée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 27 juillet 2021 et renvoyé les parties à l’audience de levée de séquestre ;
La réformant pour le surplus et y ajoutant,
Dit que seront supprimés des éléments saisis ceux découlant de l’utilisation isolée du mot-clé [E] et postérieurs au 4 mai 2021 ;
Ordonne en conséquence la restitution entre les mains des sociétés Pyg Holding et Change de l’ensemble des éléments découlant de l’utilisation isolée du mot-clé « [E] » postérieurs au 4 mai 2021, saisis par l’huissier de justice, ainsi que la destruction de toute copie de ces éléments ;
Rejette le surplus des demandes ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés en première instance et en appel ;
Condamne les sociétés Pyg Holding et Change à payer à la société Nouveau Monde la somme globale de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile tant au titre de la première instance que de l’appel.
Le Greffier, Le Président,