Your cart is currently empty!
24/03/2023
ARRÊT N° 2023/144
N° RG 21/04425 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OONC
NB/CD
Décision déférée du 16 Septembre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/00288)
G. PUJOL
Section commerche chambre 2
SAS NOVALLIANCE RH
C/
[V] [X]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le 24/3/23
à Me SOREL, Me HEINRICH-BERTRAND
Ccc à Pôle Emploi
Le 24/3/23
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
SAS NOVALLIANCE RH
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM”E
Madame [V] [X]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Delphine HEINRICH-BERTRAND de la SELARL PHILIPPE GIFFARD CONSEIL, ENTREPRISE ET PERSONNEL, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUM”, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUM”, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Medicoop Midi-Pyrénnées (ci-après Medicoop), devenue Coopemploi, est une coopérative ayant pour objet social le travail temporaire dans le secteur médico-sanitaire et social.
Par contrat signé le 23 septembre 2016, avec effet au 12 septembre précédent, la société Medicoop MP a confié à la SAS Novalliance RH, spécialisée dans l’externalisation des ressources humaines, la gestion de toute la « partie sociale » de son activité.
La société Novalliance RH a ainsi installé ses salariés et son matériel dans les locaux partagés avec la société Medicoop.
C’est dans ce cadre que Mme [V] [X] a été embauchée le 2 mai 2017 par la société Novalliance RH, en qualité de chargée de recrutement, suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective SYNTEC.
Par courrier du 6 mars 2018, la société Medicoop a notifié la rupture du contrat de prestations de services à la société Novalliance RH, leur relation contractuelle ayant pris fin à l’issue du préavis, le 12 septembre 2018.
Mme [X] a notifié sa démission par courrier du 10 août 2018 et a quitté l’entreprise le 12 septembre 2018.
Le 13 septembre 2018, Mme [X] a été embauchée par la société Medicoop en qualité de chargée de recrutement.
La société Novalliance RH a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse, le 26 février 2019, pour solliciter la condamnation de Mme [X] à lui payer plusieurs sommes à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 16 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse, section commerce, chambre 2, a :
– débouté la SAS Novalliance RH de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné la société Novalliance RH à payer à Mme [V] [X] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– condamné la société Novalliance RH à payer à Mme [X] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté Mme [X] du surplus de ses demandes ;
– condamné la société Novalliance RH à payer à la société Cooemploi la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la SAS Novalliance RH de sa demande reconventionnelle ;
– condamné la société Novalliance RH aux dépens.
***
Par déclaration du 29 octobre 2021, la SAS Novalliance RH, devenue Solution Roussillon, a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 30 septembre 2021.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 6 janvier 2023, la SAS Novalliance RH, devenue Solution Roussillon, demande à la cour :
– de révoquer la clôture de l’instruction et la reporter à une date ultérieure au 6 janvier 2023, compte tenu des conclusions d’intimé communiquées la veille de ladite clôture ;
– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes à l’encontre de Mme [X] et l’a condamnée à payer plusieurs sommes, outre les entiers dépens ;
– de condamner Mme [V] [X] à lui payer :
*9.600 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de loyauté,
*9.600 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de discrétion,
*19.200 € à titre de dommages et intérêts pour actes de concurrence déloyale,
*20.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
– de débouter Mme [X] de ses demandes ;
– de condamner Mme [X] à payer la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 5 janvier 2023, Mme [V] [X] demande à la cour de confirmer le jugement, sauf à le réformer sur le quantum des dommages et intérêts alloués pour procédure abusive, en ce qu’il a rejeté sa demande indemnitaire pour préjudices moral et physique et, statuant à nouveau, de condamner la SAS Novalliance RH, devenue Solution Roussillon, à lui payer :
– 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices physique et moral découlant des manquements à l’obligation de loyauté et de sécurité ;
– 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour réparer ses préjudices physique et moral découlant de la procédure abusive ;
– 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
***
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 6 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
***
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la révocation de l’ordonnance de clôture :
Mme [X] a déposé un nouveau jeu de conclusions le 5 janvier 2023, la veille de la clôture de l’instruction fixée le 6 janvier 2023. Toutefois, la société Novalliance RH y a régulièrement répondu en communiquant de nouvelles écritures le jour de la clôture, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en ordonner le report, le principe du contradictoire ayant été respecté.
Sur les manquements reprochés à Mme [X] :
Sur les manquements à l’obligation de loyauté et de discrétion
La société Novalliance RH expose qu’entre les mois de mai et juin 2018, un dénommé [E] [C] a été introduit par le représentant de la société Medicoop, M. [T], dans les locaux partagés par les deux entreprises. L’appelante ajoute que M. [C] s’est fait passer pour le remplaçant d’une salariée, Mme [P], et s’est installé sur l’un des postes de travail dans le but de récupérer des données confidentielles à partir du logiciel Tempo. L’employeur reproche à Mme [X], alors présente sur les lieux, de ne pas avoir délibérément signalé la présence de cet individu à ses supérieurs hiérarchiques.
L’employeur soutient également que Mme [X] avait été « approchée » par la société Coopemploi, au cours de son contrat de travail, afin qu’elle lui transmette des informations confidentielles. La société Novalliance RH ajoute que la société Coopemploi a « réinternalisé » la gestion de ses ressources humaines, avec l’aide de Mme [X], laquelle a poursuivi les mêmes fonctions de chargée de recrutement au sein de cette société concurrente, à compter du 13 septembre 2018, soit le lendemain de la rupture du contrat de prestations de services entre les deux entreprises. La salariée a ainsi fourni les moyens de concurrencer la société Novalliance, avec l’intention de nuire, ce qui est constitutif d’une faute lourde. L’intimée ne pouvait pas ignorer que ses man’uvres et la divulgation d’informations confidentielles allaient entrainer la perte du client Medicoop ainsi qu’une concurrence déloyale quant au plagiat du logiciel Tempo, doublé du débauchage des salariés. De plus, Mme [X] a récupéré le portefeuille de contacts constitué par Novalliance RH.
La salariée conteste les faits exposés par la société Novalliance et indique que l’employeur ne démontre pas les fautes reprochées.
Sur ce,
L’article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Au cas d’espèce, le contrat de travail de Mme [X] prévoit une clause de discrétion et d’exclusivité : la salariée « s’engage à observer la plus grande discrétion sur toutes les informations, connaissances et techniques qu’elle aurait connues à l’occasion de son travail dans l’entreprise. Cette obligation de discrétion demeurera même après la fin du présent contrat qu’elle qu’en soit la cause » ; Mme [X] « réservera l’exclusivité de ses services rémunérés à la société Novalliance RH pendant toute la durée du présent contrat et s’interdit, en particulier, de travailler pour le compte d’un autre employeur, même si ce dernier n’est pas un concurrent de la société, sauf accord express écrit de la direction ».
La société Novalliance RH produit le témoignage de Mme [L], chargée de recrutement, laquelle témoigne « avoir vu M. [C] [E] une fois le 31 mai 2018, puis à plusieurs reprises lors du congé de ma collègue en la période du 4 juin 2018 au 18 juin 2018 à l’agence Medicoop Midi-Pyrénées ». Ce témoignage est corroboré par celui de M. [Y], aux termes duquel il affirme avoir vu, le 15 juin 2018, M. [C] installé sur un ordinateur avec, à sa droite, un trousseau comprenant une clé USB posé sur le bureau. En outre, l’appelante produit le courriel d’un dénommé « [E] », envoyé à Mme [H], le 8 juin 2018, ce dernier indiquant remplacer Mme [P], salariée de Novalliance RH, dans le but de « faire un point ».
Ces éléments sont repris dans le dépôt de plainte de l’appelante par courrier en date du 29 juin 2018, aux termes duquel elle indique ne jamais avoir embauché M. [C], lequel s’est fait passer pour l’un de ses collaborateurs, dans le but de récupérer des informations pour le compte de Medicoop. Elle y indique en outre que le dénommé [C] a été introduit dans les locaux de la société Medicoop, par son gérant, M. [T], voire « une ou plusieurs salariées présentes sur place », cet intrus ayant : « travaillé sur un ou plusieurs ordinateurs appartenant à la société Novalliance RH sans son autorisation ; a pénétré dans son système informatique sans son autorisation ; a pu prendre connaissance de données confidentielles sans son autorisation ; a pu en effectuer des copies sans son autorisation ; a pu pirater le système informatique et endommager le système ».
Ces premiers éléments contextuels font état de ce qu’une personne étrangère au service a pénétré dans les locaux partagés avec la société Novalliance RH, afin d’y récupérer des données.
Toutefois, ils ne permettent aucunement de mettre en cause, même indirectement, Mme [V] [X].
La société Novalliance RH produit le témoignage de Mme [U] [G], responsable d’agence, laquelle expose : « lorsque je me suis aperçue de la présence de M. [C] dans les locaux, j’ai tout de suite interrogé l’équipe Novalliance RH sur sa présence. [V] [X] chargée du recrutement, ne m’a pas parue étonnée de la présence de cette personne étrangère à Novalliance RH, elle n’a d’ailleurs rien dit. Elle n’a certainement pas trouvé judicieux de prévenir la direction de la présence d’un inconnu, pour moi cela me permet de dire que [V] [X] n’était pas dérangée ni même étonnée par sa présence. À ce jour, [V] [X] a démissionné de Novalliance RH, mais travaille toujours au sein de l’agence Medicoop Midi-Pyrénées, cela laisse à penser qu’elle était au courant de ce qui s’est passé avec M. [C] ».
Or, ce témoignage relate des faits imprécis et non datés, lesquels font état de simples conjectures purement subjectives à l’encontre de Mme [X].
L’employeur procède lui aussi par voie de soupçons et de suppositions en soutenant, compte tenu de la chronologie des faits et du contexte sus-évoqué, que Mme [X] a commis les fautes reprochées.
En effet, même si l’intimée a démissionné le 10 août 2018 pour entrer au service de la société Medicoop le 13 septembre suivant, il est impossible d’affirmer, et même de présumer, que la salariée a eu la volonté de détourner des informations confidentielles au profit de son nouvel employeur, la société Medicoop, au moyen de man’uvres déloyales, dans l’intention de nuire et de trahir l’appelante.
La décision du tribunal de commerce rendue le 24 octobre 2022, dans un litige opposant les sociétés Coopemploi et Novalliance RH, ne permet pas non plus d’établir l’existence d’un quelconque manquement à l’obligation de loyauté et de discrétion de Mme [X].
Les fautes alléguées ne sont donc pas caractérisées.
Par conséquent, les demandes indemnitaires seront rejetées, étant souligné que la carence probatoire de l’employeur est manifeste malgré la gravité des accusations portées à l’encontre de Mme [X].
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Sur la concurrence déloyale
La société Novalliance RH soutient que la clause de non-concurrence est applicable dans la mesure où Mme [X] a rejoint l’entreprise auparavant bénéficiaire de ses services. L’appelante ajoute qu’elle n’a pas seulement aidé la société Medicoop à traiter la gestion de « ses ressources humaines », mais qu’elle les a « constituées » en s’occupant notamment du recrutement et de l’embauche. La société Novalliance RH ajoute que ses anciens salariés connaissent le réseau de prospects et d’intérimaires de sorte qu’ils ne peuvent, sans porter atteinte à ses intérêts, aller travailler dans des entreprises concurrentes. Elle précise que la salariée reconnait elle-même que son activité chez Medicoop aurait pu faire l’objet d’un transfert de salariés.
Mme [X] soulève la nullité de la clause de non-concurrence par voie d’exception et considère qu’elle n’était pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de la société Novalliance RH. La salariée explique également que la société Medicoop, son nouvel employeur, ne peut être considérée comme une entreprise concurrente de l’appelante.
Sur ce,
En application du principe fondamental du libre exercice d’une activité professionnelle et des dispositions de l’article L. 1121-1 du code du travail, une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière sérieuse, ces conditions étant cumulatives.
La portée de cette clause, qui conditionne sa validité, doit s’apprécier par rapport à l’activité réelle de l’entreprise et doit tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié.
Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la violation de cette clause par le salarié. L’employeur ne saurait, sans renverser la charge de la preuve, exiger que le salarié produise des éléments pour palier sa propre carence.
Au cas d’espèce, la clause de non-concurrence insérée dans le contrat entre Mme [X] et la société Novalliance RH stipule que : « compte tenu de ses fonctions de chargée de recrutement et des informations stratégiques de nature économique, commerciale ou technique auxquelles elle a accès, liens privilégiés développés avec la clientèle de la société Novalliance RH, Mme [V] [X] s’engagera après la rupture du son contrat de travail à ne pas exercer, sous quelque forme que ce soit, une activité concurrente de celle de la société Novalliance RH ou entrer directement ou indirectement au service des entreprises ayant repris ou poursuivi son activité sous quelque forme que ce soit.
Cette interdiction de concurrence est applicable pendant une durée d’un an et limitée à la zone géographique constituée par sa région (Midi Languedoc Roussillon). Elle s’appliquera quelle que soit la nature et le motif de la rupture du contrat, y compris pendant la période d’essai.
Pendant toute la durée de l’interdiction, il sera versé chaque trimestre, à Mme [X] [V] une somme égale à 25 % de son salaire moyen calculé sur la base des douze derniers mois de travail.
En cas de violation de la présente clause, Mme [X] [V] sera automatiquement redevable d’une somme fixée forfaitairement et dès à présent à un an de salaire brut. Pour sa part, la société Novalliance RH sera libérée de son engagement de versement de la contrepartie financière. Le paiement de cette somme n’est pas exclusif du droit que la société Novalliance RH se réserve de poursuivre Mme [V] [X] en remboursement du préjudice effectivement subi et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l’activité concurrentielle.
La société Novalliance RH se réserve, toutefois, la faculté de libérer Mme [V] [X] de l’interdiction de concurrence. Dans ce cas, elle s’engage à prévenir par écrit, la société Novalliance RH dans les 15 jours qui suivent la notification de la rupture de de son contrat de travail ».
Il doit être rappelé que, le 13 septembre 2018, la société Coopemploi a repris la gestion administrative de son personnel qu’elle avait déléguée à Novalliance RH dans le cadre du contrat de prestations de services, lequel fait état des missions de la société appelante en ces termes :
« Créer un maillage d’outils RH, d’aider les chefs d’entreprise à mettre en place des solutions optimisées de gestion de l’emploi et des ressources humaines. Novalliance apporte aussi un soutien administratif et organisationnel auprès de plusieurs entreprises de travail temporaires régionales ».
Ainsi, la société Medicoop, société de coopération spécialisée dans le travail temporaire, a eu recours aux prestations suivantes :
« Moyens techniques
– Prestation technique en terme de :
* gestion d’agence de travail temporaire (recrutement, commercial, planning) sur site ;
* gestion administrative du personnel de travail temporaire (formalités d’embauche, paye, facturation, suivi administratif du personnel) à distance et transmission des éléments utiles pour les dossiers contentieux ;
* gestion de l’accès aux droits des intérimaires (FASTT et FAFTT) ;
* dès le démarrage, il sera mis à disposition le nombre ETP nécessaire et autant que possible.
Moyens matériels
– Mise à disposition de l’ensemble des moyens d’exploitation de l’agence :
* outils bureautiques ;
* outils reprographiques ;
* mise à disposition du logiciel informatique dédié à la gestation administrative clients/personnel intérimaire sur site et à distance, hébergé à distance ;
* prise en charge de fournitures de bureau ;
* une ligne téléphonique portable.
Moyens comptables et fiscaux
– Tenue comptable intégrale en partenariat avec le cabinet Actuarius Experts conseils (‘) ;
Moyens statistiques
– Rapport d’activité social : fourni mensuellement et collectivement par le service paye ;
– Balance règlement intérieur coopérateur : fournir trimestriellement et individuellement sur demande par le service comptabilité ;
– Compte de résultats : fourni mensuellement et collectivement par le service comptabilité ;
– Le chiffre d’affaires hebdomadaire détaillé par client ;
– Bilan comptable trimestriel ;
– Tableau de suivi statistique : fourni mensuellement et individuellement sur demande par le service paye ».
La cour constate que l’employeur ne verse aucune fiche de poste permettant d’avoir une connaissance exacte de l’étendue des missions confiées à Mme [X], laquelle indique aux termes de ses écritures avoir assuré « l’intermédiaire entre les intérimaires et les coopérateurs de Medicoop (récupération des besoins en remplacements, recherche de remplaçants, établissement des contrats et DPAE, enrichissement d’un vivier propre à Medicoop) ».
Quand bien même Mme [X] pouvait avoir accès à un portefeuille de travailleurs temporaires, qu’elle était tenue d’abonder dans le cadre de ses missions pour Medicoop, cet outil ne permet pas à lui seul d’établir qu’elle détenait effectivement des « informations stratégiques de nature économique, commerciale ou technique », et qu’elle entretenait des « liens privilégiés » avec la clientèle.
La société n’établit pas non plus en quoi la formation de la salariée sur le logiciel Tempo, qui ne lui était pas spécifique, constituait une information technique au sens de ladite clause.
Ainsi, il n’est pas démontré en quoi des connaissances spécifiques et un savoir-faire pouvait être acquis chez Novalliance RH, dans le cadre des missions de chargé de recrutement, ce qui aurait été de nature à justifier la protection des intérêts légitimes de l’entreprise au moyen d’une clause de non-concurrence.
Au surplus, il ressort des éléments précités et des explications des parties que les sociétés Novalliance et Coopemploi n’ont pas la même activité en ce que la première offre des « solutions RH », ainsi qu’un soutien administratif et organisationnel auprès des entreprises, dont les sociétés de travail temporaire (elle applique la convention collective SYNTEC), alors que la seconde est une entreprise de travail temporaire mettant des travailleurs à disposition des employeurs du secteur médico-social et sanitaire (elle applique la convention collective des entreprises de travail temporaire). De surcroît, il est impossible d’affirmer, au sens de la clause de non-concurrence, que la société Coopemploi a « repris ou poursuivi » l’activité de la société Novalliance en internalisant la gestion de ses ressources humaines qu’elle avait auparavant déléguée, étant rappelé que l’activité des deux sociétés est différente.
Par conséquent, la demande indemnitaire de la société Novalliance sera rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l’existence d’un préjudice moral
La société Novalliance RH n’établit pas les manquements reprochés à Mme [X], de sorte que sa demande relative au préjudice moral allégué sera également rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les manquements reprochés à la SAS Novalliance RH :
Sur le manquement à l’obligation de sécurité
Dans sa version en vigueur au 1er janvier 2017, l’article R. 4624-31 du code du travail dispose que le travailleur bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel. Dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.
Au cas d’espèce, Mme [X] a été placée en arrêt de travail du 28 février au 4 avril 2018, soit plus de trente jours, et l’employeur ne justifie pas avoir saisi le service de santé au travail afin d’organiser l’examen médical de reprise.
Or, malgré ce manquement, la salariée ne démontre pas l’existence d’un préjudice moral ou physique en découlant directement.
La demande indemnitaire sera rejetée de ce chef et le jugement confirmé en ce sens.
Sur l’abandon de la direction et l’incertitude sur l’après Medicoop
D’abord, la salariée se prévaut d’un abandon de la direction Novalliance qui s’est traduit par une absence d’encadrement de l’équipe Medicoop devant faire face aux difficultés pouvant survenir au cours de l’exécution du contrat de prestations de services.
Si l’intimée produit plusieurs courriels adressés par l’ensemble des collaborateurs à la direction de Novalliance RH, entre juin et juillet 2018, lesquels font état de problèmes informatiques avec le logiciel Tempo et d’un sous-effectif important, Mme [X] ne démontre en avoir personnellement et directement souffert, si bien qu’elle n’établit pas les préjudices physique et moral allégués.
Ensuite, Mme [X] reproche à la direction de ne pas avoir informé les collaborateurs de « leur devenir » à la suite de la notification de la rupture du contrat de prestations de services par la société Medicoop, au cours du mois de mars 2018. Elle soutient que les salariés sont restés dans l’ignorance de leur situation jusqu’au 6 septembre 2018, soit la semaine précédant la rupture effective du contrat de prestations de services, ce qui a généré un climat d’incertitude anxiogène.
Il ressort des courriels produits que les salariés de Novalliance RH ont appris la fin de la collaboration avec Medicoop, au plus tard, au cours du mois de juillet 2018. Malgré leurs demandes répétées adressées à la direction (pièce salariée n° 5), les salariés ont seulement été informés le 6 septembre 2018 qu’ils allaient être repositionnés sur le site de [Localité 5] à compter du 13 septembre suivant.
Toutefois, Mme [X] n’établit pas avoir personnellement souffert de cette situation, étant précisé qu’il ne ressort pas de la procédure que son avenir professionnel au sein de Novalliance RH était menacé du fait de la rupture du contrat avec Medicoop. De plus, la cour rappelle que la salariée avait notifié sa démission le 10 août 2018, afin de prendre ses fonctions chez son nouvel employeur le 13 septembre suivant.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes indemnitaires.
Sur l’abus du droit d’agir en justice
L’article 32-1 du code de procédure civile prévoit que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
L’employeur impute à la salariée des manquements à son obligation de loyauté et de discrétion sur la base de suppositions et d’éléments d’ordre contextuel, lesquels, mêmes mis ensemble, ne permettent pas de caractériser un commencement de preuve. Par exemple, la société Novalliance RH indique aux termes de ses écritures : « La concluante pense que la société Medicoop MP a approché Mme [X] non seulement avec M. [C] lorsqu’il s’est introduit dans les locaux en juin, mais aussi avant cette date ».
La démarche procédurale de l’employeur consiste également à critiquer la version des faits exposée par Mme [X], dans le but de la confondre dans ses propres contradictions. Ce faisant, la société Novalliance RH tente de pallier sa carence probatoire en renversant la charge de la preuve. Par exemple, à propos de la présence de M. [C], l’employeur écrit :
« Mme [X] indique aujourd’hui, de façon d’ailleurs très contradictoire :
– Tantôt qu’elle ne s’est pas souciée de lui, absorbée par son travail (« conclusions récapitulatives » d’intimée du 05/01/2023) ;
– Tantôt avoir pensé que ce M. [C] était « le renfort » attendu ;
Dans ce cas, pourquoi Madame [G] n’a-t-elle pas pensé la même chose si cela était si évident ‘
Et pourquoi ne s’en serait-elle pas plus préoccupée, s’il devait soulager une partie du travail ‘ ».
La cour constate enfin que la société Novalliance, déjà condamnée par les premiers juges pour procédure abusive, ne verse aucune nouvelle pièce en appel de nature à laisser penser que Mme [X] aurait pu avoir commis les graves manquements allégués.
Au contraire, il s’évince des éléments de la procédure que la société Novalliance RH entend, avec une particulière mauvaise foi, imputer à Mme [X] la décision de la société Medicoop de rompre le contrat de prestations de services, alors que la salariée y est totalement étrangère, d’autant plus que le tribunal de commerce a rejeté la demande indemnitaire formée à l’encontre de la société Medicoop pour « débauchage illicite, concurrence déloyale et préjudice moral engendré » (pièce employeur n° 17). Ainsi, l’employeur maintien des griefs et des conjectures avec l’intention de nuire à Mme [X]. Par exemple, la société Novalliance explique en substance que l’intimée était en arrêt maladie le 6 mars 2018 afin d’organiser « la suite avec son futur employeur ». À ce sujet, la société argue dans ses écritures : « la concluante maintient ce reproche en dépit de la communication par Mme [X] du justificatif d’une hospitalisation les 2 et 3 mars 2018, en service de gastroentérologie ; n’ayant duré qu’une seule nuitée et surtout sans lien avec une spondylarthrite », étant précisé que la salariée communique son dossier médical duquel il s’évince qu’elle a été placée en arrêt de travail du 27 février au 4 avril 2018 (pièces salariée n° 3, 7 à 9, 13 et 14).
L’action de la société Novalliance RH repose sur des allégations et des suppositions qui, eu égard aux éléments précités, caractérisent un abus de son droit d’agir en justice.
Compte tenu de la faute lourde et de la « trahison » reprochées à Mme [X], l’abus du droit d’agir de l’employeur a porté atteinte à son honneur et généré une situation anxiogène quant au montant exagéré des sommes réclamées à titre indemnitaire, si bien qu’il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges en ce qu’ils ont condamné la société Novalliance RH au titre de la procédure abusive.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes annexes :
La société Novalliance, partie principalement perdante, sera condamnée aux dépens de l’appel.
Mme [X] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de cette procédure. La société Novalliance sera donc tenue de lui payer la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Y ajoutant :
Déboute la SAS Novalliance RH, devenue Solution Roussillon, de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS Novalliance RH, devenue Solution Roussillon aux dépens de l’appel et à payer à Mme [V] [X] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par S. BLUM”, présidente et C. DELVER, greffière.
LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE
C. DELVER S. BLUM”
.