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N° RG 22/01725 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JCXN
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 6 AVRIL 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
2018F00177
TRIBUNAL DE COMMERCE D’EVREUX du 21 avril 2022
APPELANTS :
Monsieur [O] [D]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 7] (75)
[Adresse 6]
[Localité 3]
S.N.C. FEELING FOX PRODUCTIONS
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentés et assistés de Me Christophe OHANIAN de la SELARL CAMPANARO OHANIAN, avocat au barreau de L’EURE
INTIMEE :
S.A. CREDIT LYONNAIS
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Emmanuelle MENOU de la SCP RSD AVOCATS, avocat au barreau de L’EURE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 5 janvier 2023 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, Présidente
M. URBANO, Conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DEVELET, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 5 janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 16 mars 2023 puis prorogée au 30 mars 2023 puis prorogée au 6 avril 2023.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Rendu publiquement le 6 avril 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Riffault, Greffière lors de la mise à disposition
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE
Suivant acte du 3 juillet 2013, la société le Crédit Lyonnais (LCL) a consenti à la société Feeling Fox Production SNC (FFP) un prêt d’un montant de
150.000 euros destiné au financement de recherche de débouchés export.
Celui-ci était consenti pour une durée 60 mois, remboursable mensuellement par échéances de 2.737,50 euros chacune, moyennant un taux d’intérêts de 4,64 % l’an.
Monsieur [O] [D], dirigeant de la société FFP s’est porté caution des sommes dues à hauteur de 75.000 euros.
Un avenant au contrat de prêt a été établi le 20 mars 2015 à l’effet de modifier les modalités de paiement avec un nouveau taux d’intérêts de 3,75 % l’an sur une durée de 59 mois, avec une période de différé d’amortissement et des échéances de 2.737,50 euros.
La société FFP n’a pas respecté ses engagements, de sorte que par courrier du 15 septembre 2017, mise en demeure était adressée à cette dernière avec clôture de compte.
Le 15 septembre 2017, Monsieur [Z] [D] était informé de cette situation, en sa qualité de caution.
Les mises en demeure sont restées sans effet.
Une assignation a été délivrée le 11 octobre 2018 à l’initiative du LCL afin de voir condamner solidairement la société Feeling Fox Production et Monsieur [D] paiement d’une somme de 65 372,39 euros en principal.
Par jugement du 21 avril 2022, le tribunal de commerce d’Evreux a :
– Condamné la société Feeling Fox Production au paiement de la somme de 65.312,71 euros au titre des sommes dues au titre de l’emprunteur.
– Condamné Monsieur [O] [D] solidairement avec la société Feeling Fox Production au paiement de la somme de 29.765,07 euros.
– Condamné le Crédit Lyonnais d’un défaut de preuve d’envoi d’information annuelle de la caution et donc débouté le Crédit Lyonnais de son droit à percevoir des indemnités contractuelles et indemnités forfaitaires de la part de la caution.
– Débouté la demande de la déchéance du droit aux intérêts du Crédit Lyonnais à l’égard de Monsieur [D] depuis le 3 juillet 2013, date de souscription de l’engagement de caution.
– Débouté la SNC Feeling Fox Production et Monsieur [D] de toutes les autres demandes et de leurs demandes reconventionnelles.
– Condamné solidairement la société SNC Feeling Fox Production et M. [D] à la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
La société FFP et monsieur [D] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 24 mai 2022.
PRETENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions du 29 décembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de la société FFP et monsieur [D] qui demandent à la cour de :
Infirmer le jugement en ce qu’il a :
– Condamné la société Feeling Fox Production au paiement de la somme de 65.312,71 euros au titre des sommes dues au titre de l’emprunteur.
– Condamné Monsieur [O] [D] solidairement avec la société Feeling Fox Production au paiement de la somme de 29.765,07 euros.
– Débouté la société FFP et monsieur [D] de toutes les autres demandes et demandes reconventionnelles.
– Condamné solidairement la société SNC Feeling Fox Production et M. [D] à la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Confirmer le jugement en ce qu’il a :
– Condamné le Crédit Lyonnais d’un défaut de preuve d’envoi d’information annuelle de la caution et donc débouté le Crédit Lyonnais de son droit à percevoir des indemnités contractuelles et indemnités forfaitaires de la part de la caution.
Statuant à nouveau :
Dire et juger que l’indemnité contractuelle réclamée par le Crédit Lyonnais ne peut excéder la somme de 2.977 euros.
Vu 1231-5 alinéa 2 du code civil,
Réduire à néant, ou à tout le moins, à de plus justes proportions, l’indemnité contractuelle réclamée par le Crédit Lyonnais.
Dire et juger que la somme de 3.036,68 euros revendiquée au titre de l’indemnité forfaitaire sera déduite des sommes réclamées par le Crédit Lyonnais à l’égard de Monsieur [O] [D].
Dire et juger que la somme au paiement de laquelle pourrait être condamnée la société Feeling Fox ProductionS SNC au titre du prêt souscrit le 3 juillet 2013 ne saurait excéder 62.335,71 euros.
Vu l’article L341-6 ancien du code de la consommation dans sa version applicable à la présente espèce,
Prononcer la déchéance du droit aux intérêts du Crédit Lyonnais à l’égard de Monsieur [O] [D] depuis le 3 juillet 2013, date de souscription de l’engagement de caution.
Enjoindre au Crédit Lyonnais de produire un décompte de sa créance déduction faite des intérêts depuis le 3 juillet 2013.
Dire et juger que la somme au paiement de laquelle pourrait être condamné Monsieur [O] [D] en sa qualité de caution ne saurait excéder 29.765 euros.
A titre reconventionnel, condamner le Crédit Lyonnais à payer à la société Feeling Fox Production SNC et à Monsieur [O] [D], à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice causé par le manquement au devoir de mise en garde et le comportement fautif susivsé de l’organisme bancaire, une somme équivalente à celle qui leur est réclamée par le Crédit Lyonnais en leur qualité respective d’emprunteur principal et de caution.
Ordonner la compensation entre les sommes réclamées par le Crédit Lyonnais à la société Feeling Fox Productions SNC et à Monsieur [O] [D] en leur qualité respective d’emprunteur principal et de caution et les sommes au paiement desquelles le Crédit Lyonnais sera condamné au titre du manquement au devoir de mise en garde.
Débouter le Crédit Lyonnais de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Condamner le Crédit Lyonnais à payer à la société Feeling Fox Productions SNC et à Monsieur [O] [D] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner le Crédit Lyonnais aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions du 27 décembre 2022, le Crédit Lyonnais demande à la cour de :
Vu les conclusions du 27 décembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de la banque le Crédit Lyonnais qui demande à la cour de :
Déclarer mal fondé Monsieur [D] et la société Feeling Fox Productions en toutes leurs demandes, fins et conclusions.
Les en débouter
Confirmer purement et simplement le jugement dont appel.
Y ajoutant
Condamner solidairement Monsieur [D] et la société Feeling Fox Productions au paiement de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Au préalable, le premier juge a retenu que l’indemnité forfaitaire était de 2 977 € et en a débouté la société Le Crédit Lyonnais à l’égard de M. [D]. La SA Crédit Lyonnais conclu à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Il en résulte qu’il a été satisfait à la demande de M. [D] tendant à voir déduire le montant de l’indemnité forfaitaire des sommes demandées à Monsieur [O] [D]. Le jugement ne peut qu’être confirmé sur ce point.
Sur la demande de la société FFP tendant à la réduction de l’indemnité contractuelle
La société FFP fait valoir que l’indemnité forfaitaire de 2977 euros présente un caractère manifestement excessif.
Le Crédit Lyonnais réplique que l’indemnité contractuelle ne peut pas être réduite en vertu de l’article 1231-5 du code civil et que son montant n’est nullement excessif.
Réponse de la cour
Aux termes de l’article 1231-5 du Code Civil : ”lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire (‘).’
Le contrat de prêt a prévu au paragraphe III.5 intitulé exigibilité anticipée que ‘(‘) l’emprunteur sera redevable d’une indemnité égale à 5 % du capital restant dû notamment en cas de non paiement à son échéance d’une somme devenue exigible. (‘).’ Il est constant que la société FFP est défaillante dans le remboursement des échéances depuis le 4 juin 2017. La clause qui porte sur une pénalité de 10% constitue une sanction forfaitaire en cas d’inexécution d’une obligation et doit être qualifiée de clause pénale.
La société FFP ne démontre pas que cette clause contractuellement adoptée par les parties présente un caractère manifestement excessif au regard du préjudice subi par le créancier. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la société FFP au paiement de la somme de 65 312,71 €.
Sur la responsabilité de la banque
Sur le devoir de mise en garde de la banque
Moyens des parties
La société FFP et monsieur [D] font valoir que :
* l’organisme bancaire aurait dû alerter expressément Monsieur [D], tout d’abord en sa qualité de gérant de la société FFP, sur les risques d’endettement que prenait ladite société en souscrivant le prêt objet du présent litige d’un montant de 150.000 euros remboursable par 60 échéances mensuelles de 2.737,50 euros et, en sa qualité de caution, sur les risques d’endettement qu’il prenait lui-même en acceptant de se porter caution des engagements de la société FFP ;
* la caution n’a pas été mise en garde contre les conséquences éventuelles des obligations qu’elle souscrivait, et plus particulièrement contre le risque de perdre son patrimoine immobilier qui s’est d’ailleurs réalisé puisque le bien propriété de la SCI [Adresse 5] fait l’objet d’une procédure de saisie immobilière à la requête du Crédit Lyonnais ;
* monsieur [D] ne disposait pas, à l’époque de la souscription de son engagement de caution, pas plus qu’aujourd’hui, de liquidités suffisantes pour procéder, en sa qualité de caution, au remboursement des sommes dues par la société FFP ;
* la banque n’a pas examiné les capacités de remboursement de la société FFP concernant le prêt qu’elle lui a consenti, avant l’octroi de ce prêt, ni l’avoir mise en garde contre les risques d’endettement encourus du fait de la souscription de cet engagement ;
* Monsieur [D] ne peut être considéré comme une caution avertie ; il n’a pas de compétence en matière financière et il n’est pas un professionnel du crédit ;
* ils sont bien fondés à solliciter la condamnation du Crédit Lyonnais à leur payer, à titre de dommages-intérêts, une somme équivalente à celle qui leur est réclamée par la banque en réparation du préjudice causé par le manquement de la banque à son devoir de mise en garde.
Le Crédit Lyonnais réplique que :
* elle a respecté son obligation en se renseignant sur la situation déclarée de la caution qui a exposé une situation financière extrêmement favorable ;
* Monsieur [D] dirigeant de la société Feeling Fox Productions se présentait comme producteur de télévision au développement international avec 32 ans d’expérience ; il est une caution avertie parfaitement aguerrie sur la nature et la portée de son engagement ;
* lorsqu’il s’est engagé en qualité de caution, il était propriétaire d’un bien acquis d’une valeur de 850.000 euros sur lequel il restait dû au jour de son engagement une somme de 485.825 euros soit une valeur nette de plus de 364.000 euros ;
* ce bien a été vendu en mars 2021 à un prix de 1.226.500 euros permettant dès lors de retenir qu’au jour de son engagement ou bien à la date de ce jour la situation de Monsieur [D] permet parfaitement de faire face à son engagement.
Réponse de la cour
L’assujettissement du banquier dispensateur de crédit d’une obligation de mise en garde à raison des capacités financières de l’emprunteur et des risques de l’endettement né de l’octroi du prêt concerne le client profane.
De la même façon, la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s’il existe un risque d’ endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.
Le caractère averti de l’emprunteur, personne morale, s’apprécie en la personne de son représentant légal.
Monsieur [D], né le [Date naissance 1] 1953, gérant de la société Feeling Fox Productions, représentant légal de cette dernière s’est présenté au moment de la souscription du prêt le 3 juillet 2013 comme producteur de télévision au développement international depuis 32 ans.
La société dont il est le gérant est une société de production.
Monsieur [D] en tant que producteur de télévision gère nécessairement les aspects commerciaux des projets.
Il a également créé la SCI [Adresse 5] étant mentionné dans le contrat de prêt que cette SCI a consenti un bail commercial à un fonds de commerce de réalisation, mise en scène de spectacles, production audio, vidéo, TV.
Il ressort des nombreuses lettres adressées à la banque par monsieur [D] et des termes employés dans certains de ces écrits que l’appelant a une habitude ceratine des affaires dans la recherche d’investissements notamment étrangers pour développer divers projets concernant la SCI [Adresse 5] qu’il a constituée. Il produit également des échanges de messages avec des consultants pour des levées de fonds. Ainsi monsieur [D] s’adresse à des grands groupes hôteliers, à des promoteurs immobiliers, à la Région de Normandie, révélant son implication dans le montage des dossiers. Dans un message adressé au service de recouvrement de la banque LCL le 6 novembre 2017, monsieur [D] évoque se battre depuis plus de 30 ans pour valoriser son entreprise ce qui atteste de sa longue expérience dans un domaine impliquant des connaissances en matière financière.
Il ressort de ses éléments que lors de la souscription du prêt, monsieur [D], représentant légal de la société FFP dont l’activité de production n’est pas étrangère au monde financier, avait l’habitude des affaires depuis 32 ans. En outre, le prêt consenti ne présentait pas de complexité particulière. Il en résulte que M. [D], même s’il n’était pas un professionnel du crédit, avait la compétence nécessaire pour mesurer les risques liés au concours consenti et plus particulièrement le risque d’endettement. Il doit être regardé comme étant un emprunteur averti de sorte que la banque, dont il n’est ni allégué ni démontré qu’elle aurait le 3 juillet 2013 disposé sur les revenus de la société d’informations que cette dernière aurait elle même ignorées, n’était pas tenue à l’égard de l’emprunteur d’un devoir de mise en garde.
Pour les mêmes motifs, monsieur [D] qui s’est portée caution du prêt consenti à la société dont il est le gérant était une caution avertie de sorte que la banque n’était pas non plus tenue à son égard à un devoir de mise en garde.
Sur le devoir d’information de la banque portant sur la garantie OSEO
Moyens des parties
La société FFP et monsieur [D] font valoir que :
* ils n’ont pas été informés des modalités exactes de l’engagement d’OSEO Garantie au moment où ils ont souscrit leurs engagements de caution et d’emprunteur et ils ont pu légitimement croire, que leur engagement était limité par l’intervention de cette garantie ; ils n’ont pas eu d’ information claire, précise et complète de la part de l’organisme bancaire ;
* le Crédit Lyonnais reconnaît dans ses dernières conclusions qu’aucune information n’a été donnée à Monsieur [D] concernant le caractère seulement subsidiaire de l’intervention d’OSEO Garantie ;
* Monsieur [D] n’aurait jamais souscrit l’offre de prêt litigieuse et son engagement de caution s’il avait été informé que la garantie OSEO n’avait qu’un caractère subsidiaire, compte tenu des risques d’endettement encourus ;
* ils sont ainsi bien fondés à solliciter la condamnation de la banque à leur payer, à titre de dommages-intérêts, une somme équivalente à celle qui leur est réclamée par le Crédit Lyonnais.
La banque LCL réplique que :
* la garantie OSEO ne peut en aucun cas être invoquée par les tiers, notamment par l’emprunteur et ses garants personnels, pour contester tout ou partie de leur dette ; elle présente un caractère subsidiaire ;
* la documentation OSEO est consultable sur le site du gouvernement depuis plus de 14 ans de sorte qu’il ne peut être soutenu que la banque aurait manqué à son devoir d’information ;
* M [D] ne démontre pas qu’il ne serait pas engagé si pour les besoins de la démonstration, on devait considérer qu’il n’a pas eu cette information ; il lui était nécessaire de disposer de ce concours bancaire.
Réponse de la Cour
Il résulte des dispositions de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 que la banque doit délivrer aux emprunteurs et à la caution des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement notamment du mécanisme de la garantie OSEO GARANTIE.
Le contrat de prêt d’un montant de 150 000 euros était garanti pour partie par OSEO à hauteur de 50 % et dans la limite de 50 % par monsieur [D].
Il est précisé au paragraphe II.2 du contrat de prêt intitulé Dispositions spéciales que ” le prêt bénéficie de la garantie partielle de OSEO GARANTIE à hauteur de 50%. L’emprunteur confirme avoir connaissance des garanties générales d’intervention de cet organisme et les accepter. Il s’engage à régler la commission d’intervention de OSEO GARANTIE soit 2619,16 EUROS.”
Par ailleurs, dans la partie du contrat concernant la caution, il est stipulé en page 9 que ”son cautionnement pourra être appelé pour la totalité de son montant quand bien même la dette serait garantie par une ou plusieurs autre(s) caution(s).”
Il est encore stipulé en page 10 que : ”Le Prêt étant garanti par un (ou plusieurs) organisme(s) de Caution Mutuelle, en tout ou partie, la Caution reconnaît avoir été parfaitement informée que, eu égard aux conditions d’intervention de cet (ces) Organisme(s) de Caution Mutuelle, acceptées par l’Emprunteur : lors de la mise en jeu de son engagement, elle ne pourra pas exiger des Organismes de Caution Mutuelle (ou de l’un d’entre eux) une quelconque contribution dans le remboursement ou le paiement de la dette de L’emprunteur qui lui est réclamée et elle ne pourra pas non plus demander au Prêteur de diviser ses recours entre elle et l'(les) organisme(s) de Caution Mutuelle, ce(s) dernier(s) n’intervenant qu’une fois que tous les recours contre l’Emprunteur, la ou (les) caution(s), un(ou des ) tiers-garant(s) auront été exercés.(…).
Ainsi en signant le prêt contenant l’engagement de caution, la société FFP et monsieur [D] ont reconnu avoir été informés sur l’intervention de la garantie OSEO. Par ailleurs les stipulations contractuelles ci-dessus indiquées en fin du paragraphe qui précède précisent clairement le caractère subsidiaire de l’intervention de l’organisme de caution mutuelle qu’est OSEO Garantie ce qui correspond au contenu de l’information souhaitée par les appelants.
La société FFP et monsieur [D] savaient qu’ils étaient tenus au règlement de leurs engagements quelles que soient les autres garanties prises par la banque en cas de défaillance du débiteur principal et de la caution.
Par conséquent, le moyen tiré d’un manquement de la banque à son devoir d’information portant sur cette garantie sera écarté.
Sur la divulgation d’informations confidentielles
Moyens des parties
Les appelants font valoir que :
* ils ont tout tenté pour sauver l’activité de l’entreprise et pouvoir ainsi rembourser le prêt souscrit auprès de l’organisme bancaire ;
* la recherche de nouveaux investisseurs a été mise à mal par le Crédit Lyonnais lui-même qui a divulgué aux investisseurs potentiels de la société FFP des informations confidentielles sur la santé financière de ladite société en totale violation du secret bancaire ;
* ce comportement fautif du Crédit Lyonnais justifie de voir condamner l’organisme bancaire à payer à la société FFP et à Monsieur [D] une somme équivalente à celle qui leur est réclamée par le Crédit Lyonnais en leur qualité respective de caution et d’emprunteur.
La banque réplique que :
* les allégations de divulgation d’informations par la banque ne sont aucunement fondées ni démontrées.
Réponse de la cour :
Les seules annotations manuscrites portées sur les messages des 14 février, 9 mars, 12 mars et 9 mai 2018 adressés par monsieur [D] à la banque incriminant cette dernière de prétendues divulgations à des tiers d’informations catastrophiques n’ont aucun caractère probant. Aucun autre élément n’étant produit, ce moyen sera écarté.
Il résulte de tout ce qui précède que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté la société FFP et M. [D] de leur demande indemnitaire.
Sur la déchéance à l’égard de la caution de la société Crédit Lyonnais du droit de percevoir les intérêts contractuels :
L’article L313-22 du code monétaire et financier dans sa versionen vigueur du 7 mai 2005 au 1er janvier 2014 prévoyait que « Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle informations. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ».
Le jugement entrepris a condamné M. [D] au paiement de la somme de
29 765,07 € représentant la moitié du principal suivant le décompte de la banque arrêté au 14 septembre 2019. Il a soustrait de cette somme les intérêts demandés par la banque depuis le 4 juillet 2017. Mais il a débouté M. [D] du surplus de sa demande.
La banque, citant le jugement entrepris qui a retenu qu’elle ne justifiait pas de l’envoi à la caution de la lettre d’information annuelle, demande la confirmation du jugement. Force est de constater qu’il n’est justifié de l’envoi d’aucune lettre depuis l’engagement de caution. La déchéance de la banque du bénéfice des intérêts contractuels comprend les intérêts payés depuis la première échéance du prêt. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté M. [D] de sa demande portant sur les intérêts payés depuis son engagement de caution.
Il ressort des décomptes présentés par la banque que la première échéance impayée est celle du 4 juin 2017. Il ressort du tableau d’amortissement du prêt que la somme des intérêts payés depuis la première échéance du prêt jusqu’à celle du 4 juin incluse est de 8 959,08 €. Sans qu’il soit besoin d’enjoindre à la société Le Crédit Lyonnais de produire un nouveau décompte de créance, la somme de 8 959,08 € sera soustraite de celle de 29 765,07 €. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné M. [D] au paiement de la somme de 29 765,07 € et M. [D] sera condamné au paiement de la somme de 20 805,99 €.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Condamné Monsieur [O] [D] solidairement avec la société Feeling Fox Production au paiement de la somme de 29.765,07 euros.
– Débouté la demande de la déchéance du droit aux intérêts du Crédit Lyonnais à l’égard de Monsieur [D] depuis le 3 juillet 2013, date de souscription de l’engagement de caution.
Statuant à nouveau :
Dit que la société Crédit Lyonnais est déchue à l’égard de M. [D] du bénéfice des intérêts depuis le 3 juillet 2013 ;
Condamne solidairement M.[O] [D] avec la société Feeling Fox Production à hauteur de la somme de 20 805,99 €.
Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;
Y ajoutant
Condamne la société Crédit Lyonnais aux dépens en cause d’appel.
Condamne la société Crédit Lyonnais à payer à M. [D] la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d’appel.
Déboute la société Feeling Fox Productions et M. [D] du surplus de leur demande présentée au titre des frais irrépétibles.
La greffière, La présidente,