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C1
N° RG 21/02002
N° Portalis DBVM-V-B7F-K3JI
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL MERESSE AVOCATS
la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 02 MAI 2023
Appel d’une décision (N° RG F 20/00076)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VIENNE
en date du 20 avril 2021
suivant déclaration d’appel du 29 avril 2021
APPELANT :
Monsieur [E] [Y]
né le 15 Janvier 1972 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2],
[Localité 1]
représenté par Me Fleurine MERESSE de la SELARL MERESSE AVOCATS, avocat au barreau de VALENCE,
INTIMEE :
S.A.R.L. AD PROTECT, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat postulant inscrit au barreau de LYON,
et par Me Christian BROCHARD de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,
Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
Assistées lors des débats de Mme Mériem CASTE-BELKADI, en présence de Mme Elora DOUHERET, Greffière stagiaire,
DÉBATS :
A l’audience publique du 06 mars 2023,
Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère chargée du rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
Exposé du litige :
M. [Y] a été engagé en qualité de compagnon professionnel, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 17 octobre 2000 par la SARL [Z], aux droits de laquelle est venue par la suite la SARL AD PROTECT, spécialisée dans l’installation et la maintenance de dispositifs d’alarme et de système de sécurité.
M. [Y] exerçait en dernier lieu la fonction de conducteur de travaux, chargé de l’installation et de la maintenance des systèmes de vidéo-surveillance chez les clients de la société.
A compter du 24 septembre 2019, M.[Y] a fait l’objet d’un arrêt de travail d’origine non professionnelle, reconduit successivement.
Par courrier du 21 février 2020, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un licenciement, qui s’est déroulé le 4 mars 2020.
M. [Y] s’est vu notifier son licenciement pour faute grave le 10 mars 2020.
M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Vienne, en date du 29 avril 2020, aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.
Par jugement du 20 avril 2021, le conseil de prud’hommes de Vienne, a :
Dit que le licenciement de M. [Y] repose sur une faute grave
Débouté M. [Y] de l’ensemble de ses demandes
Condamné M. [Y] aux entiers dépens
Débouté la SARL AD Protect de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La décision a été notifiée aux parties et M. [Y] en a interjeté appel.
Par conclusions récapitulatives n°2, notifiées par voie électronique le 06 février 2023, M. [Y] demande à la cour d’appel de :
Infirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions.
A titre principal :
Condamner la SARL AD PROTECT à lui allouer la somme de 48.050,00 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
Déclarer la demande nouvelle de la SARL AD PROTECT irrecevable,
A titre subsidiaire :
Juger que son licenciement pour faute grave doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Par conséquent,
Condamner la SARL AD PROTECT à lui verser la somme de 48.050,00 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Juger la demande reconventionnelle formulée par la SARL AD PROTECT mal fondée, l’en débouter,
En tout état de cause,
Condamner la SARL AD PROTECT aux sommes suivantes :
27 900,00 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
9 300,00 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 930,00 € à titre de congés payés y afférents,
3 100,00 € nets à titre de méconnaissance des droits au repos quotidien,
5 000,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Fixer la moyenne des salaires bruts à la somme de 3 100,00 €.
Par conclusions récapitulatives et responsives n° 1 d’intimé, notifiées par voie électronique le 06 février 2023, la SARL AD PROTECT demande à la cour d’appel de :
Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 avril 2021 par le Conseil de prud’hommes de VIENNE ;
Partant,
Dire et juger que le licenciement repose sur une faute grave ;
Dire et juger que M.[Y] ne démontre pas que la société aurait violé son droit à repos quotidien;
Le débouter de l’intégralité de ses demandes ;
Le condamner à lui verser la somme de 2.000 euros pour procédure abusive sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ;
Le condamner au paiement de la somme de 2.000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux dépens.
Y ajoutant,
Condamner M. [Y] à lui verser la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice résultant de sa faute lourde.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 07 février 2023. L’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 06 mars 2023.
A l’audience, la cour d’appel a demandé que les contrats signés entre la SARL AD PROTECT et la société BIOMONDE soient transmis contradictoirement, par note en délibéré.
Suite à la communication de deux contrats, M. [Y] a fait valoir ses observations, notifiées par voie électronique le 09 mars 2023.
La décision a été mise en délibéré au 02 mai 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
Sur le droit au repos quotidien :
Moyens des parties :
M. [Y] soutient qu’il n’a pas pu bénéficier d’une durée quotidienne continue de repos de 11 heures en raison des sollicitations répétées de son employeur à toutes heures.
L’employeur conteste, au visa de l’article L. 3131-1 du code du travail, avoir sollicité M. [Y] à des heures indues, aux motifs que :
– Il ne faisait que lui transmettre des informations et des consignes succinctes pour la journée du lendemain, ou il répondait à ses propres demandes,
– M. [Y] ne fait la démonstration d’aucun préjudice.
Réponse de la cour :
Selon l’article L. 3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d’un repos compensateur d’une durée minimale de 11 heures consécutives.
En l’espèce, M. [Y] produit des messages téléphoniques écrits non datés, adressés ou reçus en soirée de destinataires enregistrés comme étant « [X] [Z] ,Team AD Protect, ou [D] ».
Or,le contenu de ces messages établit qu’il s’agit uniquement d’informations ou de consignes données dans le cadre des missions devant être effectuées le lendemain. Aucun de ces messages ne met en évidence qu’une réponse est attendue dans la soirée, ou que le temps de repos du salarié est interrompu afin de le solliciter pour l’exécution d’une quelconque mission.
Dès lors, ces seuls éléments ne démontrent pas que la SARL AD PROTECT n’a pas respecté l’obligation de repos quotidien du salarié.
M. [Y] sera donc débouté de sa demande, par confirmation du jugement entrepris.
Sur le bien-fondé du licenciement :
Moyens des parties :
La SARL AD PROTECT soutient que la procédure de licenciement n’a pas été engagée tardivement, car elle a eu connaissance des faits reprochés le 06 février 2020.
Elle affirme que le licenciement pour faute grave de M. [Y] est fondé, aux motifs que :
– La société n’assure aucune activité de gardiennage ou de surveillance, et elle dispose uniquement d’un code administrateur des installations de ses clients pour pouvoir assurer leur maintenance.
– M. [Y] a violé son obligation de loyauté à l’égard de la société en :
* Se connectant sans autorisation ni information préalable aux systèmes de vidéosurveillance des installations effectuées par la SARL AD PROTECT auprès de ses clients,
* Configurant un code administrateur personnalisé que lui seul connaissait pour le client BIOMONDE,
* Transmettant à un tiers non autorisé des images captées par le dispositif installé au sein des locaux du client BIOMONDE, ou en lui laissant les accès du dispositif,
Elle affirme ainsi que :
– M. [Y] a utilisé du matériel de la société et des informations confidentielles à des fins purement personnelles,
– M. [Y] a violé la confidentialité de clients de la société,
– M. [Y] a gravement mis en danger les intérêts de la société en portant atteinte à sa crédibilité vis-à-vis de ses clients,
– Les faits reprochés sont rattachables à son activité professionnelle et étrangers à sa situation de famille.
En réponse, M. [Y] affirme, au visa des articles L. 1132-1, L. 1132-3-3, L. 1132-4, et L.1235-3-1 du code du travail, que son licenciement pour faute grave est nul. En effet, il expose que :
– La conservation d’identifiants de connexion par les salariés constituait un mode de fonctionnement normal et pérenne de l’entreprise,
– Cette conservation des accès était non seulement connue des clients mais également sollicitée par eux, pour des raisons de gestion des interventions.
– La SARL AD PROTECT ne justifie pas avoir instauré de règles limitant ou encadrant la connexion des salariés, qui auraient été valablement portées à leur connaissance
– Un fait tiré de la vie privée ne saurait justifier un licenciement pour faute, particulièrement dans l’hypothèse d’une relation familiale.
– La lettre de licenciement ne précise pas le grief selon lequel M. [Y] aurait communiqué des éléments de connexion à Mme [F] à sa demande,
– La SARL AD PROTECT ne démontre pas avoir reçu l’autorisation de supprimer les accès de Mme [F]
– Il existe une communauté d’intérêts entre M. [G] et la SARL AD PROTECT.
Subsidiairement, M. [Y] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, dès lors que :
– La SARL AD PROTECT ne démontre pas l’existence d’un ensemble de faits personnellement imputables à M. [Y], ni la violation d’une obligation contractuelle,
– La SARL AD PROTECT a mis en ‘uvre une procédure de licenciement deux mois après la date à laquelle elle a eu connaissance des faits.
Réponse de la cour,
Selon les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié.
Cette lettre, qui fixe les limites du litige, ce qui interdit à l’employeur d’invoquer de nouveaux griefs et au juge d’examiner d’autres griefs non évoqués dans cette lettre, doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables permettant au juge d’en apprécier la réalité et le sérieux.
Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Selon l’article L. 1235-2 du même code, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions, fixés par décret en Conseil d’Etat.
La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
A défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande en application de l’alinéa premier, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.
Il est de principe que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé au sein de l’entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en ‘uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
La gravité de la faute s’apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l’ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires. L’existence d’un préjudice subi par l’employeur en conséquence du comportement reproché au salarié n’est pas une condition de la faute grave.
Si le juge ne peut ajouter d’autres faits à ceux invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l’employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En l’espèce, la lettre de licenciement notifiée à M. [Y] le 10 mars 2020, et qui fixe les termes du litige, mentionne :
« Nous faisons suite à l’entretien préalable qui s’est tenu le 4 mars 2020, auquel vous vous êtes présenté seul, et nous avons le regret par la présente de vous notifier votre licenciement pour faute grave aux motifs suivants.
Vous occupez dans notre entreprise depuis le 17 octobre 2000 les fonctions de conducteur de travaux. A ce titre, vous travaillez principalement sur l’installation des systèmes de vidéosurveillance, objet de l’activité de l’entreprise, et vous avez accès aux codes maîtres des installations, aux noms d’administrateur et surtout aux références des équipements et stockeurs.
Nous avons été alertés, dans le cadre d’une intervention sollicitée à l’origine par notre client Biomonde, sur des connexions à distance intervenues sur son système. Compte tenu de la gravité de cette situation, nous avons cherché à en vérifier la réalité et à en déterminer l’origine.
C’est dans ce contexte et au regard d’événements récents que nous pouvons faire les constats suivants :
1- L’analyse de votre téléphone professionnel fait apparaître que vous avez installé et conservé un accès instantané aux systèmes vidéo de nos clients, et ce de façon permanente. Ces accès comprennent des installations anciennes pour lesquelles nous n’avons même pas de contrat de maintenance et a fortiori pas de contrat de vidéo surveillance, activité que ne réalise pas l’entreprise ;
Ces accès sont totalement illicites, même dans l’hypothèse de contrats de maintenance, et contreviennent à l’autonomie et la liberté de nos clients qui ne peuvent évidemment admettre que des tiers à leur entreprise puissent, sans aucune autorisation ni information qui leur soit diffusée, accéder aux vidéos de leur installation.
2- Ces accès ont été utilisés ainsi que le prouvent des connexions multiples sur plusieurs installations, intervenues notamment chez le client Biomonde. Ces intrusions sont totalement illicites et inadmissibles. Elles n’ont par ailleurs aucun fondement technique ou contractuel.
Elles peuvent mettre gravement en danger et notre entreprise et nos clients.
3- Le principe de ces accès et leur utilisation se trouvent aggravés, dans le cas particulier de la société Biomonde. Sur demande de ce client et compte tenu du constat de l’accès externe à son installation, les codes d’accès ont été récemment modifiés. Nous avons immédiatement été interpellés par une personne se présentant comme une associée de cette société et nous réclamant à plusieurs reprises et de façon insistante de la rétablir dans ses possibilités d’accès.
Cette personne, qui vit à la même adresse que vous, a bénéficié des accès les plus larges, y compris des codes maîtres, pour l’installation en question.
Cette situation, au-delà de son caractère totalement anormal, nous place dans une situation très délicate vis-à-vis de notre client, le gérant de la société, en conflit manifestement avec cette personne tierce, alors que nous devons rester le garant de la sécurité et de la confidentialité des installations que nous vendons.
D’une façon plus générale, ces comportements traduisent la confusion anormale que vous créez entre votre vie personnelle et votre vie professionnelle, ainsi que le mettent également en évidence les liens internet et les connexions d’accès que vous avez installés sur votre ordinateur professionnel.
Ces faits sont particulièrement graves, par eux-mêmes, et au regard de la menace qu’ils font peser sur notre entreprise en matière de sécurité juridique et de crédibilité commerciale, cruciales dans le secteur d’activité de la sécurité.
Votre maintien, même temporaire, dans l’entreprise s’avère impossible et par conséquent, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave. Votre licenciement prend donc effet immédiatement dès l’envoi de la présente, sans indemnité de préavis ni indemnité de licenciement. (‘) »
La SARL AD PROTECT produit le contrat de travail de M. [Y], lequel mentionne :
« Article IX ‘ DISCRETION ET CONCURRENCE
Monsieur [E] [Y] s’engage à observer la plus grande discrétion sur toutes les informations, connaissances et techniques qu’il aurait connues à l’occasion de son travail dans l’entreprise. »
Il ressort des éléments du débat qu’elle n’est investie d’aucune mission de surveillance de ses clients ni de gardiennage, son activité consistant à installer et assurer la maintenance de dispositifs de surveillance, dont l’exploitation appartient au client.
Il n’est pas contesté, que :
– La société dispose d’un code dit « maitre » ou « administrateur », configuré à l’occasion de l’installation du dispositif concerné, pour permettre à n’importe quel salarié d’en assurer la maintenance,
– Le client bénéficie d’un code dit « utilisateur » permettant d’accéder de façon sécurisée aux données collectées par les dispositifs de surveillance,
> Sur le grief relatif à des connexions sans autorisation ni information préalable aux systèmes de vidéosurveillance des installations effectuées par la SARL AD PROTECT auprès de ses clients :
La SARL AD PROTECT formule ce grief dans la lettre de licenciement sans apporter aucune précision sur le contexte visé, les dates et les clients concernés, de sorte que ce manquement ne peut être retenu.
> Sur le grief relatif à la création d’un code administrateur personnalisé pour le client BIOMONDE,
La SARL AD PROTECT produit une attestation de M. [G], gérant du magasin Biomonde, lequel indique avoir demandé à l’entreprise d’intervenir le 22 novembre 2019, après avoir constaté des intrusions dans le système de vidéosurveillance de son magasin.
Elle produit aussi l’historique des connexions pour le magasin de [Localité 5] pour la période du 22 novembre au 03 décembre 2019, et affirme avoir découvert lors de cette intervention que M. [Y] avait créé un code administrateur personnalisé, composé des chiffres « 116586 », différent du code habituellement créé par la société dans le cadre de la maintenance des systèmes, soit « 106586 ».
Cependant, elle n’apporte aucun élément objectif démontrant qu’elle utilisait effectivement un code administrateur unique, qui aurait dû être utilisé pour ce client, de sorte que ce grief ne sera pas retenu.
> Sur le grief relatif à la transmission à un tiers non autorisé des images captées par le dispositif installé au sein des locaux du client BIOMONDE, ou en lui laissant les accès du dispositif,
La SARL AD PROTECT produit aux débats les deux contrats signés avec le Client BIOMONDE le 07 novembre 2018 et le 29 novembre 2018, lesquels mentionnent le nom de Mme [F], associée de la société exploitant le magasin Biomonde.
Le nom de Mme [F] apparait aussi dans le dossier de demande d’autorisation d’un système de vidéo protection transmis à la préfecture, comme étant une personne habilitée à accéder aux images.
La SARL AD PROTECT affirme avoir procédé à la modification du code utilisateur lors de son intervention du 22 novembre 2019, ce qui n’est pas contesté.
Le 05 décembre 2019, elle a établi une attestation sur l’honneur adressée au magasin Biomonde, aux termes de laquelle elle indique que « aucune connexion distante sera effectuée sans autorisation de M.[G] ».
Or, l’historique des connexions sur le magasin de [Localité 5] pour le 01 et le 06 février 2020, établit que plusieurs connexions ont été réalisées, uniquement avec le code administrateur.
Le 06 février 2020, Mme [F] a adressé un courrier électronique à M. [G], comportant une capture écran de la vidéo surveillance en date du 01 février 2020.
La SARL AD PROTECT a alors modifié le code administrateur, sans le transmettre à M. [Y], et les connexions au système de vidéo-surveillance se sont arrêtées.
Il résulte de ces éléments que, s’agissant du code utilisateur, les contrats ne mentionnent pas précisément les personnes habilitées à le détenir, et ces contrats ont été signés par Mme [F], de sorte que la SARL AD PROTECT ne démontre pas qu’elle ne pouvait pas être informée de ce code.
Aucun manquement ne peut donc être reproché à M. [Y] s’agissant de l’éventuelle transmission du code utilisateur.
En revanche, s’agissant du code administrateur, les pièces produites démontrent que :
– Après le changement du code utilisateur le 22 novembre 2019, de nouvelles connexions sont intervenues avec le code administrateur,
– Mme [F] qui ne disposait pas du nouveau code utilisateur, n’a pu obtenir un enregistrement de la vidéo surveillance du 01 février 2020, qu’en se connectant avec le code administrateur
– Les connexions se sont arrêtées à compter du 06 février 2020, date du changement du code administrateur, lequel n’a pas été communiqué à M. [Y]
Dès lors, il est démontré que Mme [F] s’est connectée avec le code administrateur, et qu’elle n’a pu l’obtenir que par M. [Y], salarié de la SARL AD PROTECT.
M. [Y] soutient à tort qu’il lui est reproché d’avoir conservé les codes, alors qu’il lui est uniquement reproché de les avoir transmis à Mme [F], notamment le code « maitre », ce manquement étant précisément indiqué dans la lettre de licenciement.
Or, M. [Y] ne pouvait transmettre ce code administrateur, et ce d’autant plus que cette transmission a été réalisée dans un contexte de conflit entre Mme [F] et M. [G], ce qu’il ne pouvait ignorer, puisque Mme [F] était sa compagne.
En outre, s’agissant du code administrateur, peu importe la qualité de Mme [F] au sein de la société BIOMONDE, dès lors que ce code est spécifique et réservé uniquement à la SARL AD PROTECT, et non à ses clients, de sorte que le client BIOMONDE n’était pas habilité à le détenir.
Il est donc démontré que M. [Y] a transmis à un tiers non habilité des informations confidentielles, et notamment le code administrateur de l’installation mise en place chez le client BIOMONDE, en violation de ses obligations contractuelles de loyauté et de discrétion.
La SARL AD PROTECT ne pouvait être informée de cette transmission qu’à compter du 06 février 2020, date du changement du code administrateur, de sorte que la procédure de licenciement engagée le 10 mars 2020 n’est pas tardive.
Enfin, ces faits sont d’une particulière gravité compte tenu de l’activité du salarié au sein de la SARL AD PROTECT, dont l’objet est précisèment de garantir à ses clients la fiabilité de ses systèmes de surveillance, de sorte qu’ils rendaient impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
En conséquence, il sera jugé que le licenciement de M. [Y] repose sur une faute grave, et ses demandes indemnitaires seront rejetées, par confirmation du jugement entrepris.
Sur la demande reconventionnelle de la SARL AD PROTECT, au titre de la responsabilité contractuelle de M. [Y] :
Moyens des parties,
La SARL AD PROTECT soutient que M. [Y] n’a pas respecté ses obligations contractuelles, aux motifs que :
– Après son licenciement, il a pris attache avec un client important de la société, cherchant à la priver de sa principale source de revenus,
– Ces faits constituent une faute lourde, et l’intention de nuire est consécutive à la mesure de licenciement, de sorte que sa demande est recevable,
M. [Y] fait valoir, au visa de l’article 564 du code de procédure civile, que la SARL AD PROTECT formule pour la première fois aux termes de ses secondes écritures en voie d’appel, une demande visant à le voir condamner à la somme de 10 000,00 € à titre de dommages-intérêts à titre de concurrence déloyale. Or, il expose que :
La demande est nouvelle et irrecevable,
La demande est non fondée puisque la SARL AD PROTECT indique elle-même que l’échange litigieux de M. [Y] avec un de ses clients, constitutif d’une supposée concurrence déloyale, se serait déroulé après la rupture du contrat de travail et en dehors de toute clause de non-concurrence.
Réponse de la cour,
Selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Selon l’article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
La SARL AD PROTECT a formulé une demande reconventionnelle pour la première fois en cause d’appel, dans ses conclusions récapitulatives et responsives n°1 d’intimé, transmises par voie électronique le 27 janvier 2023.
Cette demande reconventionnelle qui tend à obtenir la condamnation de M. [Y] sur le fondement de sa responsabilité contractuelle est une demande nouvelle dès lors qu’elle ne tend pas aux même fins que celles soumises aux premiers juges.
Elle sera donc déclarée irrecevable.
Sur le caractère abusif de la procédure :
La SARL AD PROTECT sollicite le paiement d’une somme au titre du caractère abusif de la procédure engagée.
Or elle ne développe aucun moyen au soutien de sa demande et ne rapporte pas la preuve de ce que M. [Y] aurait fait un usage abusif de son droit d’agir en justice et d’exercer un recours ou aurait commis une faute dans la conduite des procédures de première instance et d’appel.
Il y a dès lors lieu de la débouter de sa demande de dommages-intérêts à ce titre, et ce par confirmation du jugement entrepris.
Sur les demandes accessoires :
Il convient de confirmer la décision de première instance s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.
M. [Y], partie perdante, sera condamné aux dépens d’appel.
Il est débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et devra payer à la SARL AD PROTECT la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :
Dit que le licenciement de M. [Y] repose sur une faute grave,
Débouté M. [Y] de l’ensemble de ses demandes,
Condamné M. [Y] aux dépens,
Débouté la SARL AD Protect de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant,
DIT que la demande reconventionnelle de la SARL AD PROTECT est irrecevable,
DEBOUTE la SARL AD PROTECT de sa demande au titre du caractère abusif de la procédure,
CONDAMNE M. [Y] à payer la somme de 1 500 euros à la SARL AD PROTECT sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
CONDAMNE M. [Y] aux dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction
de Présidente,