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3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°.
N° RG 21/01836 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RO7F
BENOIT CHAPELLE EURL
C/
S.A.S. COCKTAIL EXPRESS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me DEMIDOFF
Me CHAUDET
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre, rapporteur,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Lydie CHEVREL, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 21 Mars 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Juin 2023, après avoir été prorogé le 30 juin 2023, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
SARL BENOIT CHAPELLE, immatriculée au RCS de DIJON sous le n°383 264 264, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Gilles GRAMMONT de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
INTIMÉE :
SAS COCKTAIL EXPRESS, immatriculée au RCS de RENNES sous le n°525 077 657, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-david CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Grégory STRUGEON de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
FAITS
La société BENOIT CHAPELLE a été créée en 1992.
Son activité principale concerne le négoce de vins, alcools et spiritueux et des produits alimentaires ou non.
Le 24 juin 2002 elle a régularisé un contrat d’agent commercial avec M. [H] [J].
La société COCKTAIL EXPRESS exerce depuis 2010. Elle est notamment spécialisée dans le stockage et la vente auprès des sociétés et des commerces de boissons non alcoolisées et alcoolisées et des accessoires.
Elle a régularisé un contrat d’agence commerciale avec M. [J] le 20 octobre 2011.
Au cours du premier semestre 2015 les relations entre M. [J] et la société BENOIT CHAPELLE se sont tendues, cette dernière lui reprochant de refuser de faire la promotion de sa nouvelle gamme de base de cocktails lancée en janvier 2015.
Le 23 mars 2015 M. [J] a mis fin à leurs relations commerciales.
Par acte du 18 janvier 2016, M.[J] a assigné la société BENOIT CHAPELLE devant le tribunal de commerce de Dijon aux fins d’obtenir le paiement de son indemnité de fin de contrat, considérant que la rupture était intervenue aux torts de la société BENOIT CHAPELLE.
La société BENOIT CHAPELLE a appelé à la cause la société COCKTAIL EXPRESS aux motifs que la société COCKTAILS EXPRESS serait complice du non respect de ses obligations par l’agent commercial et qu’elle se livrerait à des actes de concurrence déloyale et dénigrement.
Le tribunal de commerce n’a pas fait droit à la demande de jonction.
Par jugement du 1 er décembre 2016 le tribunal de commerce de Dijon a notamment :
– Dit que la rupture du contrat d’agent est imputable exclusivement à M [J] ;
– Débouté M. [J] de l’ensemble de ses demandes ;
-Ordonné à M. [J] de cesser tout acte déloyal, et en particulier tout dénigrement de la société BENOIT CHAPELLE, et lui a fait injonction de cesser d ‘utiliser les informations confidentielles relatives à la société BENOIT CHAPELLE ;
– Débouté BENOIT CHAPELLE de sa demande d’indemnisation au titre de son manque à gagner, de sa demande d ‘indemnisation en réparation des pertes subies, de sa demande d’indemnisation en réparation de la désorganisation,
– Condamné M [J] à payer à la société BENOIT CHAPELLE la somme de 5.000 euros pour atteinte d’image, de 10.000 euros pour trouble commercial, de 2656,27 euros en réparation du préjudice subi et 3.000 euros pour procédure abusive outre la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [J] a fait appel du jugement.
Dans son arrêt du 21 février 2019 la cour d’appel de Dijon a confirmé partiellement le jugement notamment en ce qu’elle a dit que la rupture du contrat d’agent commercial est exclusivement imputable à M. [J], lui a ordonné de cesser tout acte déloyal, en particulier tout dénigrement de la société BENOIT CHAPELLE, et lui a fait injonction de cesser d’utiliser les
informations confidentielles relatives à la société BENOIT CHAPELLE.
Dans le même temps la procédure opposant les sociétés BENOIT CHAPELLE et COCKTAIL EXPRESS s’est poursuivie, l’une et l’autre se reprochant des actes de concurrence déloyale.
Le tribunal de commerce de Dijon s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Rennes le 5 avril 2018 aux motifs que la société BENOIT CHAPELLE ne rapportait pas la preuve d’un fait dommageable imputable à la société COCKTAIL EXPRESS dans le ressort du
tribunal de commerce de Dijon.
La société BENOIT CHAPELLE a interjeté appel et par arrêt du 20 septembre 2018, la cour d’appel de Dijon a déclaré le tribunal de commerce de Rennes compétent.
La société BENOIT CHAPPELLE a saisi le tribunal avant dire droit, pour obtenir la communication de documents de la société COCKTAIL EXPRESS.
Le 30 avril 2020 il a été fait droit à cette demande.
Par jugement du 12 janvier 2021 le tribunal de commerce de Rennes a :
– Débouté la société BENOIT CHAPELLE dans toutes ses demandes, fins et conclusions,
– Débouté la société COCKTAIL EXPRESS dans toutes ses demandes, fins et conclusions
– Condamné la société BENOIT CHAPELLE au paiement de la somme de 2.000 euros ou titre
de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;
– Débouté les parties du surplus de leurs demandes,fins et prétentions ;
– Condamné la société BENOIT CHAPELLE ou paiement des entiers dépens de l’instance ;
– Ordonne l’exécution provisoire.
Par acte du 23 mars 2021 la société BENOIT CHAPELLE a interjeté appel du jugement.
L’ordonnance de clôture est en date du 2 mars 2023.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses écritures notifiées le 14 décembre 2021 la société BENOIT CHAPELLE demande à la cour au visa des articles 74 du code de procédure civile, L 134 anciens du code civil (devenus 1240 et 1241), de:
– Réformer le jugement du 12 janvier 2021 en toutes ses dispositions, hormis celles qui ont débouté la société COCKTAIL EXPRESS de ses demandes reconventionnelles,
Et, statuant de nouveau :
-Dire et juger que la société COCKTAIL EXPRESS a engagé sa responsabilité à l’égard de la société BENOIT CHAPELLE en étant complice, et à tout le moins en ayant aidé M. [H] [J] à enfreindre ses obligations de non-concurrence issues du contrat d’agence passé avec la société BENOIT CHAPELLE (article 7) et de l’article L134-3 du code de commerce -Dire et juger que la société COCKTAIL EXPRESS a engagé sa responsabilité à l’égard de la société BENOIT CHAPELLE en étant complice, et à tout le moins en ayant aidé M. [H] [J] à enfreindre son obligation de loyauté et de confidentialité envers la société BENOIT CHAPELLE ;
-Dire et juger que la société COCKTAIL EXPRESS a engagé sa responsabilité à l’égard de la société BENOIT CHAPELLE en étant complice, et à tout le moins en ayant aidé M. [H] [J] à enfreindre son obligation issue du contrat d’agence passé avec la société BENOIT CHAPELLE (article 4) de représenter l’ensemble des produits commercialisés par la société BENOIT CHAPELLE ;
– Dire et juger que les actes de démarchage massif et de dénigrement des produits BENOIT CHAPELLE auprès de sa clientèle, opérés par M. [H] [J] pour le compte et dans l’intérêt de la société COCKTAIL EXPRESS, constituent des actes de concurrence déloyale et à tout le moins une faute engageant la responsabilité de la société COCKTAIL EXPRESS à l’égard de la société BENOIT CHAPELLE ;
En conséquence,
– Ordonner à la société COCKTAIL EXPRESS de cesser tout acte déloyal, en particulier tout dénigrement de la société BENOIT CHAPELLE ;
– Lui enjoindre de cesser d’utiliser les informations confidentielles relatives à la société BENOIT CHAPELLE, en particulier son fichier clients et ses pratiques tarifaires ;
– Condamner la société COCKTAIL EXPRESS à payer la somme de 181.750 euros à la société BENOIT CHAPELLE en réparation du manque à gagner du 1 er août 2012 à 31 juillet 2014 causé par sa participation active à la violation de l’article 7 du contrat et de l’article L134-3 du code de commerce, ainsi qu’aux informations confidentielles de la société BENOIT CHAPELLE – Condamner la société COCKTAIL EXPRESS à payer la somme de 46.553,18 euros à la société BENOIT CHAPELLE en réparation du manque à gagner au 1 er semestre 2015 causé par sa participation active à la violation de l’article 4 du contrat ;
– Condamner la société COCKTAIL EXPRESS à payer la somme de 20.000 euros à la société BENOIT CHAPELLE en réparation des pertes subis, à savoir les remises qu’elle a dû accorder aux clients du fait des actes de concurrence déloyale ;
– Condamner la société COCKTAIL EXPRESS à payer la somme de 47.896,43 euros à la société BENOIT CHAPELLE en réparation de la perte des clients, et du manque à gagner consécutif, causés par les actes de concurrence déloyale ;
– Condamner la société COCKTAIL EXPRESS à payer la somme de 135.000 euros à la société BENOIT CHAPELLE en réparation de la désorganisation consécutive aux actes de concurrence déloyale ;
– Condamner la société COCKTAIL EXPRESS à payer la somme de 50.000 euros à la société BENOIT CHAPELLE en réparation de l’atteinte à l’image du fait des actes de concurrence déloyale ;
– Condamner la société COCKTAIL EXPRESS à payer la somme de 60.000 euros à la société BENOIT CHAPELLE en réparation du trouble commercial du fait des actes de concurrence déloyale ;
– Condamner la Société COCKTAIL EXPRESS à payer à la Société BENOIT CHAPELLE la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et de 6.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel, par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
La condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Sur l’appel incident :
-Débouter la société COCKTAIL EXPRESS de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles
Dans ses écritures notifiées le 23 février 2022 la société COCKTAIL EXPRESS demande à la cour au visa des articles 32-1 du code de procédure civile, 42 du code de procédure civile,
378 du code de procédure civile, articles (anciens) 1382 et suivants du code civil, de :
– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 12 janvier 2021 sous les références 2019 F 00254 en ce qu’il a:
– Jugé que la société BENOIT CHAPELLE n’apporte aucune preuve d’actes de concurrence déloyale et en conséquence;
– Débouté la société BENOIT CHAPELLE de toutes ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société COCKTAIL EXPRESS;
– Condamné la société BENOIT CHAPELLE au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens;
Subsidiairement,
– Juger que les demandes de la société BENOIT CHAPELLE sont irrecevables et, au besoin, l’en débouter, puisque le préjudice dont elle sollicite réparation a déja été intégralement indemnisé dans le cadre d’une autre instance par une décision devenue définitive ;
Très subsidiairement,
– Juger que la société BENOIT CHAPELLE ne rapporte la preuve d’aucun préjudice.
Pour le surplus accueillant l’appel incident ,
– Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 12 janvier 2021 sous les références 2019 F 00254 en ce qu’il a débouté la société COCKTAIL EXPRESS de ses demandes reconventionnelles, et ainsi :
– Juger que la société BENOIT CHAPELLE a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre de la société COCKTAIL EXPRESS ;
-Condamner la société BENOIT CHAPELLE à payer à la société COCKTAIL EXPRESS la somme de 84.000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire
– Condamner la société BENOIT CHAPELLE à payer à la société COCKTAIL EXPRESS la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
En tout état de cause :
– Condamner la société BENOIT CHAPELLE à verser à la société COCKTAIL EXPRESS la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens pour la présente instance.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION
La responsabilité de la société COCKTAIL EXPRESS
La société BENOIT CHAPELLE considère que la société COCKTAIL EXPRESS a aidé M. [J] à enfreindre ses obligations légales et contractuelles en lui confiant un mandat concurrent sans s’assurer qu’il avait une autorisation spéciale de BENOIT CHAPELLE, aux seules fins de développer sa clientèle et son chiffre d’affaires ; que dans ces conditions elle a commis une faute sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil.
La société COCKTAIL EXPRESS réfute ces affirmations.
1) Les mandats respectifs de M. [J]
Le contrat d’agent commercial liant M. [J] à la société BENOIT CHAPELLE en date du 24 juin 2002 prévoit :
Article 4 : Le mandat porte sur les produits fabriqués ou distribués par le mandant.
Article 5 : L’agent exercera son mandant dans un secteur géographique incluant les départements suivants 73-74-01-(Allemagne)
L’agent s’engage à ne pas agir en dehors de celui ci.
Le mandant s’engage à transmettre à l’agent copie de tous courriers factures ou documents émis directement pas la mandant à destination des clients ou prospects de l’agent de ce secteur.
Article 6 : les rapports entre le mandant et l’agent sont régis par un devoir de loyauté et une obligation d’information réciproque.
Article 7 : l’agent s’engage :
– à exécuter le mandant en bon professionnel à promouvoir avec diligence les ventes des produits désignés à l’article 4 et à entretenir des relations professionnelles de confiance avec les clients de son secteur ;
– à tenir informé régulièrement le mandant de l’état du marché dans son secteur , des souhaits de la clientèle, et des actions de la concurrence ;
– à respecter les tarifs conditions de livraison et moyens de paiement faits à la clientèle et fixés par le mandant;
– à ne pas représenter une entreprise concurrente à celle du mandant.
M. [J] était donc tenu de promouvoir tous les produits de la société BENOIT CHAPELLE, le contrat ne posant aucune restriction ou exception.
Cette obligation couvrait les vins, les spiritueux, les alcools et notamment le ME KUIE LU CHIEW, alcool à base de sorgho.
Le contrat d’agent commercial liant M. [J] à la société COCKTAIL EXPRESS en date du 20 octobre 2011 précise :
Article 2 : PRODUITS-OBJET DE LA REPRESENTATION
2.1 Le présent mandat de vendre porte sur l’ensemble des Produits et services actuels et/ou futurs commercialisés par le Mandant, ci-après dénommés ‘Produits'(Annexe 1).
2.2. L’Agent Commercial s’engage quant à lui d’ores et déja à accepter la représentation de tout nouveau Produit commercialisé à l”avenir par le Mandant.
2.3. Le Mandant se réserve le droit, sans limitation et sans notification préalable :
– de cesser la commercialisation de certains Produits ;
– d’apporter toute modification auxdits Produits.
L’Agent Commercial ne pourra ni s’y opposer ni prétendre à une quelconque indemnisation, ce qu’il admet par avance.
Article 3 : SECTEUR
3.1. L’Agent Commercial exercera le présent mandat sur le seul secteur défini en Annexe 2 ci- après dénommé ‘Secteur’.
Aussi, l’Agent Commercial s’interdira toute prospection et toute vente de Produits en dehors dudit Secteur ainsi défini, sans autorisation préalable du Mandant.
3.2. Le Mandant pourra librement modifier et restreindre l’étendue du Secteur en cas de manquement de l’Agent Commercial à l’une de ses obligations.
3.3. L’Agent Commercial accepte toutes les modifications. de ce Secteur imposées par les nécessités commerciales et les besoins du Mandant, lesquelles modifications ne pourront, dans un tel cas, entraîner aucune minoration de la situation acquise par l’Agent Commercial.
Toute éventuelle baisse de rémunération ne devra être alors appréciée qu’après un délai de six mois à compter de la date d’application des modifications du Secteur.
…
Article 9 : INFORMATION DE L’AGENT COMMERCIAL :
9.1. L’Agent Commercial devra rendre compte de l’exécution de sa mission, conformément à l’article 1993 du Code Civil.
9.2. L’Agent Commercial devra par ailleurs rechercher toutes les informations susceptibles d’intéresser le Mandant.
L’Agent Commercial s’engage notamment à informer régulièrement le Mandant de l’état du marché dans le Secteur, des souhaits de la Clientèle, ainsi que des actions de la concurrence.
L’Agent Commercial devra par ailleurs informer, dès qu’il en aura connaissance, le Mandant de toutes les violations de droits de propriété industrielle et/ou intellectuelle de ce dernier, ainsi que de tous les actes illégaux contraires aux intérêts du Mandant.
A cet égard, l’Agent Commercial s’engage à apporter toute son assistance au Mandant à l’occasion des procédures que celui-ci souhaiterait engager.
Bien que l’annexe 2 du contrat ne soit pas versée, il n’est pas démenti par les parties que le secteur confié à M.[J] par la société COCKTAIL EXPRESS vise les départements 21-71 et 39 et la France métropolitaine s’agissant des restaurateurs asiatiques.
M. [J], s’agissant des restaurateurs asiatiques, disposait donc de deux mandats pour des produits concurrents:
– les vins, les bières et le MEI KUIE LU CHIEW de la société BENOIT CHAPELLE,
– les bases de préparation de la société COCKTAIL EXPRESS.
La plaquette de présentation des produits COCKTAIL EXPRESS indique qu’elle commercialise des bases de préparations de cocktails avec ou sans alcool, vendus en bouteilles auxquelles les clients rajoutent un jus de fruit et/ou du lait pour que le cocktail puisse être servi au consommateur.
Sur ce point la société COCKTAIL EXPRESS ne peut affirmer que les ventes de la société BENOIT CHAPELLE se limitaient aux vins avant 2015, dès lors que BENOIT CHAPELLE communique des factures émises auprès de restaurants en 2002, 2006, 2009 pour des commandes de vins mais aussi de bières et de MEI KUIE LU CHIEW.
Contrairement aux affirmations de la société COCKTAIL EXPRESS, il n’est pas non plus établi que M. [J] n’a pas présenté et vendu le MEI KUIE LU CHIEW aux restaurateurs durant cette période.
Le renvoi aux écritures en appel de M. [J] devant la cour de Dijon, sans verser les pièces visées dans ses conclusions (bon de livraison au restaurant des produits vendus par l’agent commercial ) ne permet pas de tenir pour acquis les arguments de M. [J] alors qu’il était chargé de commercialiser tous les produits de BENOIT CHAPELLE en vertu de l’article 4 du contrat.
Le MEI KUIE LU CHIEW est un digestif. Mais cet alcool peut également servir de base à des cocktails par ajout de liqueurs, de sirops, de vins, de jus de fruits (La Mer bleue ME KUIE LU CHIEW, curaçao bleu, Chartreuse verte, lemon lime/ Rose de la Nuit ME KUIE LU CHIEW jus de citron jaune, sirop de grenadine/ Dragon du Mandarin ME KUIE LU CHIEW, liqueur de framboise, vin blanc macéré, jus d’orange, jus de citron sirop de grenadine …).
La société BENOIT CHAPELLE a commercialisé une gamme de bases de cocktails à l’occasion du Nouvel An Chinois de 2015.
Il importe peu que cette gamme ait fait l’objet de recherches et d’une réflexion depuis les années 2008/2009 antérieurement à la régularisation du contrat entre M. [J] et la société COCKTAIL EXPRESS, puisqu’il est établi qu’elle vendait par l’intermédiaire de son agent des vins et le MEI KUIE LU CHIEW, qui peut être utilisé par les prospects dans la fabrication de cocktails au même titre que les bases ou prémix commercialisés par la société COCKTAIL EXPRESS.
Cette dernière ne peut donc revendiquer l’antériorité de la représentation de ses spécialités par M.[J], au seul motif que BENOIT CHAPELLE aurait étendu sa gamme de produits postérieurement au mandat régularisé en 2011, étant noté que BENOIT CHAPELLE réfute l’affirmation selon laquelle, jusqu’en 2015, les produits BENOIT CHAPELLE (vins) et ceux de COCKTAIL EXPRESS se complétaient auprès de leur clientèle commune.
Pour autant, les débats sur la substituabilité des produits commercialisés par les deux sociétés n’ont aucune influence sur le litige, dès lors qu’ils renvoient aux ententes et abus de position dominante de sociétés au regard des règles définies par l’Union européenne, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque de nombreuses autres entreprises commercialisent aussi des bases de cocktails.
Il est toutefois abusif de considérer que les vins proposés par BENOIT CHAPELLE seraient substituables aux bases de cocktails de COCKTAIL EXPRESS.
En effet il n’est pas établi que le restaurateur et/ou le client d’un restaurant asiatique opte pour un vin ou un cocktail en s’interdisant de proposer et/ou consommer les deux boissons au cours du même repas.
Dans ces conditions et sans qu’il puisse être considéré que l’arrêt de la cour d’appel de Dijon soit opposable à la société COCKTAIL EXPRESS qui n’était pas partie à la procédure, il est suffisamment démontré, comme la cour l’a précisé, que M.[J] a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société BENOIT CHAPELLE en commercialisant les produits concurrents proposés par la société COCKTAIL EXPRESS depuis 2011 alors qu’il n’avait pas obtenu l’autorisation de son premier mandant conformément aux dispositions de l’article 134-3 du code de commerce et à ses obligations contractuelles.
Pour autant aucune confusion ne saurait être établie entre les manquements de M. [J] à l’égard de BENOIT CHAPELLE et les fautes qu’elle reproche à la société COCKTAIL EXPRESS d’avoir commises.
Il appartient donc à la société BENOIT CHAPELLE de démontrer les fautes de la société COCKTAIL EXPRESS.
2) Les fautes de la société COCKTAIL EXPRESS
. La violation de l’article 4 du contrat liant M. [J] à BENOIT CHAPELLE
L’extrait Kbis de la société BENOIT CHAPELLE s’agissant de son activité principale, vise le négoce de vins, d’alcools et spiritueux. Sa consultation ne permet donc pas d’être informé que parmi les alcools, le MEI KUIE LU CHIEW permet la fabrication de cocktails.
Il n’est pas non plus rapporté que la société COCKTAIL EXPRESS connaissait les projets de la société BENOIT CHAPELLE tendant à élargir sa gamme de bases de cocktails au moment où elle fait appel aux services de M. [J] en 2011.
De même la société BENOIT CHAPELLE ne démontre pas que M. [J] ait informé COCKTAIL EXPRESS qu’il était chargé de commercialiser tous les produits BENOIT CHAPELLE alors qu’il indique lui même dans ses écritures en appel devant la cour de Dijon qu’il ne commercialisait que du vin.
Et il n’appartenait pas à la société COCKTAIL EXPRESS de contacter directement la société BENOIT CHAPELLE pour vérifier les modalités d’intervention de M. [J] auprès de son premier mandant.
Par ailleurs la société BENOIT CHAPELLE ne peut tirer de l’obligation pour M. [J] de prospecter le territoire national s’agissant des restaurants asiatiques pour le compte de COCKTAIL EXPRESS, la volonté de celle ci de détourner les clients historiques de BENOIT CHAPELLE par l’intermédiaire de leur agent commun.
En effet les deux entreprises s’adressent à une clientèle ciblée (les restaurants asiatiques).
L’extension du mandat de M. [J] vis à vis de COCKTAIL EXPRESS à tout le terrtoire métropolitain s’agissant des ses restaurants ne constitue qu’une stratégie commerciale visant à augmenter son volume de ventes.
En outre il est abusif de considérer que la clause de non concurrence figurant au contrat régularisé entre M. [J] et la société COCKTAIL EXPRESS vise à limiter ses prestations pour le compte de la société BENOIT CHAPELLE alors qu’il n’est pas établi que le nouveau mandant était bien informé que les ventes de M. [J] comprenaient aussi des produits pouvant être utilisés comme bases de cocktails.
. L’utilisation d’informations confidentielles
La société BENOIT CHAPELLE ne démontre pas que la société COCKTAIL EXPRESS a utilisé des informations confidentielles transmises par M. [J] concernant sa gamme de produits, sa stratégie, sa force de vente, son implantation géographique et son fichier clients.
Elle invoque sa pièce 10.27 qui n’est autre qu’un courrier de son propre conseil.
Elle se réfère aussi à l’article 9 du contrat de 2011 qui fait obligation pour M. [J] d’informer la société COCKTAIL EXPRESS des actions de la concurrence.
Pour autant la même obligation figure dans le contrat que BENOIT CHAPELLE a régularisé avec son agent commercial (article 7) de sorte que cet argument n’est pas pertinent.
Par ailleurs l’interdiction faite à M. [J] par les juridictions dijonnaises, de cesser d’utiliser les informations confidentielles relatives à la société BENOIT CHAPELLE ne permet pas d’affirmer que ces informations auraient été divulguées à COCKTAIL EXPRESS, le tribunal de commerce de Dijon et la cour d’appel ne le précisant pas.
. Le démarchage et le dénigrement
La société BENOIT CHAPELLE ne rapporte pas que le démarchage qui aurait été effectué à son détriment par M. [J] seul ou avec un autre commercial, auprès de sa clientèle, aurait été réalisé pour le compte de la société COCKTAIL EXPRESS.
Les attestations qu’elle produit en ce sens proviennent de salariés et/ou de collaborateurs proches et ne sont pas étayées par d’autres pièces suffisamment probantes.
Les cartes de restaurant qu’elle prétend être élaborées par M. [J] (pièces 76 77 et 77) ne démontrent pas qu’elles ont été réalisées sur demande de la société COCKTAIL EXPRESS.
Il en est de même concernant le dénigrement que la société BENOIT CHAPELLE reproche à la société COCKTAIL EXPRESS d’avoir orchestré.
Sur sommation interpellative du 23 janvier 2016 le responsable du restaurant le Dragon Céleste de Saint Martin des Champs précise bien à l’huissier qu’en mai juin 2015, M. [J] lui a précisé concernant les produits BENOIT CHAPELLE que :
– ce n’était pas de l’arôme naturel ;
– les produits ne venaient pas de France
– les cocktails BENOIT CHAPELLE étaient moins bons que les COCKTAIL EXPRESS.
Sur sommation interpellative réalisée par la société BENOIT CHAPELLE le 25 janvier 2016 auprès du restaurant WOK D’ ABBEVILLE, celle ci précise que M.[J] lui a dit que les vins BENOIT CHAPELLE n’étaient pas de bonne qualité.
Mais ces déclarations ne démontrent pas que la société COCKTAIL EXPRESS ait orchestré de tels propos.
La société BENOIT CHAPELLE évoque également un SMS circularisé de mars 2016 que M.[J] aurait fait parvenir aux clients BENOIT CHAPELLE (pièce 45) :
Rappel de quelques éléments sur la gamme Cocktails Express :
– Nos Cocktails sont 100% fabriqués en France.
– Nos Cocktails sont 100% fabriqués en arômes naturels.
– Nos tarifs sont annoncés TAXE ALCOOL inclus.
Attention à la concurrence :
– Ils annoncent leurs tarifs hors taxe alcool, pour donner l’impression d’un produit moins cher;
– Vérifier la qualité. Le prix d’un cocktail est en moyenne de 5e/6e dans les restaurants. Ace prix le client ne doit pas être déçu par la qualité.
Merci à vous pour votre attention
[H] Cocktails Express
Cependant cette pièce ne permet pas de vérifier la date du SMS ni à quels destinataires il a été adressé.
Elle est inopérante pour établir la preuve d’une faute de la société COCKTAIL EXPRESS.
Il en est de même pour la sommation interpellative du 1er février 2017 réalisée auprès de la responsable du restaurant Saveur D’Asie, laquelle ne fait qu’indiquer que le 15 septembre 2016 au jour de l’inauguration du restaurant M. [J] a précisé qu’il représentait plusieurs sociétés dont COCKTAIL EXPRESS et la société VIGNOBLES DU CHATEL, qu’il a proposé des cocktails et des vins, qu’elle a été démarchée par un autre représentant ou distributeur des produits de la société COCKTAIL EXPRESS (le représentant de la société GALASIE).
Ce manque de précision dans les réponses tenant à des questions orientées de l’huissier n’est pas de nature à établir la faute de la société COCKTAIL EXPRESS.
Ce constat vaut s’agissant des propos que M [J] aurait tenu au sujet des produits BENOIT CHAPELLE :
Ce n’est pas bon et il n’y a pas beaucoup d’alcool.
Il parlait des cocktails, et plus précisément pour le Mojito.
Dans ces conditions la société BENOIT CHAPELLE ne démontre pas les fautes de la société COCKTAIL EXPRESS.
Toutes ses demandes sont rejetées.
Le jugement du tribunal de commerce est confirmé de ce chef.
La responsabilité de la société BENOIT CHAPELLE
La société COCKTAIL EXPRESS estime que la société BENOIT CHAPELLE a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires à son encontre en commercialisant une nouvelle gamme de produits à partir de 2015, ce que dément la société BENOIT CHAPELLE.
La société COCKTAIL EXPRESS ne démontre pas que la société BENOIT CHAPELLE a bénéficié de son travail pendant 4 ans en observant M. [J] depuis 2011 pour ensuite lancer début 2015 sa nouvelle gamme de base de cocktails.
Elle affirme que M. [J] aurait été tenu à l’écart de ce projet pour éviter qu’il ne dénonce ce parasitisme.
Cependant M. [J] figure bien sur une photographie destinée à illustrer la documentation commerciale de la nouvelle gamme (pièce 9) sur laquelle les bouteilles de la nouvelle gamme sont visibles.
Dans son courrier du 25 février 2015 adressé à la société BENOIT CHAPELLE il ne dément pas apparaitre sur ce cliché. Il signale seulment constater avec stupéfaction que son image figure sur cette documentation.
Aucune pièce aux débats ne vient démontrer que cette photographie serait un montage réalisé à son insu de sorte qu’il ne peut être affirmé que M. [J] ait été tenu à l’écart des projet de BENOIT CHAPPELLE.
En outre la société COCKTAIL EXPRESS ne démontre pas que la perte de son chiffre d’affaire sur les années 2015 2016 établie par une attestation de son comptable et la baisse des commissions de M [J] dues par COCKTAILS EXPRESS en 2015 sont en lien direct avec les agissements supposés de BENOIT CHAPELLE .
En effet en raison de l’intervention de plusieurs acteurs sur ce marché de distribution de bases de cocktails, la dégradation de l’activité de la société COCKTAIL EXPRESS ne peut être fonction uniquement de l’activité de la société BENOIT CHAPELLE.
Elle dépend aussi des ventes effectuées par les autres sociétés du secteur.
Enfin la sommation interpellative réalisée par la société BENOIT CHAPELLE le 25 janvier 2016 auprès du restaurant WOK D’ ABBEVILLE au cours de laquelle la restauratrice précise qu’au début, elle a commandé les cocktails avec M. [J] directement et après, avec la société BENOIT CHAPELLE, ne suffisent pas à étayer une baisse de des résultats de COCKTAIL EXPRESS en lien direct avec un concurrence déloyale de BENOIT CHAPELLE .
La société COCKTAIL EXPRESS ne démontre pas des actes de concurrence déloyale de la société BENOIT CHAPELLE à son encontre.
Ses demandes sont rejetées.
Le jugement est confirmé de ce chef.
La demande de la société COCKTAIL EXPRESS au titre de la procédure abusive
L’article 32-1 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur depuis le 11 mai 2017 et applicable en l’espèce, dispose :
Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Lorsqu’il est établi que la partie qui exerce l’action a fait preuve de légèreté blâmable, une telle faute est de nature à caractériser une action abusive.
Il n’est pas établi que la société BENOIT CHAPELLE ait introduit la procédure dans un autre but que de faire valoir ses droits
La demande de la société COCKTAIL EXPRESS est donc rejetée.
Les demandes annexes
Il n’est pas inéquitable de rejeter les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société BENOIT CHAPELLE sera condamnée aux dépensd’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour :
– Confirme le jugement.
Y ajoutant :
– Condamne la société BENOIT CHAPELLE aux dépens d’appel ;
– Rejette les autres demandes des parties.
LE GREFFIER LE PRESIDENT