Données confidentielles : 7 juillet 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/01834

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Données confidentielles : 7 juillet 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/01834
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07/07/2023

ARRÊT N°2023/310

N° RG 21/01834 – N° Portalis DBVI-V-B7F-ODZP

MD/LT

Décision déférée du 15 Avril 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F19/01628)

A. CHAPUIS

Section commerce chambre 2

S.A. LES CROISES

C/

[V] [Z]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 7 juillet 2023

à Me FERNANDEZ-BONI, Me DESPRES

Ccc à Pôle Emploi

le 7 juillet 2023

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A. LES CROISES

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Thomas FERNANDEZ-BONI de la SELARL NORTHERN LIGHTS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM”E

Madame [V] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Laurence DESPRES de la SELARL DESPRES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. BLUM”, présidente et M. DARIES, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM”, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUM”, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE:

Mme [V] [Z] a été embauchée le 13 mars 2017 par la société Les Croisés en qualité de responsable des ressources humaines suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Le 1er octobre 2018, la société Les Croisés a convoqué à un entretien Mme [Z] et l’un de ses collègues, M. [H].

L’employeur les soupçonnait d’entretenir une relation amoureuse et de s’exposer à un ‘risque évident de conflit d’intérêts et d’échanges d’informations’ compte tenu de la candidature de M. [H] aux élections du CSE.

M. [H] a été élu au CSE le 28 novembre 2018.

Mme [Z] indique avoir été incitée à quitter la société et ce, à plusieurs reprises.

La société Les Croisés soutient que la salariée aurait violé son obligation de confidentialité au bénéfice de M. [H].

A compter du 19 janvier 2019, Mme [Z] a été placée en arrêt de travail.

Mme [Z] a été convoquée par courrier du 22 janvier 2019 à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement fixé au 1er février 2019 et assorti d’une mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 24 janvier 2019, elle faisait valoir auprès du CSE un droit d’alerte pour harcèlement, demandait qu’une enquête soit diligentée et dénonçait également à l’employeur le harcèlement moral dont elle était victime.

Mme [Z] a été licenciée par courrier du 8 février 2019 pour faute grave.

Par courrier du 20 février 2019, Mme [Z] a demandé des précisions quant aux motifs de son licenciement, auquel la société Les Croisés a répondu le 4 mars 2019.

Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 3 octobre 2019 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section commerce chambre 2, par jugement du 15 avril 2021, a :

– dit que le licenciement de Mme [Z] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

– dit que le harcèlement moral est constitué.

En conséquence,

– condamné la société Les Croisés à régler à Mme [Z] les sommes suivantes:

5 000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

5 020,34 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis,

502,03 euros bruts au titre des congés payes afférents au préavis,

2 514,56 euros nets au titre d’indemnité de licenciement,

1 255,08 euros bruts au titre de rappel de salaire pour la mise à pied,

125,51 euros bruts au titre des congés payés afférents,

3 500 euros nets en réparation du harcèlement,

1 500 euros nets au titre des dommages et intérêts pour l’ob1igation de sécurité,

2 855,92 euros au titre des heures supplémentaires de 1’année 2017,

285,59 euros bruts au titre des congés payés y afférent,

54,77 euros bruts au titre du dépassement du contingent des heures supplémentaires de 2017,

5,48 euros bruts pour les congés payés y afférents,

6 101,27 euros bruts au titre des heures supplémentaires de1’année 2018,

610,13 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

2066,51 euros bruts au titre du dépassement du contingent des heures supplémentaires de 2018,

206,65 euros bruts au titre des conges payés y afférents.

– condamné la société Les Croisés à régler à Mme [Z] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et débouté la société de sa demande à ce titre.

– ordonné l’exécution provisoire de 1’ensemble de la décision,

– débouté Mme [Z] du surplus de ses demandes,

– condamné la société Les Croisés aux dépens,

– dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par 1’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la partie défenderesse.

Par déclaration du 22 avril 2021, Mme [Z] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRETENTIONS DES PARTIES:

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 26 octobre 2021, la SA Les Croisés demande à la cour de :

– juger que sa déclaration d’appel du 22 avril 2021 a saisi la cour sur l’ensemble des chefs du jugement qui y sont critiqués, en ce compris la condamnation de la société en première instance au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

* dit que le licenciement de Mme [Z] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse,

* dit que le harcèlement moral était constitué,

* condamné la société à régler à Mme [Z] les sommes suivantes :

5000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5 020,34 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis,

502.03 euros bruts au titre de congés payés afférents au préavis,

2 514,54 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

1 255,08 euros au titre de rappel de salaire pour la mise à pied,

125,51 euros au titre des congés payés afférents,

3 500 euros nets en réparation du harcèlement,

1 500 euros nets au titre des dommages et intérêts pour l’obligation de sécurité,

2 855,92 euros au titre des heures supplémentaires de l’année 2017,

285,92 euros au titre des congés payés afférents,

54,77 euros bruts au titre du dépassement du contingent des heures supplémentaires de 2017,

5.48 euros bruts pour les congés payés y afférents,

6.101,27 euros au titre des heures supplémentaires de l’année 2018,

610,13 euros au titre des congés payés afférents,

2.066,51 euros bruts au titre du dépassement du contingent des heures supplémentaires de 2018,

206,65 euros bruts pour les congés payés y afférents,

1500euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

– ordonner l’exécution provisoire de l’ensemble de la décision,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse en ce qu’il a débouté Mme [Z] de sa demande au titre du travail dissimulé,

– débouter Mme [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– juger que le licenciement de Mme [Z] repose sur une faute grave,

– juger que la mise à pied disciplinaire de Mme [Z] est fondée,

– juger que la société Les Croisés n’a pas commis d’acte de harcèlement moral à l’encontre de Mme [Z],

– juger que la société Les Croisés n’a pas violé son obligation de sécurité,

– condamner Mme [Z] à verser à la société Les Croisés la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [Z] aux entiers dépens de l’instance.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 11 octobre 2021, Mme [Z] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la mesure de licenciement prononcée à l’encontre de Mme [Z] par la société Les Croisés est dépourvue de cause réelle et sérieuse.

– en conséquence, réformer le jugement du conseil de prud’hommes uniquement concernant les quantum de condamnation à ce titre et condamner, donc, la société Les Croisés à lui payer les sommes suivantes :

2 514,56 euros au titre d’indemnité de licenciement

5 020,34 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis

502,03 euros au titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

1 255,08 euros au titre de rappels de salaires au titre de la mise à pied conservatoire

125,51 euros au titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférente

10 227,56 euros au titre de dommages et intérêts au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le harcèlement moral à son encontre était constitué et, en conséquence :

– réformer le jugement uniquement concernant les quantum de condamnation à ce titre et condamner la société Les Croisés à lui payer la somme de 10 227,56 euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la situation de harcèlement moral dont elle a été victime,

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la société Les Croisés avait manqué à son obligation de sécurité à l’encontre de Mme [Z] et, en conséquence réformer ledit jugement uniquement concernant les quantum de condamnation à ce titre et condamner la société Les Croisés à lui payer la somme de 5 113,78 euros au titre des dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité de l’employeur,

– confirmer le jugement en ce qu’il a considéré que la société Les Croisés n’a pas respecté les obligations lui incombant en matière de durée du travail, concernant plus spécifiquement la problématique des heures supplémentaires,

– en conséquence, condamner la société Les Croisés au paiement des sommes suivantes: 2 855,92 euros au titre de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires (2017)

285,59 euros au titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférent

54,77 euros au titre d’indemnité au titre du dépassement du contingent (2017)

5,48 euros au titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférent

6 101,27 euros au titre de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires (2018)

610,13 euros au titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférent

2 066,51 euros au titre d’indemnité au titre du dépassement du contingent (2018)

206,65 euros au titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférent.

– réformer le jugement et condamner la société Les Croisés à lui verser la somme de 17 532,96 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– condamner la société Les Croisés au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais de première instance et 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 12 mai 2023.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION:

– Sur la procédure:

Selon l’article 562 du code de procédure civile l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

L’article 901-4° du code de procédure civile prévoit que la déclaration d’appel est faite par acte contenant outre les mentions prescrites à l’article 58 et à peine de nullité les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Mme [Z] soulève que la cour n’est pas saisie de l’appel du chef du jugement lié au défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement, du fait de la formulation suivante:

‘ La SA Les Croisés demande l’infirmation du jugement rendu le 15 avril 2021 par le Conseil de Prud’hommes de Toulouse en ce qu’il a :

Dit que le licenciement de Madame [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse,’

alors qu’il est mentionné dans le dispositif du jugement :

‘ le licenciement de Mme [V] [Z] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse’.

La Cour considère, ainsi que l’explique la société Les Croisés, qu’il s’agit d’une erreur matérielle, ce qui est conforté par la demande d’infirmation dans la déclaration d’appel des condamnations prononcées à l’encontre de l’employeur concernant l’indemnisation afférente à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, comme les dommages et intérêts.

Aussi la cour se déclare saisie de l’ensemble des chefs du jugement critiqués, dont la condamnation de la société pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur le fond:

– Sur le harcèlement moral:

En application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L1154-1 du même code prévoit que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L1152-1 à L 1152-3 et L1153-1 à L 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Mme [Z] soutient qu’elle a subi à compter d’octobre 2018, des agissements répétés de harcèlement moral par son employeur, du fait que ce dernier a :

. commis des actes d’ingérence dans sa vie privée en lui demandant à plusieurs reprises de s’exprimer sur la nature de sa relation extra-professionnelle avec un salarié de l’entreprise, M. [L] [H],

. sur ce motif, exercé des pressions sur elle pour la voir quitter son poste de travail et la société,

ce qu’elle a dénoncé par courrier du 24 janvier 2019, dans lequel elle rappelle avoir été convoquée le 01 octobre 2018 à un entretien informel en présence de M. [F], Président directeur général, Mme [F], directrice et M.[L] [H], employé commercial, sur l’existence d’une relation de couple avec ce dernier.

Elle fait notamment état de ce qu’il lui a été demandé de démissionner, puis proposé de conclure une rupture conventionnelle après antidatage des documents, que la pression s’est accentuée par la menace d’un licenciement pour insuffisance professionnelle, puis il lui a été demandé d’abandonner son poste avec la perspective d’un licenciement suivi d’une transaction.

La salariée souligne également dans son courrier que :

. elle a été mise à l’écart d’une formation « Chargée RH » devant commencer le 23 octobre 2018 et à laquelle elle était inscrite,

. elle a été évincée d’un déjeuner professionnel avec les experts-comptables où elle était d’ordinaire conviée en ces termes: « vous n’êtes pas invitée et vous savez pourquoi n’est-ce pas ‘ Vous deviez revenir vers nous pour nous donner votre décision, vous ne l’avez pas fait, il va falloir que l’on en reparle ».

Pour asseoir ses affirmations sur les agissements de l’employeur, Mme [Z] se réfère au compte-rendu de la réunion du Comité social d’entreprise intervenue le 08 février 2019 à la suite de sa dénonciation, au cours de laquelle M.[F] a reconnu la chronologie des différents entretiens et indiqué que Mme [Z] n’a pas accepté « l’accord conclu en présence de [R] [P] le 18 janvier 2019, à savoir le versement d’une indemnité de 3 mois de salaire suite à un licenciement pour absence injustifiée ».

Si l’intimée se rapporte à l’intervention devant le CSE de Mme [P], salariée présente lors des différents entretiens, sur leur chronologie et leur contenu, elle remet en cause son analyse finale selon laquelle: ‘ les entretiens pouvaient donner l’impression d’être du harcèlement, ils étaient au contraire constructifs’, alors même que dans leurs échanges précédents par SMS en novembre 2018 ( retracés par procès-verbal de constat d’huissier du 12 mars 2019), Mme [P] lui conseillait de prendre rendez-vous avec la médecine du travail pour raison de harcèlement.

Ainsi lors de la réunion du CSE, Mme [P] exposait:

« – 7 décembre 2018, Mr [F] s’inquiète de l’avancée des recherches d’emploi de [V] [Z] et du non-retour de cette dernière. Une date de départ est alors évoquée: 12 janvier 2019. Mr [F] demande à [V] [Z] de faire le calcul de ses indemnités de licenciement qui serviront alors de base à une transaction.

– 18 janvier 2019, Mr [F] propose à [V] [Z] de ne plus revenir travailler et d’être de ce fait en absence injustifiée moyennant une transaction de 3 mois de salaire.

– Mr [F] lui a régulièrement proposé de trouver un arrangement (abandon de poste avec transaction, rupture conventionnelle, calcul de l’indemnité en cas d’abandon de poste). Il s’est engagé à faire très vite les courriers pour ne pas faire traîner la procédure (..)».

Mme [Z] remarque que les témoignages de salariés versés par la société sont en contradiction avec les messages de soutien que les mêmes personnes lui ont adressés par SMS en janvier 2019, tels que versés à la procédure ( pièce 25).

Elle conclut que les agissements de l’employeur ont eu des incidences sur son état de

santé, tel que précisé dans son alerte du 24 janvier 2019: ‘ étant réellement en souffrance et épuisée par votre harcèlement , mon médecin traitant m’a immédiatement mise en arrêt-maladie’. Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 19 janvier 2019 et bénéficie d’un suivi avec un psychiatre depuis le 19 février 2019.

La psychologue clinicienne de l’Association de santé au Travail Interservices (ASTI) certifie que l’intéressée a été reçue dans le cadre du dispositif de prévention de souffrance au travail le 19 décembre 2018.

Les éléments invoqués par la salariée, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une situation de harcèlement moral.

Il appartient à la société Les Croisés de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La société s’inscrit en faux contre les ‘accusations’ de Mme [Z] portées dans le courrier du 24 janvier 2019, répliquant que ses interrogations étaient légitimes sur la relation avec un autre salarié, laquelle causait un trouble objectif et dont l’existence a été confirmée par les membres du CSE.

Elle réfute notamment toute immixtion dans la vie privée quant à des questions sur l’ancien conjoint, toute demande de démission pour incompatibilité de sa relation extra-professionnelle avec ses fonctions de responsable des ressources humaines, toute menace de licenciement pour insuffisance professionnelle, ne reconnaissant que des négociations pour un départ amiable dans le cadre d’une rupture conventionnelle, sans aucune demande d’antidater les documents, ce d’autant que les discussions se sont déroulées en concertation avec les élus.

L’appelante ajoute que l’intimée a adressé opportunément ses dénonciations à l’employeur, à l’inspection du travail et au médecin de travail, le jour où elle a reçu une convocation à un entretien pour un éventuel licenciement pour faute grave, pour se constituer une protection contre cette mesure.

Sur ce:

L’employeur reconnaît le déroulement de plusieurs entretiens ayant suivi la prise de connaissance de la relation extra-professionnelle de Mme [Z] avec un autre employé, M. [H], membre du CSE, lequel, présent à la réunion du 08 février 2019 n’a pas dénié cette relation et était favorable à une enquête en déclarant: ‘ à ce stade il y a pression, également sur moi’ mais sans donner de précision à cet effet.

Les membres du CSE ont conclu, sans entendre l’intéressée, qu’il n’y avait pas harcèlement moral et donc pas lieu à enquête.

Ils se sont déterminés suite aux déclarations de M. [F] et de Mme [P], laquelle a indiqué:

‘Les entretiens auxquels j’ai été conviée se sont bien passés, la direction a donné plusieurs mois à [V] [Z] pour trouver un accord, ils lui ont demandé à plusieurs reprises de revenir vers eux, chose qu’elle n’a pas faite.’

Cela implique donc une détermination réitérée de l’employeur en vue du départ dit négocié de Mme [Z] sur le seul fondement d’un ‘trouble objectif’ du fait d’une relation ‘suivie et non déclarée’ de deux salariés de l’entreprise, puisque durant plusieurs mois, la société n’a pas engagé de procédure de licenciement.

Il y a donc une intrusion dans la vie privée, même si l’intimée ne démontre pas que l’employeur a également voulu connaître sa relation avec son ex-compagnon.

Le fait que des négociations de départ aient été mises en oeuvre avant fin 2018, à défaut d’élément contraire, avec seulement Mme [Z], tend à corroborer le grief selon lequel, faute par l’un des 2 protagonistes d’avoir remis sa démission, l’employeur avait choisi de la voir partir.

Par ailleurs, si l’appelante conteste toute menace de licenciement pour insuffisance professionnelle, le 18 janvier 2019, M. [F] a proposé une forme de rupture détournée : la salariée ne revenait pas travailler, il y avait absence injustifiée suivie d’une transaction de 3 mois de salaire, lui permettant de conserver le même pouvoir d’achat pendant 6 mois, ce qui constitue un argument de pression financière.

La présence de Mme [P], membre du CSE, lors des entretiens pouvant se dérouler dans des termes cordiaux, ne remet pas en cause les interventions répétées de l’employeur telles que rappelées par l’élue, laquelle, après avoir été favorable à la salariée tel qu’il s’évince des échanges de SMS en novembre 2018, se positionne au bénéfice de l’employeur, considérant que si les entretiens pouvaient ressembler à du harcèlement, ils étaient ‘constructifs’. A l’issue de l’entretien du 18 janvier 2019, elle a discuté avec Mme [Z], qui a pris ses affaires, lui a remis les clés du bureau et du magasin.

S’agissant du repas professionnel du 23 octobre 2018 avec les experts comptables, l’employeur oppose que la présence de Mme [Z] n’était pas pertinente au regard de la finalité du repas au cours duquel sont abordés des points comptables, ce que confirme Mme [P], responsable comptable, laquelle précise que la précédente RH n’avait pas participé à ce type de repas, contrairement à elle-même, du fait de la nature de son poste. Au regard des explications fournies, ce grief ne sera pas retenu.

S’agissant de la formation « Chargée RH », la société réplique qu’elle devait se dérouler sur un an à raison d’une session de deux à trois jours tous les 2 mois, d’octobre 2018 à octobre 2019 (soit 14 jours de formation), que Mme [F] était également inscrite mais que du fait des négociations en cours quant au départ de la salariée, cette formation a été annulée pour toutes les deux. Néanmoins, les 8 et 9 novembre 2018, Mme [Z] a bénéficié, avec d’autres salariés, d’une formation SST sauveteurs secouriste du travail.

La cour considère, que même si l’annulation de la formation RH concernait également la directrice, cette annulation confortait la décision de l’employeur de se séparer de l’intimée et de la mettre à l’écart.

La société verse des témoignages:

– dénonçant le comportement de l’intimée, ainsi celui de:

. Mme [N], membre du CSE: ‘ Alors qu’elle était en procédure de licenciement, [V] [Z] a envoyé à tous les participants du CSE et invités extérieurs un courrier afin que l’on ouvre une enquête pour harcèlement moral à l’encontre de [E] [F]. Elle ne s’était jamais plainte auprès des élus avant son licenciement et cela confirmait qu’elle ne souhaitait pas quitter l’entreprise proprement. Elle s’est prise à son propre jeu. (..)’.

– déclarant ne pas avoir perçu de harcèlement moral ou de pression de M.[F] envers Mme [Z], ainsi Mme [W], hôtesse de caisse, Mme [M], aide comptable,

Mme [I], employée à l’accueil.

Ces témoignages ne sont pas exclusifs du comportement réitéré de l’employeur à travers divers entretiens et propositions de rupture du contrat, tendant à conduire Mme [Z] à quitter l’entreprise, que les autres salariés y soient ou non favorables, outre d’avoir annulé la formation spécifique à ses missions pour la remplacer par une formation commune à tous les salariés et sans lien avec sa fonction, ce qui constitue une pression renouvelée caractérisant une volonté de mise à l’écart et un harcèlement moral, ayant eu des répercussions sur les conditions de travail et de santé et abouti à des arrêts de travail.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé en ce qu’il a reconnu l’existence d’un harcèlement moral subi par la salariée et condamné la société à verser la somme de 3500,00 euros de dommages et intérêts pour préjudice subi de ce fait.

– Sur le manquement à l’obligation de sécurité:

Aux termes des articles L. 4121-1 et L 4121-2 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment s’agissant des risques liés au harcèlement moral.

Mme [Z] soutient qu’en n’organisant pas une enquête interne de son propre chef, après la dénonciation de harcèlement moral, la société a manqué à son obligation de sécurité.

L’employeur conteste tout manquement et rétorque qu’il a réuni à titre exceptionnel dès réception du courrier de la salariée, le comité social et économique le 7 février 2019, auquel étaient conviés le Docteur [T], Médecin du travail, M.[Y], agent de la CARSAT, M. [O], Inspecteur du Travail lequel a déclaré: « le rôle du CSE est de décider s’il est nécessaire de mener une enquête sur ce harcèlement. »

Comme le relève le premier juge, l’obligation de sécurité et de prévention incombe à l’employeur, lequel devait entendre Mme [Z] et mettre en oeuvre une enquête, sans que l’accord du comité social et économique soit nécessaire.

L’inspecteur du travail avait d’ailleurs déclaré: ‘ le minimum serait d’entendre [V] [Z] pour évaluer l’impact psychologique de la personne demandeuse. Le but est d’établir si le harcèlement est avéré et de faire cesser cette situation si le harcèlement est établi’.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera donc confirmé sur ce chef et la condamnation de la société à verser la somme de 1500,00 euros de dommages et intérêts pour préjudice subi de ce fait.

– Sur le licenciement pour faute grave:

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L. 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.

La lettre de licenciement pour faute grave est ainsi rédigée :

‘Vous avez pendant de nombreux mois et de manière continue, manqué à votre obligation de loyauté inhérente à votre contrat de travail en nous dissimulant malgré nos demandes, votre relation extra professionnelle avec Monsieur [L] [H], employé commercial et aussi membre du Comité Economique et Sociale.

Cette dissimulation a été réitérée lors des nombreux entretiens que nous avons eu en présence de Madame [P], par exemple le 7 décembre 2018 et le 18 janvier 2019, et vous nous avez purement et simplement menti alors que nous étions en train d’essayer de trouver une solution amiable avec vous. En effet une telle situation a eu un impact sur le climat social au sein du magasin qui s’en est trouvé très nettement dégradé. La réalité de cette relation a même été confirmée lors de la réunion du CSE du 7 février 2019 à la suite de votre alerte en date du 24 janvier 2019 caractérisant si besoin en était le mensonge et le déni dont vous avez fait preuve auprès de votre direction pendant de nombreuses semaines.

Autre circonstance aggravante de cette dissimulation est le fait que votre poste requiert comme vous le savez et comme rappelé à l’article 5 de votre contrat de travail conclu le 13 mars 2017, le strict respect d’une obligation de confidentialité, et notamment de ‘ne pas divulguer ou communiquer, ni à utiliser directement ou indirectement, les informations ou renseignements confidentiels de toute nature’.

Vous avez en effet accés de par l’exercice de vos missions à des informations et renseignements confidentiels tant sur l’entreprise, ses partenaires et ses salariés.

Vous aviez pourtant conscience que cette relation entre vous (Responsable Ressources Humaines) et un salarié (représentant du personnel) ayant d’autant plus déjà duré plusieurs mois était préjudiciable pour notre Société, étant donné les risques de conflit d’intérêts et d’échanges d’informations confidentielles.

A ce titre, nous disposons d’exemples concrets de cette violation de votre obligation de confidentialité notamment lors de la réunion du 11 décembre 2018 des responsables de service, durant laquelle, Monsieur [H], votre compagnon a divulgué devant ses collègues de travail des informations confidentielles dont seule vous et la direction ( 2 personnes) aviez connaissance portant d’une part sur un des éléments d’un dossier disciplinaire d’une salariée qui n’avait pas respecté les procédures internes pour la captation de produits propriété du magasin et d’autre part sur les inscriptions pour une formation qui devait se dérouler dans plusieurs mois et qui n’avait fait l’objet d’aucune communication interne auprés des salariés du magasin.

De plus, au lieu de reconnaître vos manquements, vous avez continué à adopter un comportement fautif matérialisé par votre courrier daté du 24 janvier 2019 dans lequel vous avez réitéré ces comportements déloyaux d’une part, en continuant de nier cette relation, en déformant sciemment la réalité de nos discussions antérieures et en proférant de fausses accusations à l’égard de la Direction en les accusant à tort d’actes d’harcélement moral alors que vous n’aviez jamais durant votre relation contractuelle émis la moindre réserve sur vos conditions de travail.

Ces accusations de mauvaise foi sont d’autant plus graves et avérées que vous les avez rédigées, dans le but d’une part, de nuire à la Société, et, ce, en indiquant avoir diffusé ce courrier aux membres du CSE ainsi qu’a l’inspection du travail et la médecine du travail; et d’autre part, de vous prémunir en amont des manquements que vous aviez conscience qu’ils pouvaient vous être reprochés, ce courrier étant parvenu à la Société après votre convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement tout en continuant à être déloyale vis-a-vis de votre Direction sur la nature de votre relation avec un de nos employés.

Nous avons décidé à la suite de cette lettre mensongère et calomnieuse, de convoquer une réunion exceptionnelle de notre CSE qui s’est déroulée le 7 février 2019 en présence de l’inspection du travail.

Il ressort très clairement du procès-verbal les éléments suivants :

– Vous entreteniez bien une relation extra professionnelle avec Monsieur [H] malgré vos dénégations ;

– A aucun moment la direction n’a fait pression sur vous pour vous forcer à démissionner et cela malgré les affirmations contradictoires contenues dans votre lettre, bien au contraire il ressort que la direction a tout mis en oeuvre pour trouver une solution en concertation avec vous ;

– Aucun acte d’harcélement moral n’a été constaté ni par les membres du CSE ni par l’inspecteur du travail justifiant le lancement d’une enquête.

Enfin, vous avez commis aussi un certain nombre de négligences graves dans l’exercice de vos missions comme par exemple en n’assistant pas la Direction comme pour toutes les réunions précédentes lors de la réunion du CSE du 15 janvier 2019 en présence de l’inspecteur du travail.

Nous considérons que ces manquements répétés et graves à vos obligations contractuelles constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise.

Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture et vous cessez donc de faire partie des effectifs de notre Société. […]’

***

Aux termes de l’article L 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Aux termes des articles L 1152-1, L1152-2 et L 1152-3 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir relaté des agissements de harcèlement moral, sauf mauvaise foi et toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ses dispositions est nulle.

Mme [Z] conteste les faits reprochés notamment de fausses accusations de harcèlement moral et fait valoir que le lien de subordination existant entre les parties ne prive pas un salarié des droits fondamentaux attachés à sa personne, ainsi celui du droit au respect de la vie privée l’autorisant à refuser de répondre à des questionnements s’y rapportant.

La société fait grief à Mme [Z] d’avoir porté en toute mauvaise foi dans son courrier du 24 janvier 2019 de fausses accusations de harcèlement moral à l’encontre de l’employeur, constitutives d’un comportement fautif, qu’elle a divulguées à d’autres instances et qui avaient pour dessein de nuire à la société et de se prémunir contre une procédure de licenciement pour faute.

Or la cour a retenu que l’intimée a subi un harcèlement moral de la part de l’employeur, lequel ne démontre pas de mauvaise foi ( qui ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce) dans la dénonciation faite, que celle-ci soit intervenue avant ou après la réception de la convocation à entretien à licenciement pour faute grave.

Aussi la cour confirme le jugement en ce qu’il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce pour son ensemble.

Sur l’indemnisation:

L’intimée disposait d’une ancienneté de 2 ans, compris le préavis et percevait un salaire mensuel brut de 2300,00 euros.

Elle sollicite la confirmation du jugement déféré quant aux condamnations prononcées au titre de l’indemnité de préavis et congés payés afférents, de l’indemnité de licenciement, du rappel de salaire pour mise à pied et congés payés afférents.

S’agissant des dommages et intérêts, elle prétend à une somme de 10227,56 euros.

Au vu des éléments de la situation de Mme [Z], la cour confirme les condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes quant à l’indemnité de préavis et congés payés afférents, à l’indemnité de licenciement, au rappel de salaire pour mise à pied et congés payés afférents.

Le licenciement ayant été prononcé en contrevenance des articles L 1152-1 à 1152-3 du code du travail, il sera alloué à la salariée le montant des dommages et intérêts réclamés.

La cour fera application d’office de l’article L 1235-4 du code du travail dans les conditions fixées au dispositif, le licenciement étant sans cause réelle ni sérieuse et la salariée ayant une ancienneté de plus de 2 ans dans une entreprise d’au moins 11 salariés.

Sur le temps de travail:

Sur les heures supplémentaires et leur incidence:

L’article L 3171-4 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié . Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié au soutien de sa demande, le juge forge sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Mme [Z] soutient avoir accompli des heures supplémentaires non rémunérées et à cet effet elle produit:

– les relevés de la badgeuse pour l’année 2018 (Pièce 14),

– un tableau de décompte hebdomadaire du temps de travail excluant le temps de pause payé, pour les années 2017 et 2018 (pièces 20 et 21).

Elle dénombre avoir réalisé pour l’année 2017, 184,08 heures supplémentaires et pour l’année 2018, 333,93 heures supplémentaires, précisant que le contingent d’heures supplémentaires prévu par la convention collective applicable a été dépassé de 4,08 heures pour l’année 2017 et de 153,93 heures pour l’année 2018.

Elle sollicite la confirmation des condamnations suivantes prononcées par le premier juge au titre des heures supplémentaires et du dépassement du contingent.

Les éléments versés par la salariée sont suffisamment précis pour permettre à la société de répondre.

La société réplique que la salariée, responsable des ressources humaines ayant accès au logiciel de décompte de la durée du travail, renseignait les informations qu’elle voulait, avait la possibilité de les modifier à tout moment comme le confirment Mme [P] ([B]) et Mme [N], lesquelles indiquent que l’intéressée prenait les pauses déjeuner sans dépointer et avait la main sur la pointeuse. L’intimée, seule en charge de la paye au sein de l’entreprise, établissait ses propres bulletins de salaire et n’a pas formulé de réclamation.

La société remet en cause les décomptes de l’intimée comme non crédibles, laquelle pouvait organiser son travail comme elle le souhaitait, sauf en ce qui concerne les permanences ( 7h/14H ou 14h/20H30).

Elle dénonce que les relevés de badgeuse produits dans le cadre de l’instance ne lui ont pas été soumis et elle conclut à une modification des relevés horaires qu’elle accrédite par un courrier de l’Inspecteur du travail du 21 mars 2019, à l’issue d’un contrôle relatif à la durée du travail, lequel n’a relevé pour l’année 2018 aucune heure supplémentaire sur les compteurs de Mme [Z] qui a remis les relevés pour le contrôle.

L’appelante précise que les relevés de badgeuse présentaient des incohérences car les salariés omettaient régulièrement de badger, tel qu’il ressort des attestations et à la suite d’entretiens individuels, ont été signés en avril 2019 des protocoles d’accord. Depuis a été mis en place un système déclaratif et les heures supplémentaires cumulées dans un compteur sont payées annuellement en juin.

Sur ce:

Le contrat de travail prévoit que la salariée est engagée pour une durée de travail effective de 37,14 heures plus 1,86 heures de pauses payées et perçoit une rémunération brute de 2300,00 euros correspondant à 160,95 heures mensuelles de travail effectif, et un forfait mensuel de 5% de pauses payées de 8,05 heures.

Les bulletins de paye portent paiement de 160,95 heures dont 9,28 heures supplémentaires plus les temps de pause.

L’examen du rapport de l’inspection du travail du 21 mars 2019 suite à un contrôle effectué le 16 janvier 2019 ( soit avant l’arrêt de travail de l’intimée) pour l’année 2018 fait ressortir pour Mme [Z] un non respect du repos hebdomadaire à 3 reprises en 2018 mais elle ne fait pas partie des salariés pour lesquels il a été relevé un nombre d’heures de travail inférieur à celui effectivement accompli pour l’année 2018.

De ce fait, tenant compte de ce rapport remettant en cause de façon objective pour l’année 2018 le relevé communiqué par l’intimée et non signé, elle sera déboutée de sa demande pour l’année 2018.

S’agissant de l’année 2017, la salariée produit un seul tableau hebdomadaire des heures de travail de la semaine 24 (soit juin 2017) à 52, sans précision journalière d’horaire.

Si l’employeur doit contrôler le temps de travail, les bulletins de salaire mentionnent chaque mois les heures supplémentaires payées et Mme [Z] ne donne aucune explication quant à la charge de travail qui aurait nécessité, en l’absence de demande de l’employeur, qu’elle accomplisse journalièrement des heures au-delà de 39 heures.

Aussi elle sera déboutée de ses demandes au titre des heures supplémentaires et du dépassement du contingent par infirmation du jugement du conseil de prud’hommes, de même qu’au titre du travail dissimulé.

Sur les demandes annexes:

La SA Les Croisés, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.

Mme [Z] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de cette procédure. La SA Les Croisés sera condamnée à lui verser une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La SA Les Croisés sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS:

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Dit que la cour est saisie du chef de jugement critiqué concernant le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SA Les Croisés à payer des heures supplémentaires et la contre-partie en repos pour dépassement du contingent d’heures ,

Le réforme quant au quantum de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Le confirme pour le surplus,

Statuant sur les chefs réformés et infirmés et y ajoutant:

Condamne la SA Les Croisés à payer à Mme [V] [Z] :

-10227,56 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme [Z] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, de la contre-partie en repos pour les heures au-delà du contingent et du travail dissimulé,

Ordonne à la SA Les Croisés de rembourser à Pôle Emploi les éventuelles indemnités de chômage versées à Mme [Z] dans la limite de 3 mois d’indemnités de chômage,

Condamne la SA Les Croisés aux dépens d’appel et à payer à Mme [Z] la somme de 2000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

Déboute la SA Les Croisés de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par S. BLUM”, présidente et C. DELVER, greffière.

LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE

C. DELVER S. BLUM”

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