Sécurité informatique : 7 avril 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/11148

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Sécurité informatique : 7 avril 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/11148

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2023

N° 2023/ 112

Rôle N° RG 19/11148 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BESQZ

[L] [X]

C/

[V] [N]

Copie exécutoire délivrée

le :07/04/2023

à :

Me [K] [J] de l’ASSOCIATION CM AVOCATS [Localité 2]

Me Marine LEFEVRE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 04 Juillet 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00115.

APPELANTE

Madame [L] [X], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Patrick CAGNOL de l’ASSOCIATION CM AVOCATS MARSEILLE, avocat au barreau de [Localité 2] substituée par Me Vincent MARQUET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIME

Monsieur [V] [N], demeurant [Adresse 1]

ayant constitué Me Marine LEFEVRE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été appelée le 09 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Estelle de Revel, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Estelle de Revel, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [L] [X] a été engagée en qualité de vendeuse par M. [N] exploitant un fonds de commerce de presse sous l’enseigne ‘Presse du Centre’, d’abord selon contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 11 octobre 2012 au 31 janvier 2013, puis la relation s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel.

Plusieurs avenants ont été signés quant à la durée du travail. Dans le dernier état de la relation contractuelle régie par les dispositions de la convention collective des commerces de détail et de papeteries, à partir du 1er octobre 2016, Mme [X] travaillait 26 heures par semaine, soit 113 heures par mois.

Le 16 mars 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui a eu lieu le 24 mars suivant.

Elle a été placée en arrêt de travail après l’entretien.

Le 29 mars 2017, elle s’est vue licencier pour faute grave.

Contestant son licenciement, Mme [X] a, le 24 mai 2017, saisi le conseil de prud’hommes de Draguignan.

Par jugement du 4 juillet 2019, le conseil de prud’hommes a débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes.

Mme [X] a relevé appel du jugement le 10 juillet 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 décembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, Mme [X] demande à la cour de :

‘JUGER recevable en la forme l’appel formé par Madame [L] [X] à l’encontre du jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de DRAGUIGNAN le 4juillet 2019,

JUGER les demandes de Madame [L] [X], recevables et bien fondées,

INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de DRAGUIGNAN 4 juillet 2019 en ce qu’il a :

– Confirmé le licenciement pour faute grave,

– Débouté Madame [X] de l’ensemble de ses demandes,

– Condamné Madame [X] à payer à Monsieur [N] la somme de 300 € (trois cents euros) au titre de l’article du Code de procédure civile,

– Condamné Madame [X] aux entiers dépens.

En conséquence, statuant à nouveau :

FIXER le salaire de référence de Madame [L] [X] à la somme de 1.110,54 euros,

JUGER que le licenciement de Madame [L] [X] est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNER Monsieur [V] [N] à lui payer la somme de 1.035,02 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

CONDAMNER Monsieur [V] [N] à lui payer la somme de 16.658,10 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER Monsieur [V] [N] à lui payer la somme de 2.221,08 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

CONDAMNER Monsieur [V] [N] à lui payer la somme de 222,11 euros au titre des congés payés y afférents ;

CONDAMNER Monsieur [V] [N] à lui payer la somme de 6.663,24 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

CONDAMNER Monsieur [V] [N] à lui payer la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêt pour exécution fautive du contrat de travail ;

CONDAMNER Monsieur [V] [N] à payer la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER Monsieur [V] [N] aux entiers dépens.’

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 janvier 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, M. [N] demande à la cour de :

‘JUGER QUE Madame [X] est infondée en son action ;

JUGER que le travail dissimulé n’est pas caractérisé

JUGER que le licenciement pour faute grave est parfaitement légitime et justifié.

CONFIRMER en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en ce qu’il a

intégralement débouté Madame [X] de l’ensemble de ses demandes.

DEBOUTER Madame [X] de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions

CONDAMNER Madame [X] au paiement de la somme de 2.000 € au titre de

l’article 700 du Code de Procédure Civile.

LA CONDAMNER aux entiers dépens’.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le travail dissimulé

Mme [X] sollicite la condamnation de M. [N] au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé pour les motifs suivants :

– elle a travaillé au delà de son horaire contractuel de 26 heures par semaine et en contrepartie, l’employeur lui versait des indemnités kilométriques et des bons d’essence fictifs en lieu et place de paiement d”heures complémentaires;

– M. [N] utilisait ce système pour éviter de payer des charges sociales et des cotisations sur les heures complémentaires;

– elle n’effectuait pas de déplacement professionnel qui justifieraient des indemnités kilométriques et il n’était pas prévu à son contrat de travail qu’elle doive en effectuer ; elle justifie qu’elle n’était pas à l’aise au volant en dehors d’une certaine zone de confort et ne pouvait donc conduire.

En réplique, l’employeur conteste toute dissimulation d’activité ou d’emploi salarié soutenant avoir toujours procédé aux déclarations sociales adéquates.

Il fait valoir que Mme [X] effectuait des heures complémentaires qui donnaient lieu à des heures de récupération tel que cela ressort des planning de travail; qu’elle n’a jamais soulevé le moindre réclamation quant au paiement de ses heures de travail avant d’être licenciée; que pour justifier de sa demande, elle produit ses propres plannings qui n’ont aucune force probante en l’absence de contreseing de sa part; qu’il n’y a aucune corrélation entre les indemnités kilométriques versées et les heures complémentaires soit-disant réalisées et qu’enfin, les indemnités kilométriques sont justifiées la salariée ayant effectué des déplacements professionnels notamment pour se rendre sur des salons professionnels ce qui a justifié les indemnités querellées.

Au sein de l’article L. 8221-5 du code du travail alors applicable, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 2°du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

L’intention est caractérisée du fait, notamment, du nombre d’heures supplémentaires concernées en regard de la durée de la relation de travail.

L’article L.3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, pour justifier des heures de travail accomplies, Mme [X] produit des plannings hebdomadaires du 2 janvier 2013 au 1er avril 2017 mentionnant ses horaires de travail (ainsi que ceux des autres salariés et de M. [N]), les heures de récupération et faisant apparaître des semaine supérieures à 26 heures de travail (notamment celle du 9 novembre 2015 : 45 heures, du 16 novembre 2015 : 46 heures)

Ce faisant, Mme [X] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures complémentaires qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement.

M. [N] ne contredit pas sérieusement les éléments apportés par Mme [X] au moyen de ses propres éléments considérés dans leur ensemble. L’employeur ne produit aucun élément pour démontrer les horaires réellement accomplis par la salariée et la seule critique des plannings que celle-ci produit est inopérante.

Il résulte de ces éléments que la réalisation d’heures complémentaires est avérée.

Or, la cour relève qu’aucun des bulletins de salaire de Mme [X] ne mentionne l’exécution de ces heures durant la période de 2013 à 2017.

Pour démontrer que le paiement de ces heures de travail complémentaires se faisait au travers d’indemnités kilométriques fictives, Mme [X] produit :

– des attestations de paiement des indemnités kilométriques que ‘La Presse du Centre’ lui a versées:

– en avril 2014 pour la période du 30 juin 2013 au 31 mars 2014 : 608,84 euros,

– le 25 octobre 2014 pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2014 : 201,31 euros,

– le 30 juin 2015 pour la période du 1er janvier au 30 juin 2015 : 202,13 euros,

– le 30 octobre 2015 pour la période du 1er juillet au 30 octobre 2015 : 394,85 euros,

– le 31 décembre 2015 pour la période du 1er novembre au 31 décembre 2015 : 249,95 euros,

– le 31 octobre 2016 pour la période du 1er septembre au 31 octobre 2016 : 228,26 euros,

– le 31 août 2016 pour la période du 1er juillet au 31 août 2016 : 106,49 euros;

– un mail adressé par M. [N] le 14 décembre 2016 ayant pour objet ‘ses plannings’ sur plusieurs semaines antérieures consistant en des tableaux intitulés Horaires de [L] composés d’une colonne relative au nombre d’heures, d’une colonne relative aux heures payées ainsi que d’une colonne relative à la différence entre ces deux chiffres mentionnant des montants équivalents à ceux figurant dans les attestations de paiement des indemnités kilométriques susvisées.

M. [N] ne conteste pas le versement de sommes au titre d’indemnités kilométriques; il ne justifie cependant pas de la réalité et de la nécessité des déplacements professionnels qu’aurait réalisé la salariée. En effet, les attestations de M. [R] indiquant avoir ‘rencontré plusieurs vendeuses de M. [N] régulièrement lors de nos salons cadeaux à [Localité 6] pour la présentation des nouveaux produits’ ou celle de Mme [W], vendeuse engagée par M. [N] après le licenciement de Mme [X], indiquant qu’elle se rendait au salon de [Localité 3] et [Localité 6], qu’elle allait chercher de la presse au dépôt de Flassens ainsi qu’à [Localité 7], [Localité 2], Plan de campagne et [Localité 4] ne sont pas convaincantes et la cour relève que le contrat de travail de la salariée ne stipule ni d’indemnités kilométriques, ni de déplacements pour les besoins de ses fonctions de vendeuse.

Il résulte de ces éléments que les heures complémentaires accomplies par Mme [X] ont été rémunérées par des indemnités kilométriques.

Il en résulte que l’infraction de travail dissimulé est constituée, l’élément intentionnel découlant du mécanisme mis en place par l’employeur pour payer les heures de travail effectuées.

Il convient par conséquent de le condamner au paiement de la somme de 6 663,24 euros.

Sur le licenciement

Aux termes des dispositions de l’article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; en vertu des dispositions de l’article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis ; l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Par application des dispositions de l’article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur ; la motivation de cette lettre, précisée le cas échéant dans les conditions prévues par l’article L 1235-2 du même code, fixe les limites du litige.

En l’espèce, la lettre de licenciement est libellée comme suit :

‘ – avoir répondu aux demandes d’une personne au téléphone, qui vous demandait d’effectuer une mise à jour du logiciel de presse, alors que cette tâche ne vous incombait pas;

– avoir répondu aux attentes d’une personne au téléphone, qui vous demandait de modifier le logiciel de caisse en supprimant une touche permettant la vente de cadre e-money, rendant de ce fait la vente impossible;

– avoir répondu aux attentes d’une personne au téléphone, qui vous demandait de sortir des cartes e-money à code et d’en avoir communiqué les numéros de code devant les clients, alors que sur l’écran, avant de sortir de ce genre de cartes, il est recommandé de ‘ne jamais communiquer les codes pour téléphone’ et avant de valider en ‘appuyant sur le bouton vert, je certifie que le client est devant moi’. La transmission de ces codes nous a occasionné un préjudice de 1 500 euros. Sans compter plusieurs blocages de sécurité informatique qui vous ont empêchés de sortir d’autres cartes demandées par ce monsieur au téléphone, ce préjudice aurait pu être porté à 4 300 euros;

– avoir délaissé les clients, quitté la caisse pendant la période de transaction soit de 13h30 à 15h pour effectuer des tâches dont vous n’avez en aucun cas la responsabilité.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise.’

Dans cette lettre, l’employeur reproche à Mme [X], vendeuse dans l’entreprise, d’avoir, le 11 mars 2017, de sa propre initiative, alors que ces tâches ne lui incombaient pas, procédé à diverses opérations sur le logiciel de caisse, notamment d’avoir communiqué les codes des cartes de paiement prépayées rechargeables, à la demande d’une personne au téléphone, sans respecter les interdictions de communiquer inscrites sur l’appareil, occasionnant un préjudice de 1500 euros pour l’entreprise et d’avoir abandonné son poste de travail pour effectuer ces tâches.

Mme [X] conteste qu’elle n’ait pas eu le droit de se servir du logiciel faisant valoir qu’il arrivait régulièrement qu’elle se trouve seule dans le commerce, comme c’était le cas le jour des faits, et qu’elle avait donc été autorisée par M. [N] à manipuler le logiciel et en cas de problème à entrer en contact avec la société qui en était en charge.

Elle estime avoir été victime d’une escroquerie communément répandue dans les commerces de presse tel que cela ressort de plusieurs articles de presse qu’elle produit aux débats, et avoir procédé à des manipulations sous la pression de son interlocuteur au téléphone en toute bonne foi. La salariée souligne le fait que son employeur ne peut pas se dédouaner de sa propre responsabilité par le seul fait que des instructions de sécurité apparaissent à l’écran et qu’elle ne les aurait pas suivies, soutenant ne pas avoir été formée à la manipulation du logiciel.

Elle fait valoir son ancienneté et l’absence de toute sanction ou de reproche pendant plus de 4 ans.

Elle soutient enfin que l’employeur ne démontre pas que son maintien dans l’entreprise était impossible puisqu’elle n’a pas été mise à pied et qu’elle a continué à travailler, y compris seule, jusqu’à son arrêt de travail.

Les faits sont établis et non contestés par la salariée.

La question litigieuse est circonstanciée à la bonne foi de Mme [X] ou à sa faute constituée par le non respect d’instructions et l’insuffisance de vigilance compte tenu de ses fonctions ayant commis un préjudice à son employeur.

Mme [X] a rédigé un rapport sur le déroulement des faits au lendemain de ceux-ci, à la demande de l’employeur qui n’en conteste pas le contenu. Il en ressort que les techniques employées par les fraudeurs sont celles de la manipulation mentale consistant à créer une relation privilégiée avec l’interlocuteur en mettant en avant ses capacités à oeuvrer pour le bien de l’entreprise (mise à jour du logiciel et suppression d’une commande inutile), en lui demandant de procéder à une simple vérification (vérifier que la touche mastercard 250 euros existe), en mettant en avant la confidentialité (en se présentant comme la société JDC de la maintenance informatique de la caisse), en mettant en confiance (en donnant le nom du responsable et en indiquant à plusieurs reprises qu’il va l’appeler juste après), en donnant des ordres et des injonctions de plus en plus pressantes (appuyez sur la touche, cliquez dessus, …), puis en rassurant et en expliquant (‘ne vous inquiétez pas’), en coupant tous liens avec les relations extérieures (l’interlocuteur dit qu’il va rappeler, rappelle; se rend indispensable), en exerçant une pression par la création d’un sentiment d’urgence, et en mettant en place des éléments de sérieux pour éviter tout doute (la parfaite connaissance du logiciel).

Tous les éléments d’une stratégie sophistiquée sont réunis et il est établi par les pièces produites que plusieurs personnes ont été victimes du même type d’escroquerie réalisée dans plusieurs régions. A cet égard le choix du moment de la manoeuvre est très révélateur : un samedi après-midi, jour d’affluence dans un commerce situé dans un centre Leclerc. Il en est de même du choix du nom de l’interlocuteur, la hotline du logiciel de caisse, au ton et au lexique conforme à ce qui est attendu d’un technicien.

Ainsi, Mme [X] a été victime de cette manipulation qui a trompé sa vigilance et qui est exclusive de toute faute. La cour relève en outre qu’elle a su réagir efficacement en conservant des justificatifs de toutes les opérations qu’elle a effectuées.

L’employeur ne démontre pas que la salariée n’avait pas l’autorisation d’utiliser le logiciel, n’étant pas discuté qu’il fallait l’utiliser pour vendre des cartes de paiement prépayées et que M. [N] n’était pas toujours présent dans le commerce aux côtés de Mme [X], comme c’était le cas le jour des faits. Plusieurs attestations produites par l’appelante sont en ce sens et le témoignage de Mme [W], qui a été embauchée après le licenciement de la salariée, ne peut servir à démontrer le fonctionnement qui existait lors des faits.

S’agissant de l’abandon de poste durant les opérations reprochées, M. [N] ne le démontre pas par la production de la seule attestation de M.[Z], client du commerce, qui se plaint du fait que Mme [X] était au téléphone, dans la remise et ne s’occupait pas de lui en tant que client. Le déroulement des faits d’escroquerie susvisés démontre d’une part que la salariée était, à ce moment là, happée par son interlocuteur et paniquée telle qu’elle l’indique; d’autre part, le simple fait d’être occupée à son travail et de ne pouvoir servir un client avec la célérité qu’il souhaite, est insuffisant à caractériser un tel manquement.

En conséquence, aucune faute grave ne peut être reprochée à Mme [X] dans l’exécution de son contrat de travail et son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse.

Le jugement du Conseil de prud’hommes est infirmé ce point.

Au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats, en prenant en compte l’ancienneté de 4 ans et demie de la salariée, sa rémunération moyenne mensuelle de 1 110,54 euros, son préjudice causé par ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la salariée âgée de 35 ans au moment du licenciement qui justifie n’avoir trouvé qu’un emploi de garde d’enfants à domicile à temps partiel en avril 2018 (attestation Pôle Emploi et bulletins de salaire en qualité de garde d’enfants à domicile) et de n’avoir retrouvé un emploi équivalent qu’en juin 2019, il convient de lui allouer la somme de 7 000 euros en réparation de ce préjudice.

Compte tenu du salaire moyen retenu, il convient de fixer l’indemnité de licenciement à la somme de 1 035,02 euros, l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 2 221,08 euros et celle des congés payés afférents à la somme de 222,11 euros.

Sur l’exécution fautive du contrat de travail

Mme [X] sollicite la condamnation de l’employeur au paiement d’une somme de 4 000 euros à tire de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail au motif que le fait de l’avoir rémunérée de ses heures complémentaires au moyen d’indemnités kilométriques a faussé le montant de l’allocation de retour à l’emploi calculé sur un salaire de référence erroné.

M. [N] ne réplique pas sur ce point, pas même à titre subsidiaire.

Au vu des éléments susvisés, le manquement de l’employeur est établi.

La cour relève que Mme [X] tout en soutenant que l’allocation Pôle Emploi qu’elle a perçue était nettement inférieure à celle qu’elle aurait dû recevoir si M. [N] avait respecté les règles applicables en matière de rémunération, ne produit aucun élément de calcul sur le manque à gagner reproché.

Il convient par conséquent, au vu des éléments produits, d’apprécier son préjudice à la somme de 500 euros et de condamner M. [N] au paiement de cette somme.

Sur les autres demandes

Il est équitable de condamner M. [N] à payer à l’appelante la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [L] [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne M. [V] [N] à payer à Mme [L] [X] les sommes suivantes :

– 6 663,24 euros au titre du travail dissimulé,

– 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 035,02 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 2 221,08 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 222,11 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents,

– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M. [V] [N] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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