Sécurité informatique : 2 mai 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/02685

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Sécurité informatique : 2 mai 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/02685

ARRET

[G]

C/

S.A.S. UGLOO

copie exécutoire

le 02 mai 2023

à

Me Anton

Me Blaise

CB/MR/SF

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 02 MAI 2023

*************************************************************

N° RG 22/02685 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IOXI

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 16 MAI 2022 (référence dossier N° RG )

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [X] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté, concluant par Me Laurent ANTON de la SELARL ANTON LAURENT, avocat au barreau D’AMIENS substitué par Me Faustine LEVEL de la SELARL ANTON LAURENT, avocat au barreau D’AMIENS

ET :

INTIMEE

S.A.S. UGLOO agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée, concluant par Me Frédéric BLAISE de la SELAFA ACD AVOCATS, avocat au barreau de METZ

DEBATS :

A l’audience publique du 02 mars 2023, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l’arrêt sera prononcé le 02 mai 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 02 mai 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

Alors dirigée par M. [G], la société Ugloo a fait l’objet d’une liquidation judiciaire prononcée par jugement du 9 août 2018, puis a été acquise par la société Duonyx le 3 avril 2019.

M. [G] a été embauché par la société Ugloo, par contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2019, en qualité de responsable commercial et opérationnel.

Son contrat est régi par la convention collective nationale des bureaux d’études techniques.

L’employeur dispose d’un effectif de moins de 10 salariés.

Par courrier du 16 octobre 2019, M. [G] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 25 octobre 2019 et a été mis à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 29 octobre 2019, il a été licencié pour faute grave.

Estimant que le licenciement prononcé à son encontre était mal-fondé et sollicitant, par ailleurs, le paiement de diverses sommes portant sur des rappels de salaire, il a saisi le conseil de prud’hommes d’Amiens le 16 juin 2020.

Le conseil de prud’hommes d’Amiens, par jugement du 16 mai 2022, a :

dit que le licenciement pour faute grave de M. [G] était justifié ;

dit que la société Ugloo ne s’était pas rendue coupable de travail dissimulé durant la période de mars à juin 2019 ;

débouté M. [G] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle, au titre du travail dissimulé et de rappels de salaire pour la période de mars à juin 2019 ;

dit que M. [G] était recevable en sa demande de règlement de la clause de non concurrence et en sa demande de régularisation de l’avantage en nature retenu à tort sur ses fiches de paie de juillet à octobre 2019 ;

condamné la société Ugloo à verser à M. [G] les sommes suivantes :

17 115 euros brut au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence ;

1 260 euros au titre des rappels de salaires pour la période de juillet à octobre 2019 en raison de l’avantage en nature déduit à tort ;

débouté M. [G] du surplus de ses demandes ;

débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 6 février 2023, M. [G], régulièrement appelant de ce jugement, demande à la cour de :

infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Amiens le 16 mai 2022 en ce qu’il :

a dit que le licenciement pour faute grave était justifié ;

l’a débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle,

l’a débouté du surplus de ses demandes ;

l’a débouté de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

a laissé à sa charge de ses propres dépens ;

débouter la société Ugloo de son appel incident et confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

dire et juger que le licenciement prononcé à son encontre est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

condamner la société Ugloo à lui verser la somme de 4 075 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

condamner la société Ugloo à lui verser la somme de 12 225 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 222,50 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

condamner la société Ugloo aux entiers dépens ;

condamner la société Ugloo à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

ordonner la communication des bulletins de salaire régularisés sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d’un délai de 15 jours suivant le prononcé de la décision à intervenir ;

Et y ajoutant,

condamner la société Ugloo à lui verser la somme de 1 711,50 euros bruts au titre des congés payés afférents à l’indemnité de non-concurrence ;

condamner la société Ugloo à lui verser la somme de 126 euros bruts au titre des congés payés afférents au rappel de salaire pour la période de juillet à octobre 2019.

Par conclusions remises le 12 janvier 2023, la société Ugloo demande à la cour de :

confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Amiens en date du 16 mai 2022 en ce qu’il a :

dit que le licenciement pour faute grave de M. [G] était justifié ;

Dit qu’elle ne s’était pas rendue coupable de travail dissimulé durant la période de mars à juin 2019 ;

débouté M. [G] des demandes visant à la condamner au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre du travail dissimulé, et au titre des rappels de salaires pour la période de mars à juin 2019 ;

débouté M. [G] de sa demande visant à l’enjoindre à attribuer des BSA/ BSPCE ;

débouté M. [G] de sa demande à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Amiens en date du 16 mai 2022 en ce qu’il :

a dit M. [G] recevable en sa demande de règlement de la clause de non-concurrence et en sa demande de régularisation de l’avantage en nature retenu à tort sur ses fiches de paie de juillet à octobre 2019 ;

l’a condamné à verser à M. [G] les sommes de 17 115 euros bruts au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, et 1 260 euros au titre des rappels de salaire pour la période de juillet à octobre 2019 au titre de l’avantage en nature ;

Statuant à nouveau,

débouter M. [G] de l’ensemble de ses demandes ;

le condamner à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

le condamner aux entiers frais et dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

EXPOSE DES MOTIFS

1. Sur le rappel de salaire au titre d’un avantage en nature

M. [G] expose s’être vu indûment privé d’un avantage en nature véhicule à hauteur de 315 euros par mois pourtant prévu par son contrat de travail. A l’appui de ses bulletins de salaire des mois de juillet à octobre 2019, il relève que si l’avantage en cause apparait bien dans les rémunérations à payer, celui-ci figure également parmi les déductions, de sorte qu’aucune somme ne lui a été payée à ce titre. Il sollicite également le paiement des congés payés afférents à l’avantage en nature qui ne lui a pas été payé.

La société Ugloo réplique que si le contrat de travail prévoit effectivement le bénéfice d’un avantage en nature d’un montant forfaitaire de 315 euros pour la location d’un véhicule, celui-ci demeure soumis au paiement de cotisations salariales. Ainsi, elle affirme que le salarié a perçu environ 280 euros par mois au titre de cet avantage après déduction des cotisations salariales.

Sur ce,

Selon l’article L.3221-3 du code du travail, constitue une rémunération le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier.

Il en résulte que l’octroi, par l’employeur, d’une somme forfaitaire pour compenser les frais que le salarié aurait exposés en raison de l’usage professionnel d’un véhicule constitue un avantage en nature qu’il y a lieu d’inclure dans le montant de la rémunération et qui doit être indiqué sur le bulletin de paie.

En l’espèce, si, à l’aune des bulletins de salaire remis au salarié au titre des mois de juillet à octobre 2019, l’employeur a, à bon droit, inclus la somme de 315 euros pour le paiement de l’avantage en nature véhicule prévu à l’article 13 du contrat de travail, la cour observe pourtant que l’intégralité de cette somme est également portée parmi les déductions des cotisations et contributions à la charge du salarié.

Au contraire, la circonstance selon laquelle le salarié aurait perçu une somme mensuelle d’environ 280 euros après déduction des cotisations salariales ne ressort aucunement de ces documents.

Ainsi, il s’en déduit que le salarié n’a perçu aucune somme portant sur l’avantage en nature prévu par son contrat de travail, de sorte que c’est à raison que les premiers juges ont condamné la société Ugloo à payer à M. [G] la somme de 1 260 euros à titre de rappel de salaire de juillet à octobre 2019.

Enfin, cet avantage constituant un élément de rémunération ouvrant droit au paiement de congés payés, il conviendra de faire droit la demande accessoire présentée par M. [G] et de condamner l’employeur à lui payer la somme de 126 euros de congés payés afférents aux salaires rappelés.

2. Sur le licenciement pour faute grave

M. [G] expose que son employeur se contente de procéder par voie d’affirmation s’agissant des griefs ayant fondé le licenciement prononcé à son encontre. Il réfute avoir porté une quelconque critique de la politique commerciale qui avait été définie et que son employeur tente d’en établir la réalité par la seule production des témoignages, peu pertinents, de Mme [Z] et M. [D], les dirigeants de la société Ugloo. S’agissant du contenu du courriel adressé à Mme [Z] et M. [D], il soutient qu’il ne constituait qu’une simple invitation à discuter pour trouver une solution à l’échec annoncé et qui était reconnu par la direction elle-même. Par ailleurs, le salarié conteste avoir tenu des propos susceptibles de venir caractériser un dénigrement à l’encontre de l’entreprise et affirme que l’employeur, à qui revient d’apporter la preuve de la réalité des manquements reprochés, n’apporte aucun élément probant sur ce point. De plus, le salarié s’oppose à l’argumentation soutenue par la société Ugloo en ce qu’elle lui reproche d’avoir violé son obligation de discrétion qui ne se fonde que sur l’envoi d’un courriel, a priori banal, mettant en lumière les erreurs sur ses bulletins de salaire. Il ajoute que ce courriel n’a été communiqué qu’en interne à destination de la direction. S’agissant de sa présence à un salon à [Localité 5], il soutient que ses fonctions de responsable commercial et opérationnel l’amenaient à prospecter auprès de la clientèle et de faire des déplacements professionnels et que son employeur ne justifie pas du refus qui lui avait été communiqué de s’y rendre. Pour les notes de frais jugées erronées aux termes de la lettre de licenciement, il indique qu’il ne s’agit que d’une erreur de sa part sur la destination de son trajet en train qu’il avait commandé et dont il s’est rendu compte au cours du voyage. Il précise alors avoir acheté un billet conforme à sa destination pour une somme dérisoire et que l’employeur a payé sans poser de question. Enfin, il soutient que, compte-tenu du caractère infondé des griefs ayant justifié sa mise à pied conservatoire, l’employeur ne saurait lui reprocher de ne pas l’avoir exécutée. Sur ce point, il relève que si l’employeur lui reproche aux termes de ses écritures d’avoir volé des serveurs appartenant à la société, ces griefs ne sont pas repris dans la lettre de licenciement qui lui a été adressée. Il précise s’être rendu qu’une seule fois dans les locaux de la société pour récupérer ses affaires ainsi que le matériel lui appartenant. Il affirme avoir rencontré un client le 18 octobre 2019 dans le seul intérêt de la société.

La société Ugloo réplique, à l’appui d’échanges de courriels, que M. [G] a agi et s’est comporté comme s’il en était le dirigeant en tentant de définir la stratégie commerciale. Elle se prévaut des échanges de courriels aux termes desquels le salarié reprochait à la société de « naviguer à vue » et proposait des alternatives au mépris des demandes de la direction. Elle ajoute que, outre ces critiques, M. [G] n’a permis la signature d’aucune affaire en trois mois de présence dans l’entreprise. Par ailleurs, elle soutient que le salarié, qui exerçait pourtant des fonctions de cadre, a manqué à son obligation de discrétion lorsque celui-ci a révélé le salaire de son collègue de travail, M. [R], à l’assistante de direction de la société. La société fait également grief au salarié de s’être rendu le 14 octobre 2019 à un salon qui se tenait à [Localité 5] alors qu’il avait reçu la consigne de ne pas s’y rendre. Elle se prévaut également d’échanges de courriels les 14 et 15 octobre 2019 témoignant de la désinvolture du salarié qui recherchait n’importe quel prétexte pour ne pas répondre aux demandes de son employeur. S’agissant des notes de frais qu’elle estime erronées, elle précise avoir demandé des explications le 7 octobre 2019 pour les deux trajets [Localité 5]-[Localité 4] et [Localité 3]-[Localité 4] pour la même matinée, et que le salarié n’a pas répondu. Elle estime que M. [G] a également fait preuve d’insubordination en s’abstenant d’exécuter la mise à pied conservatoire prononcée à son encontre le 16 octobre 2019 et durant laquelle il s’est rendu dans les locaux de l’entreprise afin d’emporter des serveurs contenant le logiciel et les codes logiciel Ugloo qui sont la propriété de la société. Enfin, elle affirme que M. [G], en dépit de sa mise à pied conservatoire, a rencontré un client le 18 octobre 2019 afin de lui présenter les produits de la société.

Sur ce,

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La mise en ‘uvre de la procédure de licenciement doit donc intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

C’est à l’employeur qui invoque la faute grave et s’est situé sur le terrain disciplinaire de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu’ils rendaient impossibles la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, la lettre de licenciement est rédigée comme suit :

« Monsieur, [..]

Par la présente, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave.

Pour mémoire, suite à la liquidation judiciaire de la société Ugloo le 9 août 2018 dont vous étiez le Président et suite au rachat du brevet et de la marque que nous avons effectué le 3 avril 2019, nous avons décidé de créer une nouvelle structure pour continuer le développement du produit et trouver des clients à une solution qui nous semble prometteuse.

C’est dans ce contexte que nous vous avons embauché en qualité de responsable commercial et opérationnel à compter du 1er juillet 2019 sans période d’essai, conformément à votre demande.

Nous vous avons fait totalement confiance.

Très rapidement, vous avez fait preuve d’un comportement tout à tait inadapté, en vous opposant à notre politique et notre stratégie d’entreprise, en faisant souvent preuve de dénigrement et d’insubordination à notre égard.

Tout au long du mois de septembre nous n’avons cessé d’avoir des discussions, des réunions durant lesquelles vous remettiez systématiquement en question notre mode de fonctionnement et notre stratégie commerciale.

Vous êtes même, le samedi 5 octobre 2019, « revenu à la charge » sur ce que vous qualifiez d’entreprise qui « navigue à vue ». Vous faîtes comme si vous étiez encore le dirigeant d’Ugloo alors que nous fixons désormais la feuille de route. Vous parlez même d’« imaginer des alternatives financières et capitalistiques » pour nous contrecarrer et nous nuire.

Votre attitude est tout à fait inacceptable d’autant plus qu’elle pollue le reste de notre équipe. En effet, alors que nous vous avions dès début septembre alerté sur votre manque d’activités commerciales, vous n’avez pas cessé de nous envoyer des courriels sur un ton désagréable et d’essayer d’embarquer le reste de l’équipe contre nous (cf les mails dans lesquels vous mettez notamment en copie [M] [O], chercheur universitaire à l’origine du brevet).

Par ailleurs, vous ne prenez pas la mesure de l’importance de l’obligation de discrétion inscrite dans votre contrat de travail.

En effet, le 16 octobre 2019 à 5h57, vous avez envoyé un mail à notre assistante de direction dans lequel vous comparez votre salaire et celui de votre collègue de travail M. [R], alors qu’elle n’est pas supposée avoir connaissance de ces informations confidentielles.

Enfin, vous ne justifiez pas clairement votre activité de responsable commercial et opérationnel et nous vous l’avons écrit à plusieurs reprises.

Nous ne savons pas réellement ce que vous faites et nous n’écoutez absolument pas ce que nous vous demandons. A plusieurs reprises, nous avons appris que vous étiez sur [Localité 5] sans même venir au bureau. Vous êtes même allé jusqu’à venir le lundi 14 octobre matin, sur un salon à [Localité 5] alors que nous ne souhaitions pas que vous vous y rendiez et nous vous l’avions indiqué. Vous y êtes resté deux heures et êtes rentré sur [Localité 3] sans prendre la peine de passer au bureau de [Localité 5].

Ce même lundi 14 octobre, nous cherchons à vous joindre à plusieurs reprises. Vous répondez par courriel prétextant ne pas avoir eu le message.

Ceci ne nous vous empêche pas de présenter des notes de frais erronées en présentant des demandes de remboursement de frais de déplacement différents sur une même plage horaire ou en justifiant des notes de taxi Uber à [Localité 5] alors que vous êtes « en déplacement » sur [Localité 4].

C’est dans ce contexte que nous vous avons reçu le 16 octobre pour vous remettre une convocation à un entretien préalable à licenciement.

Dans la mesure où il n’était plus envisageable que vous soyez en contact avec notre équipe, nous avons décidé de vous mettre à pied à titre conservatoire pendant la durée de la procédure et jusqu’à ce que nous prenions une décision.

Alors que vous étiez mis à pied, vous ne pouviez donc plus exercer vos fonctions et agir en qualité de responsable commercial et opérationnel de notre société.

Nous vous avions expressément demandé de ne plus vous rendre dans nos locaux à [Localité 3].

Malgré tout, vous vous êtes permis de venir dans nos locaux à deux reprises le 17 octobre 2019 matin pour y récupérer du matériel nécessaire à la poursuite de l’activité de notre entreprise et sur lequel le code Ugloo est installé. Vous n’êtes pas sans savoir que toute utilisation ou simple possession du code sans autorisation de la part d’Ugloo est constitutive d’acte de contrefaçon. Vous avez tenté à nouveau de pénétrer dans les locaux le samedi 19 octobre 2019.

Cela ne s’arrête pas là, le vendredi 18 octobre 2019, vous avez rencontré un de nos clients, [Localité 3] Métropole, de 11h à 12h et vous avez continué à poster des messages en tant que responsable commercial et opérationnel Ugloo sur les réseaux sociaux alors que nous vous l’avions formellement interdit (exemple de votre « post » du 24 octobre 2019 – votre titre « COO » d’Ugloo apparaît clairement).

Pourtant, vous étiez en arrêt maladie, mis à pied et nous vous avions expressément demandé de plus agir au nom et pour le compte de notre entreprise pendant toute la durée de la procédure de licenciement engagée dès le 16 octobre 2019.

Pour l’ensemble de ces raisons, vous comprendrez que nous ne pouvons plus envisager la poursuite de nos relations contractuelles et que nous sommes contraints de vous licencier pour faute grave ».

Il ressort du contrat de travail conclu entre M. [G] et la société Ugloo que le salarié, en sa qualité de responsable commercial et opérationnel, a, notamment, pour missions de favoriser le développement commercial de la société en vue d’accroître les ventes et d’augmenter le chiffre d’affaires, d’analyser les évolutions du marché et les offres de la concurrence afin d’adapter en permanence l’offre de la société, et de suivre et analyser les performances commerciales de la société afin de les reporter.

Il est également précisé que M. [G] doit rendre compte de son activité dans les conditions qui lui sont prescrites et qu’il s’engage à exercer ses attributions en se conformant aux instructions données par la direction.

Or, il s’évince d’un échange de courriels du 5 septembre 2019 présenté par l’employeur que lors d’une conversation s’étant tenue la veille, la direction a fait remarquer à M. [G] un manque d’activité commerciale, et lui indiquait qu’il était nécessaire de suivre la feuille de route.

Pourtant, en réponse à ce courriel rappelant la nécessité de se conformer aux directives qui avaient été définies, le salarié affirmait qu’il existait un « problème de compréhension de part et d’autre et de respect des engagements initiaux », et insistait pour « rééchanger rapidement [..] pour na pas mettre en péril le projet ».

C’est également en ce sens que, par courriel du 5 octobre 2019 adressé à la direction, M. [G] soutenait que Ugloo naviguait à vue et qu’il était impératif de se poser d’urgence pour définir la stratégie commerciale et le management.

Il ajoutait en ces termes : « faute de réussir à vous faire comprendre la stratégie et la vision de Ugloo, nous avons pris le temps avec [M] et [Y] de vous préparer un document de travail qui vous permettra, ensemble, de prendre très vite les décisions qui s’imposent. Nous avons même été jusqu’à imaginer des alternatives financières et capitalistiques si cela pouvait profiter à la réussite d’Ugloo. Vous ne pouvez pas continuer à reporter cette urgence vitale ».

Si, compte-tenu des fonctions qu’il occupe, il n’apparait pas incompatible que M. [G] exprime, y compris avec franchise, son opinion sur la stratégie commerciale définie par la direction et propose des solutions alternatives, la cour relève que la posture adoptée par le salarié à travers ces échanges, insistant de manière excessive et récurrente afin d’imposer à la direction la stratégie qu’il avait imaginé avec l’appui de deux autres salariés, excède largement les missions qui étaient définies par son contrat de travail.

Ce comportement critique, par lequel le salarié a délibérément ignoré les directives de la direction qu’il devait mettre en ‘uvre comme s’il occupait encore ses fonctions de dirigeant, ressort également des circonstances de son déplacement dans un salon s’étant tenu à [Localité 5] le 14 octobre 2019 et pour lequel la direction lui avait exprimé qu’il était inutile de s’y rendre.

Enfin, si l’employeur n’établit pas la réalité des manquements imputés au salarié en ce qu’il aurait soumis des notes de frais par un procédé frauduleux, aurait manqué à son obligation de discrétion, ou qu’il se serait indûment approprié les serveurs de la société Ugloo avant que son licenciement ne soit prononcé, la cour observe que M. [G] ne conteste pas avoir sciemment ignoré ses obligations découlant de la mise à pied conservatoire prononcée à son encontre le 16 octobre 2019 en poursuivant son activité professionnelle et en démarchant, le 18 octobre 2019, un potentiel client pour le compte de son employeur.

Ces manquements ainsi établis témoignent des faits d’insubordination qui sont reprochés à M. [G] aux termes de la lettre de licenciement et qui, en dépit de la liquidation judiciaire de la première société Ugloo, a continué d’agir comme s’il en était toujours le dirigeant.

Aussi, compte-tenu de la nécessité pour la société Ugloo de constituer rapidement une clientèle par l’intermédiaire d’une politique commerciale cohérente alors qu’elle était en activité depuis seulement quelques mois, les fautes commises par M. [G] ont nécessairement fait perdre à l’employeur toute confiance et caractérisent la faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise y compris pendant la durée du préavis.

Dès lors, c’est à bon droit que les premiers juges ont dit que le licenciement pour faute grave de M. [G] était justifié et l’ont débouté de ses demandes indemnitaires subséquentes.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

3. Sur la clause de non-concurrence

M. [G] expose que son employeur s’est abstenu de lui payer la contrepartie financière prévue par la clause de non-concurrence de son contrat de travail. Il réfute l’argumentation soutenue par l’employeur tendant à démontrer qu’il n’aurait pas respecté les termes de cette clause en créant les sociétés CHL services et Yotta dès lors que la première de ces sociétés intervenait dans un domaine d’activité différent et non concurrent de la société Ugloo, et que la seconde a été créée plus d’un an après la rupture de son contrat de travail. Il ajoute que la circonstance selon laquelle il s’est rendu au forum de la cybersécurité de [Localité 4] en janvier 2020 ne permet pas d’établir l’existence d’une activité de vente de solutions informatiques de stockage, d’archivage et de sauvegarde.

En réponse, la société Ugloo expose ne pas avoir payé la contrepartie financière prévue par la clause de non-concurrence au motif que M. [G] a poursuivi une activé concurrente en créant les sociétés CHL services et Yotta, ou en se rendant au forum de la cybersécurité. Elle se prévaut également du témoignage de M. [J], le directeur des opérations de la société Ugloo, affirmant que le salarié lui aurait confié en juillet 2020 qu’il exerçait une activité de conseil en sécurité informatique auprès des start up. A ce titre, elle soutient que cette activité entrait nécessairement en concurrence avec la société Ugloo en ce que la cybersécurité couvre également le domaine du stockage des données. Enfin, elle fait grief au jugement entrepris de ne pas avoir tenu compte des actions menées par le salarié pour préparer une activité concurrente dans les mois qui ont suivi la rupture de son contrat de travail.

Sur ce,

L’indemnité compensatrice de l’interdiction de concurrence, versée au moment de la mise en ‘uvre de la clause se trouve acquise, sans que le salarié qui a respecté son obligation ait à invoquer un préjudice, dès lors que l’employeur n’a pas renoncé au bénéfice de celle-ci dans le délai conventionnel et les formes prévues au contrat. Le salarié qui ne respecte pas, même temporairement, l’obligation contractuelle de non concurrence, perd le droit à l’indemnité compensatrice.

Il incombe à l’employeur, qui se prétend délivré de l’obligation de payer la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, de rapporter la preuve de la violation de cette clause par le salarié.

En l’espèce, la clause de non-concurrence prévue à l’article 11 du contrat de travail prévoit notamment que « M. [G] s’interdit de travailler dans toutes activités concurrentes directement ou indirectement et de quelque façon que ce soit, durant une période d’un an suivant la fin de ce contrat pour quelque cause que ce soit.

Cette obligation de non-concurrence se limite donc aux activités de vente de solutions informatiques de stockage, d’archivage et de sauvegarde. Cette obligation de non-concurrence sera étendue au territoire national.

En contrepartie de l’interdiction de concurrence prévue ci-dessus, la société versera mensuellement pendant la durée d’application de la clause à M. [G], à l’expiration du contrat, une somme fixée à 35 % de la rémunération mensuelle moyenne des 12 derniers mois ».

Il est également acquis que M. [G] a créé une nouvelle société en avril 2019, la société CHL services, dont les statuts et l’extrait d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés précisent qu’elle a pour activités principales « le conseil en général et notamment en prestations logistiques et commerciales plus particulièrement destinées aux entreprises », mais aussi la « location mobilière, immobilière et de matériels nécessaires à l’exploitation de l’entreprise ».

Ces seuls énoncés des activités de la société CHL services ne permettent pas de déduire l’existence d’une activité concurrente exercée par M. [G] en violation de la clause de concurrence susvisée.

Aussi, il n’apparait pas pertinent de suivre la société Ugloo dans le détail de ses argumentations tendant à déterminer si les activités liées à la cybersécurité doivent être comprises parmi les activités prohibés par la clause de non-concurrence, la seule présence du salarié à un forum organisé en janvier 2020 sur ce thème ne pouvant laisser présumer une quelconque activité commerciale concurrente.

Il en est de même s’agissant du témoignage de M. [J] affirmant que M. [G] lui aurait confié en juillet 2020 qu’il exerçait une activité de conseil en sécurité informatique auprès des start up alors que la lecture de la clause de non-concurrence démontre que les co-contractants ont entendu la restreindre aux seules activités de vente.

Enfin, l’employeur ne saurait se prévaloir de l’activité concurrente de la société Yotta, créée après le terme de la clause de non-concurrence, ni davantage des actes préparatoires accomplis par le salarié afin de permettre sa mise en activité qui ne peuvent constituer des actes de concurrence.

Ainsi, ne démontrant pas la violation de cette clause par le salarié, la société Ugloo ne saurait soutenir s’être libérée de son obligation de payer la contrepartie financière et en reste débitrice pour la totalité.

La cour, par confirmation du jugement déféré, condamnera la société Ugloo à payer à M. [G] la somme de 17 115 euros, montant non spécifiquement contesté au titre de la clause de non-concurrence.

4. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.

Il convient de condamner M. [G], tenu aux entiers dépens, à payer à la société Ugloo la somme de 300 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne la société Ugloo à payer à M. [G] la somme de 126 euros au titre des congés payés afférents aux salaires rappelés,

Condamne M. [G] à payer à la société Ugloo la somme de 300 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,

Condamne M. [G] aux dépens.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

 


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