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Si, dans les relations collectives de travail une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l’activité principale de l’entreprise, dans les relations individuelles, le salarié photographe, à défaut de se prévaloir de cette convention, peut demander l’application de la convention collective mentionnée dans le contrat de travail.
En l’occurrence, c’est à tort que les juges d’appel ont fait application de la convention collective des journalistes du 1er novembre 1976. La référence dans le contrat de travail à la convention collective des agences de presse valait reconnaissance de l’application de la convention à l’égard du salarié.
SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 juillet 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 808 FS-B
Pourvoi n° K 22-10.424
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [F].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 octobre 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JUILLET 2023
M. [M] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-10.424 contre l’arrêt rendu le 27 janvier 2021 par la cour d’appel d’Amiens (5e chambre prud’homale), dans le litige l’opposant à la société Agence de presse et reportages hippiques, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Agence de presse et reportages a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l’appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [F], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Agence de presse et reportages hippiques, et l’avis de Mme Molina, avocat général, après débats en l’audience publique du 7 juin 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué ( Amiens, 27 janvier 2021), M. [F] a été engagé en qualité de reporter-photographe par contrat de travail à temps partiel conclu le 1er janvier 2014 par la société Agence de presse et reportages hippiques (la société) pour une durée mensuelle de cinquante-six heures.
2. Le 11 décembre 2017, il a saisi la juridiction prud’homale de demandes se rapportant à l’exécution du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l’arrêt de dire que la convention collective applicable est la convention collective nationale de travail des journalistes, de le débouter de sa demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet ou à titre subsidiaire en un contrat à temps partiel de vingt-quatre heures hebdomadaires et des prétentions indemnitaires à ce titre, de limiter à certaines sommes le montant des condamnations prononcées à l’encontre de l’employeur au titre de la prime de treizième mois, de la prime d’ancienneté, au titre de l’indemnité pour l’amortissement et l’utilisation de son matériel photographique personnel, alors « qu’un employeur peut volontairement décider d’appliquer à ses salariés une convention collective qui ne serait pas normalement applicable dans l’entreprise, compte tenu de la nature de son activité principale, notamment, en la mentionnant dans le contrat de travail et dans les bulletins de paie ; que M. [F] a justement rappelé ce principe en rappelant que “même si la société APRH n’est pas signataire de la convention, elle (en) a accepté les conditions en la mentionn(ant) dans le contrat de travail du salarié. Avec ces mentions, la société défenderesse s’est obligée contractuellement à appliquer les dispositions de la convention collective des agences de presse” ; qu’en jugeant pourtant que “le juge doit, pour déterminer la convention collective dont relève un employeur, apprécier concrètement la nature de l’activité qu’il exerce à titre principal sans s’en tenir à ses statuts, ni aux mentions figurant au contrat de travail ou sur des bulletins de paie et autres documents de l’entreprise” quand la Sarl APRH pouvait volontairement décider d’appliquer à M. [F] la convention collective des employés et des agences de presse du 1er juin 1998, en lieu et place de la convention collective qui lui était normalement applicable compte tenu de la nature de l’activité de l’entreprise, en la mentionnant dans le contrat de travail et les bulletins de paie, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1134 alinéa 1er du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
4. Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
5. Si, dans les relations collectives de travail une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l’activité principale de l’entreprise, dans les relations individuelles, le salarié, à défaut de se prévaloir de cette convention, peut demander l’application de la convention collective mentionnée dans le contrat de travail.
6. Pour dire que la convention collective applicable est la convention collective nationale de travail des journalistes du 1er novembre 1976, l’arrêt, après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 2261-2 du code du travail retient que le juge doit, pour déterminer la convention collective dont relève un employeur, apprécier concrètement la nature de l’activité qu’il exerce à titre principal, sans s’en tenir à ses statuts, ni aux mentions figurant au contrat de travail ou sur des bulletins de paie et autres documents de l’entreprise. Il ajoute que la référence à l’identification de l’employeur auprès de l’Insee n’a qu’une valeur indicative, que les fonctions exercées par le salarié sont indifférentes et que la charge de la preuve de l’activité réelle incombe à la partie qui demande l’application d’une convention collective.
7. L’arrêt retient encore qu’il n’est pas utilement contredit que la société exerce à titre principal son activité dans le domaine des courses hippiques, employant des reporters-photographes pour se constituer une banque d’images et vendre les reportages réalisés à différents clients. Il conclut que les salariés recrutés sont soumis à la convention collective du travail des journalistes et non pas à la convention collective des employés des agences de presse.
8. En statuant ainsi, alors que la référence dans le contrat de travail à la convention collective des agences de presse valait reconnaissance de l’application de la convention à l’égard du salarié, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande subsidiaire en requalification de son contrat de travail en contrat à temps partiel de vingt-quatre heures hebdomadaires et en paiement d’indemnités à ce titre, alors:
« 1°/ que pour les contrats de travail à temps partiel conclus entre le 1er janvier 2014 et le 21 janvier 2014, il ne peut être dérogé à la durée minimale de travail hebdomadaire de 24 heures prévue à l’article L. 3123-14-1 du code du travail que sur demande écrite et motivée du salarié, dans les conditions de l’article L. 3123-14-2 devenu L. 3123-7 du code du travail ; que pour rejeter la demande subsidiaire de M. [F] aux fins de requalification de son temps partiel de 14 heures hebdomadaires en temps partiel de 24 heures hebdomadaires, l’arrêt énonce que l’entrée en vigueur de la durée minimale de travail hebdomadaire de 24 heures, initialement prévue au 1er janvier 2014, a été reportée au 1er juillet 2014 par l’article 20, III de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, ”l’application de la nouvelle durée minimale de travail se faisant progressivement pour les contrats ayant débuté avant cette date, comme celui de M. [F], pour être généralisée au 1er janvier 2016” ; qu’en statuant ainsi, cependant que l’article 20, III de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 prévoyait la suspension de l’application de l’article L. 3123-14-1 du code du travail et de la seconde phrase du VIII de l’article 12 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 à compter du 22 janvier 2014, de sorte que la durée minimale prévue à l’article L. 3123-14-1 du code du travail était applicable aux contrats conclus entre le 1er janvier 2014 et le 21 janvier 2014 et qu’une demande écrite et motivée de M. [F] était donc nécessaire pour y déroger, ce qui n’a jamais été effectué, la cour d’appel a violé les articles 12 VIII de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et 20, III de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, ensemble les articles L. 3123-14-1 et L. 3123-14-2 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ;
2°/ qu’à partir du 1er janvier 2016, pour l’ensemble des contrats en cours, il ne peut être dérogé à la durée minimale de travail hebdomadaire de 24 heures prévue à l’article L. 3123-14-1 du code du travail que sur demande écrite et motivée du salarié, dans les conditions de l’article L. 3123-14-2 devenu L. 3123-7 du code du travail ; qu’en jugeant que l’employeur a pu déroger à la durée minimale prévue à l’article L. 3123-14-1 du code du travail au vu d’une attestation de la gérante de la société quand une demande écrite et motivée de M. [F] était nécessaire pour y déroger, ce qui n’a jamais été effectué, la cour d’appel a violé les articles L. 3123-14-1 et L. 3123-14-2 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
10. L’employeur conteste la recevabilité du moyen pris en sa deuxième branche. Il soutient qu’il est irrecevable en ce que, mélangé de droit et de fait, il est nouveau.
11. Cependant le salarié soutenait dans ses écritures qu’une demande écrite et motivée de sa part était nécessaire pour que la durée minimale légale de vingt-quatre heures hebdomadaire pût être valablement écartée.
12. Le moyen, qui n’est pas nouveau, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l’article 12, VIII de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, les articles L. 3121-14-1,alinéa 1, L. 3121-14-2,alinéa 1 du code du travail dans leur rédaction alors en vigueur, l’article 20, III de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 :
13. Selon le premier de ces textes, l’article L. 3123-14-1 entre en vigueur le 1er janvier 2014.
14. Selon le deuxième, la durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à vingt-quatre heures par semaine ou, le cas échéant, à l’équivalent mensuel de cette durée ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l’article L. 3122-2.
15. Aux termes du troisième, une durée de travail inférieure à celle prévue par l’article L. 3123-14-1 peut être fixée à la demande du salarié soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée au même article. Cette demande est écrite et motivée.
16. Selon le quatrième, pour permettre la négociation prévue à l’article L. 3123-14-3 du code du travail, l’application de l’article L. 3123-14-1 du même code est suspendue jusqu’au 30 juin 2014. Cette suspension prend effet à compter du 22 janvier 2014.
17. Il résulte de l’effet combiné de ces textes qu’en raison de la suspension de l’application de l’article L. 3123-14-1 du code du travail à compter du 22 janvier 2014, les contrats à temps partiel conclus entre le 1er et le 21 janvier 2014, qui n’étaient pas des contrats en cours au jour de l’entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, doivent, sauf demande écrite et motivée du salarié ou accord collectif répondant aux conditions de l’article L. 3123-14-3 du code du travail, être conclus pour une durée minimale de vingt-quatre heures hebdomadaires.
18. Pour rejeter les demandes du salarié se rapportant à un contrat de travail d’une durée hebdomadaire de vingt-quatre heures, l’arrêt retient que l’entrée en vigueur de la durée minimale de vingt-quatre heures a été reportée au 1er juillet 2014 par la loi n°2014-288 du 5 mars 2014, l’application se faisant progressivement pour les contrats ayant débuté avant cette date comme celui du salarié pour être généralisée au 1er janvier 2016.
19. L’arrêt ajoute qu’à la demande du salarié pour lui permettre de conserver son allocation d’adulte handicapé, l’employeur devait procéder à l’embauche à temps complet d’une autre salariée le 1er octobre 2016.
20. En statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que le contrat de travail à temps partiel avait été conclu le 1er janvier 2014, ce dont il résultait qu’il n’était pas concerné par la suspension de l’application de l’article L. 3123-14-1 du code du travail, la cour d’appel, qui n’a pas constaté l’existence d’une demande écrite et motivée du salarié tendant à la fixation d’une durée du travail inférieure à celle prévue par cet article, a violé les textes susvisés.
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
21. Le salarié fait le même grief à l’arrêt, alors « que pour rejeter la demande subsidiaire de M. [F] aux fins de requalification de son temps partiel, la cour d’appel, tirant les conséquences de l’application de la convention collective de travail des journalistes, a encore fait application de l’accord du 6 novembre 2014 relatif à la durée du travail des personnels à temps partiel annexé à la convention collective de travail des journalistes (IDCC 1480), lequel permet de conclure un contrat à temps partiel de 10 heures hebdomadaires ; qu’en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l’arrêt attaqué en ce qu’il a débouté M. [F] de sa demande subsidiaire de requalification de son contrat de travail en temps partiel de 24 heures hebdomadaires et des prétentions indemnitaires à ce titre. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 624 du code de procédure civile :
22. La cassation prononcée sur le premier moyen du pourvoi principal entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif critiqués par le moyen qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Et sur le moyen unique du pourvoi incident de l’employeur
Enoncé du moyen
23. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner au paiement de sommes à titre de rappel de prime de treizième mois et de prime d’ancienneté alors, « que par voie de conséquence de la cassation éventuelle sur le premier moyen du pourvoi principal, les condamnations de l’employeur à payer une prime de 13e mois et une prime d’ancienneté sur le fondement de la convention collective dont l’application est contestée par le salarié, seront, le cas échéant, annulées par application de l’article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 624 du code de procédure civile :
24. La cassation prononcée sur le premier moyen du pourvoi principal entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif critiqués par le moyen qui s’y rattachent par un lien dépendance nécessaire.
Portée et conséquences de la cassation
25. La cassation prononcée sur le premier moyen du pourvoi principal n’emporte pas, la cassation des chefs de dispositif rejetant la demande en requalification du contrat de travail en contrat de travail à temps complet et condamnant l’employeur à verser au salarié une certaine somme à titre d’indemnité pour l’amortissement et l’utilisation du matériel photographique due en application du contrat de travail qui ne s’y rattachent pas par un lien d’indivisibilité ni de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que la convention collective applicable est la convention collective nationale de travail des journalistes, déboute M. [F] de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps partiel de vingt-quatre heures hebdomadaires et des prétentions indemnitaires à ce titre, condamne la société Agence de presse et reportages hippiques à payer à M. [F] les sommes de 4 215,12 euros au titre de la prime de treizième mois pour la période de septembre à décembre 2016, 632,26 euros à titre de prime d’ancienneté pour la période de septembre à décembre 2016, l’arrêt rendu le 27 janvier 2021, entre les parties, par la cour d’appel d’Amiens ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Douai ;
Condamne la société Agence de presse et reportages hippiques aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Agence de presse et reportages hippiques et la condamne à payer à la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maître la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.