19 septembre 2006
Cour de cassation
Pourvoi n°
04-10.390
Attendu, selon l’arrêt partiellement confirmatif déféré (Paris, 22 octobre 2003), que la société de droit italien Sergio Y… SPA, titulaire de deux marques internationales désignant la France, l’une dénominative déposée le 29 avril 1981, l’autre figurative représentant la lettre S entourant la lettre T déposée le 24 septembre 1968 pour désigner divers produits des classes 25 et 28, notamment des articles de sport et de ville, dont une gamme de pantalons de survêtement référencée « Andulo », et sa filiale, la société Sergio Y… France, qui commercialise en France ces produits, ont, après saisies-contrefaçon, poursuivi judiciairement les sociétés Auchan, Atac et leur fournisseur, la société STI, en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale ; que la société STI a appelé en garantie son fournisseur la société One by one ; que ces différentes sociétés ont invoqué l’épuisement des droits de la société Sergio Y… SPA sur ses marques ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, et le moyen unique du pourvoi provoqué, pris en ses trois premières branches, réunis :
Attendu que les sociétés Auchan, Atac et STI font grief à l’arrêt d’avoir dit qu’elles avaient commis des actes de contrefaçon de marques et de concurrence déloyale et d’avoir prononcé diverses condamnations à leur encontre, alors, selon le moyen :
1 / que les sociétés Auchan et Atac faisaient valoir que la supposée inscription qui manquerait sur la fermeture éclair n’était nullement démontrée par les sociétés Sergio Y… lesquelles ne versaient aux débats aucune pièce, qui constituerait un cahier des charges immuable comportant les caractéristiques précises des modèles ;
que les sociétés Sergio Y… faisaient en effet valoir que les pantalons saisis ne comportaient pas l’inscription « SCIL » sur la fermeture éclair comme les autres pantalons Andulo de la marque Sergio Y… ; qu’en retenant que les sociétés Sergio Y… font valoir que les produits vendus ne sont pas authentiques, que force est de constater que les pantalons de survêtements litigieux ne comportent pas la même fermeture à glissière que celle figurant sur les autres pantalons Andulo revêtus licitement de la marque Sergio Y… sans relever les preuves produites par les sociétés Sergio Y… établissant que la fermeture éclair de ce modèle comportait exclusivement la mention « SCIL » la cour d’appel n’a pas statué sur le moyen et a violé l’article 455 du nouveau code de procédure civile ;
2 / que l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux des constatations opérées par l’officier public ; qu’il résulte de l’attestation du notaire que la société STI lui a présenté « ce jour des documents originaux notamment factures et attestations portant sur l’achat à une société dont le siège social est dans un Etat membre de l’Union européenne les produits de marques » c’est-à-dire de marque Adidas, Nike, Sergio Y… correspondant notamment aux numéros de commande litigieux, le notaire attestant que « ces sociétés ayant elles-mêmes acheté sans aucune restriction à la revente ces produits auprès de sociétés… titulaires de la marque distributeur agréé et officiel par la marque ou de société ayant des attestations, basées dans l’Union européenne. Il ma été remis copie de tous les documents » ; qu’ayant relevé qu’était produite aux débats l’attestation du notaire, puis décidé ainsi que l’a constaté le tribunal, que cette attestation ne précisait ni le nom de la société auprès de laquelle les achats auraient été effectués ni son siège social pour en déduire que les constatations effectuées par le notaire ne sont pas probantes et ne permettent pas d’identifier de manière précise et circonstanciée l’origine de la marchandise, cependant que le notaire avait attesté que la société STI lui avait présenté les documents originaux notamment les factures et attestations portant sur l’achat, à une société dont le siège social est dans un Etat membre de l’Union européenne des produits de marques telles que rappelés, notamment Sergio Y…, la cour d’appel, qui écarte cette attestation notariée ayant force probante jusqu’à inscription de faux, a violé les articles 1317 et suivants et 1319 et suivants du code civil ;
3 / que les juges du fond ne peuvent motiver leur décision en recourant à une motivation hypothétique ; que la cour d’appel, qui a retenu la responsabilité – pour faits de contrefaçon – des sociétés Auchan France, Atac, STI et One X… One, en énonçant à propos des pantalons litigieux « à supposer même qu’il s’agisse de produits authentiques… », a forgé sa décision à partir d’une motivation hypothétique, contraire aux prescriptions de l’article 455 du nouveau code de procédure civile ;
4 / que des faits de contrefaçon ne peuvent s’appliquer à des produits authentiques ; que la cour d’appel, qui a retenu que les pantalons litigieux étaient, semble-t-il, contrefaisants puisqu’ils ne comportaient pas la même fermeture à glissière que celle des autres pantalons « Andulo », licitement revêtus de la marque « Sergio Y… », sans rechercher si l’inscription « Scil », devant prétendument figurer sur les fermetures éclair litigieuses, constituait bel et bien une marque déposée, devant obligatoirement être apposée sur tous les pantalons de la même gamme, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 713-1, L. 713-2 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle ;
5 / que les constatations opérées par le notaire dans un acte authentique font foi jusqu’à inscription de faux ; que la cour d’appel, qui a dénié toute force probante à l’acte notarié produit aux débats, après avoir pourtant elle-même relevé que le notaire y avait constaté que les documents originaux afférents à l’achat des pantalons litigieux lui avaient été présentés par la société STI et que les marchandises avaient été achetées à une société domiciliée dans un Etat membre de l’Union européenne, a violé les articles 1317 et 1319 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les pantalons de survêtement litigieux ne comportent pas sur la fermeture à glissière l’inscription « Scil » qui figure sur les pantalons « Andulo » de marque Sergio Y… ; que la cour d’appel, qui a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées, a pu par une appréciation souveraine des éléments de preuve produits, abstraction faite du motif surabondant critiqué à la troisième branche du pourvoi provoqué, statuer comme elle a fait ;
Attendu, en second lieu, que l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l’attestation notariée datée du 14 mars 2001 ne précise ni le nom de la société auprès de laquelle les achats auraient été effectués, ni son siège social, que cette attestation fait en outre référence à une vente à venir de la société STI à la société Auchan, ce qui ne peut correspondre aux produits litigieux ; qu’ayant déduit de ces constatations que cette attestation était insuffisante à établir que les produits litigieux avaient été commercialisés sur le territoire de l’Union européenne, par la société Sergio Y… SPA ou avec son consentement, la cour d’appel a pu, sans méconnaître la valeur probante de cet acte, et par une appréciation souveraine des éléments de preuve produits, statuer comme elle a fait ;
D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que les sociétés Auchan et Atac font encore le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que la société Auchan faisait valoir avoir pris toute précaution pour s’assurer de l’origine licite des produits achetés, son fournisseur lui ayant présenté une attestation émanant d’un notaire et s’engageait tant dans l’attestation notariée que dans le procès-verbal de constat d’huissier du 22 février 2001 à fournir les documents originaux en cas de litige devant les tribunaux français et étrangers portant sur les marchandises objet de factures, l’exposante invitant la cour d’appel à constater que s’il était jugé que le fournisseur n’avait pas versé aux débats ces pièces il engageait sa responsabilité contractuelle et que dès lors elle était bien fondée à demander la condamnation de celui-ci à la garantir de toute condamnation ; qu’en affirmant que si la garantie d’éviction est due par tout cédant d’un droit de propriété, les sociétés Auchan France et STI sont mal fondées à s’en prévaloir faute de démontrer qu’elles ont pris les précautions nécessaires pour s’assurer de l’origine des produits achetés, la cour d’appel, qui n’a procédé à aucune analyse des documents produits au regard de ce moyen, a violé l’article 455 du nouveau code de procédure civile ;
2 / que la simple qualité de professionnel ne met pas obstacle à l’action en garantie d’éviction, laquelle n’est exclue que par la preuve qu’avait l’acquéreur de faire l’acquisition d’un produit contrefaisant ; que la société exposante faisait valoir avoir pris toute précaution pour s’assurer l’origine des produits achetés, son fournisseur lui ayant présenté l’attestation émanant d’un notaire et s’engageait tant dans l’attestation notariée que dans le procès-verbal de constat d’huissier à fournir les documents originaux en cas de litige devant les tribunaux français et étrangers portant sur les marchandises objet des factures, l’exposante invitant la cour d’appel à constater que s’il était jugé que le fournisseur n’avait pas versé aux débats ces pièces il engageait sa responsabilité contractuelle et que dès lors elle était bien fondée à demander la condamnation de celui-ci à les garantir de toute condamnation ; qu’en affirmant que si la garantie d’éviction est due par tout cédant d’un droit de propriété les sociétés Auchan France et STI sont mal fondées à s’en prévaloir faute de démontrer qu’elles ont pris les précautions nécessaires pour s’assurer de l’origine des produits achetés, la cour d’appel, qui n’a pas constaté que l’exposante savait qu’il s’agit de produit contrefaisant, s’est prononcée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1625 du code civil ;
3 / que la société Auchan faisait valoir avoir pris toute précaution pour s’assurer l’origine des produits achetés, son fournisseur lui ayant présenté l’attestation émanant d’un notaire et s’engageait tant dans l’attestation notariée que dans le procès-verbal de constat d’huissier à fournir les documents originaux en cas de litige devant les tribunaux français et étrangers portant sur les marchandises objet de factures les documents visés, les exposantes invitant la cour d’appel à constater que s’il était jugé que le fournisseur n’avait pas versé aux débats ces pièces il engageait sa responsabilité contractuelle et que dès lors elles étaient bien fondées à demander la condamnation de celui-ci à les garantir de toute condamnation ; qu’en affirmant que la garantie d’éviction est due par tout cédant d’un droit de propriété les sociétés Auchan France et STI sont mal fondées à s’en prévaloir faute de démontrer qu’elles ont pris les précautions nécessaires pour s’assurer de l’origine des produits achetés, sans préciser en quoi la production d’une attestation notariée préalablement à la vente puis d’un procès-verbal de constat d’huissier n’était pas de nature à caractériser les précautions nécessaires prises par l’exposante pour s’assurer de l’origine licite des produits achetés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1626 et suivants du code civil ;
4 / que la société Auchan France fondait sa demande à être garantie par la société STI sur l’engagement pris par cette société de fournir, en cas de litige portant sur les marchandises, les pièces originales justifiant de leur licéité ; que la société STI ne contestait pas devoir sa garantie ; qu’en se plaçant, pour statuer sur ce moyen, dans le seul cadre de la garantie d’éviction pour retenir que l’exposante est mal fondée à s’en prévaloir faute de démontrer les précautions prises pour s’assurer de l’origine des produits achetés, la cour d’appel se prononce par motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;
Mais attendu que l’arrêt relève que la société STI a produit dix factures datées du 14 février 2001, portant sur l’acquisition d’un certain nombre de pantalons auprès de la société One by one, que l’attestation notariée du 14 mars 2001 qu’elle verse aux débats ne précise ni le nom du vendeur, ni son siège social et qu’il en est de même du constat d’huissier dressé le 22 février 2001 ; qu’il retient en outre que seule la moitié des factures produites émane d’une société ayant son siège en Irlande, factures dont elle constate qu’ont été dissimulées les mentions relatives au nom du destinataire, à la date, au prix et aux références des marchandises ; qu’ayant déduit de ces constatations que les documents produits ne permettaient pas d’établir que les marchandises litigieuses avaient une origine licite, la cour d’appel, dès lors qu’elle retenait d’un côté l’absence d’épuisement du droit des marques et de l’autre l’existence d’une contrefaçon, a pu rejeter la demande en garantie formée contre la société STI ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;