Production musicale : 24 mai 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 16-14.348

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Production musicale : 24 mai 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 16-14.348

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 mai 2017

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10330 F

Pourvoi n° B 16-14.348

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes, société civile à capital variable, dont le siège est […]                              ,

contre l’arrêt rendu le 21 janvier 2016 par la cour d’appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Groupe Canal + , société par actions simplifiée, dont le siège est […]                                          , venant aux droits de la société Canal + distribution,

2°/ à la société Ciby 2000, dont le siège est […]                                             , venant aux droits de la société TF images 2 anciennement dénommée Galfin productions,

3°/ à la société d’Edition de Canal Plus, société anonyme, dont le siège est […]                                          , anciennement dénommée Canal +,

4°/ à la société Sony Music Entertainment France, société par actions simplifiée, dont le siège est […]                                     ,

5°/ à la société Warner Music France, société par actions simplifiée, dont le siège est […]                                 ,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 25 avril 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, M. X…, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat des sociétés Groupe Canal + et d’Edition de Canal Plus, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Sony Music Entertainment France et Warner Music France, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Ciby 2000 ;

Sur le rapport de M. X…, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Ciby 2 000 la somme de 2 000 euros, aux sociétés Warner Music France et Sony Music Entertainment la somme globale de 2 000 euros et aux sociétés Edition Canal Plus et Groupe Canal + la somme globale de 2 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE MOYEN FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué D’AVOIR déclaré la SPEDIDAM irrecevable en sa demande de communication de pièces sous astreinte, et de l’avoir débouté de l’intégralité de ses demandes,

AUX MOTIFS QUE « la demande de la SPEDIDAM tendant à voir ordonner sous astreinte aux sociétés Ciby 2000, Warner Music France et Sony Music Entertainment France « pour ce qui les concerne… la communication des références complètes et précises de l’ensemble des phonographes du commerce utilisés pour la sonorisation du film « Pédale dure » ainsi que l’identité exacte de tous les artistes-interprètes ayant participé à ces enregistrements phonographiques et dont les prestations sont utilisées au sein dudit film », se heurte à la fin de non-recevoir opposée par les sociétés Warner Music France et Sony Music Entertainment France, la SPEDIDAM n’ayant aucune qualité à agir pour la défense d’artistes-interprètes dont elle ne sait pas elle-même s’ils sont ou non ses associés, du fait d’une atteinte hypothétique à des droits sur une prestation indéterminée » ;

ALORS D’UNE PART QUE l’article 10 du code civil dispose que « chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité » ; qu’il s’ensuit que le juge, qui doit concourir à la manifestation de la vérité et veiller au bon déroulement de l’instance, est tenu de respecter et de faire respecter la loyauté des débats ; qu’une telle obligation implique qu’il ordonne, sur requête d’une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles et suffisants pour étayer ses allégations et précisé les éléments de preuve à l’appui de ses allégations qui se trouvent sous le contrôle de la partie adverse, la production forcée par l’autre partie de ces éléments lorsqu’il est impossible à l’auteur de la requête de se les procurer par lui-même et que ces éléments seraient susceptibles d’établir inéluctablement le bien-fondé de sa prétention ; que l’obligation pour le juge d’ordonner cette production s’infère en outre de l’article 6.1 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, qui dispose notamment que « Les Etats membres veillent à ce que, sur requête d’une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles et suffisants pour étayer ses allégations et précisé les éléments de preuve à l’appui de ses allégations qui se trouvent sous le contrôle de la partie adverse, les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner que ces éléments de preuve soient produits par la partie adverse, sous réserve que la protection des renseignements confidentiels soit assurée » ; qu’en jugeant irrecevable, pour défaut de qualité à agir, la demande, qui lui était adressée par la SPEDIDAM, de production forcée des références complètes et précises de l’ensemble des phonographes du commerce utilisés pour la sonorisation du film « Pédale dure » ainsi que de l’identité exacte de tous les artistes-interprètes ayant participé à ces enregistrements phonographiques et dont les prestations sont utilisées au sein dudit film, alors qu’une telle demande tendait à la production d’une pièce que l’exposante ne pouvait se procurer par elle-même et qui était susceptible d’établir inéluctablement le bien-fondé de sa prétention, la cour d’appel a violé l’article 10 du code civil, ensemble les articles 3 et 11 du code de procédure civile, interprétés à la lumière de l’article 6 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 ;

ALORS D’AUTRE PART QUE chaque partie jouit d’un droit à la preuve, qui participe du droit à un procès équitable protégé par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que ce droit implique l’obligation pour le juge d’accéder à sa requête de production forcée de pièces précisément identifiées qui se trouvent sous le contrôle de la partie adverse lorsqu’il est impossible à la partie qui en fait la demande de se les procurer par d’autres moyens et que ces pièces sont susceptibles d’établir inéluctablement le bien-fondé de sa prétention ; qu’en jugeant irrecevable, pour défaut de qualité à agir, la demande, qui lui était adressée par la SPEDIDAM, de production forcée des références complètes et précises de l’ensemble des phonographes du commerce utilisés pour la sonorisation du film « Pédale dure » ainsi que de l’identité exacte de tous les artistes-interprètes ayant participé à ces enregistrements phonographiques et dont les prestations sont utilisées au sein dudit film, sans vérifier qu’une telle production était indispensable à l’exercice de son droit à la preuve, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION

LE MOYEN REPROCHE à l’arrêt attaqué D’AVOIR débouté la SPEDIDAM de l’intégralité de ses demandes tant au titre des droits des artistes-interprètes que, par voie de conséquence, de l’intérêt collectif de la profession,

AUX MOTIFS QUE « la SPEDIDAM verse aux débats un document, non critiqué, dressant la liste des crédits musicaux du film « Pédale dure » ; que ce document porte mention du phonogramme du commerce « Pourquoi un pyjama » avec mention d’un « copyright » de 1966, du phonogramme du commerce « J’ai encore rêvé d’elle » avec mention d’un « copyright » de 1975 et du phonogramme du commerce « Vanina » avec mention d’un « copyright » de 1977 ; que les premiers juges ont retenu à juste titre que la participation de Francis Y… et Anne Z… au phonogramme « Pourquoi un Pyjama » n’était pas démontrée ; que la feuille de présence établie et signée par ces seuls artistes-interprètes, de nombreuses années après la fixation prétendue de leur prestation, comme le prouve la mention de l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle issu de la loi du 3 juillet 1985, est en effet dénué de toute force probante ; que la participation de Jacques A…, Antoine B…, Francine K… P… , Claude C…, Pierre D…, Alfred E…, Martine L… Q… , Christian F…, André « Slim » Pezin, Dominique G…, Antoine H…, Catherine R…           et Guy I… au phonogramme « Vanina », précisément utilisé pour la sonorisation du film « Pédale dure » n’est pas plus démontrée ; que cette participation ne saurait résulter des feuilles de présence, signées des seuls artistes-interprètes prétendus, qui sont largement postdatées, et dès lors sans valeur probante, ainsi que le montre la mention de l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle ou de la loi 78-17 du 5 janvier 1978 qui y figure, ni des fiches de paye établies le 30 septembre 1974 au nom de Mmes Catherine J…, Francine K…, Martine L… et Dominique G… pour une prestation non définie ni même de la mention du nom de Guy I… porté au titre des « Arragts, orch. dir.  » sur l’étiquette du disque 33 tour Dave paru en 1975 dès lors qu’il ressort des propres pièces de la SPEDIDAM ainsi que des pièces de la société Sony Music Entertainment France que plusieurs enregistrements distincts de la chanson Vanina par l’artiste Dave ont été réalisés et que si un phonogramme du commerce « Vanina à l’Olympia » a bien été fixé en 1977, c’est un enregistrement fixé en 1974, à une date non précisée, qui a servi à la bande originale du film « Pédale dure » comme le montre la mention « EM12863897 PEDALE DURE BOF » portée sur la fiche extraite de la base de données de la SCPP ; enfin que c’est par des motifs pertinents, que la cour approuve, que les premiers juges ont retenu l’absence d’atteinte aux droits d’artistes-interprètes de Daniel M… et Lionel N…, ceux-ci composant notamment avec Serge O…, le groupe d’artistes vedette « Il était une fois », sous contrat d’exclusivité, emportant cession des droits de reproduction « pour tous usages et exécutions (y compris la Radiodiffusion et la Télévision) ces reproductions associant ou non le son à l’image », conclu avec le producteur phonographique Pathé Marconi aux droits de laquelle est venue la société Emi Music France puis la société Warner Music France » ;

ALORS QUE chacun doit prêter son concours à la manifestation de la vérité ; qu’une telle obligation s’étend au juge, qui se doit de préserver les parties d’un déni de justice ; qu’il en résulte que le juge ne peut se fonder sur l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties pour refuser de statuer ; qu’il est donc tenu d’ordonner les mesures sollicitées par les parties qui seraient de nature à compléter les preuves qu’elles ont fournies lorsque, en l’absence de toute carence de leur part, elles se trouvent dans l’impossibilité de produire un élément de preuve nécessaire au succès de leurs prétentions ; que ce devoir qui pèse sur le juge est étayé par l’article 6.1 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, qui dispose notamment que « Les Etats membres veillent à ce que, sur requête d’une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles et suffisants pour étayer ses allégations et précisé les éléments de preuve à l’appui de ses allégations qui se trouvent sous le contrôle de la partie adverse, les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner que ces éléments de preuve soient produits par la partie adverse, sous réserve que la protection des renseignements confidentiels soit assurée » ; qu’en déboutant la SPEDIDAM de l’ensemble de ses demandes en se fondant sur l’insuffisance des preuves qui lui étaient fournies, tout en refusant d’accéder à sa demande tendant à la production forcée d’éléments de preuve décisifs détenus par la partie adverse, la cour d’appel a méconnu son office et violé les articles 4 et 10 du code civil, interprétés à la lumière de l’article 6 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004.

 


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