Clause d’Approvisionnement exclusif : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02408

·

·

Clause d’Approvisionnement exclusif : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02408

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 06/07/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/02408 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TB4Q

Ordonnance rendue le 08 juin 2020 par le tribunal de commerce d’Arras

Ordonnance n° 21/284 rendue le 4 novembre 2021 par le magistrat chargé de la mise en état de la 2ème chambre section 1 de la cour d’appel de Douai

Arrêt déféré n°22/435 rendu le 29 septembre 2022 par la 2ème chambre section 2 de la cour d’appel de Douai

APPELANTES

– SAS Imprimerie Léonce Deprez – en liquidation judiciaire –

– SELARL AJC représentée par Maître [P] [V], ès qualités d’administrateur judiciaire de la Société Imprimerie Léonce Deprez

ayant son siège social [Adresse 2]

assistées et représentées par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTERVENANTE VOLONTAIRE

– SELURL [U] [L], représentée par Me [L] [U] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société Imprimerie Léonce Deprez

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 3]

assistée et représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉE

– SAS Sun Chemical, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Camille Percheron, avocat au barreau du Havre, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Clotilde Vanhove, conseiller

———————

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

DÉBATS à l’audience publique du 06 avril 2023.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président, et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 mars 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 26 juin 2019, la SAS Imprimerie Léonce Deprez a été placée en redressement judiciaire, la SELARL AJC étant désignée en qualité d’administrateur judiciaire et la SELURL [U] [L] en qualité de mandataire judiciaire.

La SAS Sun Chemical a déclaré une créance de 188 990,02 euros au passif du redressement judiciaire de la SAS Imprimerie Léonce Deprez.

Par ordonnance du 8 juin 2020, le juge commissaire a admis partiellement la créance de la SAS Sun Chemical pour une somme de 139 061,62 euros à titre chirographaire.

Par déclaration du 2 juillet 2020, la SAS Imprimerie Léonce Deprez, la SELURL [U] [L], ès qualités et la SELARL AJC, ès qualités, ont interjeté appel de l’ordonnance en sa seule disposition.

Par jugement du 10 mars 2021, le tribunal de commerce d’Arras a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Imprimerie Léonce Deprez, la SELURL [U] [L], prise en la personne de Me [U], ayant été nommée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par ordonnance du 4 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a :

– dit irrecevable l’appel de l’administrateur,

– pour le surplus, débouté la SAS Sun Chemical de son incident en irrecevabilité d’appel,

– laissé les frais de l’instance d’incident à la charge de la partie qui les aura exposés,

– dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 29 septembre 2022, la cour d’appel, statuant sur déféré, a :

– confirmé l’ordonnance déférée sauf en ce qu’elle a débouté la SAS Sun Chemical de sa demande d’irrecevabilité de l’appel du mandataire judiciaire,

Statuant à nouveau,

– déclaré l’appel du mandataire judiciaire irrecevable,

– confirmé l’ordonnance pour le surplus,

Y ajoutant,

– déclaré recevable l’intervention volontaire du liquidateur judiciaire,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SAS Sun Chemical aux dépens de la procédure de déféré.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 8 mars 2023, la SAS Imprimerie Léonce Deprez et la SELURL [U] [L], ès qualités, demandent à la cour de :

– mettre hors de cause la SELARL AJC ès qualité d’administrateur judiciaire,

– réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

– admettre la SAS Sun Chemical au passif pour la somme de 38 028,84 euros,

– rejeter toute autre demande,

– condamner la SAS Sun Chemical à leur payer la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elles font d’abord valoir que la SAS Sun Chemical développe des arguments tendant à contester l’admission de la créance pour un montant de 139 061,62 euros, alors qu’elle ne sollicite pas l’infirmation de l’ordonnance dont appel.

Elles ajoutent qu’il doit être tenu compte, par compensation, du fait que la créance de la SAS Sun Chemical a été réduite par une dette qu’elle avait envers la SAS Imprimerie Léonce Deprez, puisque le contrat de fourniture de produits prévoyait que le client bénéficiait de la part de son fournisseur d’une remise de fin d’année. Cette remise, pour la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019 s’élève à 101 032,78 euros, ramenant le solde de la dette à 38 028,84 euros.

Elles précisent que si contractuellement, la remise de fin d’année ne peut être accordée que si toutes les factures qui constituent son assiette ont bien été payées, cette clause doit être réputée non écrite lorsque c’est la loi qui fait défense au débiteur de payer. Décider le contraire reviendrait à pénaliser l’entreprise qui se trouve en redressement, alors que l’article 622-13-I alinéa 2 du code de commerce fait obligation au partenaire de respecter ses propres obligations, même si le débiteur ne le fait pas lui-même pour les dettes antérieures. Elles soulignent que la contrepartie de la remise de fin de période est un approvisionnement exclusif de la part de la SAS Imprimerie Léonce Deprez, ce qui a été le cas.

Elles soutiennent :

qu’il est faux de prétendre que le chiffre d’affaires qui sert d’assiette à la remise de fin d’année s’entendrait des factures payées et non pas seulement émises, car comptablement le chiffre d’affaires est constaté par des factures, indépendamment du fait qu’elles soient payées ou non,

indépendamment de la lettre du contrat, les parties ont eu pour pratique de calculer la remise de fin d’année par année civile, cet usage fait la loi des parties.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 27 février 2023, la SAS Sun Chemical demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance,

– débouter la SAS Imprimerie Léonce Deprez et le liquidateur de l’intégralité de leurs demandes,

– condamner la SAS Imprimerie Léonce Deprez et le liquidateur à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux entiers frais et dépens de l’instance.

Elle soutient que le quantum de l’admission doit correspondre au montant dû arrêté à la date du jugement d’ouverture et que le juge-commissaire aurait dû retenir sa créance à hauteur de 188 190,02 euros sans déduire la somme de 49 929,48 euros correspondant à l’action en revendication qu’elle a exercée.

S’agissant de la remise de fin d’année, elle fait valoir qu’il s’agit d’une remise tarifaire différée et conditionnelle dont le droit est subordonné au constat que toutes les factures échues pendant l’année considérée ont été réglées à bonne date, c’est-à-dire à leur échéance contractuelle, cette règle étant expressément mentionnée au contrat. Des factures non réglées, c’est-à-dire un chiffre d’affaires non effectué, ne peuvent générer une remise tarifaire qui est nécessairement assise sur un chiffre d’affaires réalisé et sur des factures encaissées.

Elle expose que la définition de l’année de référence a été contractuellement prévue et qu’il ne s’agit pas de l’année civile.

Elle s’oppose ainsi à toute compensation entre une créance inexistante de la débitrice et sa créance échue et impayée, admise par le juge-commissaire et ce d’autant que la jurisprudence interdit à ce dernier de prononcer la compensation en même temps que l’admission d’une créance.

MOTIVATION 

Le jugement du tribunal de commerce d’Arras du 10 mars 2021 prononçant la liquidation judiciaire de la SAS Imprimerie Léonce Deprez n’a pas désigné d’administrateur judiciaire. La SELARL AJC, qui était nommée administrateur judiciaire dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ayant précédé la liquidation judiciaire, doit en conséquence être mise hors de cause.

L’article 954 du code de procédure civile prévoit que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

En l’espèce, si la SAS Sun Chemical développe dans la discussion de ses conclusions des moyens au soutien de l’infirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a fixé sa créance à la somme de 139 061,62 euros, et tendant à la fixation de sa créance à la somme de 188 190,02 euros, elle n’a, ainsi que l’ont relevé la SAS Imprimerie Léonce Deprez et la SELURL [U] [L], sollicité dans le dispositif de ses conclusions que la confirmation de l’ordonnance du juge-commissaire.

En conséquence, la cour ne peut que constater qu’elle n’est pas saisie de la part de la SAS Sun Chemical d’une demande d’infirmation de l’ordonnance du juge-commissaire et d’une demande de fixation de sa créance à la somme de 188 190,02 euros.

Aux termes de l’article L. 624-2 du code de commerce, dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2021-1193 du 15 septembre 2021, au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission.

La créance de la SAS Sun Chemical est en l’espèce contestée par la SAS Imprimerie Léonce Deprez et la SELURL [U] [L], qui invoquent le fait qu’elle doit être diminuée du montant de la remise de fin d’année contractuellement prévue et ainsi ramenée à la somme de 38 028,84 euros.

Dès lors que la créance est contestée, il appartient au juge-commissaire et en conséquence à la cour saisie d’un appel formé contre la décision du juge-commissaire, d’examiner si la contestation est sérieuse.

En l’espèce, le contrat de fourniture de produits conclu entre les parties avec effet au 1er mai 2019 prévoit en son annexe B, relative aux remises, une remise de fin de période. Il y est également stipulé que « le paiement de toute ristourne due est subordonné à : [‘] (b) paiement total de toutes factures exigibles au cours de la période au titre de laquelle cette ristourne est calculée »,

Cette clause, sans contestation sérieuse, exclut l’application de la remise de fin d’année à défaut de paiement total des factures exigibles au cours de la période. En effet, contrairement à ce soutiennent la SAS Imprimerie Léonce Deprez et son liquidateur, aucune disposition du code de commerce ne prévoit qu’une telle clause devrait être réputée non écrite en cas de procédure collective et elle ne heurte pas l’ordre public, étant en outre précisé qu’il ne s’agit pas, par cette clause, d’appliquer une pénalité à la SAS Imprimerie Léonce Deprez qui aurait pour cause l’ouverture de la procédure collective.

En conséquence, la créance de la SAS Sun Chemical à hauteur de 139 061,62 euros n’est pas sérieusement contestable.

L’ordonnance du juge-commissaire doit ainsi être confirmée en ce qu’elle a fixé à ce montant la créance de la SAS Sun Chemical au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS Imprimerie Léonce Deprez.

Il convient de fixer les dépens en frais de procédure collective.

Les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront, en équité, rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Met hors de cause la SELARL AJC ;

Confirme l’ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Dit que les dépens seront employés en frais de procédure collective ;

Rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x