Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Riom, 12 juin 2002), que la société Michelin et compagnie (société Michelin) a confié à la société Transports Perrot (société Perrot) l’acheminement d’enveloppes de pneus de Cholet à Riom ; que la marchandise ayant été dérobée au cours du transport, la société Michelin ainsi que la compagnie La Réunion européenne et quinze autres assureurs (les assureurs) ont assigné la société Perrot et son assureur, la compagnie Axa global risks, en réparation du dommage ; que M. X…, liquidateur judiciaire de la société Perrot, a été assigné en intervention forcée ;
Attendu que la société Michelin et ses assureurs reprochent à l’arrêt d’avoir fixé leur créance contre la société Perrot à la somme de 21 389,21 euros seulement et d’avoir condamné la société Axa corporate solutions, venant aux droits de la compagnie Axa global risks, à leur payer 70 % de cette somme, alors, selon le moyen :
1 / que la faute lourde suppose une négligence d’une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l’inaptitude du transporteur, maître de son action, à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il a acceptée ; que la cour d’appel, tout en constatant que diverses mesures de sécurité avaient été prises par le transporteur, a relevé que d’autres mesures de sécurité, par elle qualifiées de simples et efficaces, telles que le dételage de la remorque, la mise des remorques cul à cul et le fait de coincer le véhicule chargé avec d’autres véhicules n’avaient pas été prises ; qu’en décidant néanmoins que la société Perrot n’avait pas commis de faute lourde à l’origine du vol des marchandises, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 29 de la Convention CMR signée le 19 mai 1956 à Genève, ensemble l’article 1150 du Code civil ;
2 / que la faute lourde suppose une négligence d’une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l’inaptitude du transporteur, maître de son action, à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il a acceptée ; que, dans ses conclusions d’appel, la société Michelin et ses assureurs ont invoqué divers éléments de nature à démontrer que les mesures de précaution prises par le transporteur étaient inefficaces et insuffisantes, les rondes de surveillance de ses locaux étant seulement effectuées toutes les heures, les cadenas pouvant être facilement coupés, l’ensemble routier n’étant équipé que d’un dispositif anti-vol Neimann, sans être pourvu d’alarme, en violation de la clause syndicale, et que le transporteur, au surplus, n’ignorait pas le risque de vol, un précédent chargement de pneus ayant déjà été dérobé dans ses locaux de Lens et de Cusset ; qu’en décidant néanmoins que la société Perrot n’avait pas commis de faute lourde en présence de mesures de précaution et de protections par elle établies, sans s’expliquer sur les divers éléments invoqués par la société Michelin et ses assureurs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 29 de la Convention CMR signée le 19 mai 1956 à Genève et de l’article 1150 du Code civil ;
3 / que la faute lourde suppose une négligence d’une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l’inaptitude du transporteur, maître de son action, à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il a acceptée ; que le seul éloignement d’un site de stationnement sécurisé du lieu de commission de vol ne dispense pas le transporteur d’y stationner l’ensemble routier pour éviter d’exposer les marchandises à un risque de vol ; qu’en décidant néanmoins, après avoir relevé que la société Michelin avait offert au transport la faculté de stationner dans ses sites sécurisés, dont notamment le site de Chantermerle, que n’avait pas commis de faute lourde le transporteur qui a refusé d’user de la faculté offerte à raison de ce que ce site ne pouvait être facilement utilisé, au vu de la distance affirmée, soit 120 km, la cour d’appel a violé l’article 29 de la Convention CMR signée le 19 mai 1956 à Genève, ensemble l’article 1150 du Code civil ;
Mais attendu que l’arrêt relève que l’ensemble routier avec son chargement a été volé, au cours de la nuit, tandis qu’il était stationné dans l’enceinte de la société Perrot qui était clôturée et dont les portails étaient fermés à clé et que la sécurité de cette aire de stationnement était assurée par une société de surveillance qui effectuait des rondes de nuit toutes les heures ; qu’il retient encore que l’antivol du véhicule a été forcé ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu retenir que la société Perrot n’avait pas commis de faute lourde de nature à écarter la clause limitative de responsabilité ;
que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demanderesses aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Michelin et compagnie, la compagnie La Réunion européenne et les quinze autres assureurs à payer à la société Axa corporate solutions la somme globale de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille cinq.