COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 janvier 2021
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 60 F-D
Pourvoi n° Z 19-15.692
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 JANVIER 2021
La société R… logistics, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , anciennement dénommée société SDV logistics, venant aux droits de la société Saga France elle-même venant aux droits de la société Saga air transport, a formé le pourvoi n° Z 19-15.692 contre l’arrêt rendu le 14 mars 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société XL Insurance Company Limited, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,
2°/ à la société […], société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
3°/ à la société Allianz Global Corporate & Speciality SE, dont le siège est […] , venant aux droits de la société Alliance Global Corporate & Specialty France,
4°/ à la société Securitas France, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est […] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société R… logistics, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société […] et de la société Allianz Global Corporate & Speciality SE, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société XL Insurance Company Limited et de la société Securitas France, après débats en l’audience publique du 24 novembre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 14 mars 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 20 septembre 2017, pourvoi n° 16-20.350), le 10 juin 2009, la société […] (la société […]) a conclu avec la société Saga air transport (la société Saga) un contrat de commission de transport international comprenant une clause limitative de réparation d’un montant de 100 000 euros. Les risques de dommages et pertes des marchandises en cours de transport étaient assurés par la société Allianz Global Corporate & Specialty France, aux droits de laquelle est venue la société Allianz Global Corporate & Specialty (la société Allianz). Dans la nuit du 11 au 12 février 2010, des cartons de marchandises ont été dérobés dans les entrepôts de la société Saga. Les sociétés […] et Allianz ont assigné en responsabilité et indemnisation la société Saga, aux droits de laquelle est venue la société Saga France, devenue la société R… logistics, ainsi que la société Securitas France (la société Securitas), chargée de la surveillance du site de l’aérogare où se trouvait l’entrepôt de la société Saga. Cette dernière a appelé en garantie la société Securitas et l’assureur de celle-ci, la société XL Insurance Company Limited (la société XL Insurance).
2. Le tribunal a rejeté les demandes de la société […], retenu la responsabilité de la société Saga et fixé à 100 000 euros le montant de l’indemnité due par cette dernière à la société Allianz et condamné in solidum les sociétés Saga, Securitas et XL Insurance à payer cette somme à la société Allianz. Par un arrêt du 10 mai 2016, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement et, statuant à nouveau, condamné in solidum les sociétés R… logistics et Securitas à payer la somme de 1 000 euros à la société […] et rejeté les autres demandes. Le dispositif de cet arrêt a été complété par un arrêt rectificatif du 25 avril 2017 condamnant in solidum les sociétés Securitas et XL Insurance à garantir la société R… logistics des condamnations mises à sa charge dans la proportion de 50 % et condamnant la société R… logistics à garantir les sociétés Securitas et XL Insurance des condamnations mises à leur charge dans la proportion de 50 %.
3. L’arrêt du 10 mai 2016 a été cassé en ce que, infirmant le jugement, il a rejeté les demandes de la société Allianz.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. La société R… logistics fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes tendant à ce que la société Securitas soit condamnée à la relever et la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, alors :
« 1°/ que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que, dans le dispositif de son arrêt du 10 mai 2016, la cour d’appel s’est bornée à condamner in solidum les sociétés R… logistics et Securitas à payer la somme de 1 000 euros à la société […] et que dans son arrêt rectificatif du 25 avril 2017, la cour d’appel de Paris a tranché la seule question de la contribution à la dette née de la condamnation à payer 1 000 euros à la société […], à l’exclusion de celle de la part de responsabilité de ces sociétés à l’égard de la compagnie Allianz, dont la demande en paiement d’une somme de plus d’1 million d’euros avait été rejetée par l’arrêt du 10 mai 2016 ; qu’en considérant néanmoins, pour refuser à la société R… logistics, venant aux droits de la société Saga, le droit de discuter la part respective de responsabilité des sociétés Saga et Securitas à l’égard de la compagnie Allianz, que cette question avait été définitivement tranchée par l’arrêt du 10 mai 2016 rectifié par celui du 25 avril 2017, la cour d’appel a violé l’article 1351 du code civil, devenu l’article 1355 du même code, ensemble l’article 480 alinéa 1er du code de procédure civile ;
2°/ que l’autorité de chose jugée constitue une fin de non-recevoir ; que le juge qui constate que l’autorité de chose jugée attachée à une précédente décision fait obstacle à l’examen d’une prétention qui lui est soumise doit déclarer la demande irrecevable, sans pouvoir statuer au fond pour la rejeter ; qu’en rejetant la demande de la société R… logistics tendant à ce que la société Securitas soit condamnée à la garantir de l’intégralité des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre, la cour d’appel a violé les articles 122 du code de procédure civile et 1351 ancien, devenu 1355, du code civil. »
Réponse de la Cour
5. D’une part, après avoir énoncé qu’en vertu de l’article 638 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi juge à nouveau l’affaire en fait et en droit à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation et relevé que l’arrêt du 10 mai 2016 n’avait été cassé qu’en ce qu’il avait rejeté les demandes de la société Allianz, la cour d’appel a retenu à bon droit que les demandes relatives à la responsabilité in solidum des sociétés R… logistics et Securitas envers la société […] et à la fixation de leur part contributive à hauteur de 50 % avaient été définitivement jugées et que seul le montant des dommages-intérêts dus à la société Allianz, subrogée dans les droits de la société […], restait en débat.
6. D’autre part, la société R… logistics est sans intérêt à la cassation de la décision qui, rejetant sa demande au lieu de la déclarer irrecevable, ne lui fait pas grief.
7. Irrecevable en sa seconde branche, le moyen n’est pas fondé sur le surplus.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
8. La société R… logistics fait grief à l’arrêt de réputer non écrite la clause limitative de responsabilité de la société Saga, alors « que seule la faute inexcusable du commissionnaire de transport, comprise comme la faute délibérée impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable, est de nature à le priver du bénéfice de la clause limitative de responsabilité stipulée en sa faveur ; qu’en retenant, pour déclarer non écrite la clause limitative de responsabilité, que la société Saga, aux droits de laquelle vient la société R… logistics, avait commis une faute lourde, la cour d’appel a violé l’article L. 133-8 du code du commerce. »