COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 55B
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 AVRIL 2022
N° RG 21/03167 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UQH2
AFFAIRE :
S.A.S. UNITED PARCEL SERVICE FRANCE
C/
S.A. TOKIO MARINE EUROPE
SAS REVIMA
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Novembre 2017 par le Tribunal de Commerce de Versailles
N° Chambre : 2
N° RG : 2015F00471
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Nicolas RANDRIAMARO
Me Christophe DEBRAY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
DEMANDERESSE devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 24 mars 2021 cassant et annulant l’arrêt rendu par la cour d’appel de VERSAILLES le 9 juillet 2019
S.A.S. UNITED PARCEL SERVICE FRANCE
Inscrite au RCS de Paris sous le n° 334 175 221
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Nicolas RANDRIAMARO de la SELARL RD ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 339 – N° du dossier VP21449
Représentants : Me Sébastien LOOTGIETER et Me Charlotte PEIGNON Plaidants, avocats au barreau de PARIS
****************
DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI
S.A. TOKIO MARINE EUROPE venant aux droits de la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited
Inscrite au registre du commerce du Luxembourg sous le n° B 22975
[Adresse 3]
L-2763 LUXEMBOURG
Prise en sa succursale en France, inscrite au RCS de Paris sous le n° 843 295 221, située [Adresse 4]
S.A.S. REVIMA
Inscrite au RCS de Rouen sous le n° 542 071 329
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentées par Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 21208
Représentées par Me Nicolas FANGET, Plaidant, avocat au barreau de LYON
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Février 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSE DU LITIGE
Le 31 octobre 2013, la société Revima APU, ci-après la société Revima, ayant pour activité la révision et l’entretien de matériels aéronautiques, a confié le transport de colis à la société United Parcel Service France, ci-après la société UPS, qui, avant de les acheminer vers la destination prévue, les a conservés dans son entrepôt de [Localité 7].
Dans la nuit du 31 octobre 2013 au 1er novembre 2013, lesdits colis ont été endommagés à la suite d’un incendie consécutif à une tentative de vol par effraction dans l’entrepôt.
La société Tokio Kiln lnsurance Limited, ci-après la société Tokio, a versé à son assurée la société Revima, la somme de 162.011,89 euros et a, par la suite, mis en demeure la société UPS de réparer le préjudice subi par la société Revima.
Par acte du 30 avril 2015, la société Tokio Kiln lnsurance Limited et la société Revima ont assigné la société UPS devant le tribunal de commerce de Versailles en paiement de la somme de 162.011,89 euros.
La société Tokio Marine Europe est ensuite venue aux droits de la société Tokio Kiln lnsurance Limited.
Par jugement du 8 novembre 2017, le tribunal de commerce de Versailles a :
– Dit irrecevables les demandes de la société Revima pour défaut d’intérêt à agir ;
– Dit recevables les demandes de la société Tokio contre la société UPS ;
– Condamné la société UPS à payer à la société Tokio la somme de 94.651,74 euros, majorée de l’intérêt calculé au taux légal à compter du 19 mai 2014 ;
– Dit que les intérêts échus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêt au même taux, la première capitalisation des intérêts intervenant le 10 juin 2015, et les capitalisations successives le 10 juin de chaque année jusqu’à parfait paiement ;
– Condamné la société UPS à payer à la société Tokio la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Ordonné l’exécution provisoire du jugement ;
– Condamné la société UPS aux dépens.
Le 22 janvier 2018, la société UPS a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 9 juillet 2019, la cour d’appel de Versailles a :
– Confirmé Ie jugement rendu le 8 novembre 2017 par Ie tribunal de commerce de Versailles en ce qu’il a dit recevables les demandes formées par la société Tokio Marine Europe contre UPS France, et en ce qu’il a dit irrecevables les demandes formées par la société Revima ;
– Infirmé le jugement entrepris pour le surplus ;
– Débouté la société Tokio Marine Europe de ses demandes ;
– Condamné la société Tokio Marine Europe aux dépens de première instance et d’appel;
– Condamné la société Tokio Marine Europe à verser à la société UPS la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 24 mars 2021, la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 9 juillet 2019 mais seulement en ce qu’il a débouté la société Tokio Marine Europe de ses demandes et l’a condamnée au paiement de la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, et renvoyé les parties devant la cour d’appel de Versailles autrement composée.
Vu la déclaration de saisine du 17 mai 2021 par la société UPS.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2021, la société UPS demande à la cour de :
Sur le désistement de la société UPS à l’égard de la société Revima,
– Donner acte à la société UPS de son désistement d’appel partiel contre la société Revima, chaque partie conservant ses frais à sa charge ;
– Dire que ce désistement est parfait sans que l’accord de la société Revima ne soit requis;
– Donner acte à la société UPS du maintien de ses demandes en appel contre la société Tokio Marine Europe ;
À titre principal,
– Dire et juger que la déclaration de saisine déposée au greffe par la société UPS le 18 mai 2021 qui reprend les chefs du jugement critiqué est régulière ;
– Dire et juger que la société UPS a régulièrement répondu à l’appel incident de la société Tokio Marine Europe ;
– Recevoir la société UPS en son appel contre la société Tokio Marine Europe, l’y déclarer bien fondée ;
– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Versailles du 8 novembre 2017 ;
Rejuger à nouveau,
– Dire et juger que la société UPS est exonérée de toute responsabilité à l’égard des demandeurs compte tenu du cas de force majeure à l’origine du sinistre ;
En conséquence,
– Débouter la société Tokio Kiln lnsurance Limited, la société Tokio Marine Europe et la société Revima de l’ensemble de leurs demandes ;
Subsidiairement,
Si par impossible la cour devait juger que l’incendie ne constitue pas un cas de force majeure,
– Dire et juger que la déclaration de saisine déposée au greffe par la société UPS le 18 mai 2021 qui reprend les chefs du jugement critiqué est régulière ;
– Dire et juger que la société UPS a régulièrement répondu à l’appel incident de la société Tokio Marine Europe ;
– Recevoir la société UPS en son appel contre la société Tokio Marine Europe, l’y déclarer bien fondée ;
– Dire et juger que la clause 3-5 des conditions générales de la société UPS doit être interprétée comme excluant les marchandises d’une valeur de 50.000 USD des marchandises que la société UPS accepte pour transport, cette somme constituant la valeur maximale des marchandises confiées à la société UPS sans préjudice de son droit à bénéficier des limitations contractuelles et légales de responsabilité qui sont inférieures en l’absence de faute inexcusable ;
– Dire et juger que la société UPS n’a commis aucune faute inexcusable la privant du bénéfice des limitations contractuelles et légales de responsabilité ;
– Dire et juger que la société Revima et la société Tokio Kiln lnsurance Limited et la société Tokio Marine Europe ne démontrent pas le lien de causalité entre les prétendues fautes et le dommage ;
En conséquence,
– Débouter la société Tokio Kiln lnsurance Limited, la société Tokio Marine Europe et la société Revima de l’ensemble de leurs demandes ;
– Dire et juger que la société UPS est en droit de se prévaloir des limitations de responsabilité prévues par ses conditions générales de 199,92 DTS et, à défaut, les limitations de responsabilité prévues par l’article 21 du contrat type « général » de 750 euros;
– Dire et juger que la société Revima n’ayant fait aucune déclaration de valeur lors de l’expédition permettant d’écarter les limitations de responsabilité contractuelles ou légales;
En tout état de cause,
– Dire et juger que la société Revima ne rapporte pas la preuve du montant du préjudice subi en versant aux débats une facture d’achat postérieure à la réalisation du sinistre ;
– Condamner la société Tokio Kiln lnsurance Limited, la société Tokio Marine Europe et la société Revima solidairement ou l’une à défaut de l’autre à payer à la société UPS la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Les condamner aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 22 novembre 2021, la société Tokio Marine Europe, venant aux droits de la société Tokio Kiln lnsurance Limited et la société Revima demandent à la cour de :
A titre principal,
– Déclarer irrégulière la saisine du greffe par la société UPS en ce qu’elle ne sollicite ni la réformation ni l’annulation du jugement du tribunal de commerce de Versailles du 8 novembre 2017 ;
– Constater l’absence d’effet dévolutif du fait de l’absence d’identification des chefs de jugement utilement critiqués ;
Subsidiairement,
– Rejeter comme tardives, les conclusions de la société UPS du 20 octobre 2021 en réponse à l’appel incident de la société Tokio Marine du 19 août 2021 ;
Subsidiairement,
– Déclarer recevable et bien fondé l’appel incident limité de la société Tokio Marine ;
– Confirmer le jugement en ce qu’il a :
– Condamné la société UPS à payer à la société Tokio Marine la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné la société UPS aux dépens de première instance ;
Le réformer pour le surplus et statuant à nouveau,
– Condamner la société UPS à payer à la société Tokio Marine venant au droit de la société Tokio Kiln lnsurance Limited la somme de 162.011,89 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 mai 2014 ;
– Ordonner la capitalisation des intérêts ;
Dans tous les cas,
– Constater la mise hors de cause de la société Revima, au besoin la prononcer ;
– Condamner la société UPS à payer à la société Revima la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société UPS à payer à la société Tokio Marine la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société UPS aux entiers dépens d’appel en admettant Me Christophe Debray, avocat, au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civil.
L’ordonnance de clôture de l’instruction a été prononcée le 20 janvier 2022.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à «donner acte », « constater », « dire et juger », dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
En application de l’article 954 alinéas 3 et 4 du code de procédure civile la cour ne statue, dans la limite de l’effet dévolutif de l’appel, que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion, étant précisé qu’en application de l’article 4 du même code, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
Au visa de l’article L.133-1du code de commerce, la Cour de cassation motive ainsi son arrêt du 24 mars 2021 : ‘Aux termes de ce texte, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure. Il est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure. Toute clause contraire insérée dans une lettre de voiture, tarif ou autre pièce quelconque, est nulle. Pour rejeter la demande en paiement de la société Tokio, l’arrêt retient que, selon la clause 3-5 des conditions générales de la société UPS, si l’envoi n’est pas conforme aux restrictions indiquées au paragraphe 3-1, à savoir une valeur maximale du colis limitée à 50 000 USD, la société UPS ne sera responsable d’aucune perte que l’expéditeur pourrait subir en lien avec le transport quelle qu’en soit la cause. Il constate ensuite que la valeur déclarée du colis est supérieure à cette somme. En statuant ainsi, alors qu’est nulle une telle clause ayant pour effet d’exclure, en toutes circonstances, la responsabilité du transporteur en cas de perte des colis dont la valeur dépasse un certain montant, la cour d’appel a violé le texte susvisé.’.
Cette motivation a conduit la Cour de cassation à casser l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 9 juillet 2019, mais seulement en ce qu’il a débouté la société Tokio Marine Europe de ses demandes et l’a condamnée au paiement de la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, et renvoyé les parties devant la cour d’appel de Versailles autrement composée.
Ainsi, l’arrêt de la cour d’appel du 9 juillet 2019 est devenu définitif en ce qu’il a confirmé Ie jugement rendu le 8 novembre 2017 par Ie tribunal de commerce de Versailles qui a dit recevables les demandes formées par la société Tokio Marine Europe contre UPS France, et en ce qu’il a dit irrecevables les demandes formées par la société Revima.
En revanche, Il n’est pas définitif en ce qu’il a dit que la tentative de vol par effraction suivie de l’incendie ne revêt pas les caractères d’imprévisibilité et de d’irrésistibilité requis de sorte que ‘l’existence d’un cas de force majeure n’est pas rapportée.’ Il n’est pas davantage définitif en ce qu’il a également dit que la société UPS n’avait pas commis de faute inexcusable.
Il résulte de ce qui précède que le périmètre du litige soumis à la cour de renvoi se limite à la demande d’indemnisation de la société Tokio à laquelle la société UPS ne peut opposer la clause ‘ayant pour effet d’exclure, en toutes circonstances, la responsabilité du transporteur en cas de perte des colis dont la valeur dépasse un certain montant’. L’examen de cette demande devant être passée au filtre de la cause exonératoire qu’est la force majeure et de l’inapplicablité des clauses contractuelles limitatives de responsabilité conséquence de la faute inexcusable. La cour de renvoi est également saisie de l’indemnité de procédure et des dépens auxquels la société Tokio a été condamnée par l’arrêt partiellement cassé.
Sur l’acte de saisine
– Sur l’irrégularité de la saisine tirée de l’absence de mention des chefs critiqués
Au visa des articles 1032, 1033 et 562 du code de procédure civile, les sociétés Tokio et Revima font valoir l’irrégularité de la déclaration de saisine de la société UPS au motif que cette dernière n’identifie pas les chefs de jugement critiqués.
La société UPS fait valoir que la déclaration de saisine mentionne précisément’ les chefs du jugement critiqué’. Elle soutient que la société Tokio n’évoque aucun grief de sorte que la déclaration de saisine est régulière.
*
L’obligation, prévue à l’article 1033 du code de procédure civile, de faire figurer dans la déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi après cassation, au regard des chefs de dispositif de l’arrêt attaqué atteints par la cassation, les chefs critiqués de la décision entreprise, s’impose. A défaut, la déclaration de saisine encourt la nullité.
L’irrégularité des mentions de la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation ne constitue pas une cause d’irrecevabilité de celle-ci, mais relève des nullités pour vice de forme de sorte que la partie qui l’invoque doit rapporter la preuve d’un grief que lui cause cette irrégularité.
*
En l’espèce, l’acte de saisine ne fait que reprendre les mentions du dispositif de l’arrêt de cassation du 24 mars 2021, de l’arrêt d’appel partiellement cassé du 9 juillet 2019 et du jugement du tribunal de commerce du 8 novembre 2017 sans identifier les chefs critiqués de la décision entreprise.
Dès lors, la déclaration de saisine encourt la nullité.
Toutefois, les sociétés Tokio et Revima n’évoquent l’existence, ni a fortiori ne justifient d’un grief tiré de cette irrégularité de sorte que la déclaration de saisine sera déclarée régulière sur ce point.
– Sur l’absence d’effet dévolutif
Les sociétés Tokio et Revima font valoir que la déclaration de saisine ne mentionne aucune demande relative à la réformation ou à l’annulation du jugement du 8 novembre 2017.
Elles se fondent sur les dispositions des articles 562 et 901 du code de procédure civile pour soutenir que la cour de renvoi n’étant saisie d’aucune demande aux fins d’annulation ou de réformation du jugement, aucun effet dévolutif n’a pu opérer de sorte que l’acte de saisine est irrégulier.
La société UPS ne répond pas spécialement à ce moyen.
*
Il est admis que la déclaration de saisine n’est pas une déclaration d’appel. Elle ne se substitue pas à l’acte d’appel initial qui demeure, dans le cadre du renvoi de cassation, l’acte introductif de l’instance d’appel.
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En l’espèce, l’absence, à l’acte de saisine, d’une demande de réformation ou d’annulation du jugement entrepris n’a pas pour conséquence d’écarter l’effet dévolutif de l’appel interjeté par la société UPS par déclaration du 22 janvier 2018. Cet effet dévolutif se maintient et se poursuit devant la cour d’appel de renvoi mais encadré cette fois par le dispositif de l’arrêt de la Cour de cassation du 24 mars 2021.
La cour dira régulière la déclaration de saisine et déboutera les sociétés Tokio et Revima de leur demande principale à ce titre.
Sur l’irrecevabilité des conclusions de la société UPS du 20 octobre 2021
Au visa de l’article 1037-1 du code de procédure civile, les sociétés Tokio et Revima soulèvent l’irrecevabilité des conclusions de la société UPS du 20 octobre 2021 en réponse à leurs conclusions du 19 août 2021 formant appel incident, au motif que le délai de deux mois fixé pour l’échange des conclusions entre parties n’a pas été respecté.
La société UPS fait valoir qu’aucune disposition du code de procédure civile ou de l’avis de fixation ne fixe de délai à l’appelant pour qu’il réponde à un appel incident formé par l’intimé.
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L’article 1037-1 du code de procédure civile prévoit en ses alinéas 3 et 4 que les conclusions de l’auteur de la saisine sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration et que la ou les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’auteur de la déclaration.
Cet article dispose qu’à défaut de respecter ce délai, les parties sont réputées s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elles avaient soumis à la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé.
L’article 954, 4ème alinéa, du code de procédure civile dispose que ‘Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées’.
*
En l’espèce, les parties ont respecté le délai de deux mois qui leur était imposé par l’article 1307-1 du code précité, pour communiquer leurs écritures initiales. Cet article ne prévoit pas d’appliquer, même par renvoi, ce délai de deux mois aux écritures subséquentes, de sorte que les conclusions de la société UPS du 20 octobre 2021 doivent être déclarées recevables.
Les sociétés Tokio et Revima seront déboutées de leur demande.
Sur le désistement de la société UPS à l’égard de la société Revima
Les sociétés Tokio et Revima sollicitent la condamnation de la société UPS à verser à la société Revima la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au motif que la société UPS a attrait la société Revima devant la cour de renvoi alors que les demandes de la société Revima ont été déclarées définitivement irrecevables et que cette dernière s’est désistée de son pourvoi en cours d’instance.
La société UPS fait valoir qu’elle s’est désistée de son appel uniquement contre la société Revima, que cette dernière n’a formé aucune demande incidente – la demande de condamnation à une indemnité de procédure n’en étant pas une – ; que, dès lors le désistement est parfait sans qu’il soit besoin de recueillir son accord préalable.
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L’article 401 du code de procédure civile dispose que ‘le désistement de l’appel n’a besoin d’être accepté que s’il contient des réserves ou si la partie à l’égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande.’.
Dés lors qu’une partie comparaît et conclut devant une juridiction de renvoi, celle-ci n’est tenue de répondre qu’aux prétentions et moyens formulés devant elle.
En l’espèce, la société Revima a sollicité, par écritures du 19 août 2021 réitérées le 22 novembre 2021, que la cour de renvoi constate sa mise hors de cause et, au besoin, la prononce et condamne la société UPS à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Ce n’est que par conclusions postérieures du 15 décembre 2021, que la société UPS a sollicité de la cour de renvoi qu’elle lui donne acte de son désistement à l’égard de la société Revima sans que l’accord de cette dernière ne soit requis.
Il est admis que les prétentions présentées, par hypothèse, antérieurement à la demande de désistement, à caractère purement procédural ne sont pas des demandes susceptibles de subordonner le désistement au consentement de la partie qui a formulé ces prétentions.
Les prétentions de cette dernière (mise hors de cause ; indemnité de procédure) quoique présentées antérieurement à la demande de désistement doivent être qualifiées de procédurales.
La cour dira que le désistement de la société UPS est parfait à l’égard de la société Revima sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’acceptation de celle-ci.
Sur la mise hors de cause de la société Revima
Au regard de la solution retenue précédemment, il n’y a pas lieu de statuer sur ce point.
Sur la responsabilité de la société UPS
– la force majeure
L’article L. 133-1 du code de commerce stipule que le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure. Il est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure.Toute clause contraire insérée dans toute lettre de voiture, tarif ou autre pièce quelconque, est nulle.
La société UPS soutient que sa responsabilité doit être exclue dans la survenance du dommage subi par la société Tokio, car ce dernier est dû à un événement de force majeure. Elle fait valoir que l’incendie seule cause de la perte de marchandise, est d’origine criminelle. Elle expose que l’incendie résulterait d’un événement autant imprévisible qu’irrésistible et qu’il constitue donc un cas de force majeure échappant à son contrôle.
Les sociétés Tokio et Revima font valoir que l’arrêt d’appel, non censuré selon elle sur ce point, a rejeté le moyen tiré de la force majeure. Elles ne s’expliquent donc pas de ce chef.
*
Ainsi qu’il a été dit précédemment, la cour de renvoi est saisie de ce point qui entre dans le périmètre de la cassation.
*
La force majeure se définit comme un événement échappant au contrôle du débiteur qui ne pouvait être raisonnablement prévu et dont les effets ne pouvaient être évités par des mesures appropriées et qui empêche l’exécution de son obligation.
Elle doit revêtir les caractères d’imprévisibiIité, d’irrésistibiIité et d’extériorité.
Il est admis que le vol n’est pas retenu comme imprévisible au sens de la force majeure. En effet, le vol et ses conséquences dommageables ne peuvent caractériser la force majeure puisqu’ils sont si prévisibles que des mesures ont été prises pour tenter de les prévenir.
En l’espèce, la société UPS reconnaît que c’est l’incendie provoqué par I’emploi d’une disqueuse qui constitue le cas de force majeure et non la tentative de vol.
Il lui appartient de démontrer que I’incendie ne pouvait raisonnablement être prévu au moment de la conclusion du contrat et que les effets ne pouvaient être évités par des mesures appropriées.
Il n’est pas contesté que la cause de I’incendie est due à une tentative de vol par effraction commise par des individus qui ont pénétré dans les lieux après avoir sectionné le cadenas d’un portail coulissant et qui ont provoqué un incendie à la suite de l’utilisation d’une disqueuse.
Il résulte des rapports d’expertise amiables, établis, d’une part, par M.[J], le 21 mars 2014, à la demande de la société Tokio Marine, et à l’issue d’une réunion d’expertise du 12 février 2014, tenue en présence de la société UPS sur le site de [Localité 7], et, d’autre part, par le cabinet Levesque, le 11 août 2014, sollicité à la demande de la société UPS, à l’issue d’une réunion d’expertise du 11 février 2014 en présence de M. [J] et qui s’est déroulée sur le même site, que :
– le site n’était pas suffisamment sécurisé dans la mesure où le portail n’était fermé que par une chaîne fermée par un cadenas, qu’il ne bénéficiait pas d’un gardiennage sur site, qu’il n’était pas équipé de système de vidéo-surveillance, ni d’un système anti-intrusion,
– le grillage est d’une hauteur accessible de deux mètres, dépourvu de système anti-franchissement,
– que l’absence de ronde sur place limitait l’efficacité d’un système d’alarme relié à une société de télésurveillance,
– qu’enfin, les camions de transports, positionnés portes contre quais, quoiqu’équipés de ‘Bumper’ pour empêcher l’ouverture des portes, sont exposés à la vue de tous et donc peuvent être facilement repérés de l’extérieur et ce même si les marchandises ne sont pas directement visibles.
De ce qui précède, il résulte que la société UPS n’a pas pris les mesures appropriées pour sécuriser le site afin de prévenir l’intrusion de tiers de sorte que des individus ont pénétré sur le site et ont provoqué un incendie alors qu’ils tentaient de voler les marchandises entreposées dans un camion. L’incendie n’est pas détachable de la tentative de vol.
Ainsi, la tentative de vol par effraction suivie de l’incendie ne revêt pas les caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité requis.
L’existence d’un cas de force majeure, exonératoire de la responsabilité de la société UPS, n’est pas rapportée.
La société UPS doit, en conséquence, répondre du dommage causé dans le cadre de son obligation de résultat.
Elle doit donc réparer le préjudice subi par la société Tokio.
Sur la faute inexcusable
Le constat d’une faute inexcusable de la part du transporteur a pour effet de rendre inopposable les clauses limitatives de responsabilité prévues au contrat de transport.
L’article L. 133-8 du code de commerce dispose que seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. Toute clause contraire est réputée non écrite.
*
La société Tokio soutient que la société UPS a manqué à son obligation d’assurer la représentation de la marchandise à son destinataire dans des circonstances caractérisant la faute inexcusable : la faute délibérée de la société UPS qui a procédé à la destruction volontaire des marchandises transportées ; la conscience d’un dommage puisque la société UPS ne pouvait ignorer que par la destruction elle rendait impossible toute réparation ou tout sauvetage ; l’acceptation téméraire d’un risque en procédant à cette destruction sans autorisation de son donneur d’ordre ; destruction opérée sans raison valable.
La société UPS rappelle que la Cour de cassation dans son arrêt du 24 mars 2021 a considéré que la faute inexcusable n’était pas constituée, estimant légalement justifiée la solution retenue par la cour dont l’arrêt a été cassé. Elle invoque l’existence d’un contentieux similaire qui l’a opposé à la société Dior à l’occasion du même sinistre et pour lequel la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer en rejetant la faute inexcusable suivie en cela par la cour d’appel de renvoi. La société UPS fait valoir que l’appréciation de la faute inexcusable s’effectue restrictivement. Elle soutient que les conditions de la faute inexcusable ne sont pas réunies.
Ainsi que le rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 24 mars 2021, la qualification de la faute inexcusable dépend des circonstances de chaque espèce.
Selon la société Tokio la faute inexcusable serait caractérisée, en l’espèce, par la destruction des marchandises par la société UPS. Or, il n’est pas contesté que cette destruction est survenue postérieurement à l’incendie de sorte que la société UPS ne pouvait avoir conscience de la probalité de la survenance du dommage causé par l’incendie. Il en va de même d’une prétendue faute délibérée ou de l’acceptation téméraire d’un risque sans raison valable.
La société UPS démontre avoir pris certaines précautions, notamment en plaçant les camions portes contre quais, équipés de ‘Bumper’ pour empêcher l’ouverture des portes.
Ces consignes se sont révélées insuffisantes puisque le site était peu sécurisé, de sorte que la société UPS a commis une faute. Toutefois, celle-ci ne peut être qualifiée d’inexcusable, ces consignes, données par la société UPS et respectées, démontrent que la société UPS n’a pas commis de faute délibérée ou accepté un risque téméraire sans raison.
Sur la condamnation de la société UPS
Les sociétés Tokio et Revima sollicitent la condamnation de la société UPS à la somme de 162.011,89 euros outre l’intérêt légal et sa capitalisation à compter du 19 mai 2014, au motif que la société UPS a commis une faute inexcusable, et qu’elles doivent bénéficier de la réparation intégrale du préjudice soit la valeur de remplacement (162.011,89 euros) et non à la valeur déclarée comme le tribunal l’a fixée (94.651,74 euros).
La société UPS oppose à cette demande ses conditions générales de transport qui prévoient des conditions de restriction à la prise en charge de certains types de marchandises en fonction de leur nature et de leur valeur. Elle soutient qu’un envoi non conforme à ces conditions de restriction sans son accord écrit l’exonère de toute responsabilité liée à une perte quelle qu’en soit la cause.
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En l’absence de faute inexcusable, il convient de s’interroger sur l’applicablité des limites de garanties contractuelles dont se prévaut la société UPS.
La cour d’appel a été censurée par la Cour de cassation pour avoir reconnu l’effectivité de la clause restrictive des conditions générales de la société UPS alors qu’est nulle une telle clause ayant pour effet d’exclure en toutes circonstances, la responsabilité du transporteur en cas de perte de colis dont la valeur dépasse un certain montant.
Pour apprécier le montant de l’indemnité réparatrice du préjudice subi, la cour de renvoi doit ainsi prendre en considération l’absence de faute inexcusable de la société UPS et la nullité de la clause restrictive conduisant à l’absence de responsabilité de la société UPS.
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Le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de force majeure.
Il est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure.
Le voiturier n’est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat.
La prohibition des clauses de non responsabilité ne s’étend pas aux clauses limitatives de responsabilité.
Le demandeur doit prouver le dommage qu’il allègue.
Il appartient au voiturier de rapporter la preuve de ce que l’expéditeur avait connaissance et avait accepté une clause limitative de responsabilité.
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En l’espèce, il est constant que la marchandise confiée par la société Revima à la société UPS a été totalement détruite au cours du transport de sorte que la société UPS a engagé sa responsabilité au titre de son obligation de résultat.
Les sociétés Tokio et Revima sollicitent une indemnisation à hauteur de la valeur de remplacement des biens disparus soit 162.011,89 euros correspondant à une évaluation d’un expert (pièce 5 – Tokio Revima) tenant compte du coût de réapprovisionnement auprès de la société Pratt & Whitney canada (facture du 26 novembre 2013 – pièce 1 – Tokio Revima) et de la valeur d’amortissement des pièces détruites.
La société UPS oppose ses conditions limitatives de responsabilité et objecte que l’appréciation du préjudice ne doit pas s’effectuer par rapport à la valeur de remplacement mais par rapport à la valeur des marchandises détruites.
La faute inexcusable visée à l’article 133-8 du code de commerce ayant été écartée, la société UPS peut se prévaloir des clauses limitatives contractuelles à l’exception des clauses de non-responsabilité déclarées nulles étant observé qu’elles ne sont pas discutées par la société Revima et son assureur.
La société UPS sollicite l’application de ses limites de garantie, telles qu’elles résultent de ses conditions générales annexées au contrat-cadre de janvier 2009, et plus particulièrement de l’article 9.2 au terme duquel sa responsabilité est limitée aux avaries directes : « à hauteur d’un maximum de 85 euros par envoi, ou si supérieur 8,33 DTS par kilogramme de marchandise concernée.».
En application des conditions générales 2009, le plafond de l’indemnisation s’élève au multiple du poids de la marchandise transportée soit 24 kg (non contesté) par l’unité de base de 8,33 DTS soit 199.92 DTS (8,33 x 24). Ces conditions générales attribuent aux 8,33 DTS une valeur de 9 euros sans que cette valeur ne soit contestée. L’indemnisation conduit à retenir la somme de 24kg x 8,33 DTS x 9 euros soit 1.799,28 euros.
La société UPS sera condamnée à payer cette somme à la société Tokio, subrogée dans les droits de la société Revima, désormais hors de cause, avec application des intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2014 date de la mise en demeure en application des dispositions de l’article 1231-6 du code civil.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société UPS qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel. Il sera alloué à la société Tokio Marine Europe la somme de 4.000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Vu l’arrêt de la cour de cassation du 24 mars 2021 cassant partiellement l’arrêt du 9 juillet 2019, mais seulement en ce qu’il a débouté la société Tokio Marine Europe de ses demandes et l’a condamnée au paiement de la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Statuant à nouveau dans les limites de l’arrêt de la Cour de cassation,
CONSTATE le désistement de la société UPS à l’égard de la société REVIMA,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 8 novembre 2017 en ce qu’il a condamné la société UPS à payer à la société Tokio la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la société UPS aux dépens,
INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 8 novembre 2017 en ce qu’il a condamné la société UPS à payer à la société Tokio la somme de 94.651,74 euros, majorée de l’intérêt calculé au taux légal à compter du 19 mai 2014 ;
Statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE la société UPS France à payer à la société Tokio Marine Europe la somme de 1.799,28 euros, majorée de l’intérêt au taux légal à compter du 19 mai 2014, outre capitalisation des intérêts,
Y ajoutant
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE la société UPS France aux dépens d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société UPS France à payer à la société Tokio Marine Europe la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M.Hugo BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,