4ème Chambre
ARRÊT N° 282
N° RG 18/07871
N��Portalis DBVL-V-B7C-PLNA
HR / FB
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,
Assesseur : Mme Juliette SAUVEZ, Conseillère, désignée en remplacement de Mme MALARDEL, par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel de Rennes en date du 24 Mai 2022
GREFFIER :
Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 02 Juin 2022
devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE et Madame Hélène RAULINE , magistrats tenant seules l’audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
SAS MENBAT
immatriculée au RCS de VANNES sous le numéro 877180737,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représentée par Me Jérôme WIEHN de la SELARL CVS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL CVS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Madame [P] [H]
née le 01 Août 1957 à [Localité 1]
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentée par Me Gaëlle NIQUE de la SCP NIQUE & SEGALEN & PICHON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
Madame [K] [B] épouse [T] [M]
es qualité d’héritière de Monsieur [C] [B], décédé
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Gaëlle NIQUE de la SCP NIQUE & SEGALEN & PICHON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
Madame [A] [B]
es qualité d’héritière de Monsieur [C] [B], décédé
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentée par Me Gaëlle NIQUE de la SCP NIQUE & SEGALEN & PICHON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
SARL BIDAN
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
la Croix des Landes
[Localité 2]
Représentée par Me Diane RENARD de la SELARL KOVALEX, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
SAS SAINT GOBAIN GLASS SOLUTIONS GRAND OUEST (venant aux droits de la société Miroiteries de l’Ouest Armorique),
pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Laure-Anne FOURNIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
FAITS ET PROCÉDURE
Courant 2012, [C] [B] et [P] [H], propriétaires d’une maison d’habitation située [Adresse 7], ont confié le changement des menuiseries extérieures à la société Bidan qui s’est fournie auprès de la société Menbat.
Les travaux ont été exécutés en juin 2012. Deux factures ont été émises le 4 décembre 2012 d’un montant de 16 156,36 euros et de 15 901,64 euros TTC.
Auparavant, par un courrier du 24 août 2012, les maîtres de l’ouvrage avaient dénoncé à la société Bidan l’existence de plusieurs désordres affectant les menuiseries, notamment des rayures et des tâches constatées lors du nettoyage des vitres.
Par actes d’huissier en date des 12, 14 et 16 août 2013, ils ont fait assigner la société Bidan, la société Menbat et la société Miroiteries de l’Ouest Armorique, fournisseur des vitrages, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc.
Une expertise a été ordonnée le 24 octobre 2013. M. [E] [N] a déposé son rapport le 16 mars 2015.
Les consorts [B] ont fait assigner les trois sociétés devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc aux fins d’indemnisation de leur préjudice.
La société Bidan a sollicité à titre reconventionnel le paiement de la somme de 917,96 euros TTC au titre du solde de ses travaux.
Par un jugement avant-dire droit en date du 13 juillet 2017, le tribunal a déclaré la société Bidan responsable de l’ensemble des désordres en application de l’article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, invité les parties à présenter leurs observations sur l’application de l’article 1604 du code civil et sursis à statuer sur les autres demandes.
Par un jugement en date du 17 avril 2018, le tribunal a :
– condamné in solidum la société Bidan, la société Menbat Plastimen et la société Miroiteries de l’Ouest Armorique à payer à P. [B] et Mme [H] la somme de 11 359,70 euros, outre indexation en fonction de l’indice BT01, l’indice de référence étant celui du mois de mars 2015 et celui de révision le dernier connu au jour du jugement ;
– condamné in solidum les sociétés Menbat Plastimen et Miroiteries de l’Ouest Armorique à garantir la société Bidan de cette condamnation ;
– condamné la société Bidan à payer à P. [B] et Mme [H] la somme de 250 euros, outre indexation ;
– condamné in solidum les sociétés Bidan et Menbat Plastimen à payer à P. [B] et Mme [H] la somme de 200 euros, outre indexation ;
– condamné la société Menbat Plastimen à garantir la société Bidan de cette condamnation ;
– condamné la société Bidan à payer à P. [B] et Mme [H] la somme de 254,76 euros au titre du trop-perçu ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
– condamné in solidum la société Bidan, la société Menbat Plastimen et la société Miroiteries de l’Ouest Armorique aux dépens, y compris ceux de l’instance en référé, et à payer à P. [B] et Mme [H] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum les sociétés Menbat Plastimen et Miroiteries de l’Ouest Armorique à garantir la société Bidan de ces condamnations ;
– condamné in solidum les sociétés Menbat Plastimen et Miroiteries de l’Ouest Armorique à payer à la société Bidan la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
La société Menbat a interjeté appel de cette décision par déclaration du 6 décembre 2018.
[C] [B] étant décédé le 3 mai 2018, l’appelante a assigné en intervention forcée ses héritiers, [P] [H], [K] [B] et [A] [B], par acte du 17 janvier 2019, lesquels ont constitué avocat.
La société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest a relevé appel incident.
Par une ordonnance du 9 février 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable la demande d’expertise et ordonné une nouvelle expertise pour examiner les désordres mentionnés dans le rapport Union d’Experts du 12 août 2020 et les conclusions des consorts [H] du 25 janvier 2021.
M. [D] [X] a déposé son rapport le 25 janvier 2021 dans lequel il ne confirme pas l’existence de nouveaux désordres affectant les joints en caoutchouc des menuiseries.
L’instruction a été clôturée le 28 avril 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date du 31 mars 2022, au visa des articles 1353 et 1604 du code civil, la société Menbat demande à la cour de :
– réformer dans son intégralité le jugement dont appel ;
A titre principal,
– dire et juger qu’elle n’a commis aucun manquement et que sa responsabilité n’est pas engagée;
en conséquence, dire et juger irrecevables et à tout le moins infondées les demandes des consorts [B]-[H] et de toute autre partie à son encontre ; les débouter de toutes demandes, fins et conclusions ;
– condamner tout succombant à lui payer in solidum la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance ;
A titre subsidiaire,
– dire et juger opposable aux consort [B]-[H] et à la société Bidan la clause limitative de responsabilité stipulée dans ses conditions générales de vente ; les débouter de toutes demandes, fins et conclusions ;
– condamner tout succombant à lui payer in solidum la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance ;
A titre très subsidiaire,
– dire et juger n’y avoir lieu à condamnation in solidum avec les autres entreprises intervenantes s’agissant des désordres dans la survenance desquels elle est demeurée étrangère ; procéder à la répartition et à la ventilation des responsabilités de chacun ;
– cantonner l’obligation à la dette, et à défaut la contribution à la dette à proportion de sa stricte quote-part dans le montant total du coût de reprise des désordres tel qu’évalué par l’expert judiciaire, soit 2 114,22 euros TTC ;
– cantonner l’obligation à la dette, et à défaut la contribution à la dette au titre des dépens d’instance (en ce inclus les frais d’expertise [N] seulement) à proportion de sa stricte quote-part dans le montant total du coût de reprise des désordres, et dans tous les cas à une somme qui ne saurait excéder 675 euros TTC ;
– cantonner l’obligation à la dette et à défaut la contribution à la dette au titre de l’article 700 du code de procédure civile à proportion de sa stricte quote-part dans le montant total du coût de reprise des désordres.
Dans ses dernières conclusions en date du 18 mars 2022, la société Saint Gobain Glass Solutions Grand Ouest venant aux droits de la société Miroiteries de l’Ouest Armorique demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
A titre principal,
– juger que Mmes [B] et [H] ne démontrent pas qu’elle aurait manqué à ses obligations contractuelles, en ce compris à son obligation de délivrance conforme ;
– juger que Mmes [B] et [H] ne démontrent pas que les rayures et tâches des faces intérieures des vitrages isolants alléguées étaient constitutives de défauts au regard des règles de l’art (règles d’observation et seuils de tolérance des irrégularités d’aspect) ;
– juger que Mmes [B] et [H] ne démontrent pas que les rayures et tâches des faces intérieures des vitrages isolants alléguées rendent les vitrages impropres à l’usage auquel on les destine, ou en diminuent tellement cet usage qu’elles ne les auraient pas acquis ;
– juger que les rayures et les tâches des faces intérieures des vitrages isolants alléguées étaient apparentes à livraison et n’ont pas été réservées par les consorts [B] et [H] ;
– juger que sa responsabilité n’est pas engagée à l’égard de Mmes [B]-[H] ;
– juger mal fondées Mmes [B] et [H] en leurs demandes dirigées à son encontre ; en conséquence, débouter Mmes [B] et [H] de l’intégralité de leurs demandes dirigées à son encontre ;
A titre subsidiaire,
– juger que le remplacement des vitrages isolants (solution réparatoire retenue par M. [N]) présente un caractère disproportionné par rapport à la nature des griefs allégués et au préjudice subi par Mmes [B] et [H] ; en conséquence, leur allouer la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice matériel subi du fait de l’aspect des vitrages isolants ;
– en tant que de besoin, ramener la somme allouée à Mmes [B] et [H] en réparation du préjudice matériel subi du fait de l’aspect des vitrages isolants, à de plus justes proportions;
– cantonner l’obligation à la dette et, en toute hypothèse, la contribution à la dette à son égard à 76 % de la somme allouée au titre de la réparation du préjudice matériel relatif à l’aspect des vitrages isolants ;
A titre infiniment subsidiaire,
– juger que sa responsabilité n’est pas engagée s’agissant des rayures des faces extérieures des vitrages, correspondant à la catégorie A de M. [N];
– fixer la contribution à la dette ;
– cantonner l’obligation à la dette et, en toute hypothèse, la contribution à la dette à proportion de sa stricte quote-part dans le montant alloué au titre du préjudice matériel, soit 8 625,10 euros, au titre de la réparation du préjudice matériel relatif à l’aspect des vitrages isolants ;
– cantonner l’obligation à la dette, et, en toute hypothèse, la contribution à la dette à proportion de sa stricte quote-part dans le montant alloué au titre du préjudice matériel, au titre des dépens et des frais irrépétibles ;
– juger que les frais d’expertise de M. [X] doivent rester à la charge exclusive de Mmes [B] et [H] et ne pas être intégrés aux dépens ;
En tout état de cause,
– condamner les sociétés Bidan et Menbat à la relever et à garantir de l’intégralité des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
– condamner tout succombant à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions en date du 29 mars 2022, Mme [P] [H], Mme [K] [B] épouse [T] [M] et Mme [A] [B] demandent à la cour de :
– déclarer recevables et mal fondés les appels interjetés par la société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest et la société Menbat ; les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires au présent dispositif ;
– confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
– y additant, condamner in solidum la société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest et la société Menbat à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions en date du 27 janvier 2022, la société Bidan demande à la cour de :
– débouter la société Menbat de toutes ses demandes, fins et conclusions à son encontre ;
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
– condamner in solidum la société Menbat et la société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest à lui payer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
MOTIFS
La société Menbat et la société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest contestent leur condamnation in solidum à payer la somme de 11 359,70 € aux consorts [B] au titre des désordres affectant les vitrages des menuiseries extérieures et à garantir la société Bidan de cette condamnation.
Il résulte du rapport d’expertise du 16 mars 2015 que chaque menuiserie extérieure est composée de plusieurs vitrages, qu’un certain nombre de ceux-ci sont affectés de désordres de nature esthétique consistant en des rayures extérieures (désordres A) ou des défauts à l’intérieur des vitrages (désordres B et C) qui justifient leur remplacement et dont le coût s’élève, respectivement, à 2 734,60 € TTC, 3 339,60 € TTC et 5 285,50 € TTC.
Les désordres ayant des causes distinctes et aucun des vitrages n’étant affecté de plusieurs désordres si l’on se réfère au détail qui figure en pages 16 et 17 du rapport, l’appelante principale et l’appelante incidente sont fondées à soutenir que les chefs des désordres sont indépendants de sorte que les conditions d’une condamnation in solidum à réparer l’entier dommage des maîtres de l’ouvrage ne sont pas réunies.
Il y aura lieu néanmoins de prendre en compte le fait que la société Bidan a été reconnue, de manière irrévocable, responsable de l’ensemble des désordres affectant les vitrages des menuiseries extérieures sur le fondement de l’ancien article 1147 du code civil.
Il convient d’examiner les désordres selon la classification retenue par l’expert.
Sur les désordres A
Sur les responsabilités
L’expert indique que la cause des rayures sur les faces extérieures de sept vitrages réside dans un défaut d’exécution consécutif au passage de l’outil de pose des points (siliconeuse) ou à la mise en place des menuiseries. Il impute les désordres à la société Menbat et à la société Bidan, reprochant à cette dernière, en outre, de ne pas les avoir décelées au moment de l’ouverture des palettes sur le site.
La société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest, qui n’a participé ni à l’assemblage ni à la pose des menuiseries litigieuses, est fondée à soutenir qu’elle est étrangère à ces désordres qui sont survenus postérieurement à son intervention.
La société Menbat invoque plusieurs moyens à l’appui de sa demande mise hors de cause.
En premier lieu, elle critique le caractère lacunaire du rapport d’expertise, notamment l’absence de photographies et de données permettant d’apprécier la nature et la consistance des désordres.
Ce grief ne sera pas retenu, l’expert ayant identifié chacun des vitrages affectés de désordres en distinguant leurs causes sans que cela donne lieu à contestation. Ni la société Menbat, ni la société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest ne lui ont envoyé de dire, notamment après l’envoi du pré-rapport, pour contester ses constatations ou ses conclusions. Il ressort du dossier que les opérations d’expertise avaient été précédées d’une expertise amiable au cours de laquelle seul le nombre de vitrages affectés de désordres était en débat au regard des normes invoquées par leur fabricant. Quant au rapport de M. [X], il ne saurait être détourné de son objet, à savoir un complément d’expertise sur l’apparition de nouveaux désordres, non une contre-expertise. La société Menbat ne peut donc sérieusement soutenir que la preuve des non conformités ne serait pas rapportée.
En deuxième lieu, la société Menbat se prévaut de ce que M. [N] n’a pas identifié la cause précise des rayures qui auraient pu être faites lors de la pose ou du nettoyage. Elle dément le rôle de la siliconeuse en soulignant qu’elle ne l’a jamais reconnu et que tous les vitrages des ouvertures de la maison auraient dû être concernés si elle en avait été en cause.
La cour relève à cet égard que l’expert émet des hypothèses quant à la cause des rayures extérieures tout en retenant un second grief contre la société Bidan qui ne se conçoit que s’il était retenu que la société Menbat est à l’origine des désordres.
Il se déduit du rapport que le matériel utilisé par les consorts [B] pour nettoyer les vitres n’a pas pu provoquer les rayures. Pour le reste, l’absence d’avis de l’expert sur la cause des rayures extérieures ne sera pas suivie, plusieurs éléments permettant de retenir un défaut d’exécution de la société Menbat :
– les déclarations de M. [W], son représentant lors de l’expertise amiable qui s’est déroulée à l’automne 2012, selon lesquelles les rayures extérieures étaient dues à un mauvais réglage de la siliconeuse, sont citées dans un compte-rendu établi par la société Miroiteries de l’Ouest Armorique le 17 octobre 2012 qui lui a été adressé par un courrier du même jour (ses pièces 3 et 4) ; elle n’a pas démenti les propos prêtés à son représentant à réception de ce document alors qu’elle ne pouvait en ignorer l’importance ;
– dans un rapport du 17 décembre 2012, le cabinet Mahé-Villa, mandaté par l’assureur de protection juridique des consorts [B], avait retenu le mauvais réglage de la siliconeuse parmi les causes des désordres ;
– la société Menbat n’a pas contesté le rôle de celle-ci pendant les opérations d’expertise judiciaire, notamment pour soutenir l’argumentation développée dans ses conclusions d’une impossibilité technique, ce qui pouvait être démontré devant l’expert ; elle n’établit pas lui avoir proposé une démonstration de l’outil, comme elle l’écrit en page 19 de ses conclusions ;
– les rayures n’auraient pu être commises par la société Bidan que de manière accidentelle, lors de la manutention ou de la pose des menuiseries ; elles auraient alors été irrégulières, ce qui est peu compatible avec les caractéristiques mentionnées dans le compte-rendu du 17 octobre 2012, à savoir des rayures rectilignes sur plusieurs vitrages.
La société Menbat invoque, en troisième lieu, l’existence de tolérances émises en novembre 2006 par la Fédération française des professionnels du verre (FFPV) qui recommande d’examiner les défauts dans certaines conditions de distance et de luminosité. Cependant, les conditions générales de vente qui y font référence et qu’elle reproduit dans ses conclusions sont celles de la société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest. Elle ne saurait s’en prévaloir pour les défauts d’exécution commis par elle lors de l’assemblage des menuiseries.
C’est donc à juste titre que le tribunal a dit que l’existence des rayures extérieures constituait une non conformité engageant la responsabilité de la société Menbat sur le fondement de l’article 1604 du code civil.
La société appelante oppose aux consorts [B] l’acceptation sans réserve des menuiseries litigieuses par la société Bidan en s’appuyant sur les conclusions de l’expertise. Toutefois, l’expert écrit que cette dernière aurait dû vérifier l’état des vitrages lorsqu’il a procédé à la dépalletisation, non que les rayures étaient apparentes à la livraison pour ce professionnel. Le débat instauré par la société Menbat sur l’état de propreté des menuiseries livrées est dépourvu d’intérêt. En effet, si le nettoyage a permis aux maîtres de l’ouvrage de déceler les défauts affectant les vitrages, c’est parce que cette opération s’accompagne d’un examen attentif de ceux-ci permettant d’en détecter tous les éventuels défauts.
Enfin, la demande de la société Menbat de la condamner à proportion de sa part de responsabilité au stade de l’obligation à la dette ne peut donc prospérer, la faute de l’entrepreneur ne pouvant être invoquée par le vendeur que dans le cadre des appels en garantie.
La responsabilité de la société Menbat est retenue in solidum avec celle de la société Bidan, les deux sociétés ayant concouru à l’entier dommage des consorts [B] au titre des désordres classé A, ces derniers étant déboutés de leur demande en ce qu’elle est dirigée contre la société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest.
Sur la clause limitative de responsabilité
Rappelant que le maître de l’ouvrage ne dispose pas de plus de droits que le vendeur intermédiaire dont il exerce l’action, l’appelante invoque la clause limitative de responsabilité insérée dans les conditions générales de vente figurant au verso de ses factures.
Les consorts [B] demandent d’écarter cette clause motifs pris qu’ils ont droit à une condamnation in solidum et que la preuve n’est pas rapportée que les conditions générales figuraient bien au verso des factures et avaient été intégrées dans le champ contractuel. La société Bidan demande la confirmation du jugement qui a retenu que le vendeur était tenue d’une obligation de délivrance.
Il convient de rappeler que les consorts [B] exercent l’action directe dont dispose leur co-contractant à l’égard de son vendeur et que la société Bidan ne peut leur transmettre plus de droits qu’elle n’en a elle-même à l’égard de la société Menbat.
Il résulte de la pièce 13 du dossier de cette dernière que le contrat de vente conclu entre les deux sociétés comportait une clause limitative de garantie qui exclut les frais autres que ceux tenant au remplacement des pièces défectueuses, notamment les frais de dépose et repose, et de sa pièce 12, que les conditions générales de vente avaient fait l’objet d’une approbation expresse par la société Bidan le 5 mars 2003.
Cependant, la clause limitative ou élusive de responsabilité ne doit pas priver de sa substance l’obligation essentielle du débiteur. L’obligation de délivrance est une obligation essentielle du vendeur. La société Menbat ne peut donc arguer de la clause contenue dans le contrat de vente conclu avec la société Bidan pour s’exonérer de son obligation de délivrer des menuiseries extérieures exemptes de rayures.
Il n’y a donc pas lieu de limiter la réparation des dommages au coût des vitrages, comme le demande la société Menbat à titre subsidiaire.
Sur l’indemnisation des consorts [B]
L’expert a conclu au remplacement des vitrages affectés de désordres.
La société Menbat affirme sans le démontrer que cette solution est disproportionnée, étant observé qu’elle n’avait élevé aucun débat sur ce point pendant les opérations d’expertise. Celle-ci est seule de nature à remédier au défaut de conformité.
Elle sera dès lors condamnée à payer la somme de 2 734 € TTC aux consorts [B], in solidum avec la société Bidan.
Sur les recours en garantie
La société Bidan sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a fait droit à sa demande de garantie intégrale.
Celle-ci ne peut s’exercer qu’à l’encontre de la société Menbat, le fabricant des vitrages ayant été mis hors de cause.
S’agissant de la société Menbat, il y a lieu d’interpréter le dispositif de ses conclusions, dans lequel elle demande à la cour de cantonner sa contribution à la dette finale à sa part de responsabilité, à la lumière des motifs dans lesquels elle sollicite expressément la condamnation des sociétés Bidan et Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest à la garantir des condamnations ne relevant pas de sa stricte responsabilité.
Elle demande à la cour de suivre les préconisations de l’expert judiciaire qui a limité sa part de responsabilité à 70 % des désordres classés A.
Le tribunal sera approuvé pour avoir retenu qu’il ne peut être fait grief au poseur de ne pas avoir décelé les rayures lors de la livraison. En effet, aucune prestation de nettoyage n’était prévue dans le devis et elle n’est pas inhérente à la prestation de pose. La vérification de l’état général des menuiseries à laquelle il était tenu lors de la livraison ne permettait pas de déceler les défauts qui n’étaient perceptibles que par un examen approfondi.
Compte tenu des motifs exposés plus haut, la société Menbat n’est pas fondée à invoquer la clause limitative de responsabilité à l’encontre de la société Bidan. Elle est condamnée à garantir intégralement la société Bidan de la condamnation au titre des désordres A.
Sur les désordres B et C
Sur les responsabilités
L’expert a constaté des rayures sur huit vitrages isolants (désordres B) et des tâches sur onze autres vitrages (désordres C) qu’il impute à un défaut de fabrication de la société Miroiteries de l’Ouest Armorique.
La société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest soutient que les maîtres de l’ouvrage ne pouvaient l’actionner que sur le fondement de la garantie des vices cachés à l’exclusion de tout autre fondement, les dispositions du droit spécial l’emportant sur celles du droit commun et l’obligation de délivrance concernant la conformité de la chose vendue aux spécifications du contrat.
En première instance, les consorts [B] s’étaient fondés sur l’article 1641 du code civil que le tribunal a justement écarté au profit de l’article 1604 dans la mesure où l’expert judiciaire avait retenu des désordres de caractère esthétique ne rendant pas les vitrages impropres à leur usage.
L’absence de défaut est une qualité légitimement attendue des vitrages qui équipent des menuiseries extérieures. Les rayures et tâches constatées par l’expert caractérisent un manquement à l’obligation de délivrance du fabricant des vitrages.
La société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest ne démontre pas avoir demandé à M. [N] d’examiner les désordres à l’aune des préconisations de la FFPV. Une telle demande n’aurait pas été justifiée, celles-ci n’ayant aucun caractère normatif, comme le font exactement remarquer les consorts [B]. Quant à la norme NF EN 572-8 de novembre 2004, le fabricant n’en a pas davantage fait état pendant les opérations d’expertise. Ne la versant pas aux débats, elle n’établit pas l’existence de tolérances concernant les défauts susceptibles d’affecter les vitrages.
Dans ces conditions, c’est à juste titre que le tribunal a retenu sa responsabilité en application de l’article 1604 du code civil.
La société Saint-Gobain ne peut reprocher aux maîtres de l’ouvrage l’absence de réserve alors que leur dénonciation des désordres a empêché la réception de l’ouvrage, M. Bidan en ayant confirmé l’existence ainsi que cela résulte de son courrier du 1er septembre 2012 à la société Menbat.
Il a déjà été répondu au moyen pris de l’absence de réserve à la livraison par la société Bidan.
L’expert n’a pas retenu la responsabilité technique de la société Menbat mais le sous-acquéreur peut agir sur le fondement de l’obligation de délivrance contre le vendeur intermédiaire et le fabricant, sauf le recours du premier contre le second. La condamnation in solidum est ainsi justifiée au titre des désordres B et C.
Sur l’indemnisation des consorts [B]
La société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest invoque le principe de proportionalité de la réparation du dommage, considérant qu’il n’est pas respecté par la solution préconisée par l’expert compte tenu du caractère mineur des désordres.
Pas plus que la société Menbat elle ne justifie de cette allégation alors que les consorts [B] sont en droit d’exiger des menuiseries équipées de vitrages dépourvus de défauts. Le montant de la condamnation sera dès lors arrêté à 8 625,10 € TTC, la condamnation étant prononcée in solidum entre les trois sociétés.
Sur les recours en garantie
La société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest étant seule responsable du défaut de fabrication, ses appels en garantie contre la société Bidan et la société Menbat sont rejetés et elle est condamnée à les garantir intégralement de cette condamnation.
Sur les autres demandes
La société Menbat ne développe aucun moyen de fait et de droit à l’encontre de la disposition du jugement qui l’a condamnée in solidum avec la société Bidan à payer la somme de 200 € TTC aux consorts [B] et à garantir intégralement sa co-obligée. Elle est confirmée.
Le jugement est confirmé sur l’actualisation des condamnations sur l’évolution de l’indice BT01 entre mars 2015 et l’indice le plus proche de la date du jugement.
Les dispositions du jugement qui ont condamné in solidum les trois sociétés aux dépens et à payer la somme de 2 500 € aux consorts [B] au titre de leurs frais irrépétibles et condamné les sociétés Menbat et Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest à garantir intégralement la société Bidan de ces condamnations sont confirmées, sauf à accueillir l’appel de la société Menbat qui demande de limiter sa contribution à la dette à sa part de responsabilité. Celle-ci sera fixée à 25 % au prorata du montant des condamnations.
La condamnation à payer une indemnité de procédure à la société Bidan est également confirmée sous les mêmes conditions de garantie.
Il y a lieu de condamner les sociétés Menbat et Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest, qui succombent en leurs prétentions, aux dépens d’appel, à l’exception des frais de la seconde expertise qui resteront à la charge des consorts [B], et à payer la somme de 3 000 € aux consorts [B] et à la société Bidan au titre de leurs frais irrépétibles d’appel.
Les deux sociétés se garantiront mutuellement de ces condamnations dans les proportions indiquées plus haut.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l’appel :
INFIRME partiellement le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
DEBOUTE mesdames [P] [H], [K] [B] et [A] [B] de leur demande de condamnation in solidum des sociétés Bidan, Menbat et Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest à les indemniser de leur entier dommage,
CONDAMNE la société Menbat à payer aux consorts [B] la somme de 2 734 € TTC au titre des désordres A, in solidum avec la société Bidan,
CONDAMNE la société Menbat à garantir la société Bidan de cette condamnation,
CONDAMNE in solidum la société Menbat et la société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest à payer à mesdames [P] [H], [K] [B] et [A] [B] la somme de 8 625,10 € TTC au titre des désordres B et C, in solidum avec la société Bidan,
CONDAMNE la société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest à garantir la société Menbat et la société Bidan de cette condamnation,
FIXE le partage de responsabilité entre les co-obligées au titre des condamnations aux dépens et aux frais irrépétibles de la manière suivante :
– 25 % à la charge de la société Menbat,
– 75 % à la charge de la société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest,
CONDAMNE la société Menbat et la société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest à se garantir mutuellement dans ces proportions et à garantir la société Bidan intégralement des condamnations à ces titres,
CONFIRME les autres dispositions du jugement,
Y ajoutant,
CONDAMNE in solidum la société Menbat et la société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest à payer aux consorts [B] et à la société Bidan la somme de 3 000 € chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
CONDAMNE in solidum la société Menbat et la société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest aux dépens d’appel, à l’exception des frais de la seconde expertise qui resteront à la charge des consorts [B], dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Menbat et la société Saint-Gobain Glass Solutions Grand Ouest à se garantir mutuellement dans les proportions indiquées plus haut.
Le Greffier, Le Président,