RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/00324 – N° Portalis DBVH-V-B7F-H5MU
CO
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES
04 décembre 2020 RG :2017J368
S.A.S. SUNRISE ENERGY
S.A.S. SUNBEAM ENERGY
C/
S.A.R.L. SETA ENERGIES
Société POWER ONE ITALY SPA
Grosse délivrée
le 07 JUIN 2023
à Me Laurence RAMEL
Me Géraldine BRUN
Me Pascale COMTE
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 07 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 04 Décembre 2020, N°2017J368
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Claire OUGIER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre
Madame Claire OUGIER, Conseillère
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 11 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Juin 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTES :
S.A.S. SUNRISE ENERGY
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurence RAMEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES substitué par Me Marie-Ange SEBELLINI avocat au barreau de NIMES
S.A.S. SUNBEAM ENERGY
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurence RAMEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES substitué par Me Marie-Ange SEBELLINI avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
S.A.R.L. SETA ENERGIES, Société à responsabilité limitée au capital de 50.000 €, immatriculée au RCS de NIMES sous le n° 491 433 439, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social,
[Adresse 9],
[Adresse 9]
[Localité 2]
Représentée par Me Géraldine BRUN de la SELARL P.L.M.C AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Société de droit étranger FIMER S.P.A, Société de droit étranger,
venant aux droits de la Société POWER ONE ITALY SPA Société de droit étranger au capital de 22.000.000 € dont le siège social est [Adresse 8] ITALIE,
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 7]
[Localité 1]) (ITALIE)
Représentée par Me Pascale COMTE de la SCP AKCIO BDCC AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Florian ENDROS de la SELAS ENDROS BAUM AVOCAT – EBA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 27 Avril 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 07 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ
Vu l’appel interjeté le 22 janvier 2021 par la SAS Sunrise energy et la SAS Sunbeam energy à l’encontre du jugement prononcé le 4 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Nimes dans l’instance n°2017J00368 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 26 octobre 2022 par les appelantes et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 6 octobre 2021 par la SARL SETA energies, intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 8 novembre 2022 par la SPA Fimer venant aux droits de la SPA Power one Italy, intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l’ordonnance de clôture de la procédure du 27 juin 2022 à effet différé au 10 novembre 2022 ;
Vu l’ordonnance du 21 novembre 2022 révoquant la précédente et fixant la clôture au 27 mars 2023 ;
Vu l’ordonnance rectificative du 24 novembre 2022 reportant la clôture de la procédure à effet différé au 27 avril 2023 ;
Vu les conclusions remises par la voie électronique post clôture le 28 avril 2023 par les appelantes, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
***
Selon devis acceptés du 26 avril 2011, les SAS Sunrise energy et Sunbeam energy ont commandé à la SARL SETA energies des installations solaires photovoltaïques pour des montants respectifs de 501.127,78 euros et 1.099.031,82 euros TTC.
Les travaux ont été réceptionnés le 19 avril 2012, et les installations mises en route respectivement le 27 février 2012 pour Sunrise energy, et le 19 avril 2012 pour Sunbeam energy.
A compter de la fin d’année 2013, des dysfonctionnements ont été signalés sur les onduleurs équipant les installations photovoltaïques, onduleurs fournis par la SAS Power one Italy, et ils ont ainsi du être successivement remplacés.
A la demande des sociétés Sunrise energy et Sunbeam energy, et par ordonnance de référé du 7 octobre 2015, le tribunal de commerce de Nîmes a ordonné une expertise judiciaire pour apprécier et évaluer leurs préjudices.
Le 9 février 2017, l’expert judiciaire a rendu son rapport définitif.
Par exploit du 6 octobre 2017, les sociétés Sunrise energy et Sunbeam energy ont assigné la société SETA energies devant le tribunal de commerce de Nîmes afin d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices respectifs.
Par exploit du 14 novembre 2017, la société SETA energies a assigné en intervention forcée la société de droit italien Power one Italy SPA afin qu’elle la relève et la garantisse des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
Par jugement du 4 décembre 2020, le tribunal de commerce de Nîmes, au visa des articles 1304-2, 1641 et 1645 du code civil et 333 du code de procédure civile,
a débouté la société Power one Italy SPA de ses exceptions d’incompétence,
s’est déclaré compétent,
a condamné la SARL SETA energies à porter et payer à la société Sunbeam energy la somme de 17.522,41 euros HT au titre de la perte d’exploitation,
a condamné la société de droit italien Power one Italy SPA à relever et garantir la société SETA energies de cette condamnation,
a condamné la SARL SETA energies à porter et payer à la Société Sunbeam energy la somme de 1.620 euros au titre de l’incohérence du calepinage,
a débouté la SAS Sunrise energy et la SAS Sunbeam energy d’une lère demande de dédommagement au titre de la maintenance du site,
a débouté la SAS Sunrise energy et la SAS Sunveam Energy de leur demande liée à la pose des onduleurs car aucune demande n’a été formulée en ce sens à la SARL SETA energies,
a ordonné l’exécution provistoire,
rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,
condamné la SARL SETA energies à régler à la SAS Surise Energy et la SAS Sunbeam energy la somme globale de 4.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné la société de droit italien Power one Italy SPA à relever et garantir la société SETA energies de cette condamnation,
et condamné solidairement la SARL SETA energies et Power one Italy SPA aux dépens de l’instance.
Par jugement du 18 décembre 2020, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa de l’article 462 du code de procédure civile, rectifié le jugement du 4 décembre 2020 sur le montant taxé des dépens.
Les sociétés Sunrise energy et Sunbeam energy ont interjeté appel du jugement du 4 décembre 2020 aux fins de le voir réformer en en toutes ses dispositions, sauf en ce que le tribunal a débouté la société Power one Italy SPA de ses exceptions d’incompétence et s’est déclaré compétent, et en ce qu’il a condamné cette dernière à relever et garantir la société SETA energies de la condamnation à leur régler la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Fimer SPA venant aux droits de la société Power one Italy a relevé appel incident notamment sur le rejet de l’exception d’incompétence soulevée.
***
Les sociétés Sunrise energy et Sunbeam energy, appelantes, ont transmis des conclusions par voie électronique le 28 avril 2023 qui sont donc postérieures à la clôture finalement fixée au 27 avril 2023 par l’ordonnance du 24 novembre 2022.
Ces conclusions qui ne comportent aucune demande de rabat de la clôture sont donc nécessairement irrecevables par application de l’article 802 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique avant clôture, les appelantes, demandent à la cour :
« in limine litis,
sur l’exception d’incompétence soulevée par Fimer SPA venant aux droits de Power one Italy, en raison de l’existence d’une clause compromissoire,
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu sa compétence en constatant qu’il n’était pas établi que les conditions générales contenant la clause compromissoire avaient été transmises et acceptées,
Vu en outre les articles 1448 du code de procédure Civil et 7)1)a) et 7)1)b et/ou 8.2 du règlement 1215/2012 dit Bruxelles I Bis,
le tribunal arbitral n’ayant pas été saisi et la clause compromissoire étant manifestement inapplicable, pour être inopposable,
la compétence de juridiction à l’égard de Power one Italy s’appréciant en fonction de la demande de la partie qui l’a attraite au procès, dans le cadre du règlement 1215/2012 dit Bruxelles I Bis,
retenir sa compétence et débouter Fimer SPA venant aux droits de Power one Italy de sa demande,
Vu l’article 4-3 du règlement n° 593/2008 applicables aux obligations contractuelles dit Rome I,
déclarer applicable la loi française, le contrat présentant des liens manifestement plus étroits avec la France qu’avec l’Italie,
débouter Fimer SPA venant aux droits de Power one Italy de sa demande visant à retenir l’application de la loi de Californie, prévue dans des conditions générales inopposables aux parties,
Au fond
déclarer recevable et bien fondé l’appel du jugement (déféré),
Le réformant,
En ce qui concerne Sunbeam energy,
Vu l’article 1641 du code civil,
déclarer que les onduleurs de marque Power one type Aurora Trio 27.6 vendus par SETA energies à Sunbeam energy présentaient des défauts de fabrication représentant des vices cachés,
Vu l’article 1645 du code civil,
condamner in solidum SETA energies en sa qualité de vendeur professionnel et Firmer SPA venant aux droits de Power one Italy en sa qualité de fabricant à porter et payer à Sunbeam energy les sommes de :
– 74.047,11 euros en réparation du préjudice de pertes d’exploitations calculé par l’expert résultant des onduleurs défaillants depuis l’origine en réformant le jugement qui a condamné à la réparation de la seul perte d’exploitation résultant de l’interruption du fait des pannes définitives des onduleurs,
– 2.535 euros HT de dommages intérêts représentant le coût de la main d’oeuvre de remplacement et de remise en service, réformant en cela le jugement qui l’a déboutée de cette demande,
Vu par ailleurs les articles 1792-3-4 et suivants du code civil et subsidiairement 1147 ancien du code civil,
déclarer SETA energies responsable :
– du défaut de calepinage cohérent et confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à porter et payer à Sunbeam energy la somme de 1.620 euros HT représentant le coût de la réalisation de la mise à jour des plans d’exécution,
– de la mauvaise réalisation de certaines prestations et connexions ayant entrainé un défaut d’isolement du système, et réformer le jugement en ce qu’il a qualifié ce préjudice de « dédommagement au titre de la maintenance du site » alors que l’expert a estimé qu’il s’agissait d’une mauvaise réalisation, et condamner SETA energies à porter et payer à Sunbeam energy 8.620,52 euros HT de dommages intérêts représentant la somme chiffrée par l’expert au titre des travaux de reprise,
– de la perte d’exploitation en découlant et la condamner à porter et payer à ce titre à Sunbeam energy la somme de 2.707 euros de dommages intérêts représentant le montant de la perte d’exploitation, réformant en cela le jugement qui l’a déboutée, estimant, encore une fois, à tort, qu’il s’agissait d’une demande de dédommagement au titre de la maintenance du site,
– des travaux de réadaptation de la valeur de tension au démarrage et la condamner à porter et payer à Sunbeam energy la somme de 1.207,18 euros HT de dommages intérêts représentant le coût desdits travaux, réformant en cela le jugement qui l’a déboutée, estimant, encore une fois, à tort, qu’il s’agissait d’une demande de dédommagement au titre de la maintenance du site,
En ce qui concerne Sunrise energy
Considérant que le jugement dont appel n’a absolument pas indemnisé Sunrise energy,
le réformer dans son intégralité à son égard,
Vu les articles 1641 et 1645 du code civil,
déclarer que les onduleurs de marque Power one type Aurora Trio 27.6 vendus par SETA energies à Sunrise energy présentaient des défauts de fabrication représentant des vices cachés,
condamner in solidum SETA energies vendeur professionnel et Fimer SPA venant aux droits de Power one Italy à réparer l’entier préjudice en ayant résulté soit à payer à Sunrise energy la somme de :
– 300 euros HT de dommages intérêts représentant le coût de la main d’oeuvre de remplacement,
– 42.819,99 euros de dommages intérêts représentant le coût de la perte d’exploitation ayant résulté des onduleurs défaillants depuis l’origine, tel que calculé par l’expert,
Vu par ailleurs les articles 1792-4-3 et suivants et subsidiairement 1147 ancien et suivants du code civil,
déclarer responsable SETA energies de la perte d’exploitation liée au défaut d’isolement: en conséquence la condamner à porter et payer la somme de 892 euros de dommages intérêts représentant le montant de cette perte d’exploitation,
Subsidiairement, sur la demande d’expertise :
Vu les articles 564 et 566 du code de procédure civile,
déclarer recevable la demande et débouter SETA energies de sa demande de fin de non recevoir,
si mieux n’aime la Cour, surseoir à statuer sur le préjudice d’exploitation des sociétés Sunbeam energy et Sunrise energy et ordonner un complément d’expertise confié à l’expert précédemment commis afin de chiffrer l’ensemble des pertes d’exploitations subies par Sunbeam energy et Sunrise energy suite à la mise en place des onduleurs Power one par Seta jusqu’à leur remplacement intégral, et ce selon la méthode prescrite par le juge des référés dans son ordonnance du 7 octobre 2015, savoir : « chiffrer les pertes d’exploitation par rapport aux relevés météorologiques en calculant quelle aurait dû être la production et en la comparant à celle intervenue »,
Vu l’article 696 du code de procédure civile,
réformer le jugement en condamnant SETA energies in solidum avec Fimer SPA venant aux droits de Power one Italy à payer les entiers dépens en ce compris les frais de référé et d’expertise,
débouter en toute hypothèses SETA energies et Fimer SPA de l’ensemble de leurs demandes,
les condamner en outre aux entiers dépens d’instance et d’appel et les condamner in solidum au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700″.
Les appelantes soutiennent que les conditions générales de vente comprenant la clause compromissoire ne sont pas opposables à la société SETA energies par Fimer SPA venant aux droits de Power one Italy, dès lors qu’elles n’ont pas été portées à sa connaissance avant ou au moment du contrat et n’ont donc pu être acceptées même tacitement.
Dès lors, le tribunal compétent territorialement est effectivement le tribunal de commerce de Nîmes s’agissant d’un litige contractuel et les onduleurs ayant été livrés à Nîmes, et d’une demande en garantie relevant de la juridiction saisie de la demande originaire, et ce conformément au règlement Bruxelles I bis applicable en l’espèce puisque les parties sont domiciliées sur le territoire d’un Etat membre et que le litige est postérieur à son entrée en vigueur au 10 janvier 2015.
Et la loi française est applicable puisque l’acquéreur a sa résidence habituelle en France, que les onduleurs ont été livrés, installés et sont tombés en panne en France, que l’inexécution contractuelle s’est produite sur le sol français, conformément aux dispositions de l’article 4-3 de la convention Rome I.
Sur le fond, l’expert a mis en évidence divers problèmes : ceux résultant des défauts d’isolement imputables à l’installation réalisée par la société SETA energies, et ceux provenant des défaillances techniques des onduleurs Power one fournis par SETA sur les deux sites.
Il a chiffré la perte d’exploitation en résultant pour Sunrise à 892 euros dus au défaut d’isolement et 42.819,99 euros dus aux défaillances des onduleurs, et pour Sunbeam à, respectivement, 2.702 euros et 74.047,11 euros.
S’agissant des travaux de reprise, il chiffre les mises à jour des plans d’exécution à 1.944 euros TTC pour l’incohérence relevée entre le calepinage et les mesures de tension concernant Sunbeam energy uniquement.
L’expert relève que si 9 onduleurs ont été remplacés au titre de la garantie, trois restent défaillants et doivent être remplacés pour un coût de 14.400 euros TTC -ce qui a été fait depuis.
Il estime le coût de la main d’oeuvre utilisée pour effectuer ces remplacements d’onduleurs à 1260 euros TTC, soit 360 euros pour Sunrise energy et 900 euros pour Sunbeam energy.
Enfin, les travaux de reprise des connexions cables nécessités par les problèmes d’isolement sur le site de Sunbeam sont évalués à 10.344,62 euros TTC, et les réglages de tension au démarrage du site à 1.207,18 euros.
A l’égard de Sunbeam et Sunrise, la société SETA a la qualité de vendeur installateur , ainsi que de prestataire en maintenance sur les premières années, tandis que la société Power one Italy est le fabricant des onduleurs achetés à SETA.
S’agissant de Sunbeam energy, tous les onduleurs ont finalement été changés dans le cadre de la garantie compte tenu de leurs défaillances.
A/ L’action indemnitaire engagée à l’encontre de la société SETA repose tout d’abord sur l’article 1645 du code civil et, en sa qualité de vendeur professionnel, cette société est présumée avoir eu connaissance des vices cachés affectant le produit.
De même l’engagement de la responsabilité délictuelle de Power one Italy est acquis en sa qualité de fabricant, et ne peut être utilement contestée dès lors que la défectuosité des onduleurs a été reconnue.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu le principe de la condamnation à indemnisation de ces deux sociétés.
En revanche, les préjudices subis ont été mal évalués.
1. La perte d’exploitation résulte de faits distincts :
l’interruption totale de la production en raison des pannes définitives. Par référence à sa pièce 20, l’expert a retenu le préjudice en résultant à hauteur d’une somme totale de 10.428,01 euros.
les performances réduites avec des pannes longues et importantes résultant des défaillances chroniques des onduleurs. Le déficit retenu par l’expert comme étant uniquement dû aux défauts des onduleurs est évalué à 74.047,71 euros. C’est à tort que les premiers juges ont écarté ce préjudice alors que ce poste explicité à la page 23 de l’expertise est bien distinct de celui cité en page 22.
C’est à juste titre que l’expert a procédé à l’évaluation de ce préjudice puisque la mission qui lui était confiée lui intimait de « donner tous éléments utiles pour apprécier les droits des parties ». Et quand bien même aurait-il outrepassé sa mission que la Cour pourrait, selon la jusrirpudence de la cour de cassation, s’approprier quand même l’avis donné par l’expert sur ce point. A titre infiniment subsidiaire, un complément d’expertise pourrait être confié au même expert en ce sens.
2. Le coût de la main d’oeuvre pris en charge par Sunbeam pour procéder au remplacement et la mise en service des onduleurs doit également être intégralement indemnisé par SETA au titre de la garantie des vices cachés dès lors qu’elle a été contrainte d’y procéder elle-même lorsque SETA a fini par s’y refuser. Il se chiffre à 2.535 euros HT.
B/. Mais la responsabilité de SETA energies est également engagée en sa qualité d’installateur constructeur de la centrale photovoltaïque sur le fondement des articles1792-3-4 et, subsidiairement, 1147 et suivants du code civil.
A ce titre, elle était tenu à l’obligation de résultat de fournir une installation en état de fonctionnement, et le rapport d’expertise retient une mauvaise exécution fautive de certaines prestations.
Le calepinage fourni est incohérent, de sorte que des mises à jour des plans d’exécution doivent être effectuées pour un coût de 1.620 euros HT -la société SETA n’y ayant pas procédé elle-même comme elle l’avait proposé.
Des défauts d’isolement ont été constatés et retenus par l’expert, résultant de la mauvaise réalisation de certaines connexions, d’emboitements incorrects et de sertissages inadaptés, et ce quand bien même l’installation avait été validée par le Consuel et Socotec puisque leur mission n’était pas de vérifier le détail de l’exécution et qu’ils n’avaient pas procédé à son démontage. Les travaux de reprise ont été évalués à 10.344,62 euros TTC.
S’agissant de Sunrise energy, tous les onduleurs ont également été remplacés.
Le montant global de 17.522, 41 euros alloué par le tribunal à Sunbeam au titre de sa perte de production résultant des pannes définitives des onduleurs, comprenait en réalité l’indemnisation due à Sunrise de ce chef pour 7.094,41 euros.
Celle résultant des défaillances intervenues dès son installation et qui ont empêché une utilisation optimale a été chiffrée par l’expert à 42.819,99 euros.
Le coût de la main d’oeuvre utilisée pour procéder au remplacement s’est élevé à 360 euros TTC.
Et il est donc demandé au bénéfice des mêmes explications que pour Sunbeam energy, la condamnation in solidum de SETA energies et de Fimer SPA venant aux droits de Power one Italy à indemniser ces préjudices, la première au titre de la garantie des vices cachés due par le vendeur, la seconde en sa qualité de fabricant.
De même, en sa qualité d’installateur de la centrale photovoltaïque, SETA energies doit réparer les pertes d’exploitations dues aux défauts d’isolement de son installation, soit 892 euros.
***
Dans ses dernières conclusions, la société SETA energies, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du code civil et de l’ancien article 1147 du code civil, de :
« dire et juger l’appel diligenté par les sociétés Sunrise energy et Sunbeam energy infondé,
dire et juger l’appel incident formé par la société Power one infondé,
In limine litis : sur la compétence du tribunal de commerce de Nîmes
1/ A titre principal : sur la confirmation du jugement dont appel et le rejet de l’exception d’incompétence matérielle et territoriale soulevée par la société Power one à l’appui de ses conditions générales de vente,
constater que la société Power one a renoncé de manière irrévocable à se prévaloir de la clause compromissoire,
rappeler qu’en application du règlement Bruxelles I bis d’application impérative entre les parties ayant leur siège social dans un des états membres, la clause attributive de juridiction désignant un état tiers (et non un Etat membre) est nulle et de nul effet,
constater que les conditions générales invoquées par la société Power one sont inopposables à la société SETA energies qui n’en a jamais eu connaissance,
rappeler que l’article 333 du code de procédure civile donne compétence à la juridiction saisie de la demande originaire vis-à-vis de l’intervenant forcé, qu’est la société Power one,
En conséquence de tout ceci,
confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté les exceptions d’incompétence soulevée par la société Power one et s’est déclaré compétent pour connaitre du présent litige,
rejeter les demandes, fins et prétentions de la société Power one à ce titre,
2/ A titre subsidiaire : sur la confirmation du jugement dont appel et le rejet de l’exception d’incompétence soulevée par la société Power one au regard de l’article 4 du règlement 1215/2012 du 12 décembre 2012,
rappeler que l’article 333 du code de procédure civile donne compétence à la juridiction saisie de la demande originaire vis-à-vis de l’intervenant forcé, qu’est la société Power one,
En conséquence de tout ceci,
confirmer le jugement dont appel en ce que le tribunal de commerce a rejeté les exceptions d’incompétence soulevée par la société Power one et s’est déclaré compétent pour connaitre du présent litige,
rejeter les demandes, fins et prétentions de la société Power one à ce titre,
Sur le fond du dossier
1/ Sur l’inapplicabilité des lois californiennes
rappeler que les conditions générales de vente invoquées par la société Power one sont inopposables à la société SETA energies qui n’en a jamais eu connaissance,
En conséquence,
dire et juger que les lois de l’Etat de Californie sont inapplicables aux relations contractuelles liant la société SETA energies et la société Power one,
2/Sur le bien fondé de l’appel en garantie de la société Power one et l’inopposabilité de la clause limitative de responsabilité
constater que l’expert judiciaire relève que les préjudices subis par les demanderesses résultent, pour la plupart, des « défaillances répétées d’onduleurs fournis par la société Power one qui ont entraîné des arrêts partiels ou globaux de l’installation »,
rappeler que les conditions générales invoquées par la société Power one sont inopposables à la société SETA energies qui n’en a jamais eu connaissance, en ce compris la clause limitative de responsabilité évoquée par la société Power one,
En conséquence,
dire et juger donc que la société SETA energies était bien fondée à appeler la société Power one dans la cause,
condamner la société Power one en lieu et place de la société SETA energies concernant les demandes des sociétés Sunbeam et Sunrise energy en lien avec la défectuosité des onduleurs, qui pourraient être mises à sa charge,
A titre subsidiaire,
confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Power One à relever et garantir la société SETA energies de toutes les condamnations, en lien avec la défectuosité des onduleurs, qui pourraient être mises à sa charge,
3/Sur les demandes de la société Sunrise energy (site de [Localité 6])
a/Sur la prétendue perte d’exploitation liée à un défaut d’isolement,
rappeler que l’installation a été réceptionnée en avril 2012 et que le premier accédit a eu lieu en décembre 2015,
constater que lors de la vérification des installations par les organismes certificateurs, il n’existait aucun défaut d’isolement,
dire et juger que les défauts d’isolations évoqués par l’expert ne sont nullement dus à une non-conformité et/ou malfaçons de la société SETA energies, mais relèvent de travaux de maintenance qui étaient à la charge exclusive de la société Sunrise energy,
En conséquence,
confirmer le jugement dont appel sur ce point et rejeter les demandes, fins et prétentions de la société Sunrise energy concernant la prétendue perte d’exploitation liée à un défaut d’isolement,
b/Sur le cout de la main d’oeuvre liée au remplacement d’un onduleur
dire et juger que la défectuosité des onduleurs relève de la seule responsabilité de la société ABB Power one,
dire et juger dès lors que seule la responsabilité de la société ABB Power one doit être recherchée concernant le cout de la main d’oeuvre liée au remplacement d’un onduleur,
En conséquence,
confirmer le jugement dont appel sur ce point et rejeter les demandes, fins et prétentions de la société Sunrise energy dirigées à l’encontre de la société SETA energies concernant le coût de la main d’oeuvre liée au remplacement d’un onduleur,
A titre subsidiaire, si votre Cour devait entrer en voie de condamnation à l’encontre de la société SETA energies,
condamner la société ABB Power one à la relever et la garantir des condamnations mises à sa charge à ce titre,
c/Sur la perte d’exploitation ayant résulté des pannes successives des onduleurs
constater que l’expert judiciaire retient une perte d’exploitation égale à 7.094,41 euros résultant des différentes pannes constatées des onduleurs,
rappeler que la défectuosité des onduleurs relève de la seule responsabilité de la société ABB Power one,
dire et juger dès lors que seule la responsabilité de la société ABB Power one doit être recherchée concernant la perte d’exploitation ayant résulté des pannes successives des onduleurs,
En conséquence,
réformer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société SETA energies au paiement des pertes d’exploitation ayant résulté des pannes successives des onduleurs,
A titre subsidiaire, si votre Cour devait entrer en voie de condamnation à l’encontre de la société SETA energies,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a limité le montant de la perte d’exploitation à 7.094,41 euros au titre des diffrentes pannes constatées des onduleurs et condamné la société ABB Power one à la relever et la garantir des condamnations mises à sa charge à ce titre,
4/Sur les demandes de la société Sunbeam energy (site de Porte Les Valences)
a/Sur le cout de la main d’oeuvre liée au remplacement des onduleurs
rappeler que la défectuosité des onduleurs relève de la seule responsabilité de la société ABB Power one,
dire et juger dès lors que seule la responsabilité de la société ABB Power one doit être recherchée concernant le cout de la main d’oeuvre liée au remplacement d’un onduleur,
En conséquence,
confirmer le jugement dont appel sur ce point et rejeter les demandes, fins et prétentions de la société Sunrise energy dirigées à l’encontre de la société SETA energies concernant le cout de la main d’oeuvre liée au remplacement des onduleurs,
A titre subsidiaire, si votre Cour devait entrer en voie de condamnation à l’encontre de la société SETA energies,
condamner la société ABB Power One à la relever et la garantir des condamnations mises à sa charge à ce titre,
b/Sur la perte d’exploitation ayant résulté des pannes successives des onduleurs
constater que l’expert judiciaire retient une perte d’exploitation égale à 10.428,01 euros résultant des différentes pannes constatées des onduleurs,
rappeler que la défectuosité des onduleurs relève de la seule responsabilité de la société ABB Power one,
dire et juger dès lors que seule la responsabilité de la société ABB Power one doit être recherchée concernant la perte d’exploitation ayant résulté des pannes successives des onduleurs,
En conséquence,
réformer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société SETA energies au paiement des pertes d’exploitation ayant résulté des pannes successives des onduleurs,
A titre subsidiaire, si votre Cour devait entrer en voie de condamnation à l’encontre de la société SETA energies,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a limité le montant de la perte d’exploitation à 10.428,01 euros au titre des diffrentes pannes constatées des onduleurs et condamné la société ABB Power one à la relever et la garantir des condamnations mises à sa charge à ce titre,
c/Sur les prétendus travaux de reprises à effectuer au regard des « incohérences constatées »
rappeler que l’installation a été réceptionnée en avril 2012 et que le premier accédit a eu lieu en décembre 2015,
prendre acte du fait que la société SETA energies a proposé de refaire les plans de calepinage,
constater que lors de la vérification des installations par les organismes certificateurs, il n’existait aucun défaut au niveau des connexions,
dire et juger dès lors que les défauts évoqués par l’expert ne sont nullement dus à une non-conformité et/ou malfaçons de la société Seta energies mais relèvent de travaux de maintenance qui étaient à la charge exclusive de la société Sunbeam energy,
dire et juger que les réglages effectués relèvent de travaux de maintenance qui sont à la charge exclusive de la société Sunbeam energy,
En conséquence :
réformer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société SETA energies au paiement de la somme de 1.620 euros HT au titre des prétendues incohérences des plans de calepinage,
confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes, fins et prétentions de la société Sunbeam energy tendant à voir condamner la société SETA energies au paiement de la somme de :
– 8.620,52 euros au titre de la prétendue « mauvaise réalisation de certaines connexions » sur l’installation réalisée et de,
– 1.207,18 euros HT au titre des prétendus travaux de réglages à effectuer,
d/Sur la prétendue perte d’exploitation liée aux « incohérences constatées »
rappeler que les prétendues « incohérences » ne résultent pas d’un fait de la société SETA energies (à l’exception des plans, mais cela n’entraine quoi qu’il en soit aucune perte d’exploitation) mais sont la conséquence d’un défaut d’entretien de la part de la société Sunbeam energy,
En conséquence :
– confirmer le jugement donc appel sur ce point et rejeter les demandes, fins et prétentions de la société Sunbeam energy tendant à voir condamner la société SETA energies au paiement de la somme de 2.707 euros au titre de la prétendue perte d’exploitation liée aux ‘incohérences constatées »,
5/En tout état de cause,
rejeter le surplus des demandes fins et prétentions de la société Sunbeam energy et Sunrise energy,
rejeter le surplus des demandes fins et prétentions de la société Power one,
condamner in solidum, les sociétés Sunrise energy et Sunbeam energy au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procdure civile, ainsi qu’au remboursement des entiers dépens ».
La société SETA energies conclut tout d’abord au rejet de l’exception d’incompétence soulevée par la société Power one sur appel incident.
Celle ci a d’ores et déjà renoncé à se prévaloir de la clause compromissoire en n’élevant pas la moindre contestation à l’occasion de l’instance en référé et de l’expertise judiciaire ordonnée.
Le règlement Bruxelles I bis est d’application impérative lorsque le défendeur est situé sur le territoire d’un Etat membre et son article 25-1 conditionne la validité de la clause attributive à la désignation d’un Etat membre, de sorte que celle dont se prévaut la société Power one qui donne compétence aux Etats-Unis est de nul effet.
Les conditions générales comprenant la clause litigieuse lui sont en outre inopposables puisqu’elles n’ont pas été portées à sa connaissance lors de la conclusion du contrat et n’ont donc pu être acceptées même tacitement.
Enfin, par application de l’article 333 du code de procédure civile, l’indivisibilité du litige s’oppose à ce que l’affaire soit renvoyée pour la garantie de Power one devant les juridictions arbitrales de Los Angeles alors que le tribunal de commerce de Nîmes est régulièrement saisi du litige principal opposant les sociétés Sunrise energy et Sunbeam energy à la société SETA energies.
Subsidiairement, l’intimée fait valoir que l’article 4 du même règlement qui donne compétence aux juridictions de l’Etat membre dans lequel le défendeur est domicilié comporte par dérogation la compétence dévolue en vertu de l’article 7 suivant aux juridictions de l’Etat membre du lieu d’exécution de l’obligation contractuelle objet du litige, et que le tribunal de commerce de Nîmes étant ainsi compétent pour l’action engagée par les sociétés Sunbeam energy et Sunrise energy à son encontre, l’intervention de la société Power one appelée en garantie ne pouvait se faire que devant la même juridiction conformément encore à l’article 333 du code de procédure civile.
S’agissant de la loi applicable au litige, la clause qui y est relative insérée dans les conditions générales n’a jamais été portée à la connaissance ni donc acceptée par la société SETA energies et ne lui est donc pas opposable.
La société Power one ne s’en est pas davantage prévalue en référé ni en expertise.
Et les lois de Californie sont donc inapplicables aux relations contractuelles liant la société SETA energies à la société Power one.
Sur le fond, les difficultés rencontrées par les appelantes résultent des pannes récurrentes des onduleurs fournis par la société Power one, ce que cette dernière a d’ailleurs reconnu en leur proposant une indemnisation directe.
La clause limitative de responsabilité insérée elle aussi dans les mêmes conditions générales est inopposable à la société SETA energies pour être hors champ contractuel.
La société Power one doit donc être condamnée en ses lieu et place à indemniser les sociétés appelantes de leurs préjudices, et subsidiairement, à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge.
C’est à bon droit que les premiers juges ont débouté les sociétés Sunbeam energy et Sunrise energy des demandes d’indemnisation d’un préjudice d’exploitation qui résulterait d’un prétendu défaut d’isolement.
En effet, l’installation a été réceptionnée en avril 2012 alors qu’elle avait été certifiée conforme par Veritas et validées par ERDF, de sorte que les défauts évoqués par l’expert lors du premier accédit en décembre 2015 ne peuvent résulter que d’une maintenance défaillante entretemps. Seuls des devis de maintenance ont été établis par la société SETA energies le 6 juin 2012 pour les installations, mais aucun contrat conclu et la société Sunrise energy ne justifie pas des contrats de maintenance souscrits pour les années 2013, 2014 et 2015 avec des prestataires extérieurs.
C’est encore à raison que le tribunal a rejeté les demandes d’indemnisation correspondant au coût de la main d’oeuvre liée au remplacement d’un onduleur pour la société Sunrise energy, et de plusieurs pour la société Sunbeam ernergy, dans la mesure où la défectuosité relève de la seule responsabilité de la société Power one, admise par celle-ci, et de sa défaillance à pourvoir elle-même aux dits remplacements -que les sociétés Sunrise energy et Sunbeam energy ont donc choisi de faire elles-mêmes, rien ne démontrant que la société SETA energies s’y soit pour sa part refusée.
La perte d’exploitation liée aux pannes successives des onduleurs n’est, contrairement à ce que demandent les sociétés appelantes, pas de 42.819,99 euros pour Sunrise energy et 74.047,11 euros pour Sunbeam energy, mais de, respectivement, 7.094,41 euros et 10.428,01 euros, selon le chiffrage de l’expert. Ce dernier a en effet dépassé sa mission en proposant un chiffrage de toutes les pertes d’exploitation théoriques sur toute la période d’existence des installations alors qu’il ne lui était demandé que d’évaluer celles faisant suite à des pannes précisément décrites et jusqu’à leur réparation pour les quatre premières. Il n’a en outre pas pris en compte le pourcentage de perte de production « normale » liée au fonctionnement in concreto des panneaux photovoltaïques, ni celle liée aux défauts d’entretien et/ou de maintenance imputables aux sociétés appelantes.
La société SETA energies ayant objecté à cette analyse hors mission, l’expert a revu ses calculs dans son rapport définitif et seulement retenu des préjudices plus modiques -lesquels peuvent seulement être pris en compte par la Cour à l’instar de ce qu’ont fait les premiers juges.
La demande en complément d’expertise formulée à titre subsidiaire par les appelantes est irrecevable pour être nouvelle devant la Cour, et mal fondée dès lors qu’elles sont seules responsables des pertes de production résultant de défauts de maintenance et d’entretien de l’installation.
Enfin, s’agissant de l’incohérence de calepinage constatée par l’expert pour la société Sunbeam energy, la société SETA energies a proposé de refaire les plans mais n’a reçu aucune réponse à ce sujet et ne peut donc être condamnée à indemnisation à ce titre.
Et les défauts de connexions observés par l’expert judiciaire et chiffrés à 8.620,52 euros HT dont la société Sunbeam energy demande le règlement, outre les frais de réglage, ne peuvent être le fait de la société SETA energies puisque son installation a été certifiée conforme par les organisemes officiels certificateurs, tandis qu’il n’est pas justifié de la maintenance réalisée sur les sites entre la réception de l’ouvrage et le premier accédit.
***
Dans ses dernières conclusions, la société de droit étranger Fimer SPA, venant aux droits de la Société de droit étranger Power one Italy SPA, intimée, forme appel incident et demande à la Cour, au visa des articles 333, 1506 et 1448 du code de procédure civile, du règlement 1215/2012 dit Bruxelles I bis, du règlement 864/2007 dit Rome II, de :
« (la) recevoir en ses écritures et la déclarer bien fondée,
A titre principal et in limine litis, réformer le jugement rendu par tribunal de commerce de Nîmes et statuant à nouveau,
Sur l’incompétence,
déclarer incompétentes les juridictions étatiques françaises pour connaître des actions à l’encontre de la société Fimer SPA venant aux droits de Power one Italy au profit de la juridiction arbitrale de Los Angeles,
renvoyer la société SETA energies et les sociétés Sunbeam energy et Sunrise energy à mieux se pourvoir,
débouter la société SETA energies et les sociétés Sunbeam energy et Sunrise energy de l’ensemble de leurs demandes respectives formulées à l’encontre de la société Power one Italy,
A défaut,
déclarer incompétentes les juridictions françaises pour connaître du présent litige en application du Règlement CE 1215/2012,
renvoyer la société SETA energies et les sociétés Sunbeam energy et Sunrise energy à mieux se pourvoir devant les juridictions italiennes,
débouter la société SETA energies et les sociétés Sunbeam energy et Sunrise energy de l’ensemble de leurs demandes respectives formulées à l’encontre de la société Fimer SPA venant aux droits de Power one Italy,
Au fond,
juger que les lois de l’Etat de Californie sont seules applicables au litige entre SETA energies et Fimer SPA venant aux droits de Power one Italy,
rejeter l’appel en garantie formé par la société SETA energies du fait du parfait respect de ses obligations par la société Fimer SPA venant aux droits de Power one Italy,
rejeter les demandes formées par Sunrise energy et Sunbeam energy,
Si la Cour faisait droit aux demandes des sociétés SETA energies, Sunbeam energy et Sunrise energy,
limiter la condamnation de la société Power one à la somme de 3.339,60 euros au maximum dans la mesure où la responsabilité de la société Power one est limitée aux conséquences directes des défaillances des onduleurs,
A titre subsidiaire, en l’absence de réformation,
confirmer lejugement en toutes ses dispositions,
En tout état de cause,
condamner les sociétés Sunbeam energy et Sunrise energy à verser la somme de 5.000 euros à la société Power one en application de l’article 700 du code de procédure civile,
(les) condamner aux entiers dépens ».
Cette intimée soutient à titre principal son appel incident en concluant à l’incompétence du tribunal de commerce de Nîmes pour connaitre des demandes formées à son encontre.
L’article 333 du code de procédure civile dont le tribunal a fait application pour retenir sa compétence ne s’applique que dans le cadre de litige en droit interne et à défaut de clause compromissoire.
Or aux termes des conditions générales de vente de la société Power one transmises à la société SETA energies avec la confirmation de commande, toute action engagée au titre du contrat doit être réglée par arbitrage dans la ville de Los Angeles. Ces conditions de vente sont systématiquement jointes aux confirmations de commande dans le process habituel et parfaitement connues des partenaires commerciaux comme SETA energies, laquelle ne les a nullement contestées et les a donc tacitement acceptées.
La société Power one n’a jamais renoncé au bénéfice de cette clause, et celle-ci s’est transmise aux deux sociétés appelantes dans le cadre d’une chaine de contrats, avec la propriété des onduleurs, le terrain délictuel n’ayant été choisi que pour tenter d’y échapper.
Enfin, la clause compromissoire n’étant pas une clause attributive de compétence, elle n’est pas concernée par la prohibition posée par le Règlement Bruxelles I bis.
Subsidiairement, si l’application de cette clause compromissoire devait être écartée, ledit Règlement attribue compétence aux juridictions italiennes dans le ressort desquelles le défendeur a son domicile.
Les conditions posées par l’article 8§1 ne sont pas remplies de sorte qu’il est inapplicable : les fondements juridiques différents des actions respectivement engagées à l’encontre de SETA energies et de Power one Italy par les appelantes, comme la localisation éparse des sites sur lesquels se sont produits les dommages excluent tout lien de connexité qui imposerait la compétence française à l’intimée italienne.
S’agissant d’une action engagée à son encontre sur le fondement délictuel, l’article 7.1 est inapplicable.
Et l’article 7.2 en matière de chaine de contrats exige que soit retenu comme lieu de survenance du dommage celui où la victime directe a subi le dommage initial. Le dommage s’étant en l’espèce produit sur deux sites géographiquement différents des sociétés Sunbeam energy et Sunrise energy, la préférence doit être donnée au lieu de l’événement causal, c’est à dire au lieu de fabrication du produit qui se trouve être en Italie.
S’agissant de la loi applicable, la clause compromissoire impose celle californienne, et cette loi admet son entière validité.
L’intimée n’a jamais renoncé à s’en prévaloir au fond.
Et si, à défaut, était retenue l’application de la convention de Rome I, l’article 4-1 seule applicable à la relation contractuelle entre SETA energies et Power one Italy impose que le contrat de la vente des biens soit régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle, à savoir en l’espèce l’Italie.
S’agissant des indemnisations réclamées, la société Fimer SPA venant aux droits de la société Power one Italy rappelle qu’elle a seulement fourni les onduleurs mais n’est pas intervenue dans la conception des centrales ni leur installation.
Les conditions générales de vente excluent toute responsabilité pour perte de production et prévoient les conditions dans lesquelles les indemnisations sont dues, de sorte qu’elles peuvent en l’espèce être globalement fixées à 3.339,60 euros au titre de la garantie contractuelle.
La société Power one a pris en charge les neuf défaillances déclarées et ainsi respecté ses obligations, l’expert ayant de plus surestimé les préjudices et ceux-ci provenant d’autres causes comme le défaut d’isolement et la réalisation de mauvaises connexions.
A titre subsidiaire, c’est la confirmation du jugement qui est sollicitée.
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la procédure :
Les conclusions transmises le 28 avril 2023 par les appelantes sont postérieures à la clôture de la procédure fixée au 27 avril 2023 par ordonnance du 24 novembre 2022.
Aucune demande de révocation n’a seulement été formulée dans ces conclusions, de sorte qu’elles sont nécessairement irrecevables par application de l’article 802 du code de procédure civile, comme précédemment indiqué à l’énoncé préalable des conclusions des parties.
La cour statue donc au regard des conclusions et pièces précédemment transmises pas ces appelantes le 26 octobre 2022.
Sur la compétence territoriale :
La clause compromissoire dont se prévaut la société Fimer SPA venant aux droits de la société Power one Italy est insérée dans les conditions générales de vente.
Ces conditions générales de vente ne peuvent être opposables au cocontractant de la société Power one Italy, la société SETA energies, et ne pourraient alors éventuellement se transmettre aux appelantes comme le demande la société Fimer SPA, que si elles font parties du champ contractuel pour avoir été portées à sa connaissance avant ou lors de la conclusion du contrat, et acceptées, expressément ou tacitement.
La cour observe que si la société Fimer évoque une pratique commerciale habituelle et des relations suivies avec la société SETA energies en citant de précédant contrats, elle ne soutient aucunement que ces transactions, comme celle litigieuse, feraient parties d’une seule et même transaction globale.
Il lui appartient donc de justifier que, en l’espèce, et pour le contrat de vente des onduleurs litigieux, la société SETA energies avait connaissance avant ou lors de sa conclusion, de ces conditions générales de vente.
Or il ressort des propres écritures de la société Fimer SPA et dans le processus chronologique qu’elle décrit, que ces conditions générales de vente n’ont été transmises à SETA energies qu’au moment de la confirmation de la commande le 5 décembre 2011, alors que le contrat avait incontestablement été conclu le 2 décembre 2011 puisque la facture d’achat proforma a été alors éditée par Power one en réponse au bon de commande de la société SETA energies (pages 7 et 8 des conclusions de Fimer SPA).
Cette chronologie est confirmée par les pièces produites par Fimer SPA (pièces 6 et 7 principalement).
Aucun élément ne permet de retenir que la société SETA energies ait pu prendre connaissance dans le cadre de ce contrat, des conditions générales de vente communiquées en pièce 1 par la société Fimer SPA et dont celle ci se prévaut, avant ou même lors de la conclusion du contrat le 2 décembre 2011, étant observé en outre qu’elles ne portent aucun tampon ni visa de sa part.
Il n’est donc pas démontré que la société SETA energies a accepté, même tacitement ces conditions, et celles-ci, de même que la clause compromissoire qu’elles contiennent, lui sont parfaitement inopposables.
Le Règlement (UE) 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (dit Bruxelles I bis) applicable à partir du 10 janvier 2015 et donc à l’instance engagée sur assignation du 6 octobre 2017 -ce que toutes les parties admettent, dispose en son article 4.1 que « sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un Etat membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre ».
Le principe est ainsi posé de la compétence territoriale des juridictions de l’Etat membre dans lequel le défendeur a son domicile.
Toutefois l’article 5.1 suivant précise aussitôt que « les personnes domiciliées sur le territoire d’un Etat membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre Etat membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre ».
Et, précisément, l’article 7 en section 2 intitulée « compétences spéciales » dispose notamment:
« une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre :
1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ;
b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu de l’exécution qui sert de base à la demande est :
– pour la vente de marchandises, le lieu d’un Etat membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient du être livrées,
– pour la fourniture de services, le lieu d’un Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient du être fournis,
c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas.
2) en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommage s’est produit ou risque de se produire ».
De même, l’article 8 suivant ajoute que :
« une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut aussi être attraite :
s’il y a plusieurs défendeurs, devant le domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément,
s’il s’agit d’une demande en garantie ou d’une demande en intervention, devant la juridiction saisie de la demande originaire, à moins qu’elle n’ait été formée que pour traduire celui qui a été appelé hors du ressort de la juridiction compétente ».
En l’espèce, les sociétés Sunrise energy et Sunbeam energy ont assigné, par exploit du 6 octobre 2017, la société SETA energies devant le tribunal de commerce de Nîmes.
Ces deux sociétés sont domiciliées sur le territoire national français, l’action est engagée sur un fondement contractuel pour l’exécution de prestations et ventes réalisée en France, de sorte que la compétence des juridictions françaises est acquise, celle spécifique du tribunal de commerce de Nîmes n’étant pas en elle-même discutée.
C’est par exploit du 14 novembre 2017 que la société SETA energies a fait assigner en intervention forcée la société Power one Italy, société de droit italien, et ce, afin qu’elle la garantisse des demandes originaires.
Cette mise en cause ne pouvait donc régulièrement se faire en application de l’article 8.2) précité, que devant la juridiction saisie desdites demandes originaires : le tribunal de commerce de Nîmes, lequel avait été naturellement saisi conformément aux prescriptions de l’article 7, et non pas pour contourner les règles de compétence posées par le Règlement.
C’est donc à bon droit que le tribunal de commerce a retenu sa compétence et écarté l’exception soulevée de ce chef.
Sur la loi applicable :
Quand bien même les conditions générales de vente produites en version anglaise uniquement par la société Fimer SPA en pièce 1 comportaient-elles une clause imposant l’application de la loi californienne aux relations contractuelles des parties, il a déjà été retenu qu’elles n’étaient pas opposables à la société SETA energies pour n’avoir pas été portées à sa connaissance ni donc acceptées même tacitement avant ou lors de la conclusion du contrat.
Le Règlement (CE) n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 (dit Rome I) est applicable aux contrats conclus après le 17 décembre 2009 et donc à ceux de l’espèce.
L’article 4 de ce Règlement, définissant la « loi applicable à défaut de choix », dispose tout d’abord que :
a) « le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle,
b) le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle »,
c) à h) étant inapplicables à l’espèce.
Il ajoute ensuite en point 3 que « lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1 ou 2, la loi de cet autre pays s’applique » et en point 4 que « lorsque la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 1 ou 2, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens le plus étroits ».
En l’espèce, s’il n’est pas contesté que la société Power one Italy, vendeur des seuls onduleurs, a sa résidence habituelle en Italie, lesdits onduleurs n’étaient que l’un des composants des centrales photovoltaïques vendues et installées en France par une société française, SETA energies, à la commande de deux sociétés françaises, Sunrise energy et Sunbeam energy, et les désordres qui sont la cause de l’action et dont il est précisément demandé réparation sont survenus en France.
Le seul élément d’extranéité de la présente procédure tenant à la résidence de la société Power one Italy appelée en garantie sur l’action déjà engagée, il apparait ainsi à l’examen des circonstances de la cause, que le contrat qui lie la société Power one Italy à la société SETA energies et sur le fondement duquel la seconde réclame garantie de la seconde, présente des liens manifestement plus étroits avec la France de sorte que c’est la loi française qui est seule applicable.
Sur le fond :
sur le principe des responsabilités des sociétés intimées :
Les sociétés Sunbeam energy et Sunrise energy formulent des demandes de condamnation à l’encontre de la société Fimer SPA venant aux droits de la société Power one Italy sur le fondement délictuel et au visa des articles 1641 et suivants du code civil, en sa qualité de vendeur initial des onduleurs défectueux.
Elles formulent également des demandes identiques à l’encontre de la société SETA energies au visa des mêmes textes sur le fondement contractuel.
Enfin, les mêmes sociétés agissent en indemnisation des préjudices autres que ceux résultant de la défectuosité des onduleurs, et à l’encontre de la société SETA energies seulement, sur le fondement contractuel et au visa de l’article 1792-4-3 du code civil, au regard de la qualité d’installateur de l’ouvrage de cette société.
Le principe même de ces responsabilités et les fondements juridiques visés ne font l’objet d’aucune contestation des intimées, sont pour les seconds conformes à la jurisprudence et au droit, et peuvent donc être tenus comme acquis aux débats.
Seuls les préjudices invoqués, leurs liens de causalité avec des défauts et défaillances imputables aux intimées, et donc le quantum des indemnisations dûes par chacune d’elles font débats.
sur les indemnisations sollicitées :
A titre liminaire, il peut être déjà relevé que les conditions de garantie 2009 comportant notamment une clause limitative de garantie, telles qu’invoquées par la société Fimer SPA et produites en traduction française par celle-ci en pièce 3, ne sont pas opposables aux autres parties, dès lors que, à l’instar des conditions générales de vente, la société Fimer SPA ne démontre pas qu’elles ont été portées à la connaissance de la société SETA energies avant ou lors de la conclusion du contrat -et non pas après, et que celle-ci n’a donc pu les accepter -même tacitement -cette accepatation étant formellement démentie par l’intéressée.
1.S’agissant tout d’abord des onduleurs fournis par la société Power one Italy et installés dans les centrales photovoltaïques des appelantes par la société SETA energies, leur défectuosité n’est pas contestée et les parties s’accordent toutes à dire qu’il a du être pourvu à leur remplacement.
Les indemnisations demandées par les appelantes à ce titre, avec condamnation in solidum des deux intimées, portent sur deux chefs de préjudice : les pertes d’exploitation et le coût de la main d’oeuvre utilisée pour procéder au remplacement des onduleurs sur sites.
a) les pertes d’exploitation
A cet égard, il est fait reproche à l’expert judiciaire, par la société SETA energies principalement, d’avoir outrepassé la mission qui lui avait été confié et d’avoir ainsi extrapolé sur l’appréciation de préjudices qui n’étaient pas soumis à son avis.
L’ordonnance de référé du 7 octobre 2015 du tribunal de commerce de Nîmes qui ordonne l’expertise judiciaire et désigne l’expert, lui donne pour mission de « chiffrer les pertes d’exploitation par rapport aux relevés météorologiques ern calculant quelle aurait dû être la production et en la comparant à celle intervenue :
– suite à la panne signalée par Sunrise le 28 octobre 2013, réparée le 13 novembre 2013,
– suite à la panne signalée par Sunbeam le 24 octobre 2013, réparée le 13 novembre 2013,
– suite celle signalée par Sunrise le 27 juin, réparée le 3 octobre,
– suite à celle signalée par Sunbeam le 1er août 2014, réparée le 3 octobre,
suite aux problèmes signalés par les deux sociétés et non réparés depuis l’automne 2014, en arrêtant la date à partir de laquelle ils sont intervenus ».
Toutefois, la mission de l’expert comprend aussi le fait de « donner tous les éléments utiles pour apprécier les droits des parties », et il est effectivement admis, par une jurisprudence constante de la Cour de cassation comme l’indique fort justement les appelantes, que l’avis donné par l’expert peut être pris en compte par les juges du fond quand bien même il aurait été donné en outrepassant la mission qui lui était dévolue (Civ 3è 5 mars 2003 n°00-21.931) -étant rappelé, évidemment, que les juges ne sont pas tenus par cet avis.
Dès lors, la question de savoir si les évaluations proposées par l’expert judiciaire commis dépassent ou non la mission qui lui était confiée est artificielle et sans conséquence et l’ensemble du rapport d’expertise, livré au contradictoire des parties, est utilisé pour éclairer la cour.
L’expert explique dans son rapport en page 10, avoir « chiffré les pertes de production consécutives à l’ensemble des dysfonctionnements et aux incidents (…) suite à la communication par le demandeur (les sociétés Sunrise energy et Sunbeam energy) des éléments de production des deux sites depuis leurs mises en route (pièces 14) et des tarifs de rachat de l’énergie, et (avoir) pris en compte dans ce tableau les heures d’ensoleillement des sites, la surface de captation et ses performances lorsque tout est en fonction, la production réelle comparée à la production théorique ainsi que la tarification de la période considérée ».
C’est donc à tort que la société SETA energies soutient que l’évaluation n’aurait pas tenu compte du décalage existant entre un fonctionnement théorique et un fonctionnement réel de telles installations.
L’expert relève que « ce sont des défaillances répétées d’onduleurs fournis par la société Power one qui ont entrainé des arrêts partiels ou globaux de l’installation (et que) ces perturbations ont engendré des pertes de production non négligeables constatées dès 2013 par l’utilisateur », la pièce 18 citée en référence correspondant aux courriers adressés à la société SETA energies par les sociétés Sunbeam energy et Sunrise energy le 18 février 2014 faisant état d’une « chute de production sensible par rapport à l’année précédente » au mois de septembre 2013 s’aggravant encore en octobre 2013.
Il ajoute que « de plus, des réglages inadaptés de tension de démarrage ont empêché l’optimisation dans les plages limites de la production ». (page 10)
S’agissant de la maintenance des installations, l’expert judiciaire a manifestement retenu (page 5 du rapport) que les sociétés appelantes avaient conclu un contrat de maintenance des installations avec la société SETA energies le 6 juin 2012, comme les premières le soutiennent dans leurs écritures, ce qui est contesté par l’intimée laquelle affirme avoir seulement édité des devis.
A cet égard, les documents communiqués en pièces 3 et 20 par les appelantes et qu’elles désignent comme des « contrat(s) de maintenance » ne sont effectivement que des devis édités par la société SETA energies le 6 juin 2012 à l’adresse des sociétés Sunrise energy et Sunbeam energy, qui ne portent pour le premier qu’une mention « bon pour accord » et un paraphe en dernière page sans qu’il soit possible d’en identifier l’auteur ni d’en dater les ajouts manuscrits, et pour le second aucune mention d’un quelconque accord.
Il n’est aucunement justifié par les appelantes de ce que ces devis auraient effectivement été acceptés par elles valablement (validité de l’offre mentionnée à 60 jours) et pourraient constituer un accord contractuel alors que SETA energies le dément, puisque, notamment, aucune facture ni justificatif de paiement n’est produit en rapport avec cette maintenance, et que tous les échanges de correspondance entre les appelantes et SETA energies portent uniquement sur la défectosité des onduleurs installés.
Pour autant, l’expert judiciaire n’a pas relevé de défauts pouvant provenir d’une défaillance en matière de maintenance ou d’entretien, défauts qu’il n’aurait pu ignorer de par sa compétence technique et la mission qui lui était confiée -alors même que, déjà au cours des accédits, il en était excipé. C’est d’ailleurs ce qu’il confirme dans sa réponse au dire de la société SETA energies (page 17 du rapport) en indiquant avoir « fait la distinction entre les problèmes d’exécution de cette installation réalisée par (ses) soins et les divers dysfonctionnements imputables à l’entretien (et en avoir) tenu compte dans (ses) conclusions techniques ».
Et les incidents qui peuvent altérer le fonctionnement d’une telle centrale tels que le bris d’une vitre par un caillou (page 16 des conclusions de la société SETA energies) ne relèvent naturellement pas d’un défaut de maintenance mais correspondent à l’aléa déjà pris en compte par l’expert quant au décalage entre un fonctionnement réel et un fonctionnement théorique de telles centrales.
Les pertes d’exploitation ne peuvent donc ainsi effectivement, comme l’expert judiciaire le retenait, que résulter soit de la défectuosité des onduleurs, soit de l’installation elle-même qui ne permettait pas une production optimale.
Et dans son rapport définitif du 9 février 2017, il estime que « l’ensemble des défaillances chroniques des onduleurs Power one : dysfonctionnements avec codes d’erreurs, mises en sécurité, défauts reconnus par le fabricant, ont entraîné des performances réduites avec des pannes longues et importantes soit, pour Sunrise un manque de production de 86.954 kWh soit un déficit de 43.711,99 euros, pour Sunbeam un manque de 126.319 kWh soit un déficit de 76.754,71 euros, desquels doivent être déduits les pertes dues aux défauts d’isolement soit (pour Sunrise) un déficit de 892 euros et (pour Sunbeam) un déficit de 2.707 euros ».
La déduction étant ainsi faite des pertes d’exploitation liées aux défauts constatés dans l’installation, les pertes d’exploitations résultant uniquement de la défectuosité des onduleurs sont ainsi évaluées à 42.819,99 euros (43.711,99 ‘ 892) pour Sunbeam energy, et 74.047,71 euros (76.754,71 ‘ 2.707) pour Sunrise energy.
Les parties ne communiquent aucun élément technique de nature à remettre en cause ces estimations.
Les demandes d’indemnisation des appelantes à hauteur de ces montants respectifs sont donc fondées et le jugement déféré doit être infirmé.
Les sociétés SETA energies, vendeur direct de la centrale comprenant les onduleurs défectueux aux appelantes, et Fimer SPA venant aux droits de la société Power one Italy, vendeur initial desdits onduleurs, doivent ainsi être condamnés in solidum au paiement de ces indemnisations, comme demandé à titre principal par les sociétés Sunrise energy et Sunbeam energy, puisque chacune a concouru par sa vente à la réalisation de l’entier dommage.
La charge finale de l’indemnisation incombe néanmoins entièrement à la société Fimer qui est le fabricant et vendeur initial de ces onduleurs défectueux, de sorte qu’il sera également fait droit à la demande de relevé et garantie de la société SETA energies par la société Fimer SPA.
b) le coût de la main d’oeuvre utilisée pour le remplacement des onduleurs défectueux
Les quanta des montants réclamés à ce titre ne sont en eux-mêmes pas contestés et sont justifiés par les factures produites en pièces 22 et 23 par les appelantes, la société SETA energies faisant seulement valoir que ce sont les appelantes qui auraient « choisi » d’y procéder elles-mêmes et devraient donc en assumer le coût.
Dès lors qu’il n’est pas contesté que lesdits onduleurs étaient défectueux, que leur remplacement s’imposait donc, et que les sociétés Sunbeam energy et Sunrise energy ont personnellement financé la main d’oeuvre nécessitée pour procéder à ce remplacement à hauteur de 2.535 euros HT pour la première, et 300 euros HT pour la seconde, ces coûts constituent des préjudices résultant directement de la défectuosité des onduleurs vendus par SETA energies et fournis par Power one Italy, de sorte que celles -ci sont tenues in solidum à ce titre de les indemniser.
S’agissant des préjudices qui sont résultés de l’installation photovoltaïque et non pas des onduleurs, l’expert judiciaire a spécifiquement retenu une perte d’exploitation pour les deux sociétés, ainsi que divers postes de dépenses particuliers à la société Sunbeam energy.
a) les pertes de production ne résultant pas des onduleurs mais de l’installation même réalisée par SETA energies :
L’expert a chiffré ces pertes, comme précédemment indiqué, à 2.707 euros pour Sunbeam energy et 892 euros pour Sunrise energy, en prenant en compte les relevés et courbes d’enregistrements (page 22 du rapport).
Il a en effet retenu à cet égard des défauts d’isolement nuisant aux performances de l’installation avec des onduleurs qui démarrent la production avec plusieurs heures de retard ou restent à l’arrêt (page 16), et constaté que des « anomalies sur les installations réalisées par la société SETA nécessitaient une révision », parmi lesquelles la « mauvaise réalisation de connexions sur les cables avec des emboitements incorrects et des sertissages inadaptés avec pour conséquence des défauts d’isolement » (page 10).
L’expert judiciaire note que « l’installation a été validée par le Consuel et Socotec sur la conformité mais leur mission n’était pas de vérifier dans le détail l’exécution » (page 17).
La Cour fait sienne cette analyse.
Le fait que les installations aient été réceptionnées sans réserves et certifiées conformes par des organismes spécialisés ne remet pas en cause les constatations de l’expert judiciaire, homme de l’art, dès lors qu’elles procèdent seulement d’un examen minutieux réalisé dans le cadre de sa mission pour déterminer le fonctionnement optimal des centrales. Ces défauts d’isolement n’empêchaient pas les installations de fonctionner et leur conformité aux normes techniques n’est pas remise en cause, de sorte que la réception a pu intervenir et les agréments être accordés malgré ce.
Et l’argument tenant à un défaut de maintenance peut être également écarté comme déjà explicité précédemment, l’expert ayant pris en compte cette donnée dans son appréciation et évaluation.
Il sera donc fait droit à ces demandes.
b) les postes de préjudices spécifiques à Sunbeam energy :
L’expert judiciaire a également relevé sur la réalisation de la société SETA energies pour l’installation de Sunbeam energy des « incohérences entre le calepinage et les valeurs mesurées sur les différents réseaux des capteurs (strings) et donc sur les mesures de tension » et estimait le coût de ces travaux à 1.620 euros HT « correction et tirages de plans compris ».
Il notait en page 23 de son rapport que « ce point doit faire l’objet d’un accord de la société SETA qui pourrait réaliser ces mises à jour de plans d’exécution », et ajoutait in fine en page 25 que « Monsieur T. de la société SETA a proposé de procéder à ses frais avancés à un relevé précis et aux modifications des plans de recollement de l’installation de [Localité 5] afin de faciliter le repérage des circuits présentant des défauts d’isolement pour qu’ils soient réparés ».
Si la société SETA energies se prévaut encore de cette proposition, force est de constater que depuis le dépôt du rapport d’expertise définitif du 9 février 2017, elle n’y a manifestement pas procédé.
Le coût de ces travaux sera donc mis à sa charge.
L’expert judiciaire qui a constaté à l’examen de l’installation réalisée par SETA energies sur le site de Sunbeam energy la « mauvaise réalisation de certaines connexions sur les cables avec des emboîtements incorrects et sertissages in adaptés avec pour conséquence des défauts d’isolement, des chemins de câbles et des vis mal placées endommageant les réseaux, nécessité de remplacer les liaisons entre les armoires boîtes de jonction en toiture et les onduleurs », a estimé les travaux de reprise à 8.620,52 euros HT.
La société SETA energies ne conteste pas le montant ainsi fixé mais soutient que cette dépense ne peut lui être imputée dès lors que trois ans se sont écoulés entre l’examen de l’installation par l’expert et la réception, de sorte que les défauts constatés pourraient résulter de la maintenance ou d’un défaut d’entretien.
En pages 5 et 6 de son rapport, l’expert relate à ce sujet que « dans son rapport technique, la société Solarperf (en charge de la maintenance des installations en 2016) relève plusieurs anomalies sur l’installation de Sunbeam energy à [Localité 5] : (…) mauvaise réalisation de connexion sur les câbles avec des emboîtements incorrects et des sertissages inadaptés avec pour conséquence des défauts d’isolement, des chemins de câbles et des vis mal placées endommagent les réseaux ».
Effectivement, ce rapport annexé à l’expertise en pièce 10-1 mentionne des « problèmes de résistance d’isolement. Connecteurs PV mal emboités et cables DC abimés » sur l’installation de Sunbeam.
Lors de l’accedit du 6 juillet 2016, la société de maintenance confirme que « certains défauts de connexion, emboîtements incorrects, mauvais sertissages » ont été relevés au cours des opérations d’entretien, et que « de nombreux dysfonctionnements constatés doivent trouver leur origine dans les défauts d’isolement dus à ces malfaçons ».
Le représentant de SETA energies alors présent « précise que les installations ont été réceptionnées par Veritas, Socotec et le Consuel, les performances ont été conformes aux prévisions hors les pannes consécutives aux défaillances des onduleurs. Les divers problèmes soulevés relèvent de l’entretien sur des installations en service depuis 2012 », ce à quoi le gérant des appelantes objecte alors que « les performances sont néanmoins entachées par des démarrages parfois tardif le matin avec un décalage de plusieurs heures alors que l’ensoleillement est normal ». (page 12)
Et lors de l’accédit suivant du 24 novembre 2016, les constatations sur site de l’expert, au contradictoire des parties, confirme les défauts : « il est mis en évidence des écarts de tension de 500 à 700 V, donc des pertes dues à des défauts d’isolement entre les coffrets en toiture et les onduleurs, et des déséquilibrages du nombre de strings par tracker » ; au démontage partiel des chemins de câbles, sont encore notés « de nombreux passages susceptibles de créer des dommages : câbles en contact avec des parties métalliques à des changements de direction, câbles endommagés par les vis de fixation des chemins de câbles ». (pages 14 et 15 avec photographies incluses).
Aucune objection n’est alors soulevée par SETA énergies, pourtant présente.
C’est donc vainement qu’elle excipe d’un défaut d’entretien ou de maintenance pour se dédouaner de ces malfaçons qui affectent l’installation même qu’elle a réalisée sur le site de Sunbeam energy.
Le coût de leur reprise lui incombe donc également.
Enfin, l’expert fixe le coût des « réglages notamment (de) la valeur de tension au démarrage » à 1.207,18 euros HT en retenant qu’ils ont du être « réadaptés afin d’optimiser la production ».
Rien ne permet de retenir que ces réglages procèdent uniquement des malfaçons constatées et n’entrent pas dans l’opération de maintenance et d’entretien des installations confiée à un tiers.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur les frais de l’instance :
Les sociétés SETA energies et Fimer SPA venant aux droits de la société Power one Italy, qui succombent, devront supporter les dépens de l’instance, en ce inclus les frais de la procédure de référé-expertise et de l’expertise judiciaire, et payer aux sociétés Sunrise energy et Sunbeam energy une somme équitablement arbitrée à 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevables les conclusions transmises par les SAS Sunrise energy et Sunbeam energy le 28 avril 2023 postérieurement à la clôture de la procédure ;
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :
débouté la société Power one Italy SPA de ses exceptions d’incompétence,
et s’est déclaré compétent,
sauf à préciser que la société de droit italien Fimer SPA intervient désormais aux droits de la société Power one Italy SPA ;
Le précisant,
Dit que la clause compromissoire contenue dans les conditions générales de vente de la société Power one Italy est inopposable à la SARL SETA energies ;
Dit que la loi française est seule applicable aux relations contractuelles de l’espèce ;
Infirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;
Et statuant à nouveau,
Condamne in solidum la SARL SETA energies et la société Fimer SPA venant aux droits de la société Power one Italy à payer à la SAS Sunbeam energy les sommes de :
74.047,11 euros au titre des pertes d’exploitation résultant de la défectuosité des onduleurs,
2.535 euros hors taxes au titre des frais de main d’oeuvre pour leur remplacement,
Condamne in solidum la SARL SETA energies et la société Fimer SPA venant aux droits de la société Power one Italy à payer à la SAS Sunrise energy les sommes de :
42.819,99 euros au titre des pertes d’exploitation résultant de la défectuosité des onduleurs,
300 euros hors taxes au titre des frais de main d’oeuvre pour leur remplacement,
Dit que la société Fimer SPA venant aux droits de la société Power one Italy devra relever et garantir intégralement la société SETA energies de ces condamnations ;
Condamne la SARL SETA energies à payer à la SAS Sunbeam energy les sommes de :
2.707 euros au titre des pertes d’exploitation résultant des malfaçons constatées dans l’installation,
1.620 euros hors taxes au titre de la mise à jour des plans,
8.620,52 euros hors taxes au titre de la reprise des malfaçons constatées dans l’installation ;
Condamne la SARL SETA energies à payer à payer à la SAS Sunrise energy la somme de 892 euros au titre des pertes d’exploitation résultant des malfaçons constatées dans l’installation ;
Condamne in solidum la SARL SETA energies et la société Fimer SPA venant aux droits de la société Power one Italy à payer aux sociétés Sunrise energy et Sunbeam energy une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que la SARL SETA energies et la société Fimer SPA venant aux droits de la société Power one Italy supporteront les dépens de première instance et d’appel, ainsi que les dépens et frais de la procédure de référé ayant abouti à l’ordonnance du 7 octobre 2015 du tribunal de commerce de Nîmes et le coût de l’expertise judiciaire ordonnée ;
Déboute les parties de toutes autres demandes.
Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,