Your cart is currently empty!
Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 21 OCTOBRE 2009
(n° , 4 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 07/20491
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Octobre 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 05/13297
APPELANTE
STE DR SCHELLER COSMETICS AG
agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 2] ALLEMAGNE
représentée par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour
assistée de Me Caroline CASALONGA, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Société PHILIP MORRIS BELGIUM
prise en la personne de son Directeur ‘Corporate Affairs’ pour la Belgique et le Luxembourg et son Directeur Financier pour l’Europe de l’Ouest
[Adresse 3]
[Localité 1] (BELGIQUE)
représentée par la SCP DUBOSCQ – PELLERIN, avoués à la Cour
assistée de Me Grégoire TRIET, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 07 Septembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Didier PIMOULLE, Président
Mme Brigitte CHOKRON, Conseiller
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIER : lors des débats : Mme Jacqueline VIGNAL
ARRET : – CONTRADICTOIRE
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de procédure civile.
– signé par Nous, Brigitte CHOKRON, Conseiller le plus ancien ayant délibéré, en l’empêchement de Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Nous Jacqueline VIGNAL, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR,
Vu l’appel relevé par la société par actions de droit allemand Dr Scheller cosmetics du jugement du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 1ère section, n° de RG : 05//13297), rendu le 17 octobre 2007 ;
Vu les dernières conclusions de l’appelante (31 août 2009) ;
Vu les dernières conclusions (1er septembre 2009) de la société privée à responsabilité limitée de droit belge Philip Morris Belgium, intimée ;
Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 1er septembre 2009 ;
* *
SUR QUOI,
Considérant que Philip Morris Belgium, titulaire :
– de la marque internationale ‘Manhattan’ visant la France déposée le 5 avril 1965 sous le n° 295 909 et régulièrement renouvelée pour désigner les produits suivants: « tabacs, cigares, cigarillos, cigarettes et tous articles pour fumeurs »,
– de la marque française ‘Manhattan’ déposée le 17 mai 1988 sous le n° 1 511 311, régulièrement renouvelée, pour désigner les produits suivants: «tabacs, articles pour fumeurs, allumettes, cigares, cigarettes», ayant conçu le projet d’exploiter cette marque en France pour des cigarettes, et pour prévenir toute difficulté, a assigné Dr Scheller cosmetics aux fins de voir prononcer sa déchéance, pour défaut d’exploitation, de ses droits en France sur la marque internationale ‘Manhattan’ n° 177 874 déposée le 21 juin 1954, régulièrement renouvelée, pour désigner en classe 34 des «articles de parfumerie alcoolique et non alcoolique et de cosmétique» ;
Que Dr Scheller cosmetics, ayant fait valoir que le dépôt des marques ‘Manhattan’ de Philip Morris Belgium constituait un juste motif de non exploitation de la sienne, a reconventionnellement demandé la nullité de ces marques comme portant atteinte à ses droits antérieurs et subsidiairement la déchéance de Philip Morris Belgium sur celles-ci pour défaut d’exploitation ;
Que le tribunal, par le jugement dont appel, ayant retenu, en synthèse, que le projet d’exploitation de Philip Morris Belgium suffisait à démontrer son intérêt à agir et que le simple enregistrement de ses marques par Philip Morris Belgium ne constituait pas un motif légitime du défaut d’exploitation en France, non contesté par Dr Scheller cosmetics, de sa propre marque, a fait droit aux prétentions de la demanderesse et débouté Dr Scheller cosmetics de toutes ses demandes ;
Considérant que Dr Scheller cosmetics soutient que la cour devrait d’abord examiner ses demandes reconventionnelles puis, ayant prononcé la nullité, subsidiairement la déchéance pour défaut d’exploitation des marques déposées par Philip Morris Belgium, constater le défaut d’intérêt à agir de cette dernière ;
Mais considérant que l’intérêt de Dr Scheller cosmetics à poursuivre la nullité ou la déchéance des marques déposées par Philip Morris Belgium pour défendre sa propre marque suppose que soit démontrée la validité de cette dernière ou sa volonté réelle de l’exploiter ; qu’il n’existe dès lors aucun motif pour inverser l’ordre naturel d’examen des demandes ;
1. Sur l’intérêt à agir de Philip Morris Belgium :
Considérant que Dr Scheller cosmetics reprend en cause d’appel son argumentation telle que soutenue devant le tribunal tendant à faire constater, premièrement, que l’intérêt à agir de Philip Morris Belgium n’est pas légitime au regard des dispositions de la législation contre le tabagisme, ni, en toute hypothèse, justifié en l’absence de démonstration d’un réel projet d’exploitation de sa marque ;
Mais considérant que les dispositions de la législation contre le tabagisme invoquées par Dr Scheller cosmetics ont pour finalité d’interdire «toute propagande ou publicité en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article autre que le tabac ou un produit du tabac, lorsque, pas son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une marque, un emblème publicitaire ou de tout autre signe distinctif, elle rappelle le tabac ou un produit du tabac, (article L.3511-4 du code de la santé publique) ; que ces dispositions, qui supposent la préexistence d’un produit du tabac auquel toute référence est prohibée dans le cadre de la commercialisation de tout autre produit, n’interdit pas aux industriels du tabac de déposer de nouvelles marques et, par suite, de s’assurer de la disponibilité de celles-ci ;
Considérant que l’argumentation de Dr Scheller cosmetics selon laquelle le dépôt de sa marque par Philip Morris Belgium et l’action en déchéance aurait en l’espèce un objectif contraire à l’ordre public n’est pas pertinente puisque cette action n’a pas pour objet de l’empêcher d’exercer son droit en la mettant en situation de contrevenir, si elle exploitait sa marque, aux dispositions de la législation anti-tabac, mais de faire constater qu’elle a de toute façon perdu ce droit faute de l’avoir exercé ;
Considérant, par ailleurs, que Philip Morris Belgium produit au débat des pièces qui attestent de la réalité de son projet de création d’une nouvelle marque de cigarettes ‘Manhattan’ et des recherches d’antériorité entreprises à cette fin ;
Considérant que Philip Morris Belgium justifie dès lors de son intérêt à agir en déchéance pour l’ensemble des classes visées par la marque de son adversaire dans la mesure où, si la marque subsistait, les dispositions du code de la santé publique ci-dessus mentionnées pourraient lui être opposées ; que le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef ;
2. Sur la déchéance pour défaut d’exploitation de la marque de Dr Scheller cosmetics :
Considérant que l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose: « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans juste motif, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans » ;
Considérant que Dr Scheller cosmetics, qui ne conteste pas n’avoir jamais exploité d’aucune manière en France la marque litigieuse, soutient vainement que l’enregistrement en France de la marque ‘Manhattan’ pour désigner des produits du tabac en classe 34 constituerait un juste motif de non exploitation de cette marque en France pour les cosmétiques qu’elle commercialise ;
Considérant en effet, premièrement, qu’elle n’a pas exploité sa marque pendant plus de cinq ans entre la date où elle l’a déposée (1954) et la date du dépôt de la marque de Philip Morris Belgium (1965), deuxièmement, que le simple dépôt de la marque par Philip Morris Belgium n’était pas, en lui-même, un obstacle à l’exploitation de sa propre marque, même au regard des impératifs de la législation anti-tabac, dès lors qu’il n’existait pas de produit du tabac de la marque ‘Manhattan’ ;
Considérant, dès lors, que Dr Scheller cosmetics ne justifie pas du défaut d’exploitation de sa marque par un empêchement légitime de fait ou de droit, d’un obstacle extérieur à elle qui aurait rendu l’usage de sa marque impossible ou déraisonnable ;
Considérant, de tout ce qui précède, que le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions et la société Dr Scheller cosmetics déboutée de toutes ses demandes ;
* *
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement entrepris,
DÉBOUTE la société par actions de droit allemand Dr Scheller cosmetics de toutes ses demandes,
CONDAMNE la société par actions de droit allemand Dr Scheller cosmetics aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile et à payer à 20.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT