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23 juin 2016
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
10/13461
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
23 JUIN 2016
N° 2016/ 422
Rôle N° 10/13461
et N° 14/7147
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE AVENUE
C/
[U] [O] [H] veuve [V]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE
SCP ERMENEUX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 04 Mars 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 08/06441, et jugement du Tribunal de commerce de NICE en date du 9 mars 2012 sur contredit.
APPELANTE
et DEMANDERESSE SUR CONTREDIT
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE AVENUE,
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Virginie ROSENFELD de la SCP F. ROSENFELD- G. ROSENFELD & V. ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE ,
INTIMEE
et DEFENDERESSE SUR CONTREDIT
Madame [U] [O] [H] veuve [V],
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Rodolphe MACHETTI de l’ASSOCIATION MACHETTI – CREPEAUX – VERGERIO, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 04 Mai 2016 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Yves ROUSSEL, Président a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Anne CHALBOS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23Juin 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2016,
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La Caisse de Crédit Mutuel de Nice Avenue (le Crédit Mutuel ) a consenti aux époux [V], agissant en qualité de co-emprunteurs solidaires un prêt de 2 millions de francs, portant intérêts au taux de 12,10 % l’an, majoré en cas de retard de trois points, en vertu d’un acte notarié du 14 mars 1991, ledit prêt à ayant pour objet le financement de la construction de leur résidence principale sur un terrain situé à [Localité 1] (Alpes-Maritimes), avec inscription d’hypothèque sur des biens immobiliers situés à [Localité 1] et à [Localité 2] (Aude).
M. [V], exerçait la profession de pharmacien.
Il a été déclaré en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Nice le 9 février 1995.
Le Crédit Mutuel a déclaré sa créance entre les mains du représentant des créanciers, Me [C], le 16 février 1995 à titre privilégié et hypothécaire.
Cette créance, qui était contestée, a été admise par le juge-commissaire le 31 janvier 2001.
Mais la cour d’appel, statuant par arrêt du 18 février 2004 l’a rejetée, pour défaut de pouvoir du signataire de la déclaration, arrêt frappé d’un pourvoi rejeté par la cour de cassation le 15 novembre 2005.
En conséquence de cette décision, Me [C] a demandé au Crédit Mutuel de restituer les sommes indûment perçues par lui par suite de l’extinction de la créance.
Le 10 octobre 1995, le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession et a désigné Me [C] en qualité de commissaire à l’exécution du plan, jugement par lequel il a été décidé que les biens immobiliers non compris dans le plan seraient réalisés conformément au titre III de la loi de 1985.
Par ordonnance du 12 décembre 1995, le juge-commissaire a autorisé Me [C] à céder les biens du débiteur sur la commune de [Localité 2].
Ensuite de cette vente, le Crédit Mutuel a été destinataire d’un chèque de 1 million de francs (152 449.02 euros) de la part de Me [C].
Puis, il a reçu une somme supplémentaire de 74 705.99 francs (11 388.86 euros) par chèque du 26 avril 2001, « sous réserve » du recours de Me [C].
Le Crédit Mutuel a, par ailleurs, été autorisé à vendre dans les formes prescrites en matière de saisie immobilière la parcelle de terrain appartenant au débiteur ainsi qu’à son épouse sur la commune de [Localité 1], mais une vente de gré à gré de ce bien est intervenue au profit d’un tiers pour le prix de 518.326.66 euros, sur laquelle le Crédit Mutuel a perçu la somme de 153824.93 euros en 2002.
Considérant que le Crédit Mutuel avait perçu près de deux fois le montant d’une créance éteinte, soit 317 662,79 euros, alors que sa déclaration de créance s’élevait à la somme de 180 665,81 euros, Me [C] et M. [V] l’ont assigné devant le tribunal de commerce de Nice en restitution de la somme de 317 662,79 euros.
Le Crédit Mutuel a assigné à son tour Mme [V], codébiteur solidaire, devant le même tribunal afin qu’elle s’associe à la demande de débouté opposée à Me [C], ès qualités, ou qu’elle soit condamnée à lui payer la somme de 317.662,79 €, outre les intérêts.
Statuant par un premier jugement du 14 septembre 2007, le tribunal de commerce de Nice a fait droit à la demande de Me [C] et de M. [V] et a condamné le Crédit Mutuel à restituer la somme réclamée, décision cependant infirmée par un arrêt de cette cour en date du 1er avril 2010 au motif que la mission de Me [C] avait déjà pris fin au moment de l’introduction de l’instance. Cet arrêt a par ailleurs déclaré irrecevable l’action des ayants droits de M. [V], entre-temps décédé, au motif qu’ils n’étaient pas titulaires de l’action destinée à réintégrer des fonds à l’actif de la procédure collective de leur auteur.
Après le décès de Me [C], l’instance a été reprise par l’administrateur provisoire de son étude, Me [Q].
L’arrêt de la cour d’appel est devenu irrévocable après le rejet du pourvoi en cassation formé contre lui.
Par un second jugement, en date du 14 septembre 2007, le tribunal de commerce de Nice s’est déclaré incompétent dans l’instance opposant le Crédit Mutuel à Mme [V] au profit du tribunal de grande instance de Nice.
Statuant par jugement en date du 4 mars 2010 le tribunal de grande instance de Nice a, pour l’essentiel, débouté le Crédit Mutuel de sa demande de sursis à statuer, déclaré irrecevable comme prescrite sa demande à l’encontre de Mme [V] et irrecevable sa demande fondée sur l’enrichissement sans cause, statué sur les frais irrépétibles et sur les dépens.
Le Crédit Mutuel a fait appel de ce jugement par déclaration du 15 juillet 2010.
Cet appel, sur lequel la cour statue par le présent arrêt, est enrôlé sous le n° 10/13461.
D’autre part, à la suite de l’arrêt du 1er avril 2010 qui a déclaré irrecevable l’action de Me [C] et celle des héritiers de M. [V], ces derniers ont demandé et obtenu la désignation d’un mandataire ad hoc, en la personne de Me [M] [U], successeur de Me [C], à laquelle l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Nice le 25 novembre 2010 a donné mission « de procéder au recouvrement à l’encontre de la Caisse de Crédit Mutuel Nice Avenue de la somme de 317.662,79 € (‘)».
Me [U] a ainsi assigné le Crédit Mutuel en restitution des paiements indus, par acte du 18 février 2011.
Celui-ci a dénoncé cette procédure à Mme [V] le 28 novembre 2011 et formulé les prétentions suivantes : « Voir Mme [V] [O] prendre toutes conclusions visant le débouté de Me [U] (‘), A titre infiniment subsidiaire, si par extrême impossible, l’action en répétition devait prospérer, Condamner Mme [V] [O] au paiement de la somme de 317.662,79 € outre intérêts au taux légal à compter du 11 août 2004 jusqu’à complet paiement ».
Sur sa saisine, le tribunal de commerce de Nice a rendu deux jugements, en date du 9 mars 2012.
Le premier par lequel il a débouté de ses demandes le Crédit Mutuel et a condamné celui-ci à payer à Me [U] , en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan et de mandataire ad hoc, la somme de 317 662,79 euros avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 11 août 2004, date de la sommation de payer, outre 5000 € à titre de dommages et intérêts, les dépens et les frais irrépétibles.
Le Crédit Mutuel a fait appel de ce jugement par déclaration du 23 mars 2012, affaire plaidée séparément devant la cour (n°14/04796), dont le délibéré a été fixé au 23 juin 2016.
Le second, se déclarant incompétent au profit du tribunal de grande instance de Nice, jugement contre lequel le Crédit Mutuel a formé un contredit (enrôlé sous le n° 12/05902, radié le 23 mai 2013 et enrôlé à nouveau sous le n° 14/0747), qui est l’affaire dont la cour est présentement saisie.
Instance au fond n° 10/13461
Vu les conclusions déposées et notifiées par le Crédit Mutuel les 19 et 21 avril 2016.
Il demande à la cour de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure en répétition de l’indu engagée par Me [U] et actuellement pendante devant cette chambre sous les numéros 12/05515 & 14/04796, de renvoyer cette affaire pour jonction avec le contredit formalisé à l’encontre du jugement en date du 9 mars 2012 du tribunal de commerce de Nice contre Mme [V] (RG 8e A 14/07147) et pour jonction avec l’appel du jugement du tribunal de commerce de Nice du 9 mars 2012 (12/05515 et 14/ 04796), en tout état de cause de réformer le jugement de première instance en toutes ses dispositions, la prescription n’étant pas acquise, de juger que la présente instance est devenue sans objet du fait du débouté sur l’action principale engagée par Me [C] puis repris par Me [Q], de débouter Mme [V] de ses demandes et de condamner tout succombant aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Badie, avocat.
Vu les conclusions déposées et notifiées le 21 avril 2016 par Mme [V].
Elle demande à la cour de révoquer l’ordonnance de clôture, à défaut de rejeter les écritures signifiées par le Crédit Mutuel le 19 avril 2016, de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel, de confirmer le jugement dont appel, subsidiairement de débouter le Crédit Mutuel de sa demande non justifiée, de le condamner à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, distraits au profit de son avocat.
Par ordonnance du 4 mai 2016 et avec l’accord des parties, le conseiller de la mise en état a révoqué l’ordonnance de clôture du 20 avril 2016 et prononcé la clôture au 4 mai 2016, de sorte à permettre l’admission de toutes les conclusions déposées avant cette date.
Instance sur contredit n° 14/0747
L’instance, initialement enrôlée sous le n° 2013/273 a donné lieu à un arrêt de radiation du 23 mai 2013, notifié aux avocats, visant l’avis du procureur général en date du 11 février 2013.
Elle a été réenrôlée sous le n° 14/0747.
Vu les conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 20 avril 2016 par le Crédit Mutuel.
Il demande à la cour de prononcer un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure engagée par Me [U] et actuellement pendante devant la cour d’appel sous le n° 14/04796, concernant la répétition d’un indu, d’ordonner la jonction de la présente instance avec l’affaire pendante devant la cour d’appel sous le n° 14/04796 et avec l’instance enrôlée sous le n° 10/13461, d’évoquer l’affaire, de voir Mme [V] prendre toutes conclusions visant au débouté de Me [U], à titre infiniment subsidiaire, si par impossible l’action en répétition de l’indu devait aboutir, condamner Mme [V] à lui payer la somme de 317 662,79 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 11 août 2004 jusqu’à complet paiement, condamner tout succombant aux entiers dépens distraits au profit de son avocat, débouter Mme [V] de ses demandes.
Vu les conclusions déposées et notifiées le 31 janvier 2013 par Mme [V].
Elle demande à la cour de constater que la cour d’appel est déjà saisie, que la nouvelle procédure diligentée par le Crédit Mutuel procède d’un abus de droit manifeste, de statuer ce que de droit sur l’amende civile, le condamner à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts, celle de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, distraits au profit de son avocat.
SUR CE, LA COUR,
1. Les demandes en justice qui ont abouti à l’instance au fond suivie devant cette cour sous le n° 10/13461 et à l’instance ouverte sur contredit de compétence suivie sous le n° 14/07147, ont pour origine l’assignation délivrée à Mme [V] par le Crédit Mutuel, par suite de l’action en restitution de l’indu dirigée contre lui, la première par Me [C] n’ayant pas abouti et la seconde, après l’échec de cette procédure, par Me [U].
Il existe donc des liens étroits entre ces instances qui ont le même objet.
2. Si l’une d’entre elles concerne le fond et l’autre un contredit sur la compétence, l’article 89 du code de procédure civile permet à la cour, lorsqu’elle est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente, d’évoquer le fond.
En l’espèce, la cour ne peut qu’approuver le tribunal qui a constaté, au soutien de sa décision d’incompétence au profit du tribunal de grande instance de Nice, que Mme [V] n’était pas commerçante.
3. La cour étant juridiction d’appel relativement au tribunal de grande instance de Nice, il convient d’évoquer et de joindre pour donner aux deux instances, dont le sort est lié, une solution définitive.
4. En revanche, les instances qui viennent d’être jointes n’ont pas le même objet que celle qui est suivie sous le n° 14/ 04796, ouverte sur l’appel formé contre le jugement du tribunal de commerce de Nice du 9 mars 2012, qui oppose le Crédit Mutuel à Me [U], sur l’action de cette dernière en restitution de l’indu et les liens qui existent entre elles n’impliquent pas qu’elles doivent être jugées dans le cadre d’une même instance, le fait étant que, pour apprécier la situation dans sa globalité, la cour a entendu les plaidoiries au cours de la même audience et que le délibéré a été fixé pour toutes les affaires au 23 juin 2016.
Il n’y a donc pas lieu de joindre ces instances, comme cela est demandé par le Crédit Mutuel.
5. Le Crédit Mutuel demande à la cour de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure en répétition de l’indu engagée par Me [U] et actuellement pendante devant cette chambre sous le n° 14/04796.
Mais il n’est pas nécessaire que pour trancher le litige qui oppose le Crédit Mutuel à Mme [V] dans le cadre des instances qui viennent d’être jointes, il soit préalablement décidé du sort de la demande de Me [U] et des moyens qui lui sont opposés par le Crédit Mutuel.
La demande de sursis à statuer sera donc rejetée, le fait étant, par ailleurs, que, contrairement à ce que soutient le Crédit Mutuel il n’y a pas de litispendance entre les affaires l’opposant à Me [U], d’une part, et à celles l’opposant à Mme [V], d’autre part, observation étant justement faite par Mme [V] qu’elle n’a jamais contesté que l’extinction de la créance à l’égard de M. [V], dans le cadre de la procédure collective, n’avait pas d’effet extinctif envers elle.
6. Le Crédit Mutuel fait valoir que les époux [V] se sont mariés sous le régime de la communauté ; qu’ils ont contracté l’emprunt en tant que codébiteurs solidaires, dans l’intérêt du ménage, car ils destinaient la somme empruntée à la construction de leur maison d’habitation à [Localité 1] ; que, quel que soit le sort de la créance déclarée au passif de la procédure collective de M. [V] ses droits de prêteur sont demeurés intacts vis-à-vis de Mme [V] ; qu’ainsi, le paiement effectué entre ses mains après la cession d’un bien de communauté a éteint la dette de la communauté, sans possibilité de répétition de l’indu ; que c’est à raison de ce paiement éteignant la dette que sont intervenus la radiation des inscriptions ; que Mme [V], unique bénéficiaire du paiement intervenu, ne peut donc soutenir qu’il y a lieu à restitution d’un indu ; que l’absence de réclamation formulée contre Me [C] par Mme [V] confirme que celle-ci était d’accord et qu’elle avait donné mandat de payer à Me [C].
Mais, si la dette de Mme [V], codébiteur solidaire ne s’est pas éteinte par suite de l’arrêt rendu par la cour d’appel dans le cadre de la procédure collective, elle ne s’est pas non plus éteinte par suite des paiements effectués par Me [C], laquelle a payé le Crédit Mutuel dans le cadre strict de son mandat de représentant des créanciers puis de commissaire à l’exécution du plan, en l’état d’une déclaration de créance au passif de la procédure collective, paiement qui avait au surplus un caractère provisoire dans l’attente d’une décision définitive sur l’admission au passif.
Il n’importe que ces paiements aient été faits à la suite de la réalisation d’un bien commun sur lequel cette banque disposait d’une inscription d’hypothèque, comme cela a été relevé par la cour d’appel dans son arrêt du 18 février 2004 [ « si les paiements ont été faits à la Caisse par le commissaire à l’exécution du plan à la suite de la réalisation du bien sur lequel portait son inscription hypothécaire, ceux-ci sont intervenus aux termes mêmes des courriers du mandataire de justice, « sous réserve des procédures en cours » (lettre du 14/03/2002) ou « sous réserve de l’admission définitive de la créance du CREDIT MUTUEL dont la contestation est toujours pendante devant la Cour d’Appel » (lettre du 2 novembre 2001)], arrêt désormais irrévocable.
Le Crédit Mutuel ne saurait donc valablement soutenir que Me [C] a payé la dette volontairement pour les deux codébiteurs, puisqu’elle n’avait pas qualité pour ce faire, car seul M. [V] faisait l’objet d’une procédure collective.
En tout état de cause, il ne résulte d’aucune pièce que Me [C] a pris en compte, d’une façon quelconque, les obligations propres à Mme [V] envers le Crédit Mutuel, à l’occasion des règlements.
Enfin, l’abandon par lui de ses sûretés n’a pas été dicté explicitement par le fait qu’un paiement effectué pour le compte de Mme [V] avait éteint la dette de cette dernière.
Est donc inopérant le moyen par lequel le Crédit Mutuel soutient que le paiement effectué par Me [C], après désintéressement des autres créanciers dans le cadre de la procédure collective, a éteint la dette commune aux époux et que la radiation des inscriptions hypothécaires confirme la volonté de l’ensemble des parties de considérer les paiements intervenus comme extinctifs de la créance,
7. Le Crédit Mutuel considère que le point de départ de la prescription est l’assignation qui lui a été délivrée par Me [C] laquelle est l’événement justifiant le recours exercé contre Mme [V] , car, jusqu’à ce que cette action soit introduite, elle n’avait pas à agir puisque la dette avait été payée en totalité ; qu’en effet, la prescription ne peut courir contre celui qui ne peut agir ; qu’à tout le moins, le point de départ de la prescription trentenaire est la date de l’acte, en 1991, d’où une fin de prescription en 2021, ramenée à une durée plus brève par les dispositions transitoires de la loi de 2008, soit 10ans à compter de 2008, d’où une fin de la prescription en 2018 ; qu’en outre, la prescription a été interrompue par les premiers paiements intervenus sur la cession du bien de [Localité 3] en 2001, de sorte que l’action introduite en 2007 est recevable ; que les règles du régime de la communauté associées aux règles des procédures collectives imposent l’effacement de Mme [V] derrière le mandataire et des actes qu’il peut faire et qui ont soldé une dette de communauté ; qu’en tout état de cause, l’action en répétition de l’indu qui bénéficierait à Me [C], lui ouvre droit, en qualité de prêteur, à une action contre le codébiteur qu’elle poursuit uniquement par suite de la mise en ‘uvre de l’action en répétition de l’indu ; que la prescription n’est donc pas acquise, contrairement à ce qui a été jugé.
Mais, les paiements effectués par Me [C], ès-qualités, ne valent pas reconnaissance de la dette du Crédit Mutuel au sens des articles 2248 et 2249 du code civil, car ils n’étaient que provisoires, n’ont été faits que sous réserve d’admission de la créance, laquelle n’est jamais intervenue et n’ont pas été faits volontairement, mais en vertu de l’ordonnance d’admission frappée d’appel.
Quant au délai de prescription et à son point de départ, Mme [V] est fondée à exciper du délai de 10 ans de l’article L 110-4 du Code de commerce alors applicable aux actes mixtes, peu important que le prêt ait été constaté par un acte notarié, car la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance et la circonstance que celle-ci soit constatée par un acte authentique revêtu de la formule exécutoire n’a pas pour effet de modifier cette durée (Cass. ch. mixte, 26.05.2006, Bull. 3).
D’autre part, ce délai n’a pas été valablement interrompu par la déclaration de créance au passif de M. [V], compte tenu des dispositions de l’article 2247 du code civil applicable à la cause, puisque la créance a été définitivement rejetée aux termes de l’arrêt définitif de la cour d’appel rendu le 18 février 2004, ni par les paiements effectués par Me [C] dans l’intérêt exclusif de la procédure collective.
Dans ces conditions, au moment où le Crédit Mutuel a délivré l’assignation du 4 avril 2007, la prescription était acquise depuis plus de cinq ans, car le remboursement de l’emprunt, prévu en un terme annuel final , comprenant le remboursement du capital et des intérêts était stipulé exigible au 14 mars 1992 par le contrat de prêt.
8. Le Crédit Mutuel fonde également son action sur l’enrichissement sans cause, faisant valoir que ce sont les demandes de Me [U] qui ont provoqué la présente action laquelle lui ouvre droit à une action contre le codébiteur qu’est Mme [V] ; qu’il n’avait d’autres choix que d’assigner le bénéficiaire du paiement et co débiteur de la dette car depuis la réforme de 2008, le point de départ de l’action est le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Mais, l’enrichissement de Mme [V] a pour cause l’effet de la prescription extinctive et n’est donc pas dépourvu de cause.
9. Le jugement rendu le 4 mars 2010 par le tribunal de grande instance de Nice sera ainsi confirmé.
10. Les points litigieux dévolus à la cour par l’évocation sur contredit ont été tranchés par suite de la confirmation du jugement dont appel, s’agissant des mêmes demandes.
La cour constate donc l’absence de point restant en litige dans l’instance ayant donné lieu à évocation, si ce n’est la demande de dommages-intérêts de Mme [V].
A cet égard, celle-ci fait valoir que lorsque le Crédit Mutuel l’a assignée devant le tribunal de commerce de Nice, il savait que ses demandes avaient déjà abouti à une décision d’incompétence de ce tribunal suivie d’une décision de débouté rendue par le tribunal de grande instance de Nice ; que sa mise en cause à nouveau avait donc pour but de différer la décision du tribunal sur les demandes de Me [U] ; que cette initiative qu’elle savait vouée à l’échec lui a occasionné un préjudice moral comme procédant d’un abus de droit, ce qui appelle réparation.
Mais, le droit du Crédit Mutuel d’ester en justice n’a pas dégénéré en abus.
11. Il sera statué sur les frais irrépétibles et les dépens dans les termes du dispositif.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe, contradictoirement,
Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les n°10/13461 et 14/07147,
Confirme le jugement en date du 9 mars 2012, par lequel le tribunal de commerce de Nice s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Nice,
Vu l’article 89 du code de procédure civile,
Evoque,
Rejette la demande de sursis à statuer.
Confirme le jugement rendu le 4 mars 2010 par le tribunal de grande instance de Nice,
Constate l’absence de point restant en litige dans l’instance sur évocation n° 14/07147, si ce n’est la demande de dommages et intérêts de Mme [V],
Statuant sur celle-ci,
La rejette,
Rejette toute autre demande,
Y ajoutant,
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de Nice avenue à payer à Mme [U] [H] veuve [V] la somme de 2000 €, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,