30 juin 2016
Cour de cassation
Pourvoi n°
14-26.173
SOC.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 juin 2016
Rejet
M. FROUIN, président
Arrêt n° 1307 FS-D
Pourvoi n° P 14-26.173
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Clinique d’Epernay, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 10 septembre 2014 par la cour d’appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l’opposant :
1°/ à Mme X… Q…, domiciliée […] ,
2°/ à la société […] Y… G…, société civile professionnelle, dont le siège est […] , prise en la personne de M. Y… G… en qualité de mandataire liquidateur de la société Clinique Saint-Vincent,
3°/ à l’AGS-CGEA d’Amiens, dont le siège est […] ,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 31 mai 2016, où étaient présents : M. Frouin, président, M. Chauvet, conseiller rapporteur, M. Huglo, Mmes Geerssen, Lambremon, M. Maron, Mme Farthouat-Danon, M. Betoulle, Mmes Slove, Basset, conseillers, Mmes Mariette, Sabotier, Salomon, Depelley, Duvallet, M. Le Corre, Mme Prache, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Chauvet, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat de la société Clinique d’Epernay, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mme Q…, l’avis de Mme Berriat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Reims, 10 septembre 2014), que Mme Q… a été engagée le 22 avril 1996 par la société Clinique Saint-Vincent qui a fait l’objet d’une liquidation judiciaire le 12 octobre 2010, la SCP […] étant désignée en qualité de mandataire liquidateur ; qu’un plan de cession des actifs de la société Clinique Saint-Vincent a été adopté par le tribunal de commerce le 8 juillet 2010 au profit de la société clinique d’Epernay, appartenant au groupe Kapa santé, à laquelle le contrat de travail de la salariée a été transféré ; que cette dernière a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la fixation d’une créance de salaires au passif de la liquidation judiciaire de la société Clinique Saint-Vincent ;
Attendu que la société Clinique d’Epernay fait grief à l’arrêt de la condamner à garantir la société Clinique Saint-Vincent du paiement des sommes dues à la salariée, alors, selon le moyen :
1°/ qu’aux termes de l’article L. 1224-2 du code du travail, « le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans (en) cas (de) procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ( ) ; le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux » ; qu’il résulte de ces dispositions que lorsqu’un transfert d’entreprise se réalise à l’occasion d’une procédure collective, le cessionnaire n’est jamais tenu au paiement des dettes incombant au cédant et ne peut s’y engager par contrat ; qu’en l’espèce, pour dire que la société Clinique d’Epernay devait garantir la société Clinique Saint-Vincent représentée par son mandataire liquidateur du paiement des jours supplémentaires, jours de réduction du temps de travail, congés payés et astreintes dus à Mme Q… dans des conditions fixées par sa propre décision, la cour d’appel a retenu que si la société Kapa santé avait repris la société Saint-Vincent dans le cadre d’une procédure collective, elle s’était engagée, ainsi que l’avait relevé le jugement du 8 juillet 2010 du tribunal de commerce de Reims ordonnant la cession, à reprendre l’intégralité des droits acquis attachés aux contrats de travail, quel que soit leur fait générateur ou leur montant ; qu’en statuant ainsi, par référence à une convention qui ne pouvait déroger aux dispositions d’ordre public de l’article L. 1224-2 du code du travail, la cour d’appel a violé ce texte par fausse application ;
2°/ qu’à supposer que la convention visée par le deuxième alinéa de l’article L. 1224-2 du code du travail soit applicable en cas de procédure collective, une telle convention ne serait opposable au nouvel employeur qu’à la condition de « prendre en compte la charge résultant de(s) obligations » pesant sur l’ancien ; qu’une « charge » n’est susceptible d’être « prise en compte » que lorsqu’elle a été déterminée dans ses éléments constitutifs et dans leurs montants respectifs ; qu’en l’espèce, c’est sans être contredite que l’exposante avait fait valoir qu’elle n’avait pu prendre en considération, lors de la formulation de son offre de reprise, des créances dont elle ignorait l’existence ; qu’en considérant qu’en s’engageant à reprendre les « droits acquis attachés aux contrats de travail, quel que soit leur fait générateur et leur montant », la société Kapa santé se serait engagée, ainsi que le permet l’article L. 1226-2 du code du travail, à reprendre des créances au titre d’heures supplémentaires, jours de réduction du temps de travail, congés payés et astreintes, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
3°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que des droits ne peuvent être « acquis » s’ils sont issus d’une décision de justice reconnaissant, a posteriori, leur existence ; qu’ainsi, en formant l’offre de reprendre les « droits acquis attachés aux contrats de travail, quel que soit leur fait générateur et leur montant », la société Kapa santé n’a pu s’engager à prendre à sa charge des créances résultant de l’arrêt attaqué par le présent pourvoi, qui est intervenu quatre années après la formation de son offre, ce d’autant que la société Kapa santé ignorait l’existence de telles créances, qu’elles résultaient d’une faute du cédant, et qu’elles s’élevaient, au bénéfice d’une seule des 89 salariés repris, à une somme de près de 200 000 euros soit un tiers de l’offre de reprise ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;
Mais attendu d’abord, que l’employeur peut s’engager à prendre en charge dans le cadre d’un plan de cession adopté par le tribunal de commerce, dont les salariés peuvent se prévaloir, les droits attachés aux contrats de travail transférés ;
Attendu ensuite, qu’ayant constaté que la société Clinique d’Epernay s’était engagée à reprendre 89 contrats de travail et l’intégralité des droits acquis attachés à ces contrats et ce, quels que soient leur fait générateur et leur montant, la cour d’appel en a exactement déduit qu’elle devait garantir la société Clinique Saint-Vincent du montant des sommes dues à la salariée au titre des heures supplémentaires, congés payés, astreintes et des jours de réduction de temps de travail accomplis au sein de cette dernière société, dont les droits sont acquis par les salariés au jour de leur accomplissement ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;