29 juin 2017
Cour de cassation
Pourvoi n°
16-20.395
CIV. 2
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 29 juin 2017
Rejet non spécialement motivé
M. X…, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10556 F
Pourvoi n° Z 16-20.395
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Dominique Y…, domicilié […] ,
contre l’arrêt rendu le 21 avril 2016 par la cour d’appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige l’opposant :
1°/ au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, dont le siège est […] ,
2°/ au procureur général près la cour d’appel de Metz, dont le siège est […] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 31 mai 2017, où étaient présents : M. X…, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z…, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vannier, conseiller, M. A…, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. Y…, de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions ;
Sur le rapport de Mme Z…, conseiller référendaire, l’avis de M. A…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Dominique Y… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Y…
Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir rejeté la demande de M. Y… tendant à l’indemnisation de ses préjudices ;
AUX MOTIFS QUE M. Dominique Y… sollicite, sous le bénéfice des dispositions de l’article 706-3 du code de procédure pénale, l’indemnisation par le Fonds de garantie de sa maladie, un syndrome myéloprolifératif, qui est résulté selon lui des infractions pénales de non respect des règles en matière de fabrication et de commercialisation des produits phytosanitaires dans les domaines de l’étiquetage, de l’emballage de ces produits et de l’obligation de conseil des fabricants et vendeurs, et des délits d’atteinte involontaire à l’intégrité des personnes, de mise en danger d’autrui, d’omission de porter secours imputés à l’Etat et aux fabricants des produits phytopharmaceutiques ainsi que du délit de tromperie, infraction commise par les fabricants de pesticides. L’ensemble des infractions dont il s’estime victime, auraient été commises à l’occasion de la mise sur le marché et de la vente de produits phytopharmaceutiques contenant du benzène, un solvant présent, selon M. Y…, dans les pesticides qu’il a utilisés dans l’exercice de sa profession d’agriculteur, et qui serait à l’origine de sa maladie ; QU’au regard des dispositions dont l’application est demandée, il incombe à M. Y… d’apporter la preuve de tous les éléments nécessaires au succès de sa prétention, à savoir l’existence d’une faute pénale, d’un dommage et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage ; QUE la question de l’imputation au benzène de la maladie de M. Y… doit être examinée en premier lieu, car elle conditionne l’examen des infractions invoquées, lesquelles n’auraient aucune incidence sur le préjudice de l’intimé s’il n’était pas établi que sa maladie trouve son origine dans les effets morbides du solvant en question ; QUE ni l’importance du préjudice, ni la difficulté de recueil des éléments probatoires soulignée à titre liminaire dans les conclusions de l’intimé, ne peuvent conduire à le décharger du fardeau de la preuve ou à alléger celui-ci ; QUE l’existence d’un lien de causalité entre l’utilisation de produits contenant du benzène et la maladie de M. Y… peut être établie, même en l’absence de certitude scientifique, au regard de présomptions graves, précises et concordantes ; QUE sa démonstration qui incombe a la victime porte, en effet, sur un fait juridique qui peut être prouvé par tout moyen légalement admissible ; QUE le législateur a instauré en matière de sécurité sociale une présomption d’origine professionnelle des maladies inscrites sur des tableaux annexés à des textes réglementaires, dès lors que le travailleur a été exposé de façon habituelle dans l’exercice de sa profession à l’action des agents nocifs mentionnés par ces tableaux ; QUE le bénéficiaire de la présomption prévue à l’article L. 461-2 du code de sécurité sociale n’a pas à établir que sa maladie a été provoquée par la substance toxique avec laquelle il a été mis en contact lors de l’exercice professionnel ; QUE la cour ne peut retenir au titre des éléments de preuve, la reconnaissance par la juridiction de sécurité sociale du syndrome myéloprolifératif de M. Y… comme maladie professionnelle au titre du tableau n° 19 des maladies professionnelles agricoles concernant les hémopathies provoquées par le benzène et tous les produits en renfermant ; QUE cette reconnaissance est, en effet, fondée sur une présomption légale qui n’est pas extensible au contentieux de l’indemnisation des victimes d’infractions pénales ; QUE la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale d’Epinal du 18 septembre 2006, n’a pas autorité de chose jugée dans le litige soumis à la cour qui ne concerne pas les mêmes parties ; QUE la reconnaissance à titre de maladie professionnelle de l’affection dont souffre M. Y… ne constitue donc aucunement un élément à prendre en compte dans le débat qui porte sur l’origine de sa maladie et qui a lieu de manière indépendante de celui mené antérieurement devant la juridiction de sécurité sociale, selon des règles propres ;
QUE le premier élément pertinent au regard de la démonstration à apporter que M. Y… soumet à la cour, est constitué par les factures des achats de pesticides effectués courant 1995 à 1999 par le GAEC dont il est membre ; QU’au regard de la dimension familiale de l’exploitation laitière et céréalière à laquelle M. Y… a participé durant les années considérées, il peut être admis, en dépit de l’absence de justification de ses activités réelles dans l’entreprise agricole, qu’il a participé à l’épandage des pesticides dont il s’agit ; QUE ces factures ne mentionnent pas la composition des produits achetés ; QUE la présence de benzène n’est pas davantage signalée sur les étiquettes et les emballages de pesticides également versés aux débats sous forme de photocopies ou photographies ; QUE de ces éléments probatoires ne peut être retenu que le fait que M. Y… a utilisé des pesticides au cours de son activité professionnelle ; QUE l’intimé produit en outre la copie d’une lettre du 21 décembre 2002 signée par les docteurs B… et C…, médecins à l’unité fonctionnelle d’expertises médicales et de pathologie professionnelle du C.H.U. de Nancy, et adressée à un confrère qui les a consultés sur une éventuelle étiologie professionnelle du syndrome myéloprolifératif dont souffre M. Y… ; QUE les praticiens consultés concluent leur courrier dans les termes suivants : « nous avons étudié les fiches de sécurité des produits utilisés les plus fréquemment par M. Y…. Il nous semble que, compte tenu des produits manipulés, une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau 19 du RA est envisageable » ; QUE ce document est sans apport quant à l’établissement de la preuve attendue puisqu’il ne renseigne nullement sur l’origine de la maladie et qu’il ne fait que renvoyer à l’application des dispositions régissant la prise en charge des maladies professionnelles dont il a été indiqué qu’elles n’avaient pas d’utilité dans le débat portant sur le lien de causalité à démontrer ; QUE M. Y… s’appuie de plus sur la copie d’une fiche médicale de visite le concernant rédigée le 19 décembre 2003 par le docteur D…, médecin du travail, qui porte l’indication « état de santé non compatible avec la poursuite des activités de traitements et de manipulation de produits phytosanitaires » ; QUE cette préconisation du médecin du travail intervient à titre de mesure prophylactique à prendre au regard d’une maladie déclarée et ne renseigne aucunement sur l’origine de l’affection ; QUE M. Y… se fonde en dernier lieu sur un rapport d’expertise toxicologique en date du 19 septembre 2005 rédigé par le docteur E… en exécution de la mission d’expertise que lui avait confiée le tribunal des affaires de sécurité sociale ; QUE l’expert, après avoir analysé les prélèvements de produits phytopharmaceutiques fournis par M. Y…, a conclu que sept produits analysés contenaient du benzène, onze du toluène et dix des alkyls benzène ; QU’il a apporté la précision suivante : « l’expert n’étant pas médecin, mais pharmacien toxicologue, biologiste, il ne peut donner son avis sur le caractère professionnel de la maladie. Il apparaît néanmoins que la présence de benzène dans les produits manipulés par M. Y… pourrait être à l’origine de sa maladie. Ceci sur un plan strictement scientifique, puisque le benzène est connu pour provoquer ce type de tableau clinique » ; QUE force est de constater que l’expertise du docteur E… n’a pas été diligentée contradictoirement à l’égard du Fonds de garantie qui n’a pas été partie à l’instance devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, lequel a ordonné cette mesure ; QUE la cour, qui est tenue en toutes circonstances de respecter et faire respecter la contradiction, ne peut se fonder exclusivement sur le rapport d’expertise non contradictoire du docteur E… pour en déduire que l’origine de la maladie de M. Y… se trouve dans l’utilisation de produits renfermant du benzène ; QU’au surplus, le contenu du rapport d’expertise du docteur E… ne permet pas d’arriver à un tel constat avec suffisamment de certitude ; QUE l’expert ne s’explique pas sur les facteurs pathogènes du benzène ; QU’il ne fournit en particulier aucune précision sur les modes de contamination par le solvant et les doses nuisibles pour l’homme ; QU’il ne donne pas d’indications qui permettent de vérifier que M. Y… se trouvait dans la situation de subir les effets morbides du solvant litigieux ; QU’au total, l’hypothèse scientifique émise par le docteur E… dans les termes indiqués supra, que n’étaye aucune constatation médicale ou élément d’autre nature, ne permet pas d’inférer que M. Y… a contracté le syndrome myéloprolifératif du fait qu’il a été exposé à des produits de traitement des cultures céréalières contenant du benzène ; QU’en définitive, il apparaît que l’absence de preuve de l’imputabilité de la maladie de M. Y… aux effets nocifs du benzène présent dans les produits phytopharmaceutiques utilisés par lui, caractérise une rupture du nécessaire lien causal entre les fautes pénales alléguées, toutes relatives aux conditions répréhensibles de la diffusion de produits contenant du benzène, et le dommage à réparer ; QUE sa demande d’indemnisation formée au titre de l’article 706-3 du code de procédure pénale ne peut donc être accueillie, les conditions d’application de ce texte faisant défaut en l’absence de démonstration d’un rapport certain de causalité entre les infractions, à les supposer établies, et son préjudice ;
1- ALORS QUE le syndrome myéloprolifératif est mentionné au tableau n° 19 des maladies professionnelles agricoles au nombre des affections provoquées par le benzène et tous les produits en renfermant ; que si cette mention n’a pas la valeur d’une présomption légale irréfragable dans le cadre d’un litige tendant à l’indemnisation de la victime d’une infraction, elle peut néanmoins constituer une présomption de fait permettant la démonstration de ce que l’emploi de produits contenant du benzène a provoqué le syndrome myéloprolifératif ; qu’en refusant d’analyser la portée de cette présomption, la cour d’appel a violé l’article 1353 du code civil ;
2- ALORS QUE, de la même façon, la circonstance de ce qu’un syndrome myéloprolifératif présenté par un agriculteur a été pris en charge au titre de la légalisation professionnelle comme une maladie liée à l’exposition au benzène peut faire présumer que celui-ci a été exposé au benzène ; qu’en refusant d’analyser la portée de cette présomption, la cour d’appel a violé l’article 1353 du code civil.