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Le chèque intermittent n’est qu’une formalité administrative et non un contrat de travail.
Face à une action en requalification en CDI, l’association COMPAGNIE SHAMROCK a fait valoir en vain qu’un contrat de travail écrit à durée déterminé a été établi par le biais du «’chèque intermittent’» établi au profit de Madame [F], comédienne, en vue représentations de la pièce.
Toutefois, ce document qui vise à réaliser les formalités administratives liées à la signature du contrat de travail n’en constitue pas un. Au surplus, il n’est pas signé par les parties et ne répond pas aux exigences posées par la loi et la convention collective qui imposent notamment qu’il précise la nature du contrat, l’objet du recours au CDD dit d’usage, le nom du spectacle et pour les artistes dramatiques, le rôle et le nom du metteur en scène.
A défaut de preuve de l’existence d’un contrat écrit répondant aux exigences légales et conventionnelles, le contrat de Madame [F] a été requalifié en contrat à durée indéterminée.
Pour rappel, aux termes de l’article L. 1221-2 du code du travail, le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail.
Aux termes de l’article L. 1242-12 du même code, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif.
Aux termes de l’article L. 1242-2 du code du travail, un contrat à durée déterminée peut être conclu pour un accroissement temporaire d’activité de l’entreprise.
Aux termes de l’article L. 1242-2 du code du travail, un contrat à durée déterminée peut être conclu pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dans certains secteurs d’activité, définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, pour l’exercice d’emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Aux termes de l’article L.1245-1 du même code, est réputé contrat à durée indéterminée, tout contrat de travail conclu en méconnaissance de ces dispositions.
Il résulte des dispositions de l’article 1315 alinéa 2 du code civil qu’il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité de ce motif.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 17 MAI 2023
(n° ,7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05285 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCHPZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 Juin 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOBIGNY – Section Activités diverses – RG n° F15/01492
APPELANTE
Madame [M] [F]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Thierry MALARDÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : E0570
INTIMÉE
Monsieur [E] [Y] ès qualités de liquiditeur amiable de l’ASSOCIATION COMPAGNIE SHAMROCK
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Frédérique AZOULAY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 36
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, président, et Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère, chargée du rapport .
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Stéphane MEYER, président de chambre
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier : Mme Manon FONDRIESCHI, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Madame [M] [F] a été engagée par l’association COMPAGNIE SHAMROCK en qualité de comédienne pour des représentations théâtrales à compter du 19 septembre 2014.
La convention collective applicable est celle des entreprises du secteur privé du spectacle vivant du 3 février 2012.
Madame [F] dit avoir été victime d’une agression le 28 septembre 2014, après la représentation, par Monsieur [V], son ex-compagnon, co-auteur, co-metteur en scène de la pièce et acteur dans le cadre des représentations de celle-ci.
Relativement à ces faits, le tribunal correctionnel de Paris a reconnu Monsieur [V] coupable de menaces par l’utilisation d’une arme par destination, en l’espèce son scooter, par jugement du 15 décembre 2016. Monsieur [V] a fait l’objet d’un ajournement de peine avec mise à l’épreuve, avec obligation d’indemniser la victime, et a été condamné à verser à Madame [F] la somme de 2.500 € en réparation de son préjudice personnel.
A compter du 29 septembre 2014, Madame [F] n’a plus assuré les représentations.
Le 10 avril 2015, Madame [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny et formé des demandes afférentes à la requalification du contrat de travail, à des rappels de salaire, et à la procédure de licenciement.
Par jugement du 9 juin 2020, le conseil de prud’hommes de Bobigny statuant en formation de départage a’:
-requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée,
-condamné l’association à verser à Madame [F] les sommes suivantes :
– 147,20 € à titre de rappel de salaire sur répétitions,
– 600 € à titre de rappel de salaire sur représentations,
-dit que la rupture de la relation de travail s’analysait en une démission,
-débouté en conséquence Madame [F] de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et pour rupture abusive,
-débouté l’association de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
-débouté les parties de toute autre demande,
-rappelé l’exécution provisoire de droit,
-condamné l’association aux dépens,
-laissé à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
A l’encontre de ce jugement notifié le 3 juillet 2020, Madame [F] a interjeté appel en visant expressément les dispositions critiquées, par déclaration du 30 juillet 2020.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 février 2023, Madame [F] demande à la cour’:
-d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a qualifié son absence en une démission et rejeté toutes les demandes autres que les rappels de salaire pour les répétitions et représentations,
-de condamner l’association à lui verser les sommes suivantes :
– Indemnité compensatrice de préavis : 2.760 €
– Indemnité pour non-respect de la procédure : 2.760 €
– Indemnité pour rupture abusive : 5.000 €
– Indemnité pour préjudice moral : 5.000 €
– Indemnité pour absence de DUERP : 1.500 €
– Frais de procédure : 2.000 €
-de condamner l’association aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 février 2023, l’association COMPAGNIE SHAMROCK demande à la cour’:
-de déclarer Madame [F] irrecevable et pour le moins mal fondée en son appel,
-de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a’:
-imputé à Madame [F] la responsabilité de la rupture du contrat de travail en raison de sa volonté de démissionner,
-dit qu’il n’y avait pas lieu de constater l’existence d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-débouté Madame [F] de toutes ses demandes au titre du licenciement, -d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a’:
-fixé la date de la rupture du contrat de travail au 5 octobre 2014, et de fixer cette date au 29 septembre 2014,
-condamné l’association au titre de rappels de salaires,
– de condamner Madame [F] au paiement d’une somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 21 février 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
Sur la requalification du contrat de travail
Aux termes de l’article L. 1221-2 du code du travail, le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail.
Aux termes de l’article L. 1242-12 du même code, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif.
Aux termes de l’article L. 1242-2 du code du travail, un contrat à durée déterminée peut être conclu pour un accroissement temporaire d’activité de l’entreprise.
Aux termes de l’article L. 1242-2 du code du travail, un contrat à durée déterminée peut être conclu pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dans certains secteurs d’activité, définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, pour l’exercice d’emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Aux termes de l’article L.1245-1 du même code, est réputé contrat à durée indéterminée, tout contrat de travail conclu en méconnaissance de ces dispositions.
Il résulte des dispositions de l’article 1315 alinéa 2 du code civil qu’il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité de ce motif.
En l’espèce, l’association COMPAGNIE SHAMROCK soutient qu’un contrat de travail écrit à durée déterminé a été établi par le biais du «’chèque intermittent’» établi au profit de Madame [F] en vue représentations de la pièce.
Toutefois, ce document qui vise à réaliser les formalités administratives liées à la signature du contrat de travail n’en constitue pas un. Au surplus, il n’est pas signé par les parties et ne répond pas aux exigences posées par la loi et la convention collective qui imposent notamment qu’il précise la nature du contrat, l’objet du recours au CDD dit d’usage, le nom du spectacle et pour les artistes dramatiques, le rôle et le nom du metteur en scène.
A défaut de preuve de l’existence d’un contrat écrit répondant aux exigences légales et conventionnelles, le contrat de Madame [F] doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes sur ce point.
Sur la rupture du contrat de travail
Il résulte des dispositions de l’article L. 1231-1 du code du travail que le contrat de travail peut être rompu par la démission du salarié.
Toutefois, cette démission doit être non équivoque et, lorsqu’elle est motivée par des manquements imputés à l’employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, elle produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque ces faits le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.
En l’espèce, Madame [F] expose qu’elle a été contrainte d’arrêter la pièce à compter du 29 septembre 2014 suite à l’agression commise par son ex-compagnon Monsieur [V] le 28 septembre 2014, car elle ne pouvait pas continuer à jouer avec lui. Elle précise que son employeur, l’association, était parfaitement informée de ces faits puisque Monsieur [V] était en réalité le gérant de fait de celle-ci.
L’association soutient quant à elle que Madame [F] a manifesté à plusieurs reprises sa volonté de quitter la pièce, et qu’elle ne s’est plus présentée pour assurer les représentations à compter du 29 septembre 2014, confirmant cette volonté. Elle conteste la qualité de dirigeant de fait de Monsieur [V].
Il est acquis que Madame [F] a été victime de menaces avec usage d’une arme par son ex-compagnon et co-comédien de la pièce le 28 septembre 2014, faits pour lesquels il a été reconnu coupable par jugement du tribunal correctionnel de Paris du 15 décembre 2016. Elle explique qu’il lui a foncé dessus avec son scooter pour l’effrayer. Elle n’est pas contredite dans cette version des faits et produit un certificat faisant état de 10 jours d’ITT liée au retentissement psychologique des faits.
Suite à ces faits, Madame [F] n’a toutefois pas prévenu son employeur et ne lui a pas adressé d’arrêt de travail. Elle soutient que Monsieur [V] était dirigeant de fait de l’association et que celle-ci était donc informée de la situation, mais elle ne l’établit pas. En effet, le seul fait que Monsieur [V] ait pu avoir des contacts privilégiés avec le directeur du théâtre s’explique par son rôle de metteur en scène, et ne suffit pas à démontrer qu’il prenait habituellement les décisions de gestion de l’association en toute indépendance et liberté.
Ainsi, elle n’établit pas quels seraient les manquements de l’employeur suite à ces faits qu’elle n’avait pas porté à sa connaissance.
En outre, par deux mails postérieurs aux faits des 30 septembre et 1er octobre 2014 envoyés au directeur du théâtre, elle a indiqué vouloir continuer la pièce jusqu’au 5 octobre.
Par ailleurs, il ressort des pièces produites, à savoir principalement des copies de SMS ou mails échangés avec Monsieur [V] et le directeur du théâtre, que dès avant les faits de menaces, Madame [F] a à de nombreuses reprises exprimé des doutes sur son souhait de continuer à jouer dans la pièce, envisageant de la quitter.
Les 30 septembre et 1er octobre 2014, elle a adressé deux mails au directeur du théâtre indiquant qu’elle acceptait de continuer les représentations mais qu’elle les arrêterait à compter du 5 octobre.
Si ces mails n’ont pas été adressé directement à son employeur, il constituent néanmoins l’expression d’une volonté claire et non équivoque de quitter son poste à compter du 5 octobre, qu’elle n’a d’ailleurs jamais repris à compter du 29 septembre.
L’employeur sollicite que la date de la démission soit fixée au 29 septembre, et non au 5 octobre comme décidé par les premiers juges. Toutefois, la seule absence de Madame [F] à compter du 29 septembre, dans un contexte où une altercation avait eu lieu la veille avec son co-comédien, ne suffisait pas à exprimer une volonté claire et non équivoque de démissionner.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a considéré que Madame [F] avait démissionné à compter du 5 octobre 2014, et l’a déboutée de ses demandes d’indemnités de préavis et congés payés afférents, de rupture abusive et de non respect de la procédure de licenciement.
Sur les rappels de salaire pour les répétitions et représentations
Madame [F] fait valoir que les cachets dus pour les répétitions et représentations de septembre 2014 ne lui ont pas été payés.
L’association lui oppose qu’elle aurait renoncé à être payé en tant que comédienne comme cela est souvent d’usage pour les auteurs et metteurs en scène de la pièce, puisqu’elle co-autrice, et produit des attestations de deux comédiens de la pièce en ce sens.
Toutefois, ces deux attestations sont insuffisantes à garantir l’existence d’un usage et sont contredites par l’existence du «’chèque intermittent’» versé au débat, qui détaille la rémunération de Madame [F], et par les échanges de celle-ci avec son metteur en scène.
Par ailleurs, les dates auxquelles Madame [F] soutient devoir être payée ne sont pas contestées (11, 15, 16 septembre pour les répétitions’; 19, 20, 21, 28 pour les représentations).
Ainsi, c’est par des motifs justifiés en droit et exacts en fait que le conseil de prud’hommes a condamné l’association COMPAGNIE SHAMROCK à verser à Madame [F] la somme de 600 € au titre des représentations impayées, et 147,20 € au titre des répétitions impayées.
En conséquence, le jugement sera confirmé sur ces points.
Sur la demande d’indemnité pour préjudice moral
Madame [F] sollicite la condamnation de l’association COMPAGNIE SHAMROCK à lui verser des dommages-intérêts pour préjudice moral au motif que Monsieur [V] a commis de multiples menaces et violences pendant leur vie de couple qui ont perduré pendant qu’ils ont continué de travailler ensemble.
Toutefois, la salariée n’établit pas quels seraient les manquements de l’employeur à l’origine de son préjudice, étant rappelé que celui-ci ne peut être tenu pour responsable des relations personnelles entre Madame [F] et Monsieur [V] en dehors du travail, et que les faits de menaces avec arme commis par Monsieur [V] l’ont été en dehors des heures et du lieu de travail.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Madame [F] de sa demande à ce titre.
Sur la demande d’indemnité pour absence de DUERP
En vertu de l’article R.4121-1 du code du travail, l’employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l’article L. 4121-3.
Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise ou de l’établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques.
Il appartient au salarié sollicitant des dommages-intérêts pour défaut d’établissement d’un document unique d’évaluation des risques professionnels de prouver le’préjudice’résultant de la méconnaissance de cette obligation par’l’employeur.
En l’espèce, Madame [F] ne se prévaut d’aucun préjudice, se contentant de soutenir que le défaut de respect de cette obligation cause nécessairement un préjudice au salarié.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a l’a déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné l’association aux dépens de la première instance, et y ajoutant, de condamner l’association à verser à Madame [F] la somme de 1.000 € au titre des frais de procédure.
L’association sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement du 9 juin 2020 du conseil de prud’hommes de Bobigny en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne l’association COMPAGNIE SHAMROCK aux dépens de l’appel,
Condamne l’association COMPAGNIE SHAMROCK à payer à Madame [F] la somme de 1.000 € au titre des frais de procédure,
Déboute l’association COMPAGNIE SHAMROCK de sa demande au titre des frais de procédure.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT