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N° N 21-81.308 F-D
N° 01019
SM12
15 SEPTEMBRE 2021
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 15 SEPTEMBRE 2021
Le procureur général près la cour d’appel de Nancy a formé un pourvoi contre l’arrêt de ladite cour d’appel, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 2020, qui a relaxé M. [Z] [K] du chef de blanchiment.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l’audience publique du 30 juin 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 22 janvier 2017, à la suite de l’interpellation, le 18 janvier précédent, à [Localité 5] (38), de plusieurs individus impliqués dans un trafic de cannabis entre l’Espagne et l’Allemagne, le procureur de la République a ouvert une information des chefs d’infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et importation en contrebande et en bande organisée de marchandises dangereuses pour la santé.
3. Le 30 août 2017, le service des douanes de [Localité 2] a procédé au contrôle d’un véhicule Renault Laguna conduit par M. [K], domicilié à [Localité 1], et a découvert au cours de la fouille du véhicule la somme de 18 810 euros en espèces, conditionnée en deux liasses et dissimulées dans la garniture arrière du siège passager.
4. M. [K] a déclaré exercer l’activité de vente en Espagne et au Maroc de véhicules en provenance d’Allemagne, que la somme en liquide, dissimulée dans le véhicule pour éviter les vols, devait servir à acheter un véhicule en Allemagne et provenait pour partie de son associé et pour partie de la banque, sur un compte appartenant à son cousin.
5. Au cours des investigations diligentées dans le cadre de l’information susvisée, les enquêteurs ont intercepté une conversation téléphonique, sur l’une des lignes placées sous surveillance au cours de laquelle il a été fait allusion au contrôle subi par le demandeur.
6. A l’issue de l’information, M. [K] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir, à [Localité 4], et sur l’étendue du territoire national ainsi qu’entre [Localité 1] et [Localité 3], du 1er août 2017 au 31 août 2017, d’une part, apporté son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit, en l’espèce en transportant 18 110 euros en espèces cachés dans le siège d’un véhicule qu’il conduisait, sans apporter aucun justificatif sur l’origine des fonds, d’autre part, sans déclaration préalable auprès de l’administration des douanes, transféré vers un Etat membre de l’Union européenne des sommes, titres ou valeurs d’un montant d’au moins 10 000 euros sans l’intermédiaire d’un établissement de crédit, d’un établissement de monnaie électronique, d’un établissement de paiement ou service habilité à effectuer des opérations de banque.
7. Par jugement en date du 2 juillet 2020, le tribunal, après avoir relaxé M. [K] du chef de blanchiment, l’a déclaré coupable du chef de transfert de fonds sans déclaration et l’a condamné à une amende douanière de 9 055 euros.
8. Le procureur de la République a interjeté appel des dispositions de relaxe.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Le moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen est pris de la violation des articles 324-1, 324-1-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale.
10. Il critique l’arrêt en ce qu’il a renvoyé des fins de la poursuite M. [K] alors que selon l’article 324-1-1 du code pénal, « pour l’application de l’article 324-1, les biens ou les revenus sont présumés être le produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l’opération de placement, de dissimulation, ou de conversion ne peuvent avoir d’autre justification que de dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus » sans que ce texte fasse obligation au ministère public de rapporter la preuve de l’origine frauduleuse de la somme découverte.
Réponse de la Cour
Vu les articles 324-1 et 324-1-1 du code de procédure pénale :
11. Selon le second de ces textes, pour l’application du premier, les fonds sont présumés être le produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l’opération de placement, dissimulation ou de conversion, ne peuvent avoir d’autre justification que de dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus.
12. Pour relaxer le prévenu du chef de blanchiment, l’arrêt attaqué relève que renvoyé devant le tribunal correctionnel pour blanchiment et défaut de déclaration préalable auprès de l’administration douanière d’une somme supérieure à 10 000 euros, il a reconnu cette dernière infraction pour laquelle il a été déclaré définitivement coupable par le tribunal correctionnel et condamné à une amende douanière de 9 055 euros.
13. Les juges ajoutent que le ministère public limite son appel à la relaxe prononcée du chef de blanchiment mais que les investigations diligentées sur les communications téléphoniques n’ont pas permis d’établir que la somme découverte dans le véhicule du prévenu provenait d’un trafic de stupéfiants.
14. Ils relèvent que contrairement à ce que soutient le ministère public, au demeurant non suivi sur ce point par l’administration des douanes, aucun élément matériel autre que la détention de cette somme ne fait présumer une origine délictuelle alors que la prévention ne vise aucune autre infraction que le trafic de stupéfiants initialement reproché au prévenu.
15. La cour d’appel énonce qu’il ressort de la communication téléphonique interceptée le jour du contrôle douanier entre le prévenu et son épouse, que le premier déplorait la confiscation de cette somme transportée par les douanes et se plaignait d’avoir été suspecté par ce service en précisant qu’il allait leur fournir un papier de la banque pour justifier de la détention régulière de ladite somme.
16. Elle conclut que c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu’il n’était pas démontré que le transport de la somme en numéraires de 18 110 euros avait pour but de dissimuler l’origine frauduleuse de celle-ci.
17. En prononçant ainsi, alors qu’il lui appartenait de rechercher si les conditions matérielles de l’opération de dissimulation de la somme en possession de laquelle le prévenu a été trouvé ne pouvaient avoir d’autre justification que de dissimuler son origine illicite et permettaient donc de présumer, en l’absence de preuve contraire apportée par l’intéressé, que ces fonds étaient le produit direct ou indirect d’un délit, la cour d’appel, qui n’avait pas à identifier ou caractériser le délit d’origine, a violé les dispositions susvisées.
18. Il s’ensuit que la cassation est encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Nancy, en date du 15 décembre 2020 mais en ses seules dispositions concernant M. [K], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze septembre deux mille vingt et un.