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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRET DU 09 JUIN 2022
(n° , 12 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08848 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAPPU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juillet 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 17/08866
APPELANT
Monsieur [A] [K]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Marie-thérèse LECLERC DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN282
INTIMEE
SA ORANGE prise en la personne de son représentant légal en exercice.
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Alexandre BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : J036
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, et Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats, entendus en leur rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,
Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,
Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller.
Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN
ARRET :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROC”DURE ET PR”TENTIONS DES PARTIES
Selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er janvier 1998, M. [A] [K] a été engagé en qualité de’directeur du contrôle de gestion par la société Orange, anciennement la société France Telecom, au statut cadre, avec reprise de son ancienneté depuis le 11 mai 1992.
Il a ensuite évolué au poste de directeur financier.
Les relations contractuelles ont été soumises à la convention collective des télécommunications.
Le salarié a fait l’objet d’une promotion en septembre 2007 ‘en bande G’, cadre dirigeant.
M. [K] a eu l’occasion d’exercer les fonctions de directeur financier pour le groupe Orange dans plusieurs pays : la République Dominicaine, la Roumanie, la Côte d’Ivoire, l’Ouganda ainsi que la Guinée, dans le cadre de missions d’expatriation.
Lors de sa dernière mission d’expatriation en Guinée, M. [K] a bénéficié d’une rémunération nette annuelle garantie de 156 904,13 euros, soit 13 075,34 euros nets mensuels.
Du 1er janvier 2017 au 5 janvier 2018, M. [K] a bénéficié d’un aménagement de son temps de travail (télétravail), puis d’une période de dispense totale d’activité rémunérée depuis le 6 janvier 2018 jusqu’au 31 décembre 2020, dans le cadre du dispositif du temps partiel séniors.
M. [K] a quitté les effectifs de la société Orange pour prendre sa retraite le 31 décembre 2020.
Invoquant une discrimination en raison de son apparence physique ainsi que la violation par la société Orange du principe ‘à travail égal, salaire égal’, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 30 octobre 2017 aux fins d’obtenir la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement en date du 22 juillet 2019, le conseil de prud’hommes a’débouté M. [K] de l’ensemble de ses demandes, a débouté la société Orange de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile’et a condamné M. [K] au paiement des entiers dépens.
Le 2 août 2019, M. [K] a interjeté appel de ce jugement.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 1er février 2022, M. [K] demande à la cour de’le recevoir en son appel et l’y déclarant bien fondé, d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions’et statuant à nouveau, de :
– juger qu’il a été victime de discrimination en raison de son apparence physique par la société Orange’;
– juger que le principe ‘à travail égal, salaire égal’ a été violé’;
En conséquence,
– condamner la société Orange à lui payer les sommes suivantes’:
157.248 euros (net de charges sociales et d’impôts) à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier subi et qu’il continue de subir du fait de n’avoir pas pu occuper des postes mieux rémunérés’;
20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de la discrimination à son encontre’;
6.500 euros (net de charges sociales et d’impôts) au titre de la prime Ébola’;
27.000 euros (net de charges sociales et d’impôts) au titre du solde du montant lui restant dû au titre de ses parts variables du S1 et S2 2016′;
43.600 euros (net de charges sociales et d’impôts) au titre du solde de la prime spéciale de fin d’expatriation lui restant due’;
– le recevoir dans sa demande de publication du jugement dans deux publications de son choix dans la limite de 4.000 euros hors taxes par insertion et ce dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard’;
– condamner la société Orange à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ,
– condamner la société Orange en tous les frais et dépens de justice.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 21 février 2022, la société Orange demande à la cour de’:
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [K] de l’ensemble de ses demandes’;
En conséquence,
– débouter M. [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions’;
– condamner M. [K] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
L’instruction a été déclarée close le’23 février 2022.
MOTIFS
Sur la discrimination
M. [K] soutient qu’il a fait l’objet de discrimination de la part de son employeur en raison de son apparence physique. Il expose en substance qu’à compter d’août 2007 il a fait part de son souhait d’évolution de carrière, mais qu’il a été écarté de postes auxquels il pouvait prétendre uniquement en raison de son physique (surpoids), comme évoqué de façon réitérée par ses responsables.
La société Orange conteste toute discrimination de M. [K] dans l’évolution de sa carrière et fait valoir au contraire qu’il n’a cessé de voir sa rémunération annuelle de base augmenter, qu’il a bénéficié d’une promotion avant l’âge moyen des collaborateurs ‘en bande G’, qu’il a eu l’occasion de participer à plusieurs événements au sein de la société. Elle ajoute qu’elle lui a fait plusieurs propositions de postes et qu’il a bénéficié de plusieurs promotions.
L’article L.1132-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation en raison de son apparence physique.
L’article L.1134-1 du code du travail dispose encore que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Sur l’existence d’une discrimination en raison de l’apparence physique
A titre liminaire, le salarié soutient que ses supérieurs eux mêmes lui ont indiqué que compte tenu de son obésité et en dépit de la qualité reconnue du travail accompli, il ne pourrait pas prétendre aux postes auxquels il aspirait, ne pouvant pas être représentatif, avec cette corpulence, du groupe Orange vis-à-vis de tiers comme des organismes gouvernementaux ou lors de réceptions.
Toutefois, M. [K] ne produit pas de pièces attestant de la tenue de ces propos.
Il renvoie aux attestations produites par la société dans lesquelles M. [V] directeur financier de la zone AMEA en 2012 a indiqué que ‘la crise ivoirienne et les conditions d’évacuations rencontrées nous ont amenés à prendre logiquement conscience des difficultés pratiques que son surpoids pouvait entrainer en cas d’évacuation à réaliser d’urgence, [Z] [P] était particulièrement inquiet sur le sujet et j’en ai fait part à Monsieur [K] sans que celui-ci ne s’en offusque à l’époque’ et M. [J] son successeur, contestant les propos qui lui ont été attribués par le salarié, a précisé qu’ils étaient ‘un non-sens par rapport au soutien moral que j’ai apporté à Monsieur [K] lorsqu’il me confiait souffrir de son surpoids dans le cadre de son activité professionnelle et de sa vie personnelle’.
Si dans ces deux témoignages, il est fait effectivement état du surpoids de M. [K], il n’en résulte pas pour autant un lien avec une absence d’évolution de carrière. Par ailleurs, les personnes auxquelles le salarié s’est confié et qui ont témoigné en sa faveur n’ont pas assisté aux conversations susvisées et ne peuvent donc attester de leur contenu.
Ainsi, les seules affirmations du salarié sur les propos que lui aurait tenus la direction de l’entreprise sont insuffisantes à en établir la réalité.
Sur la discrimination alléguée, M. [K] fait valoir les faits suivants : l’absence de retour de la société Orange sur ses demandes de postulation pour différents postes, l’absence de proposition de poste de direction générale sur des filiales de la Zone Afrique Moyen Orient (AMEA), l’absence de renouvellement de sa mission en Côte d’Ivoire, à l’inverse de ses collègues, l’absence de repositionnement sur une mission pendant quelques mois, son repositionnement sur une mission inadaptée et sans perspective (Ouganda), son évincement de la liste de présélection pour le poste de directeur financier de Mauritius Telecom et son repositionnement sur une mission dangereuse (Guinée Conakry).
Sur la postulation sur 9 postes sans retour, il cite ‘Orange Caraïbes, Réunion, Russie, Moldavie, OBS Asie, Massy…)’ mais ne justifie pas de candidatures ou de dossiers adressés, de leur date, ou des entités concernées, les quelques SMS versés aux débats étant insuffisants à établir ce fait. En outre, la société Orange, par une traduction libre d’une pièce versée en anglais par le salarié, justifie que la société Orange Moldavie a répondu à sa candidature sans la retenir.
Sur l’absence de proposition de poste de direction générale sur des filiales de la zone Afrique Moyen Orient, il n’est produit aucune offre de poste en ce sens et la société Orange ne conteste pas l’absence d’une telle proposition au salarié, notamment depuis le courrier du 27 août 2007 dans lequel M. [K] indiquait qu’il souhaitait continuer comme directeur financier ou ‘prendre un challenge comme directeur général d’une entité en start up ou de taille moyenne dans un pays émergent’. M. [K] produit également un échange de sms d’août 2015 avec le directeur de la zone Afrique WEA (M. [D]) évoquant le poste de directeur général adjoint à Orange Mali, l’acceptation du salarié étant qualifiée d’excellente nouvelle, pour lequel il ne sera finalement pas retenu. Ce fait est établi.
Sur l’absence de renouvellement de sa mission en Côte d’Ivoire contrairement à ses collègues, il ressort de l’avenant d’expatriation du 4 mai 2010 son affectation pour une durée de trois ans à compter de juin 2010 avec possibilité d’une prolongation d’un an et en l’occurrence, le salarié a bénéficié d’une telle mesure pour une durée de trois mois. Le salarié ne justifiant pas en outre d’une demande de prolongation supérieure, ce fait ne peut être retenu.
Sur son absence de repositionnement sur une mission pendant quelques mois, il n’est pas contesté qu’à son retour de Côte d’Ivoire en septembre 2013, il est resté quelques mois au sein du siège à Paris.
Sur son repositionnement sur une ‘mission inadaptée’ pour Orange Ouganda, le salarié ne précise pas la nature de l’inadaptation alléguée et aux termes de ses conclusions, il indiquait qu’il s’agissait certes d’un dossier difficile (vente de la filiale) mais qu’il avait mené à terme et pour lequel il avait été félicité, s’agissant d’un enjeu important pour Orange.
Sur son évincement de la liste de présélection pour le poste de directeur financier de Mauritius Telecom ouvert le 23 janvier 2015, il ressort des pièces produites que M. [K] qui faisait partie des trois derniers candidats sélectionnés pour le poste n’a pas été retenu au profit de M. [T] et a été concomitamment affecté au poste de directeur financier sur Orange Guinée auquel il n’avait pas postulé.
Enfin, s’agissant de l’allégation selon laquelle il a été repositionné sur ‘une mission dangereuse’ en Guinée Conakry, outre le fait qu’il a accepté cette mission et qu’aucune demande n’est formulée pour violation de l’employeur à son obligation de sécurité, la société justifie des discussions engagées avec M. [K] sur son établissement sur place avec diverses mesures de sécurité en lien avec M. [G] officier sécurité, étant également relevé qu’il a été déclaré apte par la médecine du travail le 16 juin 2015 sans aucune réserve à son expatriation en Guinée et que ce n’est qu’en septembre 2016 que le médecin du travail a mentionné une aptitude mais avec une contre indication aux déplacements à l’international.
En synthèse, il est établi que le salarié ne s’est pas vu proposer par son employeur de poste de direction générale sur des filiales de la zone Afrique Moyen Orient, qu’il est resté quelques mois sans mission à Paris puis qu’il n’a pas été retenu pour le poste de directeur financier de Mauritius Telecom auquel il avait postulé, ni sur le poste envisagé de directeur général adjoint au Mali.
Le salarié présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte en raison de son apparence physique, étant relevé que le critère discriminant allégué tenant au surpoids de l’intéressé n’est pas contesté et avait même, comme précédemment indiqué, fait l’objet de discussions avec ses supérieurs.
Il incombe donc à la société Orange de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Sur l’absence de repositionnement sur une mission pendant quelques mois à son retour d’expatriation de Côte d’Ivoire, la société fait valoir, à juste titre, qu’à l’instar de tout salarié de retour d’expatriation, M. [K] a réintégré son entité de rattachement au sein de la Direction Financière de la Division Moyen Orient et Afrique du Groupe Orange et qu’en outre il a été placé dès son retour sur la préparation d’une mission stratégique auprès de la filiale Orange Ouganda et a été missionné au sein de la filiale dès le 1er février 2014.
Sur l’absence de proposition de poste de Direction Générale au sein des filiales de la zone Afrique Moyen-Orient, la société fait valoir que M. [K] ne produit aucun élément permettant d’établir une candidature à des postes de Direction Générale au sein de filiales du groupe Orange.
Toutefois, les SMS versés par le salarié et précédemment examinés, établissent des échanges sur un projet d’affectation sur le poste de Directeur Général adjoint au sein d’Orange Mali qui finalement n’a pas abouti, en raison d’un ‘dispositif différent de ce qui était prévu’ (SMS de M. [D] du 19 avril 2016) et si la société fait valoir qu’elle a ‘sélectionné de sa propre initiative M. [K] parmi les candidats potentiels’ à ce poste, force est de constater qu’elle ne produit aucune pièce justifiant de son choix porté finalement sur M. [B], ni des critères objectifs devant être remplis par les candidats.
Sur le poste de directeur financier d’Orange Mauritius, la société soutient que la candidature de M. [K] n’a finalement pas été retenue au regard de critères objectifs et produit l’attestation de Mme [N], directrice de la diversité groupe qui indique que le salarié a fait partie d’un processus de sélection classique avec sept candidatures, dont la sienne en bonne et due forme, puis qu’il a été retenu dans une ‘short list’ de trois candidats et n’a pas été in fine sélectionné sur des critères purement professionnels qui étaient ‘l’expérience managériale, la conduite du changement, la vision stratégique, la capacité à travailler en transverse, l’expérience internationale’.
La société produit également la grille d’entretien pour le poste mentionnant notamment les principales compétences attendues et le compte-rendu des entretiens menés avec les candidats précisant in fine la proposition de trois noms dont celui de M. [K].
Pour expliquer que le choix se soit porté sur M. [T], la société indique qu’il a été relevé comme ‘point de vigilance’ concernant M. [K] une ‘approche managériale paternaliste des relations avec ses équipes. A pu avoir des difficultés avec ses pairs dans des postes précédents. La qualité du binôme avec le manager opérationnel est donc à vérifier pour cette candidature’.
Or, outre le fait que la société ne justifie pas sur quels éléments elle a fondé cette appréciation, force est de constater que M. [T] présentait également un point de vigilance en ce que le poste proposé constituait un ‘élargissement significatif’ et qu’il fallait ‘voir pour l’accompagner + suivi, en particulier en passage de relais avec [L] [S]’.
Par ailleurs, il ressort de la fiche de candidature pour le poste de directeur financier Mauritius Telecom ouvert le 23 janvier 2015 (dans sa traduction libre en français non contestée) produite par le salarié qu’au titre des ‘qualification et expérience obligatoires’ demandées le candidat devait avoir ‘une première expérience comme directeur financier, au sein d’un environnement international’.
Or, il ressort du curriculum vitae de M. [T] qu’au moment du processus de candidature, il était responsable de contrôle de gestion pour Orange Maroc avec une équipe de 20 collaborateurs et avait donc un périmètre d’activité ne couvrant qu’une partie de la fonction financière du poste. La société, elle même, indique dans ses conclusions que si ‘M. [T] ne possède pas une première expérience de Directeur Financier, il a été néanmoins relevé que celui-ci justifiait « d’une expérience éprouvée à l’international en AMEA, y compris dans des environnements minoritaires (Maroc) ». Elle ajoute qu’il avait toutefois été directeur financier en France antérieurement, au sein de la société Wanadoo, en affirmant, mais sans en justifier, que dans l’exercice de ces fonctions, il avait été amené à intervenir auprès des différents représentants des entités de son employeur des différents pays.
Ainsi, il en découle que contrairement à l’exigence mentionnée dans l’offre de poste, la société Orange ne justifie pas que le candidat retenu avait déjà ‘une première expérience comme directeur financier, au sein d’un environnement international’.
Il est en revanche établi que M. [K] exerçait depuis plusieurs années au sein du groupe Orange les fonctions de directeur financier dans un environnement international puisqu’ayant effectué des missions dans différents pays, comme relevé d’ailleurs dans la synthèse des entretiens qui indiquait le concernant ‘expérience à l’international éprouvée, en Europe et pays AMEA. A démontré ses qualités d’adaptation et de délivery dans des environnements très différents. Très très motivé par le poste, s’est beaucoup documenté sur la filiale’.
De même, alors que la société fait valoir que le poste de directeur financier proposé au recrutement nécessitait de superviser 130 personnes, M. [K] indique, sans être contredit, avoir managé en Roumanie (2005-2007) 300 collaborateurs, en Côte d’Ivoire (2010-2013) 80 collaborateurs, tandis qu’il ressort du CV de M. [T] susvisé que dans son dernier poste, il ne supervisait que vingt contrôleurs.
Il ressort ainsi de ces éléments que sur deux postes ouverts aux recrutements, la société Orange ne justifie pas par des raisons objectives de son choix porté sur un autre candidat que M. [K], alors que celui-ci présentait une grande ancienneté au sein du groupe, avec une solide expérience à l’international avec management d’équipes.
La discrimination du salarié en raison de son apparence physique est dès lors établie.
Sur les demandes pécuniaires
M. [K] fait valoir que du fait de la discrimination subie, il n’a pu occuper des postes mieux rémunérés et il produit pour justifier de sa demande à hauteur de 157 248 euros une pièce 63 ‘détail des hypothèses’ qui mentionne un ‘écart sur Bonus non attribué totalement’ et ‘un écart non attribué sur cotisation plan retraite’ calculés sur une base de 64 mois à partir de moyenne et estimation. Il sollicite également la somme de 20.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi.
Il ressort des éléments qui précèdent que M. [K] a été victime au sein de la société Orange de discrimination à la fin de sa carrière du fait de son apparence physique et que, comme il le soutient, il n’a pu accéder à des postes d’un niveau supérieur à celui qu’il occupait, ce qui lui a causé un préjudice tant sur le plan financier que moral. Ce préjudice global au vu des éléments du dossier sera évalué à la somme de 50 000 euros.
Sur le versement de la prime Ebola
L’avenant d’expatriation de M. [K] à Conakry en Guinée du 2 juillet 2015 prévoyait à son annexe 3 une prime de responsabilité supplémentaire de 5 % du salaire annuel brut de référence à partir du 1er février 2016, soit 6.360 euros, à condition que l’OMS n’ait pas annoncé officiellement la fin de l’épidémie Ebola à la date du 15 janvier 2016.
M. [K] sollicite le versement de cette prime supplémentaire ‘Ebola’ pour un montant de 6.500 euros (net de charges sociales et impôts) en soutenant que l’OMS a publié le 29 décembre 2015 un communiqué de presse indiquant la fin de la transmission de la maladie en Guinée et non la fin de l’épidémie et précisant que la Guinée entrait dans une période de surveillance renforcée de 90 jours.
La société Orange considère au contraire que cette prime n’est pas due et se réfère au même communiqué de presse.
Par communiqué de presse du 29 décembre 2015, l’OMS a déclaré le même jour ‘la fin de la transmission de la maladie à virus Ebola en République de Guinée’. L’organisation a ajouté que 42 jours s’étaient écoulés depuis que le dernier cas confirmé avait donné un deuxième test négatif et a félicité le gouvernement et le peuple guinéens pour être parvenus à arrêter l’épidémie de maladie à virus Ebola dans leur pays.
Ainsi, à la date du 15 janvier 2016 visée au contrat, l’OMS avait expressément mentionné l’arrêt de l’épidémie, peu important, d’une part, qu’une période de surveillance renforcée de 90 jours ait été décidée et, d’autre part, que de nouveaux cas aient été identifiés en mars 2016.
Par conséquent, c’est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande d’augmentation du pourcentage de la prime de responsabilité dont les conditions n’étaient pas réunies.
Sur la prime spéciale de fin d’expatriation
L’avenant précité d’expatriation prévoyait également à son annexe 3 une prime spéciale de fin d’expatriation selon les modalités suivantes : ‘prime versée le dernier mois de l’expatriation du salarié à hauteur de huit salaires bruts mensuels de référence. Cette prime sera versée hors primes additionnelles liées à la mobilité internationale. La somme correspondant à cette prime sera calculée brute et soumise aux charges sociales et fiscales et retraitée en vertu de la législation applicable de dernier mois de l’expatriation du salarié. In fine cette somme sera versée nette de charges sociales et fiscales’.
M. [K] sollicite le versement du solde de cette prime lui restant due, soit 43.600 euros (net de charges sociales et d’impôts), en indiquant n’avoir perçu que quatre mois de prime, soit près de 44.000 euros.
La société conteste devoir une somme à ce titre et expose que selon le souhait du salarié, sa présence opérationnelle au sein de Conakry a été interrompue de manière anticipée dès le mois de juin 2016 et que malgré le retour anticipé de M. [K], il a été décidé de ne pas annuler le versement de cette prime mais de la proratiser à la durée réelle de son statut d’expatrié en Guinée.
Si l’avenant d’expatriation du 2 juillet 2015 mentionnait une durée d’affectation à compter du 1er août 2015 pour une durée de trois ans et s’il était prévu aux articles 4 et 5 les conséquences d’une rupture anticipée du fait de l’employeur ou du salarié s’agissant en particulier de l’exécution d’un préavis de trois mois, aucune disposition ne fait état d’un prorata de cette prime en fonction de la durée réelle d’expatriation.
La cour relève d’ailleurs que la société elle même indique que malgré son retour anticipé en juin 2016, son statut administratif d’expatrié a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2016 inclus.
Par conséquent, M. [K] est bien fondé à obtenir le paiement de l’intégralité de la prime prévue au contrat, soit un solde restant dû de 43.600 euros bruts, les quatre premiers mois versés par la société figurant pour la somme brute de 43 671 euros sur la fiche de paie de décembre 2016.
Sur le versement de la part variable
M. [K] fait valoir qu’il lui reste dû au titre de ses parts variables sur les deux semestres de l’année 2016, la somme de 27.000 euros (net de charges sociales et d’impôts). Il fait valoir, d’une part, qu’il n’a eu aucun entretien d’évaluation pour échanger sur les résultats de son travail du 2ème semestre 2016 et qu’il a obtenu une notation de 90% sur sa contribution individuelle alors qu’il n’avait jamais obtenu une note inférieure à 100% et, d’autre part, qu’il a eu une indexation de ses parts variables de 30%, soit inférieure à celle dont bénéficient les directeurs généraux qui est entre 50 et 60%, alors qu’il a occupé d’octobre 2015 à décembre 2016 une position de Directeur Général de la filiale EME d’Orange Guinée.
La société rétorque que l’appréciation portée sur la contribution individuelle de M. [K] ainsi que sur celle de l’ensemble des collaborateurs d’Orange MEA a été menée, comme chaque année, en application de la politique d’Orange MEA, en cohérence avec la déclinaison de la politique du variable Groupe, et après une réunion d’arbitrage du comité de direction. Elle ajoute que M. [K] ne saurait valablement soutenir avoir exercé les fonctions d’un directeur général de filiale alors même qu’en tant que directeur général d’un établissement de monnaie électronique (EME), celui-ci était rattaché hiérarchiquement et fonctionnellement au directeur général de la filiale Orange Guinée et que dès lors il ne peut prétendre à la même indexation de ses parts variables que les directeurs de filiale.
Lorsque le salarié a droit au paiement d’une rémunération variable reposant sur l’atteinte d’objectifs, il appartient à l’employeur de fixer les objectifs servant au calcul de la rémunération variable. Par ailleurs, lorsque les modalités de calcul sont déterminées par l’employeur, le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération variable a été effectué conformément aux modalités prévues, et il appartient à l’employeur de justifier des éléments permettant de déterminer si les objectifs fixés au salarié pour les années de référence ont été atteints. A défaut, il incombe au juge de fixer le montant de la rémunération en fonction des critères convenus entre les parties et des éléments de la cause.
L’avenant d’expatriation du 2 juillet 2015 prévoyait le versement d’une part variable comme suit:
‘vous bénéficierez annuellement d’une part variable, attribuée en brut, et qui prendra en compte votre contribution à la réalisation des objectifs qui vous auront été fixés et des résultats liés à l’exécution de votre mission, et dont le maximum à objectifs dépassés pourra atteindre 36% de votre salaire annuel brut de référence augmenté du différentiel de responsabilité tel que visé à l’article 7″.
La société produit des documents généraux relatifs à la rémunération de son personnel, tels que la ‘Politique de rémunération 2016 ‘ Part variable’ et ‘Evolution de l’évaluation individuelle’
dont il ressort notamment que le montant de la part variable s’apprécie au regard de trois composantes distinctes qui s’additionnent entre elles, soit la part collective relative à la performance du périmètre d’appartenance (20%), la part individuelle relative à la performance individuelle du salarié et sa contribution au succès de son entité (60%) et la part ‘Groupe’ qui traduit la réussite du groupe dans la culture du progrès (20%).
Toutefois, s’agissant de la contribution individuelle de M. [K], la société ne justifie ni de la fixation de ses objectifs pour le second semestre 2016, ni de l’évaluation de leurs atteintes.
En effet, elle se borne à renvoyer à la pièce 12 de l’appelant, à savoir la lettre du 1er mars 2017 ayant pour objet ‘part variable 2ème semestre 2016″ qui mentionne le montant de la part variable octroyée soit 15 140 euros brut (contre 16 986 euros pour S1), comprenant notamment 8 902 au titre ‘de l’appréciation portée’ sur sa contribution individuelle se traduisant par un taux de paiement de 90%, sans plus de précision. De même, après que le salarié ait contesté par courrier du 25 avril 2017 ce chiffre, la société le 19 mai 2017 s’est contenté de lui indiquer que l’appréciation portée sur sa contribution résultait d’une ‘démarche basée sur un principe d’équité entre salariés et finalisée à l’issue d’une réunion d’arbitrage du comité de direction d’Orange MEA’.
Le salarié quant à lui affirme, sans être contredit par une quelconque pièce, que ses objectifs étaient ‘d’assurer en août 2016, une transmission des dossiers en Guinée, ce qu’il a fait sur le mois d’août en retournant en Guinée Conakry et d’effectuer comme mission un benchmark sur des pays de la zone, ce qu’il a réalisé ainsi que d’autres taches qu’on lui a confiées ensuite’.
Par conséquent, faute pour la société de justifier de la fixation à 90% de la contribution individuelle de M. [K], il sera retenu le même pourcentage que le semestre précédent, soit 110%.
S’agissant de l’indexation de la part variable, il ressort en premier lieu des écritures des parties comme du courrier en réponse de la société du 19 mai 2017 susvisé que l’existence même d’une indexation entre 50 et 60% pour les directeurs de filiale est établie.
Pour refuser ce bénéfice au salarié, M. [M], président directeur général d’Orange MEA, dans son courrier de réponse adressé à M. [K], le 19 mai 2017, lui a indiqué que si durant ses fonctions de directeur général de l’EME d’Orange Guinée, cette partie de son activité avait été appréciée de sa hiérarchie, ces fonctions ne pouvaient toutefois être comparées à celles de directeur général d’une filiale comme Orange Côte d’Ivoire ou comme Orange Guinée et être appréciées selon les mêmes critères d’évaluation.
Au soutien de son argumentation, la société produit :
– la fiche de poste du directeur général de filiale de Pays d’Afrique centrale ou d’Afrique de l’ouest au terme de laquelle ce dernier a pour missions principales notamment de définir la stratégie de l’entreprise, en déclinaison de la stratégie du Groupe, la faire approuver par le conseil d’administration et la mettre en place ; d’être le garant de la marque Orange ; de piloter la performance globale de l’entreprise : financière, opérationnelle (satisfaction clients, indicateurs de performance commerciale, time-to-market’) et RH (GPEC, engagement salariés, …) en étant le garant d’une croissance durable et rentable (…),
– un descriptif des missions confiées à un directeur général d’établissement de monnaie électronique, rattaché au directeur général d’Orange Money, consistant principalement à être le garant des risques pris par l’Etablissement de Monnaie Electronique ; définir les stratégies financières de placements ; veiller à la performance des équipes et mettre en place les changements nécessaires en collaboration avec les actionnaires ; participer au développement de l’Etablissement de Monnaie Electronique.
Toutefois, il ressort du procès verbal des délibérations de la première réunion du conseil d’administration de la société anonyme ‘Orange Finances Mobiles Guinée’ du 22 octobre 2015 que ‘l’établissement de monnaie électronique’ évoqué par l’employeur revêt la forme d’une société anonyme dotée de la personnalité juridique et que les pouvoirs donnés à M. [K] en tant que directeur général étaient ‘les plus étendus’ et qu’il devait également assurer, sous sa responsabilité, la gestion des affaires sociales.
Si la société rétorque sur ce point que c’est dans le cadre de la procédure d’agrément avec la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest, que ‘l’Etablissement de monnaie électronique’ est devenu une entité indépendante conformément à la législation en vigueur, conservant un objet social spécifique tenant notamment à l’émission, la distribution et la gestion de moyens de paiement sous forme de monnaie électronique, soumis au contrôle de la société d’Orange Guinée, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit bien d’une filiale du groupe, ayant comme toute société un objet social défini et que M. [K] a exercé en son sein les fonctions de directeur général.
Il découle de ces observations que la demande de M. [K] de bénéficier pour sa part variable de l’indexation attribuée aux directeurs généraux est bien fondée.
Au vu de ces éléments et compte tenu de l’indexation d’ores et déjà prise en compte de 30% et de la prime de 1 000 euros versée à la suite de la réclamation du salarié, il lui sera allouée un reliquat de 11 209 euros bruts au titre de la prime variable sur les deux semestres 2016, la somme de 27 000 euros réclamée n’étant pas explicitée dans son calcul.
La demande de publication judiciaire
Il ressort des développements qui précèdent que les préjudices subis par M. [K] ont été indemnisés, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner, en sus, la publication de la décision.
Sur les demandes accessoires
L’employeur, qui succombe, doit supporter les dépens d’appel.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l’intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera donc alloué la somme de 3 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de M. [K] au titre de la prime Ébola’et de la publication du jugement ‘;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
DIT que M. [K] a été victime de discrimination en raison de son apparence physique par la société Orange’;
CONDAMNE la société Orange à payer à M. [K] les sommes suivantes’:
50 000 euros nets à titre de dommages et intérêts du fait de la discrimination subie,
11.209 euros bruts au titre du solde de sa rémunération variable 2016,
43.600 euros bruts au titre du solde de la prime spéciale de fin d’expatriation,
3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Orange aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE