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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRET DU 28 JUIN 2023
(n° 125 , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04930 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDJGQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2020 – Tribunal de Commerce de NANCY – RG n° 2017010124
APPELANTE
Madame [O] [I] exerçant son activité de commerçante sous l’enseigne Dalia’s Confiserie, née le 06 mars 1943 à [Localité 1] (TUNISIE)
immatriculée au RCS de de TUNIS sous le numéro A14071995
[Adresse 2]
[Localité 1] (TUNISIE)
représentée par Me Sandra OHANA-ZERHAT, avocat au barreau de Paris, toque C 1050
et Me Igall Marciano, avocat au barreau de Paris, toque : B 1170
INTIMEE
S.N.C. LIDL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro 343 262 622
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Sandra OHANA-ZERHAT, avocat au barreau de Paris, toque C1050
assistée de Me Myriam OUABDESSELAM, avocat au barreau de PARIS, toque : K0030
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Julien Richaud, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4
Madame Sophie Depelley, conseillère
Monsieur Julien Richaud, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Saoussen Hakiri
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Madame Marie-Laure Dallery, présidente de chambre et par Monsieur Martinez, greffier, présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCEDURE
Madame [O] [I], commerçante, exerce en Tunisie, sous le nom commercial Dalia’s une activité de fabrication et commercialisation de pâtisseries orientales, fruits secs et dattes à [Localité 1].
La SNC Lidl a pour activité principale l’exploitation en France des magasins à l’enseigne de grande distribution d’origine allemande Lidl.
Entre 2012 et 2015, la SNC Lidl a passé plusieurs commandes à madame [O] [I] de produits destinés à être présentés dans son catalogue “Premium”, chaque commande, soumise aux conditions d’achat, à l’annexe assurance qualité et aux conditions générales d’achat de la SNC Lidl, étant précédée d’une consultation destinée à garantir la capacité de la seconde à livrer les produits.
Dénonçant une rupture brutale de leurs relations commerciales établies par la SNC Lidl caractérisée par l’arrêt des commandes à compter de l’année 2016 et la mauvaise foi de cette dernière dans l’organisation d’un audit de contrôle, madame [O] [I] a, par acte d’huissier signifié le 8 août 2017, assigné la SNC Lidl devant le tribunal de commerce de Nancy en réparation de ses préjudices.
Par jugement du 21 septembre 2020, le tribunal de commerce de Nancy a statué en ces termes :
“Constate que Mme [O] [I] ne formule aucune prétention,
Déclare en conséquence n’y avoir lieu à statuer,
Condamne Mme [O] [I] à payer à la SNC LIDL la somme de 5 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile”.
Par déclaration reçue au greffe le 13 mars 2021, madame [O] [I] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 août 2021, madame [O] [I] demande à la cour, au visa de l’article L 442-6 I 5° du code de commerce :
– d’infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nancy du 21 septembre 2020 en ce qu’il a :
* constaté que madame [O] [I] ne formulait aucune prétention ;
* déclaré en conséquence n’y avoir lieu à statuer ;
* condamné madame [O] [I] aux dépens de l’instance ;
condamné madame [O] [I] à payer à la SNC Lidl la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– et statuant à nouveau, de juger que la SNC Lidl s’est rendue coupable d’une rupture brutale de relation commerciale établie au détriment de madame [O] [I] exerçant sous le nom commercial Dalia’s ;
– de débouter la SNC Lidl de l’ensemble de ses demandes ;
– en conséquence, de :
* condamner la SNC Lidl à verser à madame [O] [I] la somme de 580 523,40 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
* condamner la SNC Lidl à payer à madame [O] [I] une somme de 10 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
* condamner la SNC Lidl aux entiers dépens de l’instance.
En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 4 novembre 2021, la SNC Lidl demande à la cour, au visa des articles 48, 4, 5 et 16 du code de procédure civile, L 442-6 I 5° du code de commerce (ancien) et 1103 et 1104 du code civil, de :
– à titre principal, confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nancy du 21 septembre 2021 ;
– à titre subsidiaire, en cas d’infirmation du jugement :
* juger que le droit français et l’ancien article L 442-6 I 5° du code de commerce ne sont pas applicables au litige, lequel est régi par le droit allemand ;
* en conséquence, débouter madame [O] [I], exerçant son activité commerciale sous la dénomination Dalia’s, de toutes ses demandes ;
– à défaut, juger que la SNC Lidl n’a pas engagé sa responsabilité pour rupture brutale de relations commerciales établies envers madame [O] [I] exerçant son activité commerciale sous la dénomination Dalia’s ;
– en conséquence, débouter madame [O] [I] exerçant son activité commerciale sous la dénomination Dalia’s de toutes ses demandes ;
– à défaut, juger que madame [O] [I] exerçant son activité commerciale sous la dénomination Dalia’s ne justifie ni du principe ni du quantum des préjudices qu’elle invoque ;
– en conséquence, débouter madame [O] [I] exerçant son activité commerciale sous la dénomination Dalia’s de toutes ses demandes ;
– en tout état de cause :
* condamner madame [O] [I] exerçant son activité commerciale sous la dénomination Dalia’s à payer à la SNC Lidl la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* condamner madame [O] [I] exerçant son activité commerciale sous la dénomination Dalia’s aux entiers dépens.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2023. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l’arrêt sera contradictoire en application de l’article 467 du code de procédure civile.
MOTIVATION
A titre liminaire, la Cour constate que madame [O] [I] produit dans son dossier de plaidoirie des “conclusions d’appelante n° 2” ne comportant pas mention de leur date de notification par la voie électronique, le RPVA ne portant trace que des conclusions notifiées le 6 août 2021 auxquelles a répondu la SNC Lidl. Conformément aux articles 15, 16, 906, 930-1 et 954 du code de procédure civile, seules ces dernières saisissent la Cour, les écritures communiquées exclusivement en version papier sans preuve de leur transmission préalable à l’intimée et à la Cour avant le prononcé de l’ordonnance de clôture, dont la révocation n’a par ailleurs pas été sollicitée, ne pouvant être examinée.
1°) Sur le principe de la contradiction
Moyens des parties
Madame [O] [I] soutient que le tribunal de commerce de Nancy a violé l’article 16 du code de procédure civile en soulevant d’office, sans rouvrir les débats, le moyen tiré de l’absence de prétention émise en son nom personnel, et ce à tort puisque rien n’interdit à une partie de se désigner sous son nom commercial.
En réponse, la SNC Lidl expose que madame [O] [I] n’a présenté aucune demande en son nom propre devant le tribunal de commerce qui a ainsi pu constater l’absence de prétention émise par celle-ci, et ce sans rouvrir des débats puisqu’il s’est borné, sans introduire d’éléments nouveaux, à vérifier que les conditions d’application de la règle de droit étaient réunies.
Réponse de la cour
Conformément aux articles 4 et 5 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties qui sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense, l’objet du litige pouvant toutefois être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Dans ce cadre, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
Et, en application des articles 12 et 16 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit, pour ce faire, donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. A cet égard, il doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction : il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement et ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observation
Aux termes de son assignation devant le tribunal de commerce (sa pièce 2), madame [O] [I], identifiée en première page sous cette identité comme exerçant sous le nom commercial Dalia’s Confiserie la profession de commerçant immatriculé au RCS de Tunis, a présenté des demandes au bénéfice de “l’entreprise Dalias”. Ainsi que le révèlent tant l’entête de l’acte introductif d’instance que les motifs qui y sont développés et qui n’évoquent aucune autre personnel morale ou entreprise, cette formulation, certes peu juridique, renvoie nécessairement à l’unique partie demanderesse à l’instance qu’est madame [O] [I] désignée sous son nom commercial. La SNC Lidl ne s’y est d’ailleurs pas trompée en ne soulevant aucune difficulté à ce titre et en concluant au rejet de ses demandes (pièce 20 de madame [O] [I]).
Aussi, en retenant que, ” dépourvue de personnalité juridique, Dalia’s ne [pouvait] soutenir avoir subi un quelconque dommage ni en réclamer réparation ” et que madame [O] [I] ne présentait aucune demande à son profit, le tribunal a non seulement dénaturé les écritures de la demanderesse dont l’ambiguïté, qui n’était pas évoquée par la défenderesse, était aisément surmontable par une interprétation rapide, mais a violé le principe de la contradiction en soulevant d’office un moyen de droit, qui s’analysait en réalité en une fin de non-recevoir consistant en un défaut de qualité et d’intérêt au sens des articles 122 et 125 du code de procédure civile et ne relevait pas des conditions de l’application de la loi au fond, sans provoquer préalablement les explications des parties dans les conditions des articles 442 et 444 du code de procédure civile.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a constaté que madame [O] [I] ne formulait aucune prétention et déclaré en conséquence n’y avoir lieu à statuer.
2°) Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Moyens des parties
Au soutien de ses prétentions, madame [O] [I], qui ne répond pas sur la détermination de la loi applicable, expose que la relation commerciale avec la SNC Lidl était établie au regard de sa durée (4 ans) et de son intensité (91 % de son chiffre d’affaires sur l’exercice 2015 et investissements dédiés) et que la rupture est brutale puisqu’elle n’a été précédée d’aucun préavis. Elle précise qu’elle aurait dû bénéficier d’un préavis de six mois et sollicite le paiement de sa marge brute pendant cette durée, de la valeur du stock inutilisable et du coût des licenciements économiques notifiés en urgence.
En réponse, la SNC Lidl expose que ses conditions générales stipulent en leur article 9.1 l’application du droit allemand et que, l’article L 442-6 I 5° du code de commerce n’étant pas une disposition d’ordre public dans l’ordre international, la législation interne ne peut y faire obstacle. A défaut, elle explique que madame [O] [I], qui s’est opposée sans raison à un audit de contrôle indispensable et contractuellement prévu, est à l’origine de la rupture, ses fautes fondant quoi qu’il en soit la cessation des relations commerciales. Elle conteste enfin la réalité et la mesure des préjudices allégués.
Réponse de la cour
a) Sur la loi applicable
Les contrats litigieux ayant été conclus le 20 mars 2013, les textes applicables sont ceux antérieurs à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 conformément à son article 9.
En application de l’article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
L’article 9.1 des conditions générales d’achat de la SNC Lidl annexées aux Conditions générales d’achats adressées à madame [O] [I] et signées par celle-ci (pièce 2 à 4 de la SNC Lidl) est ainsi rédigé :
Le droit applicable est exclusivement le droit allemand, sauf lorsque viennent s’appliquer les dispositions d’ordre public d’un autre droit national. Ce droit s’applique indépendamment du lieu où respectivement le vendeur et l’acheteur ont élu domicile et du pays destinataire des marchandises à livrer.
La SNC Lidl reconnaît que les dispositions de l’article L 442-6 I 5° du code de commerce sont d’ordre public en droit interne (en ce sens, Com. 16 décembre 2014, n° 13-21.363). Or, l’article 9.1 écartant expressément et sans réserve l’application du droit allemand en présence de dispositions d’ordre public du droit national, le raisonnement de la SNC Lidl la SNC Lidl sur l’absence de caractère d’ordre public du texte dans l’ordre international, pertinent pour fonder le bénéfice d’une clause écartant le droit français au profit d’un droit étranger et non pour en déterminer la portée par une interprétation de surcroît dénaturante de ses termes clairs, est inopérant.
En conséquence, l’article L 442-6 I 5° du code de commerce régit le litige.
b) Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
En application de l’article L 442-6 I 5° du code de commerce dans sa version applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l’économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
Au sens de ce texte, la relation, notion propre du droit des pratiques restrictives de concurrence qui n’implique aucun contrat (en ce sens, Com., 9 mars 2010, n° 09-10.216) et n’est soumise à aucun formalisme quoiqu’une convention ou une succession d’accords poursuivant un objectif commun puisse la caractériser, peut se satisfaire d’un simple courant d’affaires, sa nature commerciale étant entendue plus largement que la commercialité des articles L 110-1 et suivants du code de commerce comme la fourniture d’un produit ou d’une prestation de service (en ce sens, Com., 23 avril 2003, n° 01-11.664). Elle est établie dès lors qu’elle présente un caractère suivi, stable et habituel laissant entendre à la victime de la rupture qu’elle pouvait raisonnablement anticiper, pour l’avenir, une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial (en ce sens, Com., 15 septembre 2009, n° 08-19.200 qui évoque “la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale”).
Par ailleurs, L 442-6 I 5° du code de commerce sanctionne non la rupture, qui doit néanmoins être imputable à l’agent économique à qui elle est reprochée, mais sa brutalité qui résulte de l’absence de préavis écrit ou de préavis suffisant. Ce dernier, qui s’apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser, soit pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les critères pertinents sont notamment l’ancienneté des relations et les usages commerciaux, le degré de dépendance économique, le volume d’affaires réalisé, la progression du chiffre d’affaires, les investissements effectués, l’éventuelle exclusivité des relations et la spécificité du marché et des produits et services en cause ainsi que tout obstacle économique ou juridique à la reconversion. La rupture peut être totale ou partielle, la relation commerciale devant dans ce dernier cas être modifiée substantiellement (en ce sens, Com. 31 mars 2016, n° 14-11.329 ; Com 20 novembre 2019, n° 18-11.966, qui précise qu’une modification contractuelle négociable et non imposée n’est pas la marque d’une rupture partielle brutale).
La SNC Lidl ne conteste pas le caractère établi des relations commerciales, qui ont duré quatre ans, mais nie toute rupture qui lui serait imputable et oppose subsidiairement, pour fonder cette dernière, les fautes de madame [O] [I].
Il est constant que, alors que le chiffre d’affaires généré par la relation était en augmentation continue depuis 2012 (244 583 euros en 2012, 241 113 euros en 2013, 518 560 euros en 2014 et 857 653 euros en 2015), les commandes ont cessé à compter de janvier 2016 à raison, selon la SNC Lidl, des carences de madame [O] [I] et des conclusions défavorables d’un audit de contrôle.
Ce dernier a été décidé sur le fondement de l’annexe Assurance qualité jointe à la confirmation d’achat signée par madame [O] [I] et la SNC Lidl le 11 septembre 2015 (pièce 4 de cette dernière) qui :
– oblige madame [O] [I] à présenter à la SNC Lidl, avant toute première livraison, un rapport d’expertise de listage de moins de six semaines devant être “établi par un laboratoire expert accrédité suivant la norme DIN EN ISO/IEC 17025”, “comporter tous les paramètres significatifs se prononçant en faveur de la commercialisation du produit faisant l’objet du contrat”, “la qualité marchande au sens des directives visées par la législation alimentaires et en matière de sécurité alimentaire, de légalité et de qualité des denrées alimentaires [devant] être évaluée et confirmée” et l’examen intégrant “l’analyse sensorielle, la physico-chimie, la microbiologie, l’étiquetage” (article 1) ;
– autorise la SNC Lidl à faire procéder par un laboratoire, selon une fréquence laissée à son appréciation, à un audit de contrôle inopiné de tous les ateliers de production de celle-là (article 7).
Et, l’article 7.5 des Conditions générales d’achat, également annexées aux conditions d’achat signées et acceptées par madame [O] [I] (même pièce), permet à la SNC Lidl, “en cas d’anomalie quelconque”, d’interrompre ses approvisionnements en totalité jusqu’à ce que le vendeur ait mis en ‘uvre des “actions correctrices offrant une assurance raisonnable sur la qualité des produits”.
Or, la SNC Lidl démontre avoir alerté madame [O] [I] le 31 décembre 2015 sur l’absence d’analyses de référencement pour les cornes de gazelle, les makrouts aux dattes et les assortiments de pâtisseries orientales et prouve que, en dépit de ses relances, cette dernière n’a pas communiqué de rapport conforme et complet, intégrant notamment les analyses sensorielles et la vérification d’étiquetage, carence que ne contestait pas madame [O] [I] (pièces 5 à 12 de la SNC Lidl, correspondance électronique du 31 décembre 2015 au 3 février 2016). Cette violation contractuelle, qui touchait à la sécurité alimentaire des produits vendus, fondait objectivement l’organisation en février 2016 (pièce 13 de la SNC Lidl ) d’un audit conformément aux stipulations de l’annexe Assurance qualité. Le rapport dressé consécutivement à sa réalisation, dont les conclusions sont détaillées et illustrées par des photographies commentées et n’ont pas été contestées par madame [O] [I] (pièce 14 de la SNC Lidl), relevait divers manquements concernant en particulier les normes d’hygiène et de sécurité, la traçabilité des produits dont certains (makrouts) étaient fabriqués par un sous-traitant sans information préalable de la SNC Lidl, la sincérité des informations livrées aux clients et la fiabilité des remontées de leurs réclamations.
Après avoir reçu le 26 février 2016 la matrice d’un plan de mesures correctives (pièce 15 de la SNC Lidl), madame [O] [I] a communiqué le 3 mars 2016 son plan d’action (sa pièce 16 et pièce 16 de la SNC Lidl) dont le service qualité de la SNC Lidl relevait le 8 mars 2016 les nombreuses insuffisances (sa pièce 17 : justificatifs manquants, carences non traitées en matière d’hygiène, de traçabilité, de surveillance de l’efficacité du nettoyage et d’étiquetage). Sans contester ces critiques, madame [O] [I] adressait un plan modifié le 10 mars 2016 jugé à nouveau insatisfaisant par la SNC Lidl le 16 mars suivant, faute notamment de production des justificatifs requis (ses pièces 18 et 19). Les améliorations apportées dans le plan transmis le 17 mars 2016 par madame [O] [I], qui à nouveau n’émettait aucune réserve, étaient à leur tour estimées inadéquates (pièces 20 à 22 de la SNC Lidl).
Par ailleurs, deux rapports d’analyse dressés à la demande de la SNC Lidl les 3 et 22 mars 2016 (ses pièces 23 et 28) portant sur les cornes de gazelle et les assortiments de pâtisseries orientales révélaient diverses irrégularités (étiquetage non conforme à la règlementation), madame [O] [I] ne formulant aucune observation sur le premier en dépit de trois relances (pièces 24 à 28 de la SNC Lidl) et indiquant lapidairement le 8 avril 2016 concernant le second : ” Les résultats d’analyse sont corrects. Je n’ai rien à ajouter ” (pièce 30 de la SNC Lidl). Par ailleurs, madame [O] [I] indiquait les 4 et 12 mai 2016 à la SNC Lidl que son entreprise était fermée et qu’elle adresserait “la réponse du service qualité dès la reprise d’activité” (pièces 26 et 27 de la SNC Lidl), information qu’elle ne lui communiquait pas avant une conversation téléphonique de juin 2016 évoquée dans un courriel du 2 septembre 2016 par lequel elle réclamait l’envoi des documents nécessaires à la prise d’une commande portant sur deux corbeilles de fruits (sa pièce 5).
Les échanges postérieurs entre les parties (pièces 6 à 12 et 17 et 18 de madame [O] [I] et pièces 31 à 37 de la SNC Lidl) révèlent que, après avoir adressé à madame [O] [I] le 20 septembre 2016 une consultation préalable à la commande d’une corbeille de fruits, la SNC Lidl a demandé, postérieurement à sa réponse tardive, l’organisation d’un audit de contrôle. Si les causes de l’impossibilité de sa réalisation le 6 octobre 2016 demeurent confuses, les parties produisant des attestations contradictoires sur ce point (pièce 19 de madame [O] [I] et pièce 42 de la SNC Lidl), la SNC Lidl démontre avoir vainement tenté d’organiser une nouvelle visite, madame [O] [I] n’ayant pas répondu à ses sollicitations en préférant entamer, avec une certaine virulence, des démarches contentieuses.
Ainsi, alors que l’audit de contrôle était légitime en droit, au regard des stipulations des articles 7 et suivants de l’Annexe assurance qualité, et en fait, à raison de l’insuffisance des mesures correctives proposées par madame [O] [I] et de l’impérieuse nécessité de garantir la sécurité alimentaire des produits à livrer, peu important à ce titre qu’ils soient destinés à un catalogue “Premium”, cette dernière, en s’opposant sans motif valable à sa réalisation, a commis une faute grave fondant l’absence de nouvelle prise de commande par la SNC Lidl.
Dès lors, la chronologie des faits révèle que la SNC Lidl, qui a tenté de poursuivre les relations commerciales à laquelle faisait obstacle madame [O] [I] en refusant les contrôles préalables indispensables à la reprise effective des commandes, n’est pas l’auteur de la rupture alléguée. Et, à supposer même que celle-ci lui soit imputable, la faute grave de madame [O] [I] fondait son immédiateté.
En conséquence, les demandes de madame [O] [I] seront intégralement rejetées.
3°) Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.
Succombant en son appel, madame [O] [I], dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer la SNC Lidl la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la Cour, exceptées celles portant sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Rejette l’intégralité des demandes de madame [O] [I] ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de madame [O] [I] au titre des frais irrépétibles ;
Condamne madame [O] [I] à payer à la SNC Lidl la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne madame [O] [I] à supporter les entiers dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE