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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRET DU 05 JUILLET 2023
(n° 137 , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/19028 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVSR
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 07 septembre 2022 – Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique – Arrêt n° 486 F-D
Arrêt du 02 décembre 2020 – Cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 4 – RG n°19/06000
Jugement du 23 Mars 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS, 4ème chambre – RG n° 14/02164
DEMANDEUR À LA SAISINE
S.A.R.L. BISSATE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
Société de droit marocain
[Adresse 3]
[Localité 4] / MAROC
Représentée par Me Marie-laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936, avocat postulant
Assistée de Me Monique CALMELET, avocat au barreau de Paris, toque : B 476, avocat plaidant
DÉFENDEUR À LA SAISINE
S.A.S. PIERRE FREY prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 582 015 251
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111, avocat postulant
Assistée de Me Stéphane DASSONVILLE du cabinet BMH Avocats, avocat au barreau de Paris, toque : B 216, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 07 Juin 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre,
Monsieur Julien Richaud, conseiller,
Madame Laurence Lehmann, conseillère,
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Julien Richaud dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Monsieur Maxime Martinez
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre et par Maxime Martinez, greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La société de droit marocain Bissate, qui a pour activité principale la vente de tissus de luxe et d’articles d’ameublement, de fantaisie et de décoration ainsi que le conseil en décoration pour les professionnels et les particuliers, exploite deux boutiques à [Localité 4] et à [Localité 5] (Maroc). Elle comptait, dans les années 1990, parmi ses fournisseurs la société Boussac devenue la société Boussac-Fadini.
La SAS Pierre Frey, qui a pour activité principale l’édition, la fabrication, la vente et le commerce de tous tissus, tapis et tapisserie, a acquis en 2004 des actifs de la société Boussac-Fadini dans le cadre de son redressement judiciaire en notifiant le 20 avril 2004 aux organes de la procédure collective l’absence de reprise du contrat liant cette dernière à la société Bissate, puis a entretenu avec elle des relations commerciales non formalisées par un contrat écrit.
En 2011, la société Bissate a créé la société de droit marocain Poétique pour exploiter une boutique à Marrakech et a obtenu pour ce faire de la SAS Pierre Frey une exclusivité territoriale, l’exploitation ayant débuté en novembre 2011.
Par courrier du 22 février 2012, la SAS Pierre Frey a notifié aux sociétés Bissate et Poétique la rupture de leurs relations commerciales à compter du 1er septembre 2012.
Par lettre du 4 octobre 2012, les sociétés Bissate et Poétique, dénonçant l’insuffisance et l’inexécution du préavis accordé, ont invité la société Pierre Frey à réparer leurs préjudices causés par la rupture brutale de leurs relations commerciales établies.
C’est dans ces circonstances que la société Bissate et la société Poétique ont, par acte d’huissier du 10 juin 2014, assigné la SAS Pierre Frey devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l’article L 442-6 I 5° du code de commerce.
Par jugement du 23 mars 2017, le tribunal de commerce de Paris a rejeté les demandes des sociétés Bissate et Poétique et les a condamnées in solidum à payer à la SAS Pierre Frey la somme de 7 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe le 12 mai 2017, les sociétés Bissate et Poétique ont interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 2 décembre 2020, la cour d’appel de Paris a statué en ces termes :
“Déboute la société Pierre Frey de sa demande de communication de pièces ;
Confirme le jugement en ce qu’il a débouté la société Poétique de ses demandes ;
L’infirme sur le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société Pierre Frey à verser à la société Bissate la somme de 51 294 euros en réparation de son préjudice ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Pierre Frey ;
Partage par moitié les dépens de première instance et d’appel entre la société Poétique et la société Pierre Frey ;
Condamne la société Pierre Frey à payer à la société Bissate la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande”.
Cependant, par arrêt du 7 septembre 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il condamne la SAS Pierre Frey à verser à la société Bissate la somme de 51 294 euros en réparation de son préjudice et statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile. Elle motivait sa décision ainsi :
Vu l’article L 442-6 I 5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ;
6. Il résulte de ce texte qu’en matière de rupture brutale d’une relation commerciale établie, la seule circonstance qu’un tiers, ayant repris l’activité ou partie de l’activité d’une personne, continue une relation commerciale que celle-ci entretenait précédemment ne suffit pas à établir que c’est la même relation commerciale qui s’est poursuivie avec le partenaire concerné, si ne s’y ajoutent des éléments démontrant que telle était la commune intention des parties.
7. Pour considérer que la relation commerciale établie avait débuté en 1993, l’arrêt retient que si le 5 mai 2004, la société Pierre Frey a informé la société Bissate que son contrat avec la société Boussac-Fadini n’avait pas été cédé ou transmis à la société Boussac par le jugement du tribunal de commerce du 6 avril 2004 arrêtant le plan de redressement par voie de cession des éléments d’actifs de la société Boussac-Fadini, les parties ont eu l’intention de poursuivre la relation commerciale antérieure, dès lors qu’elle portait sur les mêmes produits et aux mêmes conditions.
8. En statuant ainsi, alors que la société Pierre Frey avait expressément fait savoir à la société Bissate que le contrat la liant à la société Boussac-Fadini n’avait pas été repris dans le cadre de la procédure collective, ce dont il se déduisait que les parties n’avaient pas la volonté de poursuivre la relation commerciale initiée avec la société Boussac-Fadini, la cour d’appel a violé le texte susvisé. [‘].
Vu l’article L 442-6 I 5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ;
10. Il résulte de ce texte que le préavis accordé à la suite de la rupture de la relation commerciale établie doit être effectif, de sorte que pendant cette période, la relation commerciale doit se poursuivre aux conditions antérieures, ce qui implique que les modifications qui peuvent lui être apportées pendant l’exécution du préavis ne doivent pas être substantielles.
11. Pour considérer que le préavis n’a pas été totalement effectif, l’arrêt retient que le crédit fournisseur au bénéfice de la société Bissate avait été réduit de 40 000 euros à 10 000 euros par la société Pierre Frey et que celle-ci n’était pas fondée à justifier cette réduction par les retards récurrents de la société Bissate dans le paiement de ses factures et l’absence de respect de ses engagements en 2011, dès lors que le préavis devait s’effectuer aux conditions antérieures.
12. En statuant ainsi, alors que l’obligation d’exécution du préavis aux conditions antérieures ne faisait pas obstacle à ce que la société Pierre Frey opposât à la société Bissate des retards récurrents de paiement, à les supposer démontrés, pour réduire le crédit fournisseur, sans priver le préavis de son effectivité, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Par déclaration reçue au greffe le 7 novembre 2022, la société Bissate a saisi la cour de renvoi.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 15 mai 2023 par la voie électronique, la société Bissate demande à la cour, au visa de l’article L 442-6 I 5° du code de commerce (devenu l’article L 442-1 II) :
– d’infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 mars 2017 en toutes ses dispositions ;
– statuant à nouveau,
– d’accueillir l’appel de la société Bissate comme étant recevable et bien fondé ;
– de condamner la SAS Pierre Frey à réparer les préjudices subis par la société Bissate du chef de la rupture brutale des relations commerciales établies ;
– en conséquence, de condamner la SAS Pierre Frey à payer à la société Bissate la somme de 158 334 euros ;
– de condamner la SAS Pierre Frey au paiement à la société Bissate de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens tant de première instance que d’appel ;
– débouter la SAS Pierre Frey de toutes ses demandes.
En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 avril 2023, la SAS Pierre Frey demande à la cour, au visa des articles L 442-6 I 5° du code de commerce, 2321 et 1302 et suivants du code civil :
– de rejeter l’ensemble des demandes de la société Bissate comme étant infondées ;
– de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 mars 2017 en toutes ses dispositions, dans les rapports entre la société Bissate et la SAS Pierre Frey, et notamment en ce qu’il a :
* débouté la société Bissate de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la SAS Pierre Frey ;
* condamné la société Bissate, in solidum avec la société Poétique, à payer 7 000 euros à la SAS Pierre Frey au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la société Bissate in solidum avec la société Poétique, aux dépens ;
– statuant à nouveau,
– à titre liminaire, d’enjoindre à la société Bissate de communiquer :
* le détail du poste variation de stock par fournisseur de 2008 à 2011, certifiés par un expert-comptable indépendant ou un commissaire aux comptes indépendant ;
* les chiffres d’affaires réalisés avec les autres marques/fournisseurs de tissus sur la période 2008 à 2013, certifiés par un expert-comptable indépendant ou un commissaire aux comptes indépendant ;
* les coûts de transport, les coûts de droits de douane à l’importation pour les produits Pierre Frey de 2008 à 2013, certifiés par un expert-comptable indépendant ou un commissaire aux comptes indépendant ;
* ses coûts fixes de 2008 à 2013, certifiés par un expert-comptable indépendant ou un commissaire aux comptes indépendant ;
– à titre principal, de :
* condamner la société Bissate à verser à la SAS Pierre Frey la somme de 63 294 euros au titre de la répétition de l’indu ;
* condamner la société Bissate à verser à la SAS Pierre Frey la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* la condamner aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie à la décision entreprise et aux arrêts postérieurs ainsi qu’aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2023. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l’arrêt sera contradictoire en application de l’article 467 du code de procédure civile.
MOTIVATION
A titre liminaire, la Cour constate que, conformément aux articles 631 et 638 du code de procédure civile, le rejet des demandes de la société Poétique, qui n’est plus partie à l’instance d’appel, est définitif. Seuls sont en débat la réalité de la rupture brutale des relations commerciales établies et, le cas échéant, la réparation du préjudice consécutif de la société Bissate ainsi que les frais irrépétibles et les dépens de première instance et d’appel.
1°) Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Moyens des parties
Au soutien de ses prétentions, la société Bissate expose que la poursuite des relations commerciales aux mêmes conditions et pour les mêmes produits sous le même numéro client ainsi que leur absence d’interruption contredisent les termes du courrier du 5 mai 2004, qu’elle indique ne pas avoir reçu, et caractérisent la poursuite de la même relation débutée en 1993 selon l’intention commune des parties. Elle en déduit que celle-ci, qui ne suppose ni contrat ni dépendance économique ou exclusivité et doit être appréhendée selon une logique plus économique que juridique, est établie. Elle explique que, au regard de cette durée et de la nature des produits concernés ainsi que de la notoriété de la SAS Pierre Frey, le préavis aurait dû être de 24 mois. Elle ajoute que la SAS Pierre Frey ne lui a jamais opposé des retards de paiement pour rompre la relation, sa décision n’ayant été précédée d’aucune alerte, et que ces derniers ne pouvaient justifier, en cours d’exécution du préavis, la réduction du crédit fournisseur de 40 0000 à 10 000 euros, le refus de lui adresser les nouvelles collections en violation de l’accord de novembre 2011, la suppression de la remise habituelle de 10 %, la mise à sa charge partielle des frais de transport et l’allongement des délais de réponse aux ” demandes de prix “. Pour calculer son préjudice, elle s’appuie sur les conclusions d’une expertise privée qu’elle estime cohérente et fiable.
En réponse, la SAS Pierre Frey expose que la relation commerciale, dont elle ne conteste pas le caractère établi, a débuté en mai 2004 faute pour la société Bissate de prouver, contre les courriers des 20 avril et 5 mai 2004, leur commune intention de poursuivre la relation, par ailleurs sporadique, initiée avec la société distincte Boussac-Fadini, le contrat, non listé dans la proposition de reprise d’actifs et dans le jugement de cession partielle d’actifs, n’étant par principe pas repris conformément aux articles L 631-13 et L 642-7 du code de commerce. Fixant ainsi la durée de la relation à huit ans, elle estime le préavis accordé de six mois suffisant, la société Bissate, qui ne bénéficiait d’aucune exclusivité, ne démontrant de surcroît aucune dépendance économique, les relations représentant 25 % de ses approvisionnements, signe qu’elle n’était pas un fournisseur incontournable pour celle-ci sur un marché très concurrentiel. Elle ajoute que le préavis a été effectif, la réduction du crédit fournisseur étant conforme au plafond de l’assurance-crédit fixé le 1er janvier 2011 que la société Bissate, régulièrement en retard dans ses paiements, a fréquemment dépassé, et le refus d’adresser un échantillonnage des collections de tissus de 2012 étant fondé sur la proximité de la date de rupture effective. Elle précise que la suppression de la remise de 10 % était justifiée au regard des objectifs de chiffre d’affaires fixés dès janvier 2011, que la modification du calcul des prix depuis le départ de l’usine correspondait à une harmonisation pour le monde entier et que sa réponse pour le projet d’hôtel a été rapide en considération de la nature de ce dernier. Elle conteste subsidiairement la réalité du préjudice allégué par la société Bissate en critiquant tous les termes de l’expertise privée. Elle sollicite enfin la répétition des sommes versées en exécution de l’arrêt de la cour d’appel du 2 décembre 2020.
Réponse de la cour
En application de l’article L 442-6 I 5° du code de commerce dans sa version applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
– Sur la relation commerciale établie
Au sens de ce texte, la relation, notion propre du droit des pratiques restrictives de concurrence qui n’implique aucun contrat (en ce sens, Com., 9 mars 2010, n° 09-10.216) et n’est soumise à aucun formalisme quoiqu’une convention ou une succession d’accords poursuivant un objectif commun puisse la caractériser, peut se satisfaire d’un simple courant d’affaires, sa nature commerciale étant entendue plus largement que la commercialité des articles L 110-1 et suivants du code de commerce comme la fourniture d’un produit ou d’une prestation de service (en ce sens, Com., 23 avril 2003, n° 01-11.664). Elle est établie dès lors qu’elle présente un caractère suivi, stable et habituel laissant entendre à la victime de la rupture qu’elle pouvait raisonnablement anticiper, pour l’avenir, une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial (en ce sens, Com., 15 septembre 2009, n° 08-19.200 qui évoque ” la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale “). La poursuite de la relation par une personne distincte de celle qui l’a nouée initialement ne fait pas obstacle à sa stabilité en présence d’une transmission universelle de patrimoine et, à défaut, si des éléments démontrent que la commune intention des parties était de continuer la même relation (en ce sens, Com., 10 février 2021, n° 19-15.369).
La SAS Pierre Frey ne conteste pas le caractère établi de la relation mais estime qu’elle a débuté en mai 2004 et non en 1993 au motif que la relation entretenue entre la société Bissate, qu’elle présente comme sporadique, n’a pas été poursuivie.
Aux termes du jugement du 6 avril 2004 du tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing (pièce 2 de la société Bissate), la SA Financière Pierre Frey a, dans le cadre du redressement judiciaire de la société Boussac-Fadini, acquis des éléments d’actif de cette dernière à charge de constituer une société dédiée pour assurer cette reprise. En exécution de cette décision, qui ne mentionne pas le contrat liant la société Bissate à la société Boussac-Fadini parmi les contrats cédés au sens de l’article L 621-88 du code de commerce dans sa rédaction applicable :
– la société Patrick Frey Création, filiale de la SA Financière Pierre Frey constituée le 25 mars 1982, a modifié le 30 avril 2004 sa dénomination sociale pour devenir la société Boussac (pièce 27 de la SAS Pierre Frey) avant d’être absorbée le 31 décembre 2007 par la SAS Pierre Frey qui a poursuivi son activité. Ainsi que le confirment les numéros de TVA figurant sur les factures produites (pièces 13, 14 et 18 de la société Bissate) et les numéros d’immatriculation mentionnés sur les extraits Infogreffe versés au débat (pièce 28 de la société Bissate), la société Boussac, devenue la société Boussac-Fadini, avec laquelle la société Bissate a entretenu des relations commerciales dès 1993, est distincte juridiquement et financièrement de la société Boussac absorbée par la SAS Pierre Frey. Cette analyse n’est pas utilement combattue par la société Bissate qui oppose, d’une part, l’existence d’un établissement secondaire de la SAS Pierre Frey à l’adresse de la société Boussac-Fadini, et, d’autre part, l’exploitation par la première du nom commercial de la seconde. En effet, tandis que l’identité d’adresse s’explique, non par une poursuite de l’activité ou une confusion des personnes morales, mais par la reprise, visée par le jugement arrêtant le plan de continuation par voie de cession, du bail commercial correspondant, l’exploitation du nom commercial Boussac-Fadini par la SAS Pierre Frey n’est pas démontrée : les factures produites en pièce 13 révèlent que la dénomination Fadini y était systématiquement rayée et la capture d’écran des résultats de la recherche des mots-clés “boussac fadini” sur le moteur Google, dont les conditions de constitution sont inconnues, n’est pas datée et n’a ainsi aucun intérêt probatoire (pièce 29 de la société Bissate). Aussi, le rapprochement opéré par la société Bissate n’est pas pertinent ;
– la SA Financière Pierre Frey a expressément indiqué au mandataire judiciaire de la société Boussac-Fadini le 20 avril 2004 (pièce 25 de la SAS Pierre Frey) qu’elle ne souhaitait pas transférer ” sur la structure accueillant les actifs de Boussac Fadini “, soit la société Patrick Frey Création devenue la société Boussac absorbée par la SAS Pierre Frey, le contrat la liant à la société Bissate, et ce à effet immédiat, fixé au 1er mai 2004 dans la liste jointe. A cet égard, le fait que cette dernière ne mentionne aucun retour d’échantillonnage cependant prévu pour d’autres contrats non repris n’est ni décisif, d’autres contrats faisant l’objet d’un traitement identique, ni pertinent au regard des termes du courrier et de leur concordance exacte avec son annexe. Cette volonté expresse de ne pas reprendre le contrat de distribution de la société Bissate est confirmée par le courrier du 5 mai 2004 de la SA Financière Pierre Frey (pièce 2 de la SAS Pierre Frey), dont l’envoi et la réception sont prouvés par la production de l’accusé de réception signé par la société Bissate dont rien n’indique qu’il puisse correspondre à une autre lettre qui n’est d’ailleurs pas communiquée (pièce 17 de la SAS Pierre Frey), précisant à cette dernière que le contrat la liant à la société Boussac-Fadini n’était pas repris.
Ces éléments démontrent que la SAS Pierre Frey n’a pas eu la volonté, au jour de la cession des actifs, de poursuivre la relation commerciale entretenue par la société Bissate et la société Boussac-Fadini. Pour néanmoins soutenir le contraire, la société Bissate précise, à juste titre il est vrai, que la notion de relation commerciale doit être appréhendée économiquement et non juridiquement et que celle entretenue avec la SAS Pierre Frey l’a été, à compter du mois de mai 2004, soit sans réelle interruption et sous le même numéro client, aux mêmes conditions commerciales, notamment de remise (lui profitant exclusivement et qualifiée de “faveur historique” par la SAS Pierre Frey en pages 8 et 17 de ses conclusions n° 3 devant la première cour d’appel – pièce 35 de la société Bissate), et concernait des produits identiques, ce que prouvent les factures communiquées. Cependant, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation, ces éléments combinés, qui avaient été retenus par la cour d’appel dans l’arrêt cassé, ne peuvent suffire à caractériser la commune intention des parties de poursuivre la même relation alors que les courriers évoqués impliquaient explicitement le contraire (“la société Pierre Frey avait expressément fait savoir à la société Bissate que le contrat la liant à la société Boussac-Fadini n’avait pas été repris dans le cadre de la procédure collective, ce dont il se déduisait que les parties n’avaient pas la volonté de poursuivre la relation commerciale initiée avec la société Boussac-Fadini”). Et, le fait que la SAS Pierre Frey, dans son courrier en réponse du 18 octobre 2012, postérieurement à l’expiration du préavis, n’ait pas contredit la société Bissate qui se prévalait d’une collaboration de plus de 20 ans, n’est pas de nature à combattre cette analyse, le silence conservé sur ce point s’inscrivant à l’évidence dans une logique d’apaisement (“je regrette que les courriers que nous vous avons adressés aient pu vous paraître brutaux car nul n’était notre intention”) et ne traduisant, à raison de son ambiguïté et du temps écoulé depuis la cession d’actifs, aucun aveu extrajudiciaire au sens de l’article 1383-1 du code civil (pièces 8 et 10 de la société Bissate).
En conséquence, la relation commerciale établie nouée entre la SAS Pierre Frey et la société Bissate a débuté le 7 mai 2004 (pièce 13 de la société Bissate, facture n° 32304). Elle a duré sept ans et neuf mois au jour de la notification de la rupture du 22 février 2012, seule date pertinente pour apprécier sa brutalité et la durée du préavis raisonnablement dû.
– Sur la rupture brutale
L’article L 442-6 I 5° du code de commerce sanctionne non la rupture, qui doit néanmoins être imputable à l’agent économique à qui elle est reprochée, mais sa brutalité qui résulte de l’absence de préavis écrit ou de préavis suffisant. Ce dernier, qui s’apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser, soit pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les critères pertinents sont l’ancienneté des relations et les usages commerciaux, le degré de dépendance économique, le volume d’affaires réalisé, la progression du chiffre d’affaires, les investissements effectués, l’éventuelle exclusivité des relations et la spécificité du marché et des produits et services en cause ainsi que tout obstacle économique ou juridique à la reconversion. La rupture peut être totale ou partielle, la relation commerciale devant dans ce dernier cas être modifiée substantiellement (en ce sens, Com. 31 mars 2016, n° 14-11.329 ; Com 20 novembre 2019, n° 18-11.966, qui précise qu’une modification contractuelle négociable et non imposée n’est pas la marque d’une rupture partielle brutale).
Par courrier du 22 février 2012, la SAS Pierre Frey a notifié à la société Bissate la rupture de leurs relations commerciales à compter du 1er septembre 2012. Elle lui accordait ainsi un préavis légèrement supérieur à six mois.
Au regard des factures produites et des éléments du rapport d’expertise privée Sorgem non utilement contestés sur ces points (pièces 11, 13, à 15 et 18 de la société Bissate), les ventes de produits Pierre Frey représentaient, sur les trois années précédant la rupture (2009 à 2011), 25,5% en moyenne du total des ventes, soit un chiffre d’affaires annuel moyen de 1 440 000 Dirham, taux en cohérence avec le taux d’achat de produits Pierre Frey par la société Bissate qui s’établit sur cette période à 25,7%, soit des achats moyens annuels d’environ 85 567 euros, 60 % du chiffre d’affaires étant réalisé de mars à août.
A ce titre, l’état de dépendance économique, pour l’essentiel défini pour les besoins de l’application de l’article L 420-2 du code de commerce qui n’est pas en débat mais devant être apprécié de manière uniforme en tant que situation de fait servant ici, non de condition préalable mais d’élément d’évaluation de la durée du préavis éludé, s’entend de l’impossibilité, pour une entreprise, de disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a nouées avec une autre entreprise (en ce sens, Com., 12 février 2013, n° 12-13.603). Son existence s’apprécie en tenant compte notamment de la notoriété de la marque du fournisseur, de l’importance de sa part dans le marché considéré et dans le chiffre d’affaires du revendeur, ainsi que de l’impossibilité pour ce dernier d’obtenir d’autres fournisseurs des produits équivalents (en ce sens, Com., 12 octobre 1993, n° 91-16988 et 91-17090). La possibilité de disposer d’une solution équivalente s’entend de celle, juridique mais aussi matérielle, pour l’entreprise de développer des relations contractuelles avec d’autres partenaires, de substituer à son donneur d’ordre un ou plusieurs autres donneurs d’ordre lui permettant de faire fonctionner son entreprise dans des conditions techniques et économiques comparables (Com., 23 octobre 2007, n° 06-14.981).
Or, il est constant que la société Bissate, qui n’était liée par aucun engagement d’exclusivité à l’égard de la SAS Pierre Frey, avait une activité diversifiée qui portait sur la vente de tissus mais également sur celle de meubles et d’accessoires de décoration ainsi que sur le conseil en aménagement intérieur. Elle disposait ainsi d’une capacité importante de réorientation ou de rééquilibrage de son activité, et ce d’autant plus que, ainsi que le démontre la SAS Pierre Frey (ses pièces 19 à 21 non contestées en leur teneur), le marché du tissu de luxe est hautement concurrentiel, la renommée, au sens non juridique, de ses marques ne suffisant pas à en faire un fournisseur incontournable. Aussi, la dépendance économique de la société Bissate, qui est réelle au regard de la part de son chiffre d’affaires réalisé dans ses relations avec la SAS Pierre Frey, est faible.
Dès lors, au regard de ces éléments combinés, le préavis de six mois accordé par la SAS Pierre Frey était suffisant.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Bissate au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies. Inutile à la solution du litige, la demande de production forcée de pièces présentée par la SAS Pierre Frey est infondée, le jugement étant également confirmé de ce chef.
– Sur l’exécution effective du préavis
Ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 7 septembre 2022 (qui réitère et développe une position déjà adoptée par Com., 10 février 2015, n° 13-26.414) :
– le préavis accordé à la suite de la rupture de la relation commerciale établie doit être effectif, de sorte que pendant cette période, la relation commerciale doit se poursuivre aux conditions antérieures, ce qui implique que les modifications qui peuvent lui être apportées pendant l’exécution du préavis ne doivent pas être substantielles ;
– l’obligation d’exécution du préavis aux conditions antérieures ne fait pas obstacle à ce que la SAS Pierre Frey oppose à la société Bissate, à charge de les prouver, des retards récurrents de paiement pour réduire le crédit fournisseur.
La société Bissate estime que le préavis a été privé d’effectivité par la réduction du crédit fournisseur de 40 000 euros à 10 000 euros, par le refus de lui envoyer les échantillonnages de la nouvelle collection en dépit de son engagement de novembre 2011, par la suppression de la remise habituelle de 10 %, par la mise à sa charge des frais de transport entre le dépôt de la SAS Pierre Frey et le transporteur ainsi que par son absence de réponse à ses demandes de prix concernant le projet Hyatt. Elle fait de ces éléments des modifications substantielles du préavis et non des fautes engageant la responsabilité civile de la SAS Pierre Frey.
Sur la réduction du crédit fournisseur
La SAS Pierre Frey démontre qu’elle bénéficiait, à compter du 1er janvier 2011, d’une assurance-crédit de la Coface plafonnée à 10 000 euros concernant la société Bissate (sa pièce 12). Elle prouve également que cette dernière a, au cours de l’année 2011, régulièrement dépassé celui-ci et accusé de nombreux retards de paiement (pièces 13 et 15 de la SAS Pierre Frey non utilement contredites), en particulier à compter du mois de juin 2011 (un retard de quinze jours, cinq retards d’un mois et demi et sept retards de deux mois à deux mois et demi sur 26 factures), en violation des termes clairs de l’accord contenu dans le courriel du 21 juin 2011 prévoyant une augmentation de l’encours autorisé de 35 000 à 40 000 euros mais imposant en contrepartie un règlement à 30 jours fin de mois (pièce 14 de la SAS Pierre Frey). Parallèlement, son encours fournisseur a été progressivement, et de manière continue, réduit pour s’établir à moins de 10 000 euros en décembre 2011 (pièce 15 de la SAS Pierre Frey déjà citée).
Aussi, c’est par de justes motifs que la Cour adopte que le tribunal de commerce a retenu que la diminution de l’encours, objectivement fondée, était antérieure à la notification de la rupture et que les conditions de la relation commerciale n’avaient pas été modifiées en cours de préavis. Ce moyen est en conséquence inopérant.
Sur les échantillonnages de la nouvelle collection
La SAS Pierre Frey ne conteste pas avoir renoncé à envoyer à la société Bissate l’échantillonnage pour la collection 2012 au motif, qu’il ne lui appartenait pas d’apprécier et impropre à justifier sa carence, que l’opération ne lui apparaissait pas rentable au regard de la cessation prochaine des relations commerciales (sa pièce 11 et ses écritures, page 19). Cependant, outre le fait que la société Bissate, qui ne justifie pas s’être émue de cette situation avant son courrier de contestation globale du 4 octobre 2012 (sa pièce 8) postérieur à l’expiration du préavis, signe que la faute de la SAS Pierre Frey n’avait à l’évidence pas la gravité qu’elle lui prête aujourd’hui et qu’elle n’était pas de nature à affecter significativement son activité, ne conteste pas que les nouvelles collections ne représentaient que 10 % des références Pierre Frey. Aussi, la modification opérée n’était pas substantielle.
Et, la société Bissate estime subir de ce fait un préjudice d’image (page 16 de ses écritures). Mais, outre le fait qu’elle sollicite par ailleurs l’indemnisation d’un préjudice réputationnel global à hauteur de 45 520 euros sans le distinguer de celui-ci ou préciser les modalités de leur prise en compte cumulative, elle agit exclusivement sur le fondement de l’article L 442-6 I 5° du code de commerce qui n’est pas pertinent en l’absence de rupture brutale démontrée et ne permet quoi qu’il en soit pas la sanction d’une faute distincte de la brutalité de la rupture. De plus, ce préjudice, à le supposer indemnisable, n’est prouvé ni en son principe ni en sa mesure.
Il en est de même du préjudice réputationnel allégué qui, tel qu’il est présenté, trouverait de surcroît sa cause dans la rupture elle-même et non dans son éventuelle brutalité, constat qui commande la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a rejeté sa demande au titre du préjudice d’image.
Sur la remise
Il ressort de son courriel du 28 janvier 2010 et de sa pièce-jointe (sa pièce 3) que la SAS Pierre Frey a accordé à la société Bissate une “remise inconditionnelle de 10 %” sur toutes ses marques, remise “additionnelle” néanmoins subordonnée à la réalisation d’un chiffre d’affaires de 135 000 euros. Quoiqu’il comporte une évidente contradiction dans ses termes, ce document révèle que la remise litigieuse était financièrement conditionnée. Son taux était réduit à 5 % à compter du mois de janvier 2011 pour un objectif de chiffre d’affaires de 85 000 euros (pièce 4 de la SAS Pierre Frey). Et, par courrier de novembre 2011, la SAS Pierre Frey annonçait à l’ensemble de ses distributeurs que cette remise de 5 % ne serait accordée en 2012 que pour les commandes supérieures à 30 mètres de tissu (sa pièce 6).
Aussi, l’évolution des conditions d’octroi de la remise dont bénéficiait la société Bissate et la diminution de son taux ont été annoncées avant la notification de la rupture et les conditions de la relation commerciale n’ont pas été modifiées en cours de préavis qui a, sur ce plan également, était effectif.
Sur les frais de transport
La société Bissate ne conteste pas que le calcul des prix depuis le départ de l’usine (ex works) était défini dans les conditions générales de vente adressées aux distributeurs le 31 janvier 2012 (pièce 7 de la SAS Pierre Frey). A nouveau, la modification opposée était antérieure à la notification de la rupture et à l’exécution du préavis qu’elle n’a pas spécialement affecté.
Sur le projet Hyatt
C’est par de justes motifs que la Cour adopte que le tribunal de commerce a considéré, au regard des échanges de courriels produits en pièce 9 par la société Bissate, que le délai de réponse de la SAS Pierre Frey (réponse du 18 avril pour une demande du 22 mars, puis complément en deux temps les 23 mai et 21 juin pour des précisions apportées le 17 mai) n’était pas anormalement long au regard de l’importance du projet et de son traitement en direct par celle-ci, qui impliquait des échanges complexes en interne, de la date prévisible du lancement de l’appel de l’offre (septembre ou octobre 2012) et des imprécisions qui affectaient la demande initiale. Les requêtes de la société Bissate ont en outre été traitées en temps utile.
En conséquence, suffisant, le préavis a été effectif. Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions soumises à la Cour.
2°) Sur la répétition de l’indu
En application des articles 12 et 16 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer dans le respect du principe de la contradiction leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
La SAS Pierre Frey sollicite, au visa de l’article 1302 du code civil, la répétition des sommes payées en exécution de l’arrêt cassé du 2 décembre 2020. Mais, si ces dernières sont effectivement objectivement indues, elles le sont à raison de l’arrêt de la Cour de cassation du 7 septembre 2022 qui a cassé et annulé l’arrêt servant de fondement aux condamnations acquittées et qui, conformément aux articles 624 et 625 du code de procédure civile, replace les parties, sur les points qu’elle atteint déterminés par son dispositif, dans l’état où elles se trouvaient avant le jugement cassé. De la même manière qu’un arrêt infirmant un jugement portant condamnation au paiement d’une somme d’argent emporte de plein droit, sans mention expresse de sa part, obligation de restitution des sommes versées en exécution du jugement réformé et constitue le titre exécutoire fondant l’exécution forcée au sens de l’article L 111-3 du code des procédures civiles d’exécution (en ce sens, 2ème Civ., 20 juin 2019, n° 18-18.595 et 2ème Civ., 7 avril 2011, n° 10-18.691), un arrêt de cassation constitue le titre fondant la répétition des sommes payées en exécution de l’arrêt infirmatif cassé (analyse conforme à 2ème Civ., 27 février 2020, n° 18-25.382).
Dès lors, la SAS Pierre Frey disposant d’un titre pour poursuivre le recouvrement forcé des sommes dont elle demande répétition, sa prétention, qui ne repose sur aucun intérêt à agir, se heurte à l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 7 septembre 2022 et est irrecevable en application des articles 122 et 125 du code de procédure civile. Si cette fin de non-recevoir n’est pas dans le débat, la société Bissate n’ayant d’ailleurs pas répondu à cette prétention, aucune réouverture des débats n’est nécessaire au regard de l’évidence de la solution et de l’automaticité de ses conséquences.
En conséquence, la demande de la SAS Pierre Frey sera déclarée irrecevable pour défaut d’intérêt à agir en répétition et violation de l’autorité de la chose jugée.
3°) Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement entrepris sur les frais irrépétibles et les dépens seront confirmées.
Succombant en son appel, la société Bissate, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à supporter les entiers dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à la SAS Pierre Frey la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la Cour ;
Y ajoutant,
Déclare irrecevable, pour défaut d’intérêt à agir et violation de l’autorité de la chose jugée, la demande de la SAS Pierre Frey au titre de la répétition de l’indu ;
Rejette la demande de la société Bissate au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la société Bissate à payer à la SAS Pierre Frey la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Bissate aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés directement par la SCP Grappotte Benetreau conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE