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AFFAIRE : N° RG 20/02491 – N° Portalis DBWB-V-B7E-FPL3
Code Aff. :AL
ARRÊT N°
ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT DENIS en date du 30 Novembre 2020, rg n° 19/00388
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 05 MAI 2022
APPELANTE :
ASSOCIATION SERVICE MANDATAIRE ET PRESTATAIRE AUX PERSONNES NECESSITANT UNE AIDE A LA VIE QUOTIDIENNE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Alain ANTOINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
Madame [W] [I] [P]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Céline CAUCHEPIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/1329 du 28/04/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Saint-Denis)
Clôture : 4 octobre 2021
DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 février 2022 en audience publique, devant Alain LACOUR, président de chambre chargé d’instruire l’affaire, assisté de Monique LEBRUN, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 05 mai 2022 ;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président :Alain LACOUR
Conseiller:Laurent CALBO
Conseiller :Aurélie POLICE
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 05 MAI 2022
* *
*
LA COUR :
Exposé du litige :
Mme [P] a été embauchée par l’Association service mandataire et prestataire aux personnes nécessitant une aide à la vie quotidienne (l’association) en qualité d’agent à domicile selon contrat à durée déterminée d’un an à compter du 11 décembre 2017, à temps partiel (105 heures par mois). Elle a été licenciée pour faute grave le 14 septembre 2018.
Saisi par Mme [P], qui contestait son licenciement, réclamait un rappel de salaires pour les heures complémentaires qu’elle avait accomplies et indemnisation des différents préjudices dont elle se plaignait, le conseil de prud’hommes de Saint-Denis-de-la-Réunion, par jugement rendu le 30 novembre 2020, a dit que le contrat de travail de Mme [P] est un contrat à temps partiel et que les heures de travail accomplies en sus de la durée de travail contractuellement fixée ont la nature d’heures complémentaires ouvrant droit à majorations, condamné l’association à payer à Mme [P] la somme brute de 301,83 euros à titre de rappel de majorations pour heures complémentaires, dit que le licenciement pour faute grave de Mme [P] est dépourvue de causer éelle et sérieuse, condamné l’association à payer à Mme [P] 3 907,54 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L. 1243-4 du code du travail, 1411,20 euros à titre d’indemnité de fin de contrat et 394,66 euros à titre d’indemnité de congés payés. Le surplus des prétentions des parties a été rejeté.
Appel de cette décision a été interjeté par l’association le 31 décembre 2020.
Vu les conclusions notifiées par l’association le 16 août 2021 ;
Vu les conclusions notifiées par Mme [P] le 23 juin 2021 ;
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.
Sur ce :
Sur les heures complémentaires :
Vu les articles L.3123-13 et L.3123-39 du code du travail ;
Attendu que Mme [P] expose qu’alors que son contrat de travail prévoyait qu’elle dût travailler 105 heures par mois, elle a accompli des heures complémentaires depuis le mois de janvier 2018 jusqu’au mois d’août 2018, qui n’ont pas fait l’objet d’une majoration ; qu’elle réclame la somme de 301,83 euros de ce chef ;
Attendu que l’association s’oppose à cette demande en objectant que « depuis le mois d’octobre 2015, Mme [P] effectue 151,50 heures de travail par mois équivalent à un temps plein », en sorte que depuis le mois de janvier 2016, son contrat de travail est devenu à temps plein, en l’absence d’opposition de la part de Mme [P] ; qu’elle ajoute que le contrat de travail à temps plein ne nécessite pas la rédaction d’un écrit et que depuis le passage à temps plein, Mme [P] est rémunérée sur la base de 151,50 heures par mois ;
Mais attendu, en premier lieu, que Mme [P] a été embauché à compter du 11 décembre 2017 ; que les développements de l’association concernant un horaire mensuel de 151,50 heures depuis le mois d’octobre 2015 et un contrat de travail qui serait devenu à temps plein depuis le mois de janvier 2016 sont par conséquents incompréhensibles ;
Attendu, en second lieu, que le contrat de travail qui liait les parties disposait notamment, en son article 10, ceci : « la durée de travail de M. [sic] [P] [W] [I] est fixée à 105 heures/mois.
Il peut être demandé à M. [sic] [P] [W] [I] d’effectuer des heures complémentaires dans la limite du tiers de 105h. Le salarié peut refuser au maximum 2 fois par an d’effectuer les heures complémentaires dans cette limite du tiers sans que son refus constitue une faute ou un motif de licenciement.
M. [sic] [P] [W] [I] peut se voir imposer jusqu’à 3 interruptions d’activité non rémunérée dans une même journée.
La durée totale de ces interruptions ne peut excéder 5 heures.
De façon exceptionnelle, la durée totale des interruptions peut excéder 5 heures maximum pendant cinq jours sur deux semaines » ; qu’il est constant que depuis le mois de janvier 2018, Mme [P] a travaillé selon les horaires suivants :
– en janvier 2018 : 128 heures ;
– en février 2018 : 132 heures ;
– en mars 2018 : 143 heures ;
– en avril 2018 : 138 heures ;
– en mai 2018 : 133 heures ;
– en août 2018 :113 heures ;
Attendu qu’il est constant que les heures complémentaires ainsi accomplies par Mme [P] excèdent les seuils prévus par l’article L.3123-13 susvisé et qu’aucun avenant n’a été signé par les parties pour modifier le contrat qui les liait, en sorte que les heures accomplies au-delà du quota de 105 heures par mois qu’il prévoyait constituent des heures complémentaires ouvrant droit à majorations ; que Mme [P] est par conséquent bien fondée à réclamer la somme de 301,83 euros de ce chef ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Sur le licenciement :
Vu l’article L.1243-1 du code du travail ;
Attendu que la lettre de licenciement est ainsi rédigée : « [‘] nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d’une faute grave [‘]
En effet, malgré nos multiples remarques, vous ne respectez jamais les plannings établis et n’effectuez pas le nombre d’heures prévu par votre emploi du temps.
Ces insubordinations causent évidemment un préjudice à l’entreprise en ce qu’elles nuisent à son bon fonctionnement. Par ailleurs, les bénéficiaires de l’association se plaignent de vos manquements.
Pire encore, lorsqu’une intervention est annulée, vous faites tout de même signé l’affiche de présence au bénéficiaire.
La modification unilatérale de vos horaires constitue bien évidemment une faute grave.
Et, nous avons récemment reçu (le 24 août 2018) une plainte du d’une bénéficiaire qui vous accuse de faire pression sur sa mère âgée de 80 ans pour signer les feuilles de présence alors que vous n’effectuez pas les tâches pour lesquelles vous êtes rémunérées. Ce comportement est intolérable huit gravement à l’image de l’association.
En effet, entre le 6 et le 9 juillet 2018, accompagnée de trois autres salariées, vous avez diffusé un tract auprès du personnel de l’entreprise en tenant des propos insultants et dénigrants à l’encontre de la direction de l’association.
Ces faits ne sont malheureusement pas isolés car le 16 avril 2018, vous aviez également manifesté devant l’entreprise pancarte à la main.
Vous accusiez alors la direction de vol, de conflits d’intérêts et d’abus de biens sociaux.
Cette manifestation n’avait nullement pour objet de faire connaître de quelconque revendication salariale mais uniquement pour but d’insulter et dénigrer la direction.
Cette conduite met en cause la bonne marche de l’entreprise [‘]
En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave [‘] » ;
Attendu, s’agissant d’un licenciement pour faute grave, qu’il incombe à l’association d’établir les faits qu’elle impute à Mme [P] ; qu’à cet effet elle se prévaut de ses pièces :
– n° 1, constituée d’un tract intitulé « le saviez-vous ‘ », dans lequel la présidente de l’association est accusée de conduire une voiture achetée et financée par l’association, comportement qualifié par ce tract d’abus de biens sociaux, où il est également indiqué que des fonds sont versés à la présidente mensuellement en espèces sans aucun contrôle ni aucune trace, comportement qualifié par ce tract de vol et abus de biens sociaux, où il est encore mentionné que la présidente et le directeur de l’association sont mère et fils, circonstance qualifiée par ce tract de conflit d’intérêt illégal et où il est encore indiqué que le directeur emploie chez lui du personnel de l’association sans payer, comportement qualifié d’abus de biens sociaux ;
– n° 2, constituée de l’attestation de Mme [S], qui déclare que : « le 05 juillet 2018 j’ai reçu un SMS de [P] [W] qui me disait de venir récupérer un papier surdisant pour entrer dans un syndicat. On s’est fixé un rendez-vous le lendemain à la sortie de son intervention entre 8h et 8h30 (le 06 juillet 2018). Elle m’a remis une feuille jaune et m’a dit d’appeler Mme [M]-[K] [Z] qui va tout m’expliquer. Puis elle m’a dit que la SMAPA nous volent qu’on n’est mal payé, qu’il faut chercher d’autre personne, que la SMAPA est voleurs.
Moi je ne comprenais pas trop. Dans l’après-midi du 06 juillet je reçois un autre SMS de Deurveilher Yolaine pour me dire qu’elle a un papier à me donner. (Je l’ai aplé pour avoir plus de détails mais quand je lui ai dit que [W] m’a déjà donné elle a dit que c’est la même chose) sans plus.
Moi, la seule chose que j’ai fait c’est de venir voir mon directeur et de le mettre au courant et de savoir qu’est-ce qui se passe réellement.
J’ai plus eu de nouvelles jusqu’à maintenant parce que je ne les ais pas contacté » ;
– n° 3, constituée de l’attestation de Mme [V], qui est dépourvue de toute force probante pour n’être pas accompagnée de la copie d’une pièce d’identité de son auteur prétendu ;
Attendu que ces pièces ne font pas la preuve de ce que Mme [P] n’a pas respecté les plannings établis par son employeur, n’a pas effectué le nombre d’heures prévues par son emploi du temps, a modifié unilatéralement ses horaires, ni celle des plaintes émanant des bénéficiaires des prestations de l’association, de ce qu’elle aurait fait signer une fiche de présence à une bénéficiaire sans effectuer la prestation correspondante, ni de ce qu’elle a diffusé, entre le 6 et le 9 juillet 2018, un tract en tenant des propos insultants et dénigrant à l’encontre de la direction de l’association ;
Attendu que si Mme [P] reconnaît avoir distribué un tract, qu’elle produit en pièce n° 4, son examen montre qu’il différe en tout point de celui invoqué par l’association, puisqu’il porte sur des revendications salariales et le paiement des heures complémentaires mais qu’il ne comporte aucun propos insultant, ni dénigrant ; qu’elle justifie par sa pièce n° 8, constituée d’une attestation de Mme [M] [K], que seule cette dernière a diffusé le tract produit en pièce n° 1 par l’association ;
Attendu que les autres griefs, développés par l’association dans ses conclusions mais qui ne sont pas mentionnés dans la lettre de licenciement, qui circonscrit le litige, sont sans emport ;
Attendu que l’association échoue ainsi à rapporter la preuve des griefs qu’elle invoque à l’encontre de Mme [P], en sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Sur les indemnités pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, légale de licenciement et compensatrice de préavis :
Attendu que c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont fait droit aux demandes de Mme [P] de ces chefs ; que le jugement sera là encore confirmé ;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme le jugement rendu le 30 novembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Saint-Denis-de-la-Réunion ;
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de l’Association service mandataire et prestataire aux personnes nécessitant une aide à la vie quotidienne ;
Condamne l’Association service mandataire et prestataire aux personnes nécessitant une aide à la vie quotidienne aux dépens d’appel et dit qu’ils seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.
Le présent arrêt a été signé par M. Alain Lacour, président, et par Mme Monique Lebrun, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière,le président,