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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 01 JUIN 2022
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N°249/2022, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/00654 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBD52
NOUS, Laurence CHAINTRON, Conseillère à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats et de Vanessa ALCINDOR, Greffière présente lors de la mise à disposition au greffe.
Vu le recours formé par :
La SCP ATALLAH COLIN JOSLOVE MICHEL ET AUTRES
ELISANT DOMICILE AU CABINET DE LA SCP GRV ASSOCIES
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Demanderesse au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
Madame [L] [T]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Benjamin CHISS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0339
Défenderesse au recours,
Par décision contradictoire, statuant publiquement par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 19 Avril 2022 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 01 Juin 2022 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
Au mois de décembre 2017, Mme [L] [T] a confié à Me Yann Colin, associé de la SCP [G] et autres, la défense de ses intérêts dans le cadre d’une modification par son employeur, la société Generali Investments de ses attributions et responsabilités, puis de son licenciement notifié le 15 février 2018.
Aucune convention d’honoraires n’a été signée entre les parties.
Le 8 mars 2019, Mme [T] a dessaisi la SCP [G] et autres de sa mission.
Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception reçu le 13 mars 2019, Mme [T] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris d’une demande de contestation des honoraires de la SCP [G] et autres et de restitution des deux tiers de la somme réglée à ce titre d’un montant de 15 000 euros.
Par décision contradictoire du 13 novembre 2019, la déléguée du bâtonnier a :
– fixé à la somme de 12 500 euros HT (douze mille cinq cents euros hors taxes) le montant total des honoraires dus par Mme [T] à la SCP [G] et autres;
– constaté le règlement intervenu de la somme de 12 500 euros à titre d’honoraires, outre la TVA y afférente ;
– débouté les parties de toutes demandes plus amples ou complémentaires.
La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 15 novembre 2019 dont Mme [T] a signé l’AR le 16 novembre 2019 et la SCP [G] et autres le 18 novembre 2019.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 13 décembre 2019, le cachet de la poste faisant foi, la SCP [G] et autres a formé un recours contre la décision précitée.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 10 mars 2022 par lettres recommandées avec avis de réception en date du 22 novembre 2021 dont elles ont signé les AR le 23 novembre 2021 pour la SCP [G] et autres et le 26 novembre 2021 pour Mme [T].
A l’audience, l’affaire a été renvoyée contradictoirement au 19 avril 2022.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 19 avril 2022, la SCP [G] et autres demande de :
– dire recevable et bien fondé son recours,
– réformer la décision du 13 novembre 2019 du bâtonnier de l’ordre des avocats en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande de voir taxer ses honoraires à la somme de 55 026 euros HT, soit 66 031 euros TTC et fixé les honoraires dus par Mme [T] à la somme de 12 500 euros HT, outre la TVA afférente,
Statuant à nouveau,
– taxer les honoraires au temps passé pour la période comprise entre le 4 décembre 2017 et le 30 octobre 2018, conformément à la facture n° 8146-20190168 du 14 février 2019 d’un montant de 55 026 euros HT, soit 66 031,20 euros TTC,
– condamner Mme [T] au paiement de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 19 avril 2022, Mme [L] [T] demande, au visa du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et du décret n° 790 du 12 juillet 2005, de l’article 11.1 du RIN, des pièces versées aux débats, de la jurisprudence, de :
– confirmer la décision déférée du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris du 13 novembre 2019 en ce qu’elle a débouté la SCP [G] et autres de sa demande de voir taxer ses honoraires à hauteur de la somme de 67 526 euros HT,
– réformer la décision déférée du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris du 13 novembre 2019 en ce qu’elle a fixé le montant des honoraires dus à hauteur de 12 500 euros HT et fixer le montant des honoraires dus à la SCP [G] et autres à hauteur de 7 000 euros HT,
En conséquence,
– condamner la SCP [G] et autres à lui régler la somme de 5 250 euros au titre des honoraires à rembourser,
– condamner la SCP [G] et autres à lui régler la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SCP [G] et autres aux entiers dépens.
SUR CE
Sur les honoraires
A l’appui de ses prétentions, la SCP [G] et autres expose avoir accompli des diligences sur une période de 11 mois à compter du 4 décembre 2017 jusqu’au 30 octobre 2018. Elle indique avoir consacré à ce dossier 243 heures de travail et revendique un taux horaire moyen de 226,44 euros HT. Elle expose que Me Colin a 40 années d’exercice professionnel. Elle soutient avoir étudié le dossier, effectué des recherches juridiques, rédigé une plainte pénale le 18 janvier 2018, un courrier de saisine du conseil de prud’hommes et des conclusions le 2 septembre 2018, assisté à l’audience de conciliation du 3 juillet 2018, eu des rendez-vous et échangé de nombreux courriers et SMS avec sa cliente. Elle expose qu’après le dépôt de la plainte, un des associés du cabinet qui connaissait personnellement le directeur général du groupe Generali, M. [H], a demandé à Me Colin de ne pas apparaître dans cette procédure, de sorte qu’il a été convenu avec Mme [T] que Me [Y] suivrait le dossier avec l’assistance de Me Colin. Elle expose qu’avant son licenciement, Mme [T] gagnait 240 000 euros bruts annuels avant intéressement, primes ou bonus. Elle allègue avoir convenu avec Mme [T] d’un honoraire forfaitaire de 12 500 euros HT et d’un honoraire de résultat égal à 6 % du montant des dommages et intérêts pouvant être obtenus en justice contre Generali. Elle fait valoir que Mme [T] s’est comportée de manière indélicate à son égard. Elle expose que grâce à son intervention, Mme [T] a bénéficié de 6 mois de préavis et perçu la somme de 300 000 euros d’indemnité de licenciement. Elle sollicite le paiement de sa facture n° 8146-20190168 du 14 février 2019 d’un montant de 55 026 euros HT, soit 66 031,20 euros TTC.
En réplique, Mme [T] expose qu’à la suite de son licenciement, elle n’a pas retrouvé d’emploi et se trouve au chômage. Elle fait valoir qu’elle a été contrainte d’accepter la proposition de Me Colin de sous traiter son dossier à Me [Y] qui n’était pas spécialisé en droit du travail dans la mesure où à ce stade de la procédure, il était compliqué de changer d’avocat. Elle reproche à la SCP [G] et autres de lui avoir indiqué que le dépôt d’une plainte permettrait d’éviter son licenciement, de ne pas l’avoir informée des suites données à cette plainte, d’avoir commis des erreurs dans les conclusions déposées devant le conseil de prud’hommes, de ne pas les avoir préalablement soumises à son approbation, de ne pas avoir apporté de réponse à ces questions et de s’être désintéressée de son dossier dès le mois de septembre 2018. Elle relève l’absence de convention d’honoraires signée entre les parties conforme à la loi Macron et le manquement de la société d’avocats à son devoir d’information sur les modalités de détermination de ses honoraires. Elle allègue toutefois qu’un accord est intervenu entre les parties par échanges de courriels du 11 juillet 2018 sur le paiement d’honoraires forfaitaires d’un montant de 15 000 euros TTC qu’elle a réglé, outre un honoraire de résultat de 6 % des sommes perçues. Elle estime que le dessaisissement de la société d’avocats n’a aucune incidence sur la réalité de cet accord qui ne comportait aucune disposition particulière en cas d’interruption de la mission. Elle soutient qu’en réalité, c’est Me Colin qui a renoncé à assurer sa défense. Elle allègue que la SCP [G] et autres ne justifie pas du temps consacré à son dossier qu’elle estime excessif, alors que, comme l’a relevé le bâtonnier, il s’agissait d’un contentieux ordinaire de contestation du motif de licenciement. Elle précise que le travail de la société d’avocats n’a commencé qu’en janvier 2018 pour se terminer le 7 septembre 2018. Elle relève que la société requérante ne fournit aucune explication quant au taux horaire sollicité qu’elle n’a pas accepté. Elle souligne le caractère limité des diligences réalisées par la SCP [G] et autres. Elle estime qu’elle ne saurait assumer les coûts inhérents à la ‘dualité de son assistance’ résultant de l’intervention de Me [Y]. Elle reproche à la SCP [G] et autres de ne pas s’être dessaisie du dossier à la suite du conflit d’intérêts existant au sein de la SCP. Elle relève que la SCP [G] et autres n’a pas mené sa mission jusqu’à son terme et que rien ne démontre que les conclusions déposées devant le conseil de prud’hommes aient été rédigées par cette SCP. Elle conteste avoir fait preuve d’indélicatesse et de malhonnêteté à l’égard de la SCP [G] et autres. Elle estime que le montant des honoraires de la SCP [G] et autres doit être fixé à la somme de 7 000 euros HT. Elle soutient que la SCP [G] et autres a manqué de délicatesse à son égard.
Le recours de la SCP [G] et autres qui a été effectué dans le délai d’un mois prévu par l’article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 est recevable.
A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les griefs de Mme [T] qui renvoient à la responsabilité professionnelle éventuelle de la société d’avocats dans l’accomplissement de sa mission tenant au manquement à son devoir d’information sur les modalités de détermination de sa rémunération et à la gestion de son dossier par la SCP [G] et autres et, notamment, au fait qu’elle a sous traité son dossier à Me [Y], lui aurait indiqué que le dépôt d’une plainte permettrait d’éviter son licenciement, ne l’aurait pas informée des suites données à cette plainte, aurait commis des erreurs dans les conclusions déposées devant le conseil de prud’hommes, ne lui aurait pas soumis préalablement ces conclusions, ni apporté de réponse à ces questions, se serait désintéressée de son dossier et ne se serait pas dessaisie malgré le conflit d’intérêt existant au sein de la SCP, ne relèvent pas de l’appréciation du bâtonnier, ni du premier président, statuant dans le cadre de l’article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, mais du juge de droit commun.
En application des dispositions de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l’espèce, Mme [T] produit deux propositions de conventions d’honoraires qui lui ont été adressées par la SCP [G] et autres les 8 juin 2018 (pièce n° 24) et 10 juillet 2018 (pièce n° 25) qu’elle n’a pas retourné signées.
L’intimée communique également un échange de courriels entre les parties du 11 juillet 2018 (pièce n° 26) aux termes duquel elle a précisé à la société d’avocats ‘nous sommes d’accord sur un forfait de 15 000 euros TTC et d’un intéressement de 6 % sur les montants perçus hors différés de bonus 2016, bonus 2017, valeur des actions perçues dans le cadre du plan de Generali, indemnités légales de licenciement et de congés payés. L’intégralité des sommes inclut l’intervention de [K] [Y].’
Cet échange de courriels ne répond pas aux préconisations de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 dite loi Macron qui a modifié l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 en ce sens notamment que, sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat doit conclure avec son client une convention d’honoraires.
Ainsi, à défaut d’une telle convention d’honoraires, il convient pour fixer les honoraires dus à la SCP [G] et autres à compter du mois de décembre 2017 jusqu’au 8 mars 2019, date de son dessaisissement au profit d’un autre avocat, de faire application des dispositions de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 qui dispose notamment que : ‘ Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.’
Force est de constater que l’application littérale de l’article 10 de la loi précitée dans ce dossier présente des difficultés dès lors que la société d’avocats ne justifie pas avoir communiqué à sa cliente son taux horaire HT habituel et n’a pas porté à notre connaissance le temps passé pour chaque type de diligences réalisées.
Pour ces motifs, nous fixerons les honoraires de manière forfaitaire comme l’a fait le bâtonnier de Paris, en ne tenant compte que des diligences que la SCP [G] et autres justifie dans la présente instance.
Les parties admettent que :
– des rendez-vous se sont tenus entre elles,
– la SCP [G] et autres a dû examiner le dossier de Mme [T],
– Me [Y] a assisté Mme [T] à l’audience de conciliation du conseil de prud’hommes de Paris du 3 juillet 2018.
Par ailleurs, la SCP [G] et autres et/ou Me [Y] ont établi pour le compte de Mme [T] pendant la période considérée les actes suivants :
– une plainte contre X près le procureur de la République de Paris le 18 janvier 2018 de 14 pages des chefs de harcèlement moral, dénonciation calomnieuse, diffamation et injures non publiques, et faux et usage de faux à laquelle est jointe un bordereau de communication de 16 pièces (pièce de la requérante n° 2),
– des conclusions en demande devant le conseil de prud’hommes de Paris le 2 septembre 2018 de 13 pages auxquelles est joint un bordereau de communication de 28 pièces (pièce n° 3),
– un courrier daté du 14 décembre 2017 de deux pages à l’attention du directeur général de la société de l’intimée (pièce n° 5),
– un courrier de mise en demeure daté du 22 décembre 2017 de trois pages à l’attention du même directeur général (pièce n° 6).
La société requérante justifie par ailleurs d’échanges de courriels (pièces n° 7, 8, 9, 12 16, 17, 18, 19) et de SMS (pièce n° 20) avec sa cliente.
Comme l’a retenu à juste titre le bâtonnier de Paris, ‘la lecture de la plainte pénale permet de se convaincre qu’il y a un travail important de recherches et de compilation de pièces ainsi que de rédaction…’
Toutefois, le dossier ne présentait aucune difficulté juridique réelle s’agissant d’un contentieux ordinaire de contestation des motifs du licenciement et d’établissement des comptes entre Mme [T] et son ancien employeur.
Aucun élément n’est versé aux débats par la société requérante, ni sur la répartition du temps de travail allégué entre Me [Y] et Me Colin, ni sur la notoriété de Me [Y].
Par ailleurs, c’est également à juste titre que le bâtonnier de Paris a relevé que la dualité de conseils imposée par la SCP [G] et autres a été ‘génératrice d’une multiplication des diligences que les nécessités de la défense n’imposaient pas.’
Enfin, il ressort du contrat de travail de Mme [T] (pièce de la requérante n° 23) qu’elle percevait à l’époque des faits une rémunération annuelle brute de 240 000 euros, complétée d’un bonus individuel.
Au vu de l’ensemble de ces éléments et des diligences limitées justifiées par la société requérante, il y a lieu de fixer à la somme de 12 500 euros HT, soit 15 000 euros TTC, le montant des honoraires dus par Mme [T] à la SCP [G] et autres au titre des diligences effectuées, étant rappelé que la SCP [G] et autres ne conteste pas que cette somme lui a déjà été réglée. La décision déférée est donc confirmée de ce chef et MmeValraud est donc déboutée par voie de conséquence de sa demande de restitution d’honoraires.
Sur les autres demandes
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu’elles ont été contraintes d’engager pour assurer la défense de leurs intérêts. Leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile est donc rejetée.
La SCP [G] et autres, partie perdante, sera condamnée aux dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, et par mise à disposition de la décision par le greffe,
Confirmons la décision déférée rendue par la déléguée du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris du 13 novembre 2019 ;
Condamnons la SCP [G] et autres aux dépens de la présente instance ;
Rejetons toute autre demande ;
Disons qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE