Production Audiovisuelle : 28 juin 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/00524

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Production Audiovisuelle : 28 juin 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/00524

N° RG 20/00524 – N° Portalis DBVM-V-B7E-KKU2

RG 20/839

C2

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Lucile GARNIER

Me Sandrine BAGRAMOFF

la SELARL DAUPHIN

ET MIHAJLOVIC

la SELARL GALLIZIA

DUMOULIN ALVINERIE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 28 JUIN 2022

Appel d’une décision (N° RG 16/00532)

rendue par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 12 décembre 2019

suivant déclaration d’appel du 24 janvier 2020

APPELANT : (intimés dans le RG 20/839)

M. [U] [E]

né le 30 janvier 1956 à CHAMBERY

de nationalité française

13 Résidence Ixora -Quartier Volcart

97228 SAINTE LUCE

Mme [X] [F] épouse [E]

née le 15 mai 1954 à BENI-BOUKHANOUS (ALGÉRIE)

de nationalité Française

13 Résidence Ixora -Quartier Volcart

97228 SAINTE LUCE

Mme [W] [E]

née le 11 novembre 1990 à CHAMBERY

de nationalité Française

11 Rue des Multipliants

34000 MONTPELLIER

représentés et plaidant par Me Lucile GARNIER, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMES :

M. [H] [O]

de nationalité Française

5 rue des Tropiques

38130 ECHIROLLES

représenté par Me Sandrine BAGRAMOFF, avocat au barreau de GRENOBLE

LA CLINIQUE DES CEDRES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège (Appelante dans le RG 20/839)

21 rue Albert Londres

38130 ECHIROLLES

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Sébastien THEVENET de la SELARL JURISQUES, avocat au barreau de LYON

LA CPAM DU PUY-DE-DÔME en charge de l’activité recours contre tiers relatif à tous les travailleurs indépendants et leurs ayants droit, affiliés au sein d’une caisse primaire d’assurance maladie métropolitaine ou des départements et régions d’outre-mer, suite à une décision du directeur Général de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, Monsieur [C] [I], en date du 1 er janvier 2020, sise 46 rue du Clos du Four ‘ 63031 CLERMONT FERRAND CEDEX 9 – venant aux droits de la Caisse locale déléguée pour la Sécurité Sociale des travailleurs indépendants, en vertu de l’article 15 de la loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, venants aux droits et obligations de la Caisse Régionale RSI d’AUVERGNE, sise 11, rue Jean Claret à CLERMONT-FERRAND (63003), agissant pour le compte de la Caisse RSI ANTILLES-GUYANE, ayant son siège Four à Chaux ‘ Zac de Manhity à LAMENTIN (97282), en vertu de la convention de délégation de l’activité de recours contre tiers signée entre elles le 1 er avril 2016, à laquelle est affilié Monsieur [U] [E] sous le n° 1 56 01 73 065 124

46 rue Clos Four – 63000 CLERMONT FERRAND

représentée par Me Delphine DUMOULIN de la SELARL GALLIZIA DUMOULIN ALVINERIE, avocat au barreau de GRENOBLE et par Me Hélène MASSAL, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène COMBES, Président de chambre,

Mme Joëlle BLATRY, Conseiller,

M. Laurent GRAVA, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 16 mai 2022 Madame BLATRY, Conseiller chargé du rapport en présence de Madame COMBES, Président de chambre, assistées de Mme Anne BUREL, Greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.

Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été prorogé le 7 juin 2022 pour être rendu ce jour.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Suite à une fracture du cotyle gauche, Monsieur [U] [E], qui réside en Martinique, a bénéficié en 1984 d’une ostéosynthèse avec remplacement du matériel en 1988 et 1992.

En mai 2008, des investigations faisant suite à des douleurs de la hanche gauche ont mis en évidence un descellement de la prothèse qui a nécessité une reprise de celle-ci, le 7 août 2008, par le docteur [H] [O] dans le cadre de la Clinique des Cèdres.

En août 2008, une infection à staphylocoques a justifié un lavage de l’appareillage et un traitement par antibiotiques.

Le 28 juin 2012, en raison de la persistance de douleurs depuis décembre 2011, le docteur [O] a procédé au remplacement de la prothèse fémorale et placé Monsieur [E] sous antibiotiques du fait d’une infection.

En l’absence d’amélioration, il a été procédé, en janvier 2013 à l’ablation de tout le dispositif prothétique dans le cadre de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, puis en mars 2013 à la mise en place d’un nouvel appareillage.

Monsieur [E] a obtenu, suivant ordonnance de référé du 19 mars 2014, l’instauration d’une mesure d’expertise judiciaire.

L’expert, le professeur [P] [Y], a déposé son rapport le 26 février 2016.

Suivant exploits d’huissier du 6 janvier 2014, Monsieur [E],son épouse, Madame [X] [F], et sa fille, Madame [W] [E], ont poursuivi Monsieur [O], la société Clinique des Cèdres et le RSI Antilles Guyane en réparation de leurs préjudices.

Par ordonnance juridictionnelle du 2 mai 2017, la demande de contre-expertise formée par la Clinique des Cèdres a été rejetée.

Par jugement en date du 12 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Grenoble a :

donné acte à la Caisse locale déléguée par la Sécurité sociale des travailleurs indépendants agissant pour le compte de la Caisse RSI Antilles-Guyane de son intervention volontaire en lieu et place de la caisse Régionale RSI Auvergne agissant pour le compte de la Caisse RSI Antilles-Guyane,

débouté le docteur [O] et la Clinique des Cèdres de leur demande de contre-expertise,

dit que la Clinique des Cèdres est responsable de plein droit de l’infection nosocomiale subie par Monsieur [E],

retenu la responsabilité du docteur [O] dans l’état séquellaire de Monsieur [E],

dit que Monsieur [E] n’a pas présenté d’état antérieur,

fixé les préjudices de Monsieur [E] comme suit :

frais divers……………………………………………………………………………………………14.144,00€,

pertes de gains actuels…………………………………………………………………………..11.332,00€,

frais tierce personne……………………………………………………………………………….9.105,00€,

déficit fonctionnel temporaire…………………………………………………………………4.741,25€,

dépenses de santé futures………………………………………………………………………….275,22€,

souffrances endurées……………………………………………………………………………..8.000,00€,

déficit fonctionnel permanent…………………………………………………………………3.810,00€,

préjudice esthétiques temporaire…………………………………………………………….1.000,00€,

préjudice esthétique permanent……………………………………………………………..4.000,00€,

préjudice sexuel……………………………………………………………………………………..5.000,00€,

condamné in solidum le docteur [O] et la Clinique des Cèdres à payer à Monsieur [E] la somme de 61.407,47€ en réparation de son préjudice corporel,

débouté Mesdames [E] de leur demande au titre du préjudice d’affection,

condamné in solidum le docteur [O] et la Clinique des Cèdres à payer à Madame [X] [E] la somme de 3.000,00€ en réparation de son préjudice sexuel propre,

condamné in solidum le docteur [O] et la Clinique des Cèdres à payer à la Caisse locale déléguée par la Sécurité sociale des travailleurs indépendants la somme de 128.891,27€ au titre de ses débours,

condamné in solidum le docteur [O] et la Clinique des Cèdres à payer à la Caisse locale déléguée par la Sécurité sociale des travailleurs indépendants la somme de 1.066,00€ au titre de l’indemnité forfaitaire, outre la somme de 1.000,00€ d’indemnité de procédure,

condamné in solidum le docteur [O] et la Clinique des Cèdres à payer aux consorts [E] une indemnité de procédure de 3.000,00€ et à supporter les dépens qui comprennent les frais d’expertise,

accordé à Monsieur [E] le bénéfice de l’exécution provisoire sur la totalité des sommes dues.

Suivant déclaration du 24 janvier 2020, Monsieur [E] a relevé appel en intimant uniquement le docteur [O], la Clinique des Cèdres et la Caisse locale déléguée par la Sécurité sociale des travailleurs indépendants.

La Clinique des Cèdres a interjeté appel le 18 février 2020 en intimant les trois consorts [E], le docteur [O] et la Caisse locale déléguée par la Sécurité sociale des travailleurs indépendants. Les procédures ont été jointes.

Mesdames [E] ont constitué le même conseil que Monsieur [E] lequel n’a conclu que pour ce dernier.

Par uniques conclusions du 16 mars 2020, Monsieur [E] demande à la cour de réformer le jugement déféré sur le quantum de la condamnation in solidum du docteur [O] et de la Clinique des Cèdres au titre de sa perte de gains actuels qu’il réclame à la somme de 45.328,00€ et, y ajoutant, de condamner in solidum les mêmes à lui payer une indemnité de procédure de 4.000,00€.

Il fait valoir que :

l’expert a retenu deux infections nosocomiales en 2008 et 2012 relevant que la deuxième opération a été rendue nécessaire du fait de la première infection nosocomiale,

l’expert critique l’intervention du docteur [O] qui n’a pas retiré l’intégralité du matériel prothétique alors que les signes d’infection étaient manifestes,

l’expert caractérise très précisément l’infection nosocomiale au regard des nombreux prélèvements bactériologiques ainsi que le lien de causalité entre les interventions de 2008 et 2012.

Par conclusions récapitulatives du 9 décembre 2021, la Clinique des Cèdres demande à la cour de réformer le jugement déféré et de :

1) à titre principal, ordonner une contre-expertise,

2) subsidiairement :

dire qu’elle n’est tenue d’indemniser que les seuls préjudices imputables à la première infection nosocomiale d’août 2008 et que cette infection était guérie en janvier 2009,

dire, en tout état de cause, que les préjudices postérieurs au 28 juin 2012 sont imputables à la seule faute du docteur [O],

retenir l’état antérieur de Monsieur [E] à hauteur de 20%,

dire que les indemnités dues par elles ne sauraient excéder les sommes de :

pertes de gains actuels…………………………………………………2.485,87€ à titre subsidiaire,

frais tierce personne temporaire……………………………………………………………..1.528,80€,

déficit fonctionnel temporaire……………………………………………………………………568,00€,

souffrances endurées………………………………………………………………………………..800,00€,

rejeter le surplus des demandes de Monsieur [E],

débouter Mesdames [E] de leurs demandes,

dire qu’elle ne devra supporter la créance de la Caisse locale déléguée par la Sécurité sociale des travailleurs indépendants que dans la limite de la somme de 1.483,90€ correspondant aux frais d’hospitalisation du 20 août au 5 septembre 2008,

3) en tout état de cause, réduire à de plus justes proportions les demandes en indemnité de procédure et statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle expose que :

l’expertise est entachée de diverses lacunes,

un long délai s’est écoulé entre les deux infections nosocomiales et l’expert ne qualifie pas le second épisode ni ne détermine son imputabilité,

les germes sont différents et malgré ces éléments de fait, l’expert ne s’est pas interrogé sur la nature de la deuxième infection, à savoir la provenance du deuxième germe,

de nombreux soins ont été délivrés à Monsieur [E] au CHU de Fort de France où il a subi, notamment, une ponction de hanche,

l’expert est resté taisant sur l’étiologie de ces germes,

l’expert ne distingue pas entre les conséquences imputables aux infections et celles résultant de la faute du docteur [O],

ce faisant, il n’a pas répondu à sa mission sur l’imputabilité et n’a pas jugé utile de se faire assister d’un sapiteur,

l’expert n’a pas apprécié le geste médico-légal effectué au sein du CHU de Fort de France alors que la mission de l’expertise l’invitait à la faire,

dès lors, la cour ne saurait se satisfaire du rapport très lacunaire du professeur [Y],

subsidiairement, il sera retenu un partage de responsabilité entre le docteur [O] et elle.

Par dernières écritures du 2 décembre 2021, le docteur [O] demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et de :

1) à titre principal, ordonner une nouvelle expertise,

2) subsidiairement :

retenir un état antérieur de Monsieur [E] à 20%,

limiter les préjudices à ceux à compter du 28 juin 2012,

liquider les préjudices qui lui sont imputables aux sommes de :

pertes de gains actuels……………..2.719,68€ à titre principal et 3.018,72 à titre subsidiaire,

frais tierce personne temporaire………………………………………………………………..766,08€,

déficit fonctionnel temporaire……………………………………………………………………658,80€,

souffrances endurées……………………………………………………………………………..1.440,00€,

déficit fonctionnel permanent…………………………………………………………………….914,40€,

préjudice esthétique permanent………………………………………………………………..800,00€,

préjudice sexuel………………………………………………………………………………………..720,00€,

préjudice sexuel de Madame……………………………………………………………………..7 20,00€,

rejeter le surplus des demandes de Monsieur [E],

dire qu’il ne devra supporter la créance de la Caisse locale déléguée par la Sécurité sociale des travailleurs indépendants que dans la limite de la somme de 22.676,43€ correspondant à la période postérieure au 28 juin 2012,

3) en tout état de cause :

réduire à de plus justes proportions les demandes en indemnité de procédure et de gestion,

statuer ce que de droit sur les dépens.

Il expose que :

l’expert n’avait pas, préalablement à l’accédit, étudié ce dossier complexe,

l’expert ne disposait pas de tous les documents nécessaires pour mener les opérations d’expertise,

le rapport est incomplet,

l’expert n’a pas apprécié les conséquences des diverses responsabilités

à aucun moment, il ne distingue la part d’imputabilité de son choix chirurgical de n’avoir changé que la prothèse fémorale dans la survenue des séquelles actuelles du patient,

l’expert retient un état antérieur de 20%,

sur les 80% restants, il y a une partie due à la survenue de l’infection nosocomiale,

sa faute selon l’expert n’est pas à l’origine de l’infection puisque les règles d’asepsie et d’antibioprophylaxie ont été respectées,

dès le mois de juin 2012, il a adressé la victime à un infectiologue, ce qui démontre le sérieux de sa prise en charge,

la cause première du dommage résulte bien de l’infection nosocomiale et la clinique des Cédres est responsable des conséquences de cette infection,

le reproche qui lui est adressé aurait dû s’analyser en une perte de chance d’enrayer l’infection déjà constituée et non en responsabilité totale des conséquences de l’infection,

aucun manquement ne pouvant lui être reproché avant l’intervention du 28 juin 2012, il ne peut être tenu responsable des préjudices qui sont intervenus avant cette période,

l’expert n’a pas répondu à toutes les questions posées dans les dires,

le rapport de l’expert, insuffisant, est inexploitable et ne permet pas de trancher le litige,

sa condamnation solidaire avec la Clinique des Cèdres n’est pas possible et contraire à toutes les règles de la responsabilité médicale qui exigent la démonstration d’une faute en lien de causalité avec un préjudice,

l’expert ne s’est pas fait assister d’un infectiologue,

par ailleurs, l’expert est le chef de service du CHU de Fort de France, ce qui constitue un conflit d’intérêt,

il est certain que la Clinique des Cèdres engage sa responsabilité au titre de l’infection nosocomiale,

c’est à tort que le tribunal n’a pas retenu d’état antérieur de la victime alors que l’expert souligne que la fragilité de Monsieur [E] avait participé à hauteur de 20% dans la survenue de ses préjudices.

Au dernier état de ses conclusions en date du 9 décembre 2021, la CPAM du Puy de Dôme venant aux droits de la Caisse locale déléguée par la Sécurité sociale des travailleurs indépendants demande à la cour de :

lui donner acte de son intervention volontaire aux débats,

lui donner acte de ce que le montant définitif de la créance au titre des prestations versées à Monsieur [E] s’élève à la somme de 128.891,27€,

condamner in solidum la Clinique des Cèdres et le docteur [O] à lui payer cette somme avec intérêts de droit à compter du paiement des prestations,

condamner les mêmes à lui payer sous la même solidarité la somme de 1.098,00€ au titre de l’indemnité forfaitaire, outre une indemnité de procédure de 2.500,00€.

Elle fait valoir que :

par application de l’article L 1142-1 I du code de la santé publique la clinique des Cèdres est responsable de plein droit du fait de l’infection nosocomiale subies par Monsieur [E],

l’établissement de santé ne démontre pas la cause étrangère permettant seule de l’exonérer,

l’expert relève qu’il y a une imputabilité totale des conséquences de l’absence de guérison de l’infection du fait de la réalisation du geste incomplet par le docteur [O],

le docteur [O] n’a pas changé toutes les pièces de la prothèse lors de la reprise de 2008 en ne remplaçant que la pièce fémorale.

La clôture de la procédure est intervenue le 12 avril 2022.

SUR CE

1/ sur la demande en contre-expertise et ses conséquences

Le docteur [O] et la Clinique des Cèdres soulignent l’existence d’un conflit d’intérêts pour l’expert en sa qualité de chef de service du CHU de Fort de France et critiquent l’expertise qu’ils estiment insuffisante pour trancher le présent litige.

Ainsi que le tribunal l’a relevé, il ne peut être reproché à l’expert de ne pas avoir répondu sur les soins délivrés à Monsieur [E] au CHU de Fort de France dans la mesure où la mission d’expertise ne l’interroge pas sur ce point.

Par ailleurs, le seul fait d’être l’un des chefs de service au CHU de Fort de France est insuffisant à démontrer une partialité qui n’est d’ailleurs pas alléguée.

Contrairement à l’affirmation du docteur [O] selon laquelle l’expert ne disposait pas de tous les documents nécessaires pour mener les opérations d’expertise, il est établi en pages 11, 12, 13, 14, 15 et 16 l’ensemble des documents utilisés à cet effet.

L’expert a repris de façon exhaustive le parcours médical de Monsieur [E].

L’expert a différencié les deux interventions chirurgicales et noté les deux infections avec deux germes différents.

Il a analysé la faute du docteur [O] consistant en une reprise partielle le 28 juin 2012 alors qu’il existait un sepsis avec descellement fémoral.

Au regard de ces éléments, l’expert a conclu que «les séquelles actuelles sont en relation directe, certaine et exclusive avec l’intervention de reprise de prothèse, premièrement celle du 7 août 2008 et surtout celle du 28 juillet 2012’» (en réalité 28 juin 2012).

Ce faisant, l’expert n’analyse pas suffisamment les deux interventions, à savoir, qu’il n’explique pas :

si, pour la première opération de 2008, le docteur [O] a commis une faute

et, pour la deuxième opération de 2012, si l’infection présentée par Monsieur [E] est d’origine nosocomiale au regard de la différence de germe et de la découverte de pus en pré-opératoire.

L’expert n’explique pas si la deuxième infection est en lien avec la première et ne distingue pas entre les responsabilité des professionnels de santé.

Dès lors, il apparaît nécessaire d’ordonner une nouvelle mesure d’expertise.

L’obligation à l’égard de Monsieur [E] n’étant pas sérieusement contestable et seule la répartition des responsabilités entre l’établissement de santé et le chirurgien étant en cause, il convient d’allouer à Monsieur [E] une provision de 66.000,00€, prenant en compte les frais pour se rendre aux opérations d’expertise compte tenu de son éloignement géographique.

Cette provision sera supportée par moitié par la société Clinique des Cèdres et le docteur [O].

En l’absence de demandes de Mesdames [E], il n’y a pas lieu de fixer une provision à leur bénéfice.

2/ sur les mesures provisoires

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de la fixation d’une indemnité forfaitaire au seul bénéfice de Monsieur [E] et de la CPAM du Puy de Dôme.

Enfin, les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Donne acte à la CPAM du Puy de Dôme venant aux droits de la Caisse locale déléguée par la Sécurité sociale des travailleurs indépendants de son intervention volontaire,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a donné acte à la Caisse locale déléguée par la Sécurité sociale des travailleurs indépendants agissant pour le compte de la Caisse RSI Antilles-Guyane de son intervention volontaire en lieu et place de la caisse Régionale RSI Auvergne agissant pour le compte de la Caisse RSI Antilles-Guyane et sur les indemnités de procédures, l’indemnité forfaitaire et les dépens comprenant les frais d’expertise,

L’infirme pour le surplus, et statuant à nouveau,

Ordonne une mesure d’expertise et désigne en qualité d’expert Le professeur [S] [T]

Centre hospitalier Lyon Sud – Service d’orthopédie traumatique – 69495 Pierre Bénite

Mail : [email protected]

Tel: 04 78 86 14 19

06 09 21 93 73

avec la mission suivante :

1. Prendre connaissance des éléments de la présente procédure et convoquer l’ensemble des parties, leurs conseils ou représentants, à savoir: Monsieur [U] [E], Madame [X] [F] épouse [E], Madame [W] [E], la société Clinique des Cèdres, le docteur [H] [O] et la CPAM du Puy de Dôme ;

2. Se faire communiquer par les parties elles-mêmes et tous tiers détenteurs, l’ensemble des documents nécessaires à l’exécution de la mission, en particulier, et avec l’accord de l’intéressé, le dossier médical complet relatant les examens et soins dont a été l’objet Monsieur [U] [E], en ce compris les soins réalisés au CHU de Fort de France ainsi que ceux reçus à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière ainsi que les documents médicaux relatifs à son éventuel état antérieur ;

3. Examiner contradictoirement Monsieur [U] [E], en rapportant précisément ses doléances, ses constatations, ses observations éventuelles ;

4. Déterminer et décrire dans tous ses éléments la pathologie dont Monsieur [U] [E] est atteint au jour de l’examen, en décrivant ses manifestations, ses critères de diagnostic, son évolution et les traitements appliqués ;

5. Décrire l’étiologie de ladite pathologie et préciser en l’état de la science s’il est possible de circonscrire les facteurs pouvant être à l’origine de la pathologie décrite tout en distinguant les interventions chirurgicales du 7 août 2008 et du 28 juin 2012 et en sériant les responsabilités de la société Clinique des Cèdres de celles du docteur [H] [O] dans chacune des opérations ;

6. Déterminer, de manière précise et circonstanciée, l’état de Monsieur [U] [E] antérieur à l’accident ;

7. Décrire de façon précise l’intervention du docteur [H] [O] dans les deux opérations chirurgicales de 2008 et 2012 et dire si les soins dispensés à Monsieur [U] [E] ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science à l’époque des faits ainsi qu’aux bonnes pratiques de l’art ;

8. Dans la négative, analyser la nature des erreurs, imprudences, maladresses, manques de précautions ou défaillances pouvant être reprochées au docteur [H] [O] ;

9. Déterminer si les infections constatées après les interventions chirurgicales de 2008 et 2012 sont de nature nosocomiale en distinguant les deux opérations et dire si la deuxième infection est en lien avec la première infection;

10. Fixer la date de consolidation et évaluer contradictoirement l’ensemble des préjudices imputables aux éventuelles défaillances, en distinguant :

la gêne temporaire, totale ou partielle, constitutive d’un déficit fonctionnel temporaire,

Prendre en considération toutes les gênes temporaires, totales ou partielles, subies dans la réalisation des activités habituelles de Monsieur [U] [E] ; en préciser la nature et la durée,

le dommage esthétique temporaire,

les aides qui ont permis de pallier les gênes dans la réalisation des activités habituelles,

les soins médicaux avant consolidation,

l’atteinte à l’intégrité physique et/ou psychique constitutive d’un déficit fonctionnel permanent

Chiffrer le taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique et/ou psychique (AIPP) par référence au «barème d’évaluation des taux d’incapacité des victimes d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes ou d’infections nosocomiales », publié à l’annexe 11-2 du code de la santé publique (décret n° 2003-314 du 4 avril 2003),

les souffrances endurées : Décrire les souffrances endurées ; les évaluer selon l’échelle habituelle de sept degrés.

le dommage esthétique permanent,

la répercussion sur les activités d’agrément :

Donner un avis médical sur les difficultés éventuelles de se livrer, pour Monsieur [U] [E], à des activités de loisir effectivement pratiquées antérieurement,

les soins médicaux après consolidation :

Se prononcer sur la nécessité de soins médicaux, paramédicaux, d’appareillage ou de prothèse, après consolidation pour éviter une aggravation de l’état séquellaire ;

En cas de perte d’autonomie : aide à la personne et aide matérielle,

dresser un bilan situationnel en décrivant avec précision le déroulement d’une journée (sur 24 h.),

préciser les besoins et les modalités de l’aide à la personne, nécessaires pour pallier l’impossibilité ou la difficulté d’effectuer les actes et gestes de la vie courante, que cette aide soit apportée par l’entourage ou par du personnel extérieur,

indiquer la fréquence et la durée d’intervention de la personne affectée à cette aide, en précisant, pour ce qui concerne la personne extérieure, la qualification professionnelle éventuelle,

dire quels sont les moyens techniques palliatifs nécessaires à Monsieur [U] [E] (appareillage, aide technique, véhicule aménagé’),

décrire les éventuelles gênes engendrées par l’inadaptation du logement,

Dit qu l’expert devra déposer un pré-rapport et s’expliquer, dans le cadre des chefs de mission ci-dessus énoncés, sur les dires et observations des parties,

Dit qu’il pourra constater l’éventuelle conciliation des parties et faire rapport à la présidente de la première chambre civile de la cour d’appel de Grenoble de sa mission devenue sans objet,

Dit que l’expert fera connaître au greffe, sans délai, son acceptation,

Dit qu’en cas de refus, d’empêchement légitime ou de retard injustifié, il sera pourvu aussitôt à son remplacement,

Dit que l’expert pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix, dans une spécialité distincte de la sienne et notamment d’un infectiologue, à charge d’en informer préalablement le juge chargé du contrôle de l’expertise,

Dit que la société Clinique des Cèdres et le docteur [H] [O] devront consigner entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de la cour d’appel de Grenoble, chacun, une somme de 1.200,00€ avant le 1er août 2022,

Rappelle qu’en application de l’article 271 du code de procédure civile, à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l’expert sera caduque,

Rappelle que l’expert devra commencer ses opérations d’expertise dès qu’il sera averti que les parties ont consigné la provision mise à leur charge,

Dit que le rapport devra être déposé au greffe de la cour d’appel de Grenoble dans le délai de six mois suivant la consignation, sauf prorogation qui serait accordée sur demande de l’expert à cet effet,

Dit que la présidente de la première chambre civile de la cour d’appel de Grenoble suivra les opérations d’expertise,

Condamne la société Clinique des Cèdres à payer à Monsieur [U] [E] une provision de 33.000,00€,

Condamne le docteur [H] [O] à payer à Monsieur [U] [E] une provision de 33.000,00€,

Condamne in solidum la société Clinique des Cèdres et le docteur [H] [O] à payer à :

1) Monsieur [U] [E] la somme de 4.000,00€ par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

2) la CPAM du Puy de Dôme la somme de 1.098,00€ au titre de l’indemnité forfaitaire, outre la somme de 1.000,00€ par application de l’article 700 du code de procédure civile,

Réserve les dépens.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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