Production Audiovisuelle : 2 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/20975

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Production Audiovisuelle : 2 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/20975

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 02 MARS 2023

(n° , 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/20975 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYFA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Octobre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 21/04720

APPELANTS

Monsieur [O] [T] es qualité de Président du SNS-CFTC

[Adresse 3]

[Localité 7]

Madame [P] [WM] es qualité de Président du SNS-CFTC

[Adresse 2]

[Localité 5]

Syndicat NATIONAL SPECTACLES – COMMUNICATION SPORTS ET LOISIRS (SNS-CFTC)

[Adresse 1]

[Localité 8]

Tous représentés par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

INTIMÉ

Syndicat CONFEDERATION FRANÇAISE DES TRAVAILLEURS CHRÉTIENS Union de syndicats pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Carole VERCHEYRE GRARD, avocat au barreau de PARIS, toque : G0091

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur FOURMY Olivier, Premier président de chambre

Madame ALZEARI Marie-Paule, présidente

Madame LAGARDE Christine, conseillère

Greffière lors des débats : Mme CAILLIAU Alicia

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

– signé par Olivier FOURMY, Premier président de chambre et par CAILLIAU Alicia, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) est une union de syndicats interprofessionnelle représentative depuis un décret interministériel de 1966 puis en application des critères édictés par la loi du 20 août 2008, au même titre que la CFDT, la CFE-CGC, la CGT et la CGT-FO.

Le Syndicat National Spectacles – Communication – Sports et Loisirs (SNS), créé à l’issue du regroupement de plusieurs syndicats est adhérent de la CFTC (le syndicat SNS-CFTC).

Il est également « affilié à la Fédération Française des Syndicats de la Communication, Ecrite, Graphique du Spectacle et de l’Audiovisuel CFTC ».

Des dissensions sont apparues entre la confédération CFTC et le syndicat SNS-CFTC à compter de l’assemblée générale du 25 juin 2019 tenue par ce dernier ayant, d’une part renouvelé le bureau et désigné M. [O] [T] en qualité de président, Mme [P] [WM] secrétaire générale, Mme [K], trésorière et M. [W], trésorier adjoint, et d’autre part décidé de l’adhésion du syndicat à la fédération SAMUP (artistes interprètes et enseignants de la Musique, de la Danse, des Arts Dramatiques et des autres salariés de la culture).

Au printemps 2020, le syndicat SAMUP, qui appartient aussi à la fédération SAMUP, s’est porté candidat au scrutin destiné à mesurer l’audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de 11 salariés, ce qui a été déclaré irrecevable suite à la contestation des confédérations FO, CFE-CGC et CFTC par le tribunal judiciaire de Paris le 31 juillet 2020 et confirmé par la cour de cassation le 21 octobre 2020 avec la réponse suivante : « le tribunal judiciaire a constaté que, suite à une modification de ses statuts actée en février 2020, le SAMUP avait ajouté à son sigle, son objet et ses conditions d’adhésion, la possibilité de représenter tous les salariés sans exclusive et tous secteurs d’activité. Il en a exactement déduit que le SAMUP ne pouvait plus être qualifié d’organisation syndicale professionnelle et que, ne constituant pas une union syndicale, il ne pouvait pas être candidat au scrutin permettant de mesurer l’audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de 11 salariés ».

Faisant état d’un conflit d’intérêt, la confédération CFTC, par la voie de la fédération française des syndicats de la communication écrite, graphique, du spectacle et de l’audiovisuel CFTC, a demandé au syndicat SNS-CFTC de se désaffilier de la fédération SAMUP.

Par courrier du 5 août 2020, M. [T], président du syndicat SNS-CFTC a saisi les membres de son conseil national de l’avis majoritaire émis par ses membres sur la rupture des relations entre le syndicat SNS-CFTC et la fédération SAMUP, aux fins d’apaisement envers les structures syndicales de la CFTC. Cet avis n’a pas été suivi d’effet.

Des conflits sont aussi apparus au sein même du syndicat SNS-CFTC, s’agissant de la désignation des représentants syndicaux au sein de l’UES Eurodisney.

Ainsi, Mme [WM], secrétaire générale du syndicat SNS-CFTC a notifié le 24 novembre 2020 à la société Eurodisney des désignations de délégués syndicaux, annulant et remplaçant les désignations antérieures.

Le 27 novembre 2020, M. [A], vice-président du SNS-CFTC, a informé la société Eurodisney de ce que le courrier du 24 novembre 2020 avait été adressé par erreur et que les désignations antérieures restaient inchangées.

Un courrier a été adressé dans le même sens par la fédération CFTC le 30 novembre 2020.

Confrontées à un conflit de désignations, les sociétés membres de l’UES Eurodisney ainsi que la fédération CFTC ont saisi par requêtes, respectivement les 9 et14 décembre 2020 le tribunal judiciaire de Meaux aux fins d’obtenir l’annulation des désignations en surnuméraire et de désignations syndicales.

Le 10 décembre 2020, la fédération CFTC, a demandé la saisine de la commission des conflits de la confédération CFTC s’agissant de la désignation des délégués syndicaux.

La commission des conflits a rendu un rapport qui a été porté à la connaissance du bureau confédéral le 11 janvier 2021 qui en a restitué le procès verbal.

La commission des conflits indique que « la désignation reste conforme aux statuts du syndicat » mais qu’elle émet des réserves sur les conditions dans lesquelles ces désignations ont été faites, au sein de ce syndicat et « souligne les risques que fait porter cette situation sur la représentation CFTC chez Disney ».

Elle précise qu’« un collectif s’est constitué au sein du syndicat demandant la tenue d’une assemblée générale extraordinaire », demande portée le 8 janvier 2021 par 221 adhérents du SNS-CFTC.

En conclusion, la commission des conflits a, écarté le recours à une médiation en raison de la judiciarisation du conflit, rappelé que les désignations de délégués syndicaux dans les entreprises devaient être « menées dans l’intérêt supérieur de la CFTC », souligné le souhait de la fédération CFTC de « trouver une issue à ce conflit » mettant à mal la représentativité de la CFTC chez Disney et dans le champ du spectacle, et préconisé la mise en place, avec l’appui de la fédération, d’un « travail de révision statutaire du SNS-CFTC pour permettre au syndicat de se mettre en conformité avec les évolutions du RIC (règlement intérieur confédéral) et de créer un règlement intérieur pour préciser et sécuriser (les) procédures de désignation ».

La confédération CFTC avait fait évoluer son statut (en dernier lieu en novembre 2019) et son règlement intérieur (en octobre 2020) comportant une adhésion de ses membres aux statuts confédéraux et une obligation de se conformer aux règles du mouvement et spécifiquement aux clauses essentielles pour y insérer ces clauses.

En revanche, le syndicat SNS-CFTC n’a pas accepté de modifier ses statuts, sa dernière version adoptée étant celle du 12 décembre 2016.

Par jugement du 19 mars 2021, suite aux requêtes introduites par les sociétés de l’UES Disney et la fédération CFTC, le tribunal judiciaire de Meaux a annulé les désignations opérées par M. [A], vice-président du syndicat SNS-CFTC le 27 novembre 2020 et a dit que les désignations réalisées par Mme [WM] le 24 novembre 2020 « concernent des mandats de délégués syndicaux ».

Par ailleurs, par courrier du 4 janvier 2021, la Fédération Française des Syndicats de la Communication Ecrite, Graphique, du Spectacle et de l’Audiovisuel CFTC a adressé à la confédération CFTC une demande d’audit financier du syndicat SNS-CFTC faisant suite à la demande de la trésorière et du trésorier adjoint de ce syndicat, qui ont indiqué ne pas avoir accès aux comptes qui n’ont pas été publiés depuis 2015.

En réponse à la demande de 221 adhérents sollicitant la tenue d’une nouvelle assemblée générale afin d’élire un nouveau conseil et un nouveau bureau, le président du syndicat SNS-CFTC a convoqué par mail du 22 janvier 2021 les adhérents à une assemblée générale extraordinaire fixée le 9 juillet 2021.

Par délibération du 10 février 2021, le conseil confédéral CFTC a :

– « (constaté) que le fonctionnement du Syndicat National du Spectacle CFTC (COSN80) est compromis depuis plusieurs mois, en raison de conflits internes et de l’impéritie manifeste de ses organes directeurs, liés notamment à un climat de défiance entre les dirigeants et avec les équipes en place dans les entreprises »

– « (pris) acte des alertes portées par la trésorière et le trésorier adjoint sur le fonctionnement financier du syndicat, et le risque manifeste porté par l’absence de publication des comptes »

– « constaté que la représentativité de la CFTC sur les champs couverts par le syndicat est fragilisée par ces dysfonctionnements internes persistants, qui constituent autant de risques pour la représentation CFTC sur ces secteurs et dans ces entreprises »

– « (relevé) également le maintien au conseil de dirigeants en poste dans un syndicat concurrent sur le champ, ce qui n’est pas sans interroger quant aux orientations du syndicat et leur affiliation envers la CFTC »

– indiqué que « par conséquent, conformément aux articles 24.1, 26.2, 26.4 et 26.6 des Statuts Confédéraux, et aux articles 9.1 et 9.3 du Règlement Intérieur Confédéral le Conseil Confédéral du 10 février 2021 réuni en visioconférence envisage la mise sous tutelle pleine et entière du Syndicat National du Spectacle CFTC (COSN80), afin d’en sécuriser le fonctionnement et de remettre en place une gouvernance opérationnelle, et décide de convoquer les responsables du syndicat dans les plus brefs délais pour les entendre sur cette possibilité, et sur l’avenir de ce syndicat au sein de la CFTC.

En l’absence de coopération des acteurs en présence le Conseil confédéral se réserve la possibilité de procéder à la radiation dudit syndicat ».

Par lettre recommandée du 12 février 2021, le secrétaire général de la confédération CFTC a :

– informé le syndicat SNS de la délibération du conseil confédéral,

– convoqué M. [T], président, Mme [WM], secrétaire générale et Mme [K], trésorière du syndicat pour les entendre, sur les faits reprochés le 24 ou 26 février, par visioconférence, compte tenu de la situation sanitaire, en présence notamment de M. [H], président de la confédération CFTC et de M. [Z], son secrétaire général.

Par courrier du 17 février 2021, le conseil du syndicat SNS-CFTC a contesté la décision du conseil confédéral sur la forme et le fond, et demandé à surseoir à l’audition et à sa décision dans l’attente du jugement relatif au contentieux avec la section Eurodisney prévu le 19 mars 2021.

Par lettre recommandée en date du 10 mars 2021, le secrétaire général de la confédération CFTC a reconvoqué les responsables du syndicat pour les entendre et leur a proposé deux dates de rendez-vous en leur adressant par un lien de téléchargement les pièces devant servir de base à l’audition.

Par courrier du 13 mars 2021, M. [T] et Mme [WM] ont contesté la décision de radiation du conseil confédéral, ses motifs et le fait que cette audition se déroulerait en visioconférence, mais ont toutefois confirmé leur participation à l’audition du 24 mars 2021, en présence de leur conseil.

Le 24 mars 2021, M. [T], Mme [WM] et Mme [K] avec leur conseil, ont été auditionnés en visioconférence en leur qualité de dirigeants du syndicat SNS-CFTC.

Ils ont été auditionnés par M. [H], président confédéral, et M.[Z], secrétaire général confédéral, accompagnés du conseil de la confédération.

Le même jour, autorisés par le président du tribunal judiciaire de Paris, le syndicat SNS-CFTC, M. [T] son président, Mme [WM] sa secrétaire générale, ainsi que M. [G] [C], M. [X] [J], Mme [EY] [L], M. [Y] [D], Mme [E] [S], Mme [YB] [B], M. [N] [M], M. [FZ] [U], M. [HA] [V], M. [R] [I], Mme [EK] [FL] [ZP], Mme [F] [GM] et M. [DX] [IB], ont fait assigner par acte d’huissier, du 24 mars 2021, selon la procédure à jour fixe, la confédération CFTC, aux fins notamment d’annuler la procédure de mise sous tutelle et/ou de radiation engagée par cette dernière, ainsi que toute mesure afférente ou de même nature disciplinaire ou hiérarchique à l’égard du syndicat SNS-CFTC et de condamner la confédération CFTC à régler au syndicat SNS-CFTC la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi.

Le 14 avril 2021, le conseil confédéral de la confédération CFTC a prononcé la radiation du syndicat SNS-CFTC du mouvement de la CFTC.

Par jugement du 12 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a rendu la décision suivante :

« DÉCLARE l’action intentée à l’encontre de la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens par [G] [C], [X] [J], [EY] [L], [Y] [D], [E] [S],[YB] [B], [N] [M], [FZ] [U], [HA]  [V], [R] [I], [EK] [FL] [ZP], [F] [GM] et [DX] [IB] irrecevable ;

DÉBOUTE le Syndicat National Spectacles – Communication Sports et Loisirs de l’intégralité de ses demandes aux fins d’annulation de la procédure disciplinaire, des mesures afférentes et d’indemnisation de son préjudice ;

DÉBOUTE la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;

CONDAMNE le Syndicat National Spectacles – Communication Sports et Loisirs à verser à la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE in solidum le Syndicat National Spectacles – Communication Sports et Loisirs, [O] [T], [P] [WM], [G] [C], [X] [J], [EY] [L], [Y] [D], [E] [S], [YB] [B], [N] [M], [FZ] [U], [HA] [V], [R] [I], [EK] [FL] [ZP], [F] [GM] et [DX] [IB] aux entiers dépens ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ».

Par déclaration du 3 décembre 2021, le syndicat SNS-CFTC, M. [T] ès qualités, Mme [WM] ès qualités, M. [C], M. [J], Mme [L], M. [D], Mme [S], Mme [B], M [M], M. [U], M. [V], M. [I], Mme [FL] [ZP], Mme [GM] et M. [IB] ont interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 5 janvier 2023, le syndicat SNS-CFTC, M. [T] en sa qualité de président du syndicat SNS-CFTC et Mme [WM] en sa qualité de secrétaire générale de ce dernier, demandent à la cour de :

« Vu les articles 840 et suivants du code de procédure civile,

Vu l’article 6 du préambule de la Constitution de 1946 auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu les articles 2 à 6 de la Convention de l’Organisation Internationale du Travail n° 87 de 1948;

Vu l’article 2 de la Convention de l’Organisation Internationale du Travail n° 98 de 1949 ;

Vu les articles L2131-2, L2131-3 et L2132-1 du Code du Travail ;

Vu le pacte statutaire que constitue respectivement les statuts de la Confédération CFTC d’une part, et du Syndicat SNS-CFTC d’autre part,

Vu le principe du respect des droits de la défense et du contradictoire,

De déclarer le syndicat concluant ainsi que Monsieur [O] [T] et Madame [P] [WM], recevables et bien fondés en leur appel ;

De déclarer la confédération intimée aussi irrecevable que mal fondée en son appel incident,

Et en conséquence,

De confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la Confédération CFDT de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;

MAIS d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– déclaré l’action intentée à l’encontre de la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens par [G] [C], [X] [J], [EY] [L], [Y] [D], [E] [S], [YB] [B], [N] [M], [FZ] [U], [HA] [V], [R] [I], [EK] [FL] [ZP], [F] [GM] et [DX] [IB]; irrecevable ;

– débouté le Syndicat National Spectacles-Communication Sports et Loisirs (SNS-CFTC), [G] [C], [X] [J], [EY] [L], [Y] [D], [E] [S], [YB] [B], [N] [M], [FZ] [U], [HA] [V], [R] [I], [EK] [FL] [ZP], [F] [GM] et [DX] [IB] de leurs demandes tendant à :

‘ ANNULER la procédure engagée par la Confédération CFTC de mise sous tutelle et/ou de radiation ainsi que toute mesure afférente ou de même nature disciplinaire ou hiérarchique l’égard du syndicat SNS-CFTC ;

‘ CONDAMNER la Confédération CFTC à régler au syndicat SNS-CFTC la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi ;

‘ CONDAMNER la Confédération CFTC à régler au syndicat SNS-CFTC la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que 400 euros à chacun des autres requérants sur le même fondement ;

‘ ORDONNER l’exécution provisoire et

‘ CONDAMNER la Confédération CFTC au entiers dépens.

Et en ce que le tribunal a :

‘ Débouté le Syndicat National Spectacles-Communication Sports et Loisirs (SNS-CFTC) de l’intégralité de ses demandes aux fins d’annulation de la procédure disciplinaire de mise sous tutelle et/ou de radiation, des mesures afférentes et d’indemnisation de son préjudice ;

‘ Condamné le Syndicat National Spectacles-Communication Sports et Loisirs (SNS-CFTC) à verser à la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

‘ Condamné le Syndicat National Spectacles-Communication Sports et Loisirs (SNS-CFTC) [G] [C], [X] [J], [EY] [L], [Y] [D], [E] [S], [YB] [B], [N] [M], [FZ] [U], [HA] [V], [R] [I], [EK] [FL] [ZP], [F] [GM] et [DX] [IB] aux entiers dépens et ordonné l’exécution provisoire.

Et plus généralement infirmer le jugement entrepris de toutes les dispositions non visées au dispositif et faisant grief au SYNDICAT NATIONAL SPECTACLES – COMMUNICATION SPORTS, Madame [P] [WM], Monsieur [O] [T], Monsieur [G] [C], Madame [EY] [L], Monsieur [X] [J], Monsieur [Y] [D], Madame [E] [S], Madame [YB] [B], Monsieur [N] [M], Monsieur [FZ] [U], Monsieur [HA] [V], Madame [EK] [FL] [ZP], Monsieur [R] [I], Madame [F] [GM], Monsieur [DX] [IB] ;

Et statuant à nouveau de :

– CONSTATER l’inopposabilité des stipulations statutaires et notamment de l’article 26.4 des statuts confédéraux et de ses autres règles disciplinaires et hiérarchiques, y compris la radiation, à l’encontre du Syndicat SNS ;

– CONSTATER la violation de la liberté syndicale de constitution, d’union, de fonctionnement et d’organisation ;

– CONSTATER la violation des droits de la défense et l’absence de respect du principe du contradictoire ;

– CONSTATER le préjudice subi par le Syndicat SNS, ses dirigeants et ses adhérents ;

Et de :

– ANNULER la procédure engagée par la Confédération CFTC de mise sous tutelle et/ou de radiation, ainsi que toute mesure afférente ou de même nature disciplinaire ou hiérarchique à l’égard du syndicat SNS ;

– CONDAMNER la Confédération CFTC a réglé au Syndicat SNS la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi ;

– DÉBOUTER la Confédération CFTC de sa demande incidente au titre de dommages et intérêts, et au titre de l’article 700 du Code Procédure Civile ;

– CONDAMNER la Confédération CFTC a réglé au Syndicat SNS la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que 500 euros à chacun des autres requérants sur le même fondement ;

– CONDAMNER la Confédération CFTC aux entiers dépens ».

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 29 novembre 2022, la confédération CFTC demande à la cour de :

« Vu l’article 31 du Code de Procédure Civile

Vu l’article 6 du préambule de la Constitution de 1946 auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu les articles 2 à 6 de la Convention de l’Organisation Internationale du Travail n° 87 de 1948;

Vu l’article 2 de la Convention de l’Organisation Internationale du Travail n° 98 de 1949 ;

Vu les articles L2131-2, L2131-3 et L2132-1 du Code du Travail ;

Vu le pacte statutaire que constituent respectivement les statuts de la Confédération CFTC d’une part, et du Syndicat SNS-CFTC d’autre part,

Vu le principe du respect des droits de la défense et du contradictoire,

DÉCLARER le Syndicat National Spectacles ‘ Communication Sports et Loisirs, M. [O] [T], Mme [P] [WM], M. [G] [C], M. [X] [J], Mme [EY] [L],M. [Y] [D], Mme [E] [S], Mme [YB] [B], M. [N] [M], M. [FZ] [U], M. [HA] [V], M. [R] [I], Mme [EK]  [FL] [ZP], Mme [F] [GM] et M. [DX] [IB] mal fondés en leur appel

CONFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS en ce qu’il a :

– DÉCLARÉ IRRECEVABLES M. [G] [C], M. [X] [J], Mme [EY] [L], M. [Y] [D], Mme [E] [S], Mme [YB] [B], M. [N] [M], M. [FZ] [U], M. [HA] [V], M. [R] [I], Mme [EK] [FL] [ZP], Mme [F] [GM] et M. [DX] [IB] en leur action

– DÉBOUTÉ le Syndicat National Spectacles ‘ Communication Sports et Loisirs de l’ensemble de l’intégralité de ses demandes aux fins d’annulation de la procédure

– CONDAMNÉ le Syndicat National Spectacles ‘ Communication Sports et Loisirs à payer à la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du CPC

– CONDAMNÉ in solidum le Syndicat National Spectacles ‘ Communication Sports et Loisirs, M. [O] [T], Mme [P] [WM], M. [G] [C], M. [X] [J], Mme [EY] [L], M. [Y] [D], Mme [E] [S], Mme [YB] [B], M. [N] [M], M. [FZ] [U], M. [HA] [V], M. [R] [I], Mme [EK] [FL] [ZP], Mme [F] [GM] et M. [DX] [IB] aux entiers dépens

INFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS en ce qu’il a débouté la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre du Syndicat National Spectacles ‘ Communication Sports et Loisirs et de M. [O] [T] et de sa demande au titre de l’article 700 du CPC à l’encontre de M. [G] [C], M. [X] [J], Mme [EY] [L], M. [Y] [D], Mme [E] [S], Mme [YB] [B], M. [N] [M], M. [FZ] [U], M. [HA] [V], M. [R] [I], Mme [EK] [FL] [ZP], Mme [F] [GM] et M. [DX] [IB]

Et statuant à nouveau :

CONDAMNER solidairement le Syndicat National Spectacles- Communication Sports et Loisirs et M. [O] [T] à verser à la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts

CONDAMNER Madame [C], M. [X] [J], Mme [EY] [L], M. [Y] [D], Mme [E] [S], Mme [YB] [B], M. [N] [M], M. [FZ] [U], M. [HA] [V], M. [R] [I], Mme [EK] [FL] [ZP], Mme [F] [GM] et M. [DX] [IB], à payer chacun la somme de 500 euros à la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens en application des dispositions de l’article 700 du CPC

CONDAMNER le Syndicat National Spectacles ‘ Communication Sports et  Loisirs à verser à la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du CPC

DÉBOUTER le Syndicat National Spectacles ‘ Communication Sports et Loisirs, M. [O] [T], Mme [P] [WM], M. [G] [C], M. [X] [J], Mme [EY] [L], M. [Y] [D], Mme [E] [S], Mme [YB] [B], M. [N] [M], M. [FZ] [U], M. [HA] [V], M. [R] [I], Mme [EK] [FL] [ZP], Mme [F] [GM] et M. [DX] [IB] de l’ensemble de leurs demandes ».

Par ordonnance du 6 janvier 2023, le magistrat en charge de la mise en état a rendu la décision suivantes :

« Constatons le désistement d’appel de :

– Monsieur [G] [C],

– Monsieur [X] [J],

– Madame [EY] [L],

– Monsieur [Y] [D],

– Madame [E] [S],

– Madame [YB] [B],

– Monsieur [N] [M],

– Monsieur [FZ] [U],

– Monsieur [HA] [V],

– Monsieur [R] [I],

– Madame [EK] [FL] [ZP],

– Madame [F] [GM],

– Monsieur [DX] [IB]

Disons que l’instance se poursuit entre le Syndicat NATIONAL SPECTACLES – COMMUNICATION SPORTS ET LOISIRS (SNS-CFTC), Monsieur [O] [T] es qualité de Président du SNS-CFTC, et Madame [P] [WM] es qualité de Sécrétaire-Générale du SNS-CFTC en tant qu’appelants contre la CONFÉDÉRATION FRANÇAISE DES TRAVAILLEURS CHRÉTIENS intimée ».

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il n’y a pas lieu de répondre aux demandes des appelants tendant à voir ‘constater’ qui ne constituent pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles rappellent les moyens invoqués au soutien de leurs demandes et sont dépourvues d’effet juridictionnel, et ce tel que cela avait déjà été relevé par le premier juge.

Il n’y a plus lieu de statuer sur la recevabilité de l’action de M. [C], M. [J], Mme [L], M. [D], Mme [S], Mme [B], M [M], M. [U], M. [V], M. [I], Mme [FL] [ZP], Mme [GM] et M. [IB] qui se sont désistés de leur appel ce qui emporte acquiescement au jugement.

Sur la demande de nullité formelle de la décision de radiation

Le syndicat SNS-CFTC fait valoir que :

– la confédération CFTC n’a pas respecté les statuts confédéraux (article 26 et suivants) et fédéraux (articles 16 et 37) en matière de règles disciplinaires qui imposent la saisine par le conseil ou le bureau de la fédération de la communication d’une demande de radiation, qu’elle a décidé, de sa propre autorité de substituer à la procédure de tutelle engagée, et ce pour un tout nouveau motif ;

– la confédération CFTC n’a pas respecté les obligations qui résultent de ses statuts aux articles 26 et suivants, en matière de gestion des conflits, en ce qu’elle n’a ni justifié de l’urgence permettant de passer outre la commission des conflits ni justifié d’avoir d’abord recherché une solution amiable ;

– si la commission des conflits a bien été saisie, elle a considéré qu’en raison de la judiciarisation du conflit relatif aux désignations au sein d’Eurodisney, la médiation n’était pas opportune mais « viendrait a posteriori d’une décision de justice » qui a fait droit à ses demandes mais que « le Conseil Confédéral a poursuivi avec empressement sa démarche disciplinaire » sans retourner vers la commission des conflits qui avait été saisie ;

– les droits de la défense n’ont pas été respectés alors qu’il n’a pas été averti d’une procédure de radiation ni du motif envisagé à ce titre, et n’a pu en débattre dans des conditions respectueuses du contradictoire et du droit de se défendre ;

– en dépit de ses demandes, les « deux saisines confédérales » n’ont jamais été transmises au syndicat SNS-CFTC et aucun grief précis n’a été développé à son encontre lui permettant de s’expliquer et de se défendre ;

– l’audition proposée ne s’est pas tenue devant le conseil confédéral, instance décisionnaire, mais en visioconférence devant les seuls président et secrétaire général confédéraux ce qui est irrégulier ;

– la confédération CFTC ne permet pas à la cour de vérifier la convocation du conseil confédéral ayant voté la radiation, la régularité de sa réunion en visioconférence, du vote et du quorum.

La confédération CFTC oppose que :

– les statuts confédéraux et le règlement intérieur confédéral prévoient la possibilité pour le conseil confédéral d’engager une procédure de mise sous tutelle d’une structure affiliée et la possibilité de la radier ;

– le conseil confédéral n’avait pas à respecter un formalisme particulier pour la procédure de radiation, l’article 26-2 n’ayant pas vocation à s’appliquer, la procédure de radiation étant uniquement régie par l’article 13 des statuts confédéraux qui ne prévoit pas la saisine préalable de la commission des conflits et encore moins une demande préalable de radiation du syndicat par la fédération de rattachement ;

– la fédération communication CFTC et la confédération CFTC sont deux entités juridiques distinctes avec des règles de gestion des conflits différentes; ainsi, si la première ne peut pas radier une structure CFTC de son propre chef, mais doit solliciter le conseil confédéral pour ce faire, il n’y a aucune obligation pour la seconde d’avoir une demande préalable de radiation de la fédération communication CFTC pour prononcer une radiation et encore moins l’obligation de saisir la commission des conflits ;

– les droits de la défense du syndicat SNS-CFTC ont été respectés lors de l’audition qui s’est tenue en visioconférence pendant plus de quatre heures au cours de laquelle ses représentants ont pu s’exprimer sur toutes les questions au travers des interventions de son avocat, de son président, de sa secrétaire générale, des courriers de son avocat et d’un mémoire adressé au conseil confédéral le 11 avril 2021.

Sur ce,

Il convient de rappeler ici les dispositions pertinentes des statuts confédéraux selon leur version modifiée en novembre 2019 applicables à la date de l’engagement de la procédure disciplinaire :

– article 24.1 : « Le Conseil confédéral tient du Congrès pleins pouvoirs pour administrer la Confédération en conformité de ses décisions. Sur proposition du Bureau, il vote le budget prévisionnel et approuve les comptes. Le Conseil confédéral fait toutes propositions utiles au Comité national concernant les taux de cotisation.

Le Conseil confédéral modifie le RIC après avis du Comité national.

De sa propre initiative ou sur proposition du Bureau confédéral, le Conseil confédéral pourra prononcer une mise sous tutelle d’une structure affiliée dans les conditions prévues à l’article 26.4. » ;

– article 26.2 : « Ces pouvoirs s’exercent dans l’action de la vie générale du Mouvement ainsi que dans les domaines de la représentation extérieure et de l’administration interne, notamment l’application des Statuts, Règlement intérieur et autres règles.

Le Bureau confédéral peut en particulier arbitrer tout conflit pouvant survenir entre les structures confédérées ou les organismes constituant l’armature administrative de la Confédération ou saisir à cet effet la Commission des conflits.

La faculté de saisir la Commission des conflits n’exclut pas la possibilité pour le Bureau de prendre toute mesure d’urgence qu’il jugera nécessaire à titre conservatoire afin de préserver les intérêts de la CFTC.

A ce titre, le Bureau fait au Conseil confédéral les propositions de sanctions appropriées, conformément à la procédure définie par le Règlement intérieur confédéral »  ;

– article 26.4 : « Dans des circonstances exceptionnelles de nature à porter un préjudice grave au Mouvement ou lorsque le fonctionnement d’une structure affiliée apparaît gravement compromis en raison notamment de conflits internes, de la carence des organismes directeurs ou des dirigeants, de leur impéritie manifeste, d’une gestion hasardeuse ou d’irrégularités flagrantes, le Bureau confédéral (comme le Conseil confédéral) peut être saisi ou se saisir lui-même de ce problème et prendre toutes mesures d’urgence et conservatoires qui s’imposent. Il peut notamment convoquer le Congrès ou l’Assemblée générale de la structure en cause pour prononcer une mise sous tutelle dans les conditions précisées au RIC (Chapitre 9) » ;

– 26.6 : « Le Bureau ou le Conseil confédéral peuvent prendre toute décision qu’ils estiment nécessaire nonobstant une demande de procédure de médiation, de conciliation ou d’arbitrage, comme défini dans le Règlement intérieur confédéral ».

Il convient de mentionner ici les dispositions pertinentes inclues dans le

Le chapitre 9 du règlement intérieur confédéral (RIC) intitulé « Direction : Discipline » stipule en son « article 9.1. Principes généraux » : « 9.1.1 Le bureau confédéral est compétent pour traiter de tout litige survenant dans le mouvement et portant atteinte au respect de ses règles, à la cohésion du mouvement, à son image ou à ses intérêts.

Par ailleurs, le bureau confédéral peut recevoir des demandes d’intervention des structures, il en apprécie la recevabilité au regard de l’application des clauses essentielles (article 3.1.5).

Aucune procédure judiciaire ne peut être engagée sans l’aval du bureau confédéral avant que les voies de règlement internes soient épuisées.

Le bureau confédéral peut saisir la Commission des conflits pour traiter un litige ».

La cour relève en premier lieu que le syndicat SNS-CFTC sollicite l’application des articles 16 et 37 de la « Fédération Communication CFTC », entité juridique distincte de la confédération CFTC, de sorte que le recours à la conciliation et les conditions du prononcé des sanctions qui y figurent ne sont pas applicables au litige.

La cour relève aussi que la commission des conflits de la confédération a été saisie du seul litige relatif aux désignations contestées des représentants syndicaux au sein de l’UES Eurodisney et non pas d’une démarche disciplinaire envers le syndicat SNS-CFTC de sorte que les développements relatifs aux conditions à respecter pour faire appel de la décision de la commission sont inopérants.

La cour relève surtout, que c’est à bon droit que le premier juge a pertinemment déduit des dispositions statutaires et de celles du règlement intérieur reprises ci-dessus, que le conseil confédéral est habilité à engager une procédure de mise sous tutelle d’un syndicat affilié à la confédération dans les hypothèses prévues à l’article 26.4 des statuts, sans obligation de saisine préalable de la commission des conflits, cette saisine étant présentée comme une possibilité au dernier aliéna de l’article 9.1.1 du règlement intérieur.

Il en résulte que la procédure de mise sous tutelle est régulière.

La sanction critiquée dans le cadre de cette procédure est une mesure de radiation et non une mise sous tutelle.

La disposition prévue pour le prononcé de la radiation figure à l’article 13 des statuts confédéraux qui stipule : « La Confédération garde toute liberté de radier une structure, notamment pour inobservation des Statuts confédéraux ou de ses propres Statuts ou pour non-paiement des cotisations.

La radiation est prononcée par le Conseil confédéral.

Dès notification (par lettre AR) de la décision de radiation, la structure perd les droits attachés à sa qualité de membre tel que décrit à l’article 12.5 ».

Il n’est exigé aucun formalisme spécifique et aucune obligation de saisine préalable de la commission des conflits.

Par délibération du 10 février 2021, le conseil confédéral CFTC a décidé qu’il « envisage la mise sous tutelle » du syndicat SNS-CFTC, et qu’ « en l’absence de coopération des acteurs en présence le Conseil confédéral se réserve la possibilité de procéder à la radiation dudit syndicat » de sorte que le syndicat SNS-CFTC était informé de cette éventualité lorsqu’il a été destinataire de cette délibération le 12 février.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, les dirigeants du syndicat SNS-CFTC ont été informés par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 février 2021, du contenu de la délibération qui envisageait la mise sous tutelle de ce dernier, de la possibilité de procéder à sa radiation, de leur convocation pour s’expliquer en visioconférence dans ce cadre, avec les sanctions potentielles annoncées.

Dans l’attente de leurs explications en visioconférence imposée compte tenu du contexte sanitaire, ils avaient été rendus destinataires de 54 pièces par un lien de téléchargement, et ce en temps utile, et ils ont été assistés de leur conseil lors de leur audition.

Aucune irrégularité n’est relevée par la cour s’agissant du recours à la visioconférence prévu aux articles 5.5 et 6.3 du règlement intérieur de septembre 2020 et de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 dont les dispositions applicables à ce titre en raison de l’épidémie de Covid-19 étaient encore en vigueur à cette date, suite aux décrets pris à cette fin.

De plus le syndicat SNS-CFTC a été entendu avant toute décision du conseil confédéral, par le secrétaire général de la CFTC et le président de la CFTC, ayant tout pouvoir pour représenter le bureau confédéral qui bénéficie d’une délégation de pouvoir permanente du conseil confédéral conformément aux dispositions de l’article 26-1 des statuts confédéraux.

La confédération CFTC affirme sans être démentie que l’audition a duré « plus de quatre heures ».

Il ressort en outre de l’extrait de délibération du conseil fédéral du 14 avril 2021 réuni en visioconfénce, aux termes de développements motivés, que le quorum était atteint et que la décision de radiation a été prise à l’unanimité des présents, aucun élément pertinent ne permettant d’établir que la décision aurait été prise dans des conditions non conformes aux obligations statutaires, et ce alors même que la confédération CFTC verse aux débats la première page du procès-verbal du conseil confédéral du 14 avril 2021 témoignant de l’atteinte du quorum.

Il en résulte que la décision de radiation a été prise dans le respect des conditions de forme et de respect des droits de la défense.

Sur le caractère fondé de la demande de nullité de la décision de radiation

Le syndicat SNS-CFTC soutient que :

– en aucun cas la loi ne consacre d’autorité hiérarchique ou tutélaire d’une union de syndicats sur les syndicats qui la composent et qui s’administrent librement ;

– l’adhésion à une fédération ou une confédération ne saurait permettre une quelconque entrave dans la liberté d’organisation des syndicats primaires, dans la détermination de leurs statuts, comme dans leurs choix de fonctionnement ou dans la désignation de leurs dirigeants ou représentants ;

– les stipulations des statuts confédéraux ne lui sont pas opposables car il n’y a pas adhéré par ses propres statuts, il n’a pas adhéré à la confédération en 1996, mais est le résultat d’une fusion de différents syndicats déjà affiliés à la confédération CFTC, cette fusion ne constituant pas un « acte d’adhésion » à la CFTC puisque les structures fusionnées étaient affiliées depuis la sortie de la seconde guerre mondiale, et même bien avant la scission entre la CFTC et la CFDT issue de ses rangs en 1964 ;

– la seule affiliation à une confédération ne peut emporter tacitement renonciation partielle ou totale au principe d’autonomie statutaire et au principe de liberté d’organisation syndicale et un tel motif ne peut donc constituer un motif de radiation sans être abusif, et constituer un préjudice ;

– au visa de l’article 9.4 des statuts confédéraux, le syndicat qui ne respecterait pas les clauses essentielles obligatoires du règlement intérieur confédéral n’encourt pas la radiation mais d’autres sanctions (l’impossibilité de voter et de présenter des candidats dans les instances des structures professionnelles et interprofessionnelles CTFC ainsi que de la confédération)  et cette méconnaissance des statuts par l’application d’une autre sanction que celle prévue peut être sanctionnée par l’abus de droit.

La confédération CFTC fait valoir que :

– en raison de l’adhésion libre et éclairé du syndicat SNS au mouvement de la CFTC, les statuts et le règlement intérieur lui ont toujours été opposables dont les clauses dites essentielles ;

– si le syndicat SNS est un adhérent de longue date du mouvement CFTC, il n’a pas modifié ses statuts pour y insérer les clauses essentielles des statuts confédéraux, la dernière version en vigueur de ses statuts (votée lors de l’assemblée générale du 12 décembre 2016) ne comporte explicitement aucune adhésion aux statuts confédéraux, ni aucune obligation de s’y conformer notamment quant aux règles de l’organisation du mouvement et spécifiquement quant aux règles dites « disciplinaires » comme la « mise sous tutelle » ;

– la violation du pacte statutaire confédéral par un syndicat permet à la confédération de prononcer sa radiation, c’est-à-dire de le désaffilier ;

– le syndicat SNS-CFTC s’est rendu coupable de fautes graves, notamment du fait de l’inobservation des statuts confédéraux et de ses propres statuts alors que les statuts du syndicat SNS-CFTC ne reprenaient aucune des clauses essentielles du règlement intérieur confédéral alors que toute structure affiliée à la CFTC a l’obligation d’insérer ces clauses dans ses statuts.

Sur ce,

Il convient de rappeler ici les dispositions pertinentes des statuts confédéraux applicables lors de l’engagement de la procédure disciplinaire :

– article 4-1: « Peuvent faire partie de la Confédération tous les syndicats qui acceptent les présents statuts et notamment les principes définis à l’Article premier. Les syndicats affiliés constituent le fondement de la Confédération » ;

– 9-2 : « L’adhésion à la CFTC comporte pour une organisation, l’obligation d’insérer dans ses statuts des clauses considérées comme essentielles par la Confédération pour la cohérence de l’ensemble du mouvement et, en cas de modification de ces clauses par la Confédération, l’engagement de procéder dans les plus brefs délais à la mise en conformité de ses statuts ».

Les « clauses essentielles » sont définies à l’article 3.1 du règlement intérieur confédéral et sont déclinées de 3.1.1 à 3.1.8.

L’article 3.1.1 « Condition de l’affiliation à la Confédération » stipule que « la structure CFTC est affiliée à la CONFÉDÉRATION FRANÇAISE DES TRAVAILLEURS CHRÉTIENS (CFTC) et se conforme aux Statuts confédéraux, au Règlement intérieur confédéral et à l’ensemble de ses annexes, dont les modèles de Statuts, ainsi qu’aux règles fixées par le Conseil confédéral concernant l’organisation du Mouvement ».

Il appartient en conséquence aux syndicats adhérents de la CFTC, en l’espèce le syndicat SNS-CFTC, de se conformer « aux statuts et règlement intérieur confédéraux », obligation d’ailleurs rappelée dans les statuts du syndicat SNS-CFTC à l’article 2 en page 3 : « Il se conforme aux statuts et règlement intérieur confédéraux, aux statuts-type, ainsi qu’aux règles fixées par le conseil fédéral concernant l’organisation du mouvement.

Il se réclame et s’inspire, dans son action, des principes de la morale sociale chrétienne, auxquels se réfère l’article 1er des statuts de la CFTC ».

Il a été rappelé plut haut que la disposition prévue pour le prononcé de la radiation figure à l’article 13 des statuts confédéraux qui stipule : « La Confédération garde toute liberté de radier une structure, notamment pour inobservation des Statuts confédéraux ou de ses propres Statuts ou pour non-paiement des cotisations (…) ».

L’emploi de l’adverbe « notamment » ouvre ainsi d’autres motifs de radiation que ceux qui y sont mentionnés comme l’a constaté aussi le premier juge.

La présentation chronologique des relations et différends entre le syndicat SNS-CFTC et la confédération CFTC figurant dans l’exposé du litige mentionne, dans la délibération du 10 février 2021 du conseil confédéral CFTC les éléments suivants ;

– le fonctionnement du syndicat SNS-CFTC compromis depuis plusieurs mois, en raison de conflits internes et de l’impéritie manifeste de ses organes directeurs ;

– des alertes sur le fonctionnement financier du syndicat et l’absence de publication des comptes ;

– le maintien au conseil de dirigeants en poste dans un syndicat concurrent.

L’extrait de délibération du conseil confédéral CFTC du 14 avril 2021 mentionne notamment qu’il constate :

– la volonté des dirigeants du syndicat SNS-CFTC « de ne pas se conformer aux obligations statutaires et légales, et au cadre contractuel qui fonde l’affiliation à la CFTC » ;

– que le syndicat SNS-CFTC « revendique la non-application des principes et règles statutaires qui fondent l’affiliation à la CFTC, tels que définis aux articles 4.2 et 9 des Statuts confédéraux » et en particulier «  constate la suppression des références aux articles 1er (principes) et 9 (clauses essentielles obligatoires) des Statuts confédéraux dans les statuts du Syndicat National du Spectacle CFTC (COSN80), ces deux articles constituant les fondements de la cohésion du Mouvement CFTC » ;

– « que la direction du syndicat ne respecte pas ses propres obligations statutaires, en particulier l’obligation légale de publication des comptes au 30 juin de l’année suivante, et contrevient à la répartition des rôles et missions entre président, secrétaire général et trésorier » et « l’incapacité persistante de la trésorière à mener à bien son mandat, du fait de l’action du président. (…) » ;

– l’« affiliation avec un organisme concurrent contrevient aux principes de l’article 8 des Statuts confédéraux, le Conseil confédéral n’ayant pas été informé au préalable de cette association, et est susceptible de porter préjudice à la représentativité de la CFTC ».

Le Conseil confédéral conclut en rappelant que « la Confédération CFTC a pour devoir de veiller à la cohésion et au respect des principes fondamentaux du Mouvement, conformément à l’article 2.5 des Statuts confédéraux ».

Ainsi que l’a très justement rappelé le premier juge, il ne lui appartenait pas de se substituer à l’appréciation du conseil confédéral mais seulement de vérifier que les motifs allégués sont étayés par des faits et pièces produits aux débats.

Il y a lieu de rappeler que si les principes de la liberté syndicale d’organisation et d’autonomie d’un syndicat doivent être respectés, ils ne sont pas de nature à remettre en cause l’obligation faite aux syndicats adhérents en toute liberté à une confédération, de se soumettre aux statuts et règlement intérieur de cette dernière.

Contrairement à ce que soutient le syndicat appelant, aucune pièce ne permet d’établir que la confédération CFTC aurait accepté que ce dernier puisse déroger aux dispositions statutaires qui imposent notamment aux adhérents de se conformer aux statuts et à l’évolution de ces derniers.

Il y a lieu de constater, et il n’est pas discuté d’ailleurs, que le syndicat SNS-CFTC a refusé de modifier ses statuts, sa dernière version adoptée à la date de la sanction critiquée étant celle du 12 décembre 2016. Le rapport de la commission des conflits restitué en janvier 2021 a d’ailleurs préconisé  la mise en place, avec l’appui de la fédération, d’un « travail de révision statutaire du SNS CFTC pour permettre au syndicat de se mettre en conformité avec les évolutions du RIC (règlement intérieur confédéral) et de créer un règlement intérieur pour préciser et sécuriser (les) procédures de désignation ».

Cet élément est à lui seul de nature à caractériser la violation d’une « clause essentielle », conditionnant donc, non seulement l’adhésion à la confédération mais aussi son maintien, et ouvrant droit à l’action de la confédération CFTC qui a conduit à la décision de radiation.

A titre d’exemple, le premier juge a relevé que lors de l’assemblée générale de 2016, le syndicat SNS-CFTC avait supprimé les mentions essentielles suivantes : « le syndicat se réclame et s’inspire, dans son action, des principes de la morale sociale chrétienne, auxquels se réfère l’article 1er des statuts de la CFTC. Le syndicat est également affilié à la fédération CFTC ».

De plus, il a été établi que le syndicat SNS-CFTC n’avait pas respecté son obligation légale de publier ses comptes depuis 2015, situation régularisée pour les exercices 2015 à 2018 mais non pour les exercices suivants.

Et encore, il a été mis en évidence dans l’exposé du litige que le syndicat SNS-CFTC a adhéré à la fédération SAMUP qui s’est présentée en concurrence avec la CFTC sur un scrutin électoral ce qui a nourri le contentieux électoral présenté devant le tribunal judiciaire, et il n’est pas contesté que le syndicat SNS-CFTC a refusé de se désaffilier de la fédération SAMUP.

Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le premier juge a retenu aux termes d’une démonstration particulièrement circonstanciée que la décision de radiation repose sur des motifs fondés. Dès lors, la demande de dommages et intérêts devenait sans objet.

Le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.

Sur la demande reconventionnelle de la Confédération CFTC

En application des articles 1240 et suivants du Code civil, la confédération CFTC estime avoir subi un préjudice moral résultant d’agissements postérieurs à la radiation du syndicat SNS-CFTC, notamment du fait de l’envoi de deux courriers aux adhérents du syndicat, rédigés en des termes « mensongers et virulents ». Elle ajoute que le SNS a utilisé la marque CFDT postérieurement à la décision de radiation ce qui constitue un acte de parasitisme de nature à porter le discrédit sur le respect des valeurs de la CFTC, par la confédération elle-même, ce qui entraîne un préjudice, en induisant en erreur les entreprises sur sa capacité de négocier.

En réponse, le syndicat SNS-CFTC soutient que la confédération CFTC ne démontre pas la réalité de son préjudice.

Sur ce,

L’article 1240 du code civil qui dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Il appartient à l’intimée de prouver à l’égard de l’appelant une faute, un préjudice certain, né et actuel et le lien de causalité entre les fautes alléguées et le préjudice.

Les courriers litigieux sont des « information aux adhérents » en date des 22 avril et 4 juin 2021 et la cour relève que si le SNS critique la décision de radiation, les propos y sont particulièrement virulents.

Il est établi en outre qu’en dépit d’une mise en demeure de la CFTC aux fins de cesser d’utiliser la marque CFTC, le SNS a continué de faire état de son adhésion à la CFTC, ce qui résulte des communications des mois de janvier, février et mars 2022 produites aux débats.

Il ressort en outre de la teneur de la lettre adressée aux adhérents le 20 janvier 2022 , mentionnant en en-tête, «  Adhérent à la Fédération de la communication CFTC » les propos suivants : « Pour le SNS, l’année passée gardera un goût amer : celui de l’abus de confiance perpétré à notre encontre, par la confédération CFTC et un groupe d’apparatchiks d’Euro Disney. Ensemble, ils ont tenté de détourner les sections syndicales et leurs adhérents, pour capter la représentativité et leurs ressources! (…)

Nous savons que la CFTC poursuit son entreprise de désinformation, puisqu’elle continue de vous solliciter en utilisant vos données personnelles ».

L’utilisation fautive du nom CFTC, postérieurement à la radiation et la nature des propos repris ci-dessus sont de nature à porter atteinte à l’image de l’intimée, constitutif d’un préjudice d’image.

Au regard du préjudice déjà réparé en partie par le sens de la décision rendue par le premier juge confirmée par la présente cour, et de celui résultant de la nécessité d’assurer la défense de ses intérêts réparé par la prise en charge des dépens et de l’indemnité allouée au titre des frais irrépétibles, il sera alloué à ce titre la somme de 1 000 euros que le syndicat appelant sera condamné à payer.

La décision déférée sera infirmée sur ce point.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les appelants qui succombent sur les mérites de leur appel, doivent être condamnés aux dépens et le syndicat appelant sera condamné à payer à l’intimée une indemnité au titre des frais de procédure tel que précisé au dispositif.

Il sera débouté, de même que M. [T] et Mme [WM], des demandes présentées à ce titre.

La confédération CFTC sera cependant déboutée de cette demande en ce qu’elle est dirigée à l’encontre des autres appelants.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 12 octobre 2021 sauf en ce qu’il a débouté  la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne le Syndicat National Spectacles – Communication – Sports et Loisirs (SNS) à payer à la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne in solidum le Syndicat National Spectacles – Communication – Sports et Loisirs (SNS), ainsi que M. [O] [T] ès qualités et Mme [P] [WM] ès qualités aux dépens ;

Condamne le Syndicat National Spectacles – Communication – Sports et Loisirs (SNS) à payer à la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) la somme de 5  000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute le Syndicat National Spectacles – Communication – Sports et Loisirs (SNS) ainsi que M. [O] [T] et Mme [P] [WM], tous deux ès qualités des demandes présentées à ce titre ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

La greffière, Le président,

 


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