Vidéosurveillance des salariés : une preuve illicite mais recevable

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Vidéosurveillance des salariés : une preuve illicite mais recevable
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Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle du salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. Soc., 20 novembre 2020, n°17-19.523 ; 8 mars 2023, n°17.802).

 

Appréciation d’une preuve illicite

En présence d’une preuve illicite, le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

Surveillance des salariés

Concernant la surveillance des salariés,  l’article 9 alinéa 1er du code civil dispose que “chacun a droit au respect de sa vie privée.” L’article L. 1121-1 du code du travail dispose que “Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.”

Tout système de vidéosurveillance des salariés doit répondre aux conditions posées par ce texte. L’article L. 1222-4 du code du travail dispose que “Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.”

Un système de vidéosurveillance des salariés constitue un traitement de données à caractère personnel au sens de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Il ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui sont collectées et traitées de manière loyale et licite, pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs. Il doit avoir reçu le consentement de la personne concernée ou satisfaire à l’une des conditions suivantes :

“1° Le respect d’une obligation légale incombant au responsable du traitement ;

2° La sauvegarde de la vie de la personne concernée ;

3° L’exécution d’une mission de service public dont est investi le responsable ou le destinataire du traitement ;

4° L’exécution, soit d’un contrat auquel la personne concernée est partie, soit de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ;

5° La réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée.”

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), autorité administrative indépendante instituée par la loi du 6 janvier 1978 susvisée est chargée de l’application du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD) lequel en son article 14 prévoit que lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été collectées auprès de la personne concernée, le responsable du traitement fournit à celle-ci notamment les informations sur :

“a) l’identité et les coordonnées du responsable du traitement et, le cas échéant, du représentant du responsable du traitement ;

b) le cas échéant, les coordonnées du délégué à la protection des données

c) les finalités du traitement auquel sont destinées les données à caractère personnel ainsi que la base juridique du traitement

d) les catégories de données à caractère personnel concernées

e) le cas échéant, les destinataires ou les catégories de destinataires des données à caractère personnel ;

f) le cas échéant, le fait que le responsable du traitement a l’intention d’effectuer un transfert de données à caractère personnel à un destinataire dans un pays tiers ou une organisation internationale, et l’existence ou l’absence d’une décision d’adéquation rendue par la Commission ou, dans le cas des transferts visés à l’article 46 ou 47, ou à l’article 49, paragraphe 1, deuxième alinéa, la référence aux garanties appropriées ou adaptées et les moyens d’en obtenir une copie ou l’endroit où elles ont été mises à disposition.”

Vidéosurveillance : la position de la CNIL

La CNIL indique que les caméras de vidéosurveillance peuvent être installées au niveau des entrées et sorties des bâtiments, des issues de secours et des voies de circulation et peuvent également filmer les zones où de la marchandise ou des biens de valeur sont entreposés. Elles ne doivent pas filmer les employés sur leur poste de travail sauf circonstances particulières (employé manipulant de l’argent par exemple mais la caméra doit davantage filmer la caisse que le caissier). Elles ne doivent pas filmer les zones de pause ou de repos des employés ni les toilettes.

Elle indique encore que les employés et visiteurs doivent être informés au moyen de panneaux affichés en permanence, de façon visible, dans les lieux concernés, qui comportent a minima, outre le pictogramme d’une caméra indiquant que le lieu est placé sous vidéoprotection : les finalités du traitement installé, la durée de conservation des images, le nom ou la qualité et le numéro de téléphone du responsable ou du délégué à la protection des données, l’existence de droits “informatique et Libertés” et le droit d’introduire une réclamation auprès de la CNIL en précisant ses coordonnées.” (pièce 22 de la salariée).

L’employeur ne peut présenter devant le juge, au soutien d’un licenciement disciplinaire, qu’une preuve obtenue loyalement, qui implique l’information préalable des salariés. A défaut, la preuve est illicite.

Par ailleurs, l’installation d’une vidéoprotection dans des lieux et établissements ouverts au public est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation préfectorale en application des dispositions des articles L. 251-2 et R. 252-1 et suivants du code de la sécurité intérieure.


 

29 juin 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/01165

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JUIN 2023

N° RG 21/01165 –

N° Portalis DBV3-V-B7F-UOL2

AFFAIRE :

[A] [G]

C/

Monsieur [B] [F], exerçant sous l’enseigne ‘FANTASTIK’

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Janvier 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : C

N° RG : 19/00374

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Marie-hélène VIEIRA

Me Lalia MIR

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [A] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Marie-hélène VIEIRA de la SELARL CABINET VIEIRA GRANDJEAN, Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 95

APPELANTE

****************

Monsieur [B] [F], exerçant sous l’enseigne ‘FANTASTIK’

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Lalia MIR, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 551

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Juliette DUPONT,

M. [B] [F] est un commerçant qui exerce sous l’enseigne Fantastik, au [Adresse 2] à [Localité 4], dans le département du Val d’Oise, spécialisé dans la vente au détail d’articles textiles et accessoires. Il emploie moins de 11 salariés.

La convention collective applicable est celle du commerce de détail de l’habillement et des articles textiles du 25 novembre 1987.

Mme [A] [G], née le 4 décembre 1960, a été engagée par M. [B] [F] exerçant sous l’enseigne Fantastik par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein du 19 avril 2017 en qualité de vendeuse manutentionnaire surveillante, catégorie III, moyennant une rémunération de 1 480,30 euros brut par mois.

La moyenne des 12 derniers mois de rémunération est de 1 521,25 euros brut.

Par courrier en date du 11 avril 2019, M. [F] a mis à pied à titre conservatoire Mme [G] et l’a convoquée à un entretien préalable qui s’est déroulé le 24 avril 2019.

Par courrier en date du 2 mai 2019, M. [F] a notifié à Mme [G] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

‘Suite à notre entretien qui s’est tenu le 24 avril dernier et au cours duquel vous étiez assistée par un délégué syndical, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants.

Premièrement, le 5 avril 2019, M. [E], premier vendeur et responsable du magasin, s’est aperçu que vous avez déposé une paire de chaussures de marque « Tommy Hilfiger » de couleur bleue dans votre vestiaire et êtes sortie du magasin avec cette paire de chaussures pour votre pause déjeuner à 13h.

Cette paire de chaussures a été retrouvée dans votre vestiaire ainsi qu’un pantalon femme taille 38 et une ceinture le jeudi 11 avril 2019, articles sans antivol, non réglés et non déclarés au responsable du magasin, par les services de police, contraints d’intervenir suite à la notification de votre mise à pied à titre conservatoire, faute pour vous d’avoir voulu y déférer volontairement.

Il a été constaté que les antivols normalement apposés sur tous les articles du magasin avaient été retirés.

Lors de notre entretien du 24 avril suivant, nous vous avons rappelé l’ensemble des règles affichées dans le magasin, à savoir que si le personnel souhaite mettre de côté des articles à son seul profit, seul le responsable du magasin peut valider l’achat.

Lors de l’entretien susvisé, vous avez affirmé que M. [E] était parfaitement au courant.

Ce dernier étant présent le 24 avril 2019, le jour de l’entretien, il lui a été demandé de confirmer devant vous votre version des faits et il vous a mis face à vos contradictions et a ainsi confirmé qu’il n’avait jamais été mis au courant et que vous ne l’aviez jamais informé du retrait de la vente de cette paire de chaussures, de ce pantalon ni de cette ceinture, à votre profit.

De plus, vous n’avez jamais réglé cette paire de chaussures, ce pantalon et cette ceinture.

Deuxièmement, le mercredi 10 avril, M. [C] [E] s’est aperçu que vous avez oté les antivols de deux paires de chaussures pour une cliente.

La cliente est alors entrée dans la cabine d’essayage avec les deux boîtes à chaussures mais n’est ressortie qu’avec une seule des deux boîtes. Les chaussures de la deuxième boîte étaient dans son sac.

Lors du passage en caisse de cette cliente. M. [E] a réclamé à la cliente la deuxième paire. Elle l’a alors averti qu’elle vous l’avait rendue avec la boîte, ce que vous n’avez d’ailleurs pas contredit, étant à ses côtés.

M. [E] s’est alors rendu dans la cabine et a trouvé la boîte vide.

Il a alors demandé à la cliente d’ouvrir son sac, ce qu’elle a refusé de faire.

De manière très surprenante, vous avez alors conseillé à la cliente, que vous connaissiez de ne pas ouvrir son sac et d’aller déposer plainte contre la société et M. [E].

La cliente a finalement accepté d’ouvrir son sac et M. [E] a découvert la fameuse paire de chaussures, sans antivol.

Lors de votre entretien du 24 avril dernier, vous avez mis en cause M. [E], qui a contredit vos explications. Sa version des faits a d’ailleurs été confirmée par une cliente présente au moment des faits.

Troisièmement, alors que vous avez été embauchée en qualité de vendeuse manutentionnaire et que vous n’avez ni l’habilitation ni l’accord de votre supérieur hiérarchique pour occuper un poste de caissière au sein du magasin, ce dernier vous a surprise en train d’encaisser des clients sans autorisation.

Quatrièmement, plusieurs clientes se sont plaintes de votre attitude envers elles.

Vous avez refusé qu’elles touchent les marchandises, qu’elles se servent dans les bacs d’articles ou qu’elles prennent certains articles pour les essayer.

Vous les tutoyez de manière récurrente alors que vous ne les connaissez pas.

Bien plus, vous avez interdit à une cliente de venir avec sa poussette au magasin.

Un tel comportement est de toute évidence intolérable et ce d’autant plus qu’embauchée en qualité de vendeuse, il vous revenait d’assurer la vente des produits et non de l’empêcher comme vous l’avez fait à de nombreuses reprises.

Bien pire, plusieurs membres du personnel et plusieurs clientes attestent et se sont plaints de propos racistes que vous avez tenus à leurs égards et qui sont inadmissibles.

Enfin, vous n’avez de cesse d’arriver sur votre lieu de travail avec du retard.

A titre d’exemples notamment, il a été constaté dernièrement les retards suivants :

– mercredi 3 avril 2019 : 10 minutes,

– jeudi 4 avril 2019 : 15 minutes,

– vendredi 5 avril 2019 : 5 minutes,

– samedi 6 avril 2019 : 8 minutes,

– lundi 8 avril 2019 : 15 minutes,

– Mercredi 10 (avril) 2019 : 30 minutes.

Vous n’avez fourni aucun justificatif à ces retards et n’avez informé ni M. [E], ni moi-même de vos retards en temps utiles pour nous permettre de prendre nos dispositions et éviter une désorganisation des équipes du magasin.

Vos agissements ont non seulement créé une ambiance délétère au sein des équipes du personnel pourtant présentes depuis longtemps dans notre magasin, un climat de tensions, mais ont fait fuir la clientèle qui ne souhaitait plus avoir à faire à vos services.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise est impossible.

Vos menaces tendant à nous faire craindre une procédure judiciaire que vous n’avez pas hésité à proférer à mon égard en sortant de votre entretien préalable, une fois votre conseiller syndical parti, n’y changeront rien. Nous ne pouvons sérieusement tolérer pareilles méthodes.

Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Vous avez fait par ailleurs l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée le 11 avril 2019. Dès lors, la période non travaillée du 11 avril 2019 au 2 mai 2019 ne sera pas rémunérée.’

Par requête enregistrée au greffe le 8 juillet 2019, Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency aux fins de contester son licenciement et de voir condamner M. [F] à lui verser des sommes suivantes :

– régularisation de salaire suite à retenue abusive pour les prétendus retards : 13,84 euros,

– congés payés afférents : 1,38 euros,

– mise à pied conservatoire du 11 au 30 avril 2019 : 524,47 euros,

– congés payés afférents : 52,45 euros,

– salaire du 1er au 7 mai 2019 : 351,05 euros,

– congés payés afférents : 35,11 euros,

– indemnité de préavis : 3 042,50 euros,

– congés payés afférents : 304,25 euros,

– indemnité légale de licenciement : 780,05 euros,

– dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement : 1 521,25 euros,

– dommages et intérêts pour licenciement abusif : 9 127,50 euros et à titre subsidiaire 5 324,38 euros,

– article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros,

– intérêt au taux légal,

– capitalisation des intérêts,

– dépens,

– exécution provisoire.

M. [F] avait sollicité la condamnation de Mme [G] à lui verser 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire rendu le 25 janvier 2021, la section commerce du conseil de prud’hommes de Montmorency a :

– dit irrecevables les pièces en lien et provenant du système de vidéosurveillance,

– dit et jugé la procédure de licenciement régulière,

– dit et jugé le licenciement pour faute grave régulier et justifié,

– débouté Mme [G] de toutes ses demandes,

– débouté M. [F] de sa demande ‘reconventionnelle’.

Mme [G] a interjeté appel de la décision par déclaration du 18 avril 2021.

Par conclusions adressées par voie électronique le 6 décembre 2021, Mme [A] [G] demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu le 25 janvier 2021 par le conseil de prud’hommes de Montmorency en ce qu’il a jugé irrecevables les pièces en lien et provenant du système de vidéosurveillance et en ce qu’il a débouté M. [F] de sa demande ‘reconventionnelle’,

– réformer pour le surplus le jugement rendu le 25 janvier 2021 par le conseil de prud’hommes de Montmorency.

Et statuant de nouveau :

Vu les articles 1232-1 et suivants du code du travail

– dire que le licenciement de Mme [G] est abusif,

– condamner M. [F] exerçant à titre individuel sous l’enseigne Fantastik à régler à Mme [G] les sommes suivantes :

. régularisation salaire suite à retenue abusive pour des prétendus retard avril 2019 : 13,84 euros,

. congés payés afférents 1,38 euros,

. paiement mise à pied conservatoire du 11 au 30 avril 2019 : 524,47 euros,

. congés payés afférents : 52,45 euros,

. salaire du 1er mai au 7 mai 2019 (5 jours) : 351,05 euros,

. congés payés afférents : 35,11 euros,

. préavis (2 mois) : 3 042,50 euros,

. congés payés afférents : 304,25 euros,

. indemnité légale de licenciement (2 ans et 19 jours) : 780,05 euros,

. dommages intérêts en raison de l’irrégularité de la procédure de licenciement (article L. 1235-2 du code du travail) : 1 521,25 euros,

. dommages intérêts en raison du licenciement abusif : 9 127,50 euros,

et subsidiairement (article L. 1235-3 du code du travail) : 5 324,38 euros,

. article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros,

– dire que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

– ordonner la capitalisation des intérêts par application des dispositions de l’article 1154 du code civil,

– condamner M. [F] – Entreprise Fantastik aux dépens.

Par conclusions adressées par voie électronique le 14 septembre 2021, M. [B] [F] demande à la cour de :

– débouter Mme [G] de l’intégralité de ses demandes en ce qu’elles sont injustifiées et infondées,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montmorency rendu le 25 janvier 2021 en ce qu’il a jugé irrecevables les pièces en lien et provenant du système de vidéosurveillance,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montmorency rendu le 25 janvier 2021 en ce qu’il a jugé la procédure de licenciement régulière, jugé le licenciement pour faute grave régulier et justifié et débouté Mme [G] de l’intégralité de ses demandes,

Par conséquent,

– dire et juger recevables les pièces en lien et provenant du système de vidéosurveillance,

– dire et juger la procédure de licenciement régulière,

– dire et juger le licenciement pour faute grave régulier et justifié,

A titre subsidiaire, si les fautes de Mme [G] n’étaient pas considérées comme graves et sérieuses

– dire et juger que les fautes commises par Mme [G] sont à tout le moins des fautes simples à défaut d’être graves et sérieuses,

– dire et juger que l’indemnité de licenciement ne pourra pas être supérieure à la somme de 780,05 euros,

– dire que l’indemnité de préavis ne pourra pas être supérieure à la somme de 1 480,30 euros,

– dire que l’indemnité de congés payés ne pourra pas être supérieure à la somme de 148,03 euros,

A titre infiniment subsidiaire, si le licenciement était considéré comme irrégulier et abusif

– constater l’application de l’article L. 1235-3 du code du travail cantonnant les dommages et intérêts à éventuellement allouer [sic] entre 0,5 et 3,5 mois de salaires brut,

En tout état de cause

– condamner Mme [G] à payer à M. [F] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l’instance.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance rendue le 15 mars 2023, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 21 avril 2023.

MOTIFS DE L’ARRET

Mme [G] expose qu’étant dévouée dans son travail, appréciée de la clientèle et n’ayant jamais reçu le moindre avertissement, elle a été licenciée sur la simple parole d’un salarié pour des fautes qu’elle conteste. Elle soutient que son licenciement est abusif en invoquant à titre liminaire l’illicéité des éléments de preuve issus d’un système de vidéosurveillance irrégulier.

M. [F] réplique que les fautes sont avérées et qu’il a appris le 2 juin 2020 que Mme [G] a profité de l’état de faiblesse d’une cliente du magasin pour lui soutirer une attestation mensongère ainsi que la somme de 2 000 euros, ce qui l’a conduit à déposer plainte contre elle pour fausse attestation en justice et tentative d’escroquerie au jugement.

Sur la recevabilité des pièces issues de la vidéosurveillance

Mme [G] fait valoir que l’employeur ne peut pas produire des enregistrements d’images si le procédé a été installé sans que la procédure obligatoire ait été respectée et notamment sans que les salariés aient été informés de l’existence d’un dispositif de vidéosurveillance, ce mode de preuve étant illicite. Elle expose que le magasin Fantastik était doté d’un système de vidéosurveillance sans qu’aucune information ne lui ait été donnée sur ce dispositif et sa finalité, que les caméras surveillant l’entrée vers les bureaux et vestiaires du personnel et les vestiaires du personnel sont interdites en ce qu’elles ne respectent pas les règles en matière de vie privée, les règles du RGPD et de la CNIL, que M. [F] ne semble pas avoir les autorisations préfectorales ni avoir fait de déclaration en ce sens. Elle demande en conséquence que soient écartées les pièces adverses 2 et 3 de première instance concernant des constats d’huissiers sur les vidéosurveillances illicites. Elle ajoute que le constat d’huissier est également irrecevable en ce qu’il ne met pas à disposition de la cour l’intégralité des journées de vidéosurveillance mais seulement des extraits savamment choisis.

M. [F] répond que le constat d’huissier est en lui-même valide et qu’il fait état des affichages des notes de service destinées au personnel et de la pancarte d’information située à l’entrée du magasin informant que celui-ci est placé sous vidéosurveillance. Il estime qu’il n’y a pas d’atteinte à la vie privée de la salariée puisque le système de vidéosurveillance est régulier, fait l’objet d’un affichage, que les caméras, anciennes et volumineuses, sont visibles dans le magasin et sont installées au niveau de la caisse, à l’entrée et dans les allées du magasin ainsi que dans les lieux de stockages des marchandises pour des raisons sécuritaires ; qu’aucune caméra n’est installée dans les toilettes ou dans une zone de pause ou de restauration des salariés. Il souligne que Mme [G] est au courant des recours qu’elle pouvait intenter si la présence de la vidéosurveillance ne lui convenait pas et qu’elle n’en a initié aucun, de sorte qu’elle est présumée y consentir. Il fait valoir que les casiers du magasin sont des lieux de stockage pour réserver des produits aux clients.

Si la cour devait considérer que la production des pièces litigieuses porte atteinte aux droits et libertés de l’appelante, il invoque le droit à la preuve puisqu’il ne peut démontrer les faits commis par la salariée qu’en usant des caméras installées au sein du magasin, seules quelques captures de la vidéosurveillance étant retranscrites, se limitant à l’entrée et la sortie de l’appelante dans la zone des casiers ou au niveau de la caisse.

L’article 9 alinéa 1er du code civil dispose que “chacun a droit au respect de sa vie privée.”

L’article L. 1121-1 du code du travail dispose que “Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.”

Tout système de vidéosurveillance des salariés doit répondre aux conditions posées par ce texte.

L’article L. 1222-4 du code du travail dispose que “Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.”

Un système de vidéosurveillance des salariés constitue un traitement de données à caractère personnel au sens de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Il ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui sont collectées et traitées de manière loyale et licite, pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs. Il doit avoir reçu le consentement de la personne concernée ou satisfaire à l’une des conditions suivantes :

“1° Le respect d’une obligation légale incombant au responsable du traitement ;

2° La sauvegarde de la vie de la personne concernée ;

3° L’exécution d’une mission de service public dont est investi le responsable ou le destinataire du traitement ;

4° L’exécution, soit d’un contrat auquel la personne concernée est partie, soit de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ;

5° La réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée.”

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), autorité administrative indépendante instituée par la loi du 6 janvier 1978 susvisée est chargée de l’application du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD) lequel en son article 14 prévoit que lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été collectées auprès de la personne concernée, le responsable du traitement fournit à celle-ci notamment les informations sur :

“a) l’identité et les coordonnées du responsable du traitement et, le cas échéant, du représentant du responsable du traitement ;

b) le cas échéant, les coordonnées du délégué à la protection des données

c) les finalités du traitement auquel sont destinées les données à caractère personnel ainsi que la base juridique du traitement

d) les catégories de données à caractère personnel concernées

e) le cas échéant, les destinataires ou les catégories de destinataires des données à caractère personnel ;

f) le cas échéant, le fait que le responsable du traitement a l’intention d’effectuer un transfert de données à caractère personnel à un destinataire dans un pays tiers ou une organisation internationale, et l’existence ou l’absence d’une décision d’adéquation rendue par la Commission ou, dans le cas des transferts visés à l’article 46 ou 47, ou à l’article 49, paragraphe 1, deuxième alinéa, la référence aux garanties appropriées ou adaptées et les moyens d’en obtenir une copie ou l’endroit où elles ont été mises à disposition.”

La CNIL indique que les caméras de vidéosurveillance peuvent être installées au niveau des entrées et sorties des bâtiments, des issues de secours et des voies de circulation et peuvent également filmer les zones où de la marchandise ou des biens de valeur sont entreposés. Elles ne doivent pas filmer les employés sur leur poste de travail sauf circonstances particulières (employé manipulant de l’argent par exemple mais la caméra doit davantage filmer la caisse que le caissier). Elles ne doivent pas filmer les zones de pause ou de repos des employés ni les toilettes.

Elle indique encore que les employés et visiteurs doivent être informés au moyen de panneaux affichés en permanence, de façon visible, dans les lieux concernés, qui comportent a minima, outre le pictogramme d’une caméra indiquant que le lieu est placé sous vidéoprotection : les finalités du traitement installé, la durée de conservation des images, le nom ou la qualité et le numéro de téléphone du responsable ou du délégué à la protection des données, l’existence de droits “informatique et Libertés” et le droit d’introduire une réclamation auprès de la CNIL en précisant ses coordonnées.” (pièce 22 de la salariée).

L’employeur ne peut présenter devant le juge, au soutien d’un licenciement disciplinaire, qu’une preuve obtenue loyalement, qui implique l’information préalable des salariés. A défaut, la preuve est illicite.

Par ailleurs, l’installation d’une vidéoprotection dans des lieux et établissements ouverts au public est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation préfectorale en application des dispositions des articles L. 251-2 et R. 252-1 et suivants du code de la sécurité intérieure.

En l’espèce, il ressort des constats d’huissier dressés les 15 et 25 avril 2019 (pièces 2 et 3 de l’employeur) que le magasin Fantastik est équipé d’un système de vidéosurveillance avec notamment une caméra n°6 surveillant l’entrée vers les bureaux et vestiaires depuis le local de réception de la clientèle et une caméra n°8 située dans les vestiaires du personnel. Sont ainsi recueillies des données à caractère personnel susceptibles de porter atteinte à la vie privée des salariés.

Si les constats montrent qu’une affiche est apposée à l’entrée du magasin indiquant “ce magasin est sous surveillance vidéo”, M. [F] ne justifie pas de l’existence de panneaux d’affichages avertissant les salariés des finalités du traitement installé, de la durée de conservation des images, du nom ou de la qualité et du numéro de téléphone du responsable ou du délégué à la protection des données, de l’existence de droits “informatique et Libertés” et du droit d’introduire une réclamation auprès de la CNIL en précisant ses coordonnées.

Par ailleurs, M. [F] ne justifie pas qu’il a sollicité et obtenu une autorisation préfectorale pour installer la vidéoprotection dans son établissement ouvert au public.

L’installation de vidéosurveillance du magasin Fantastik est donc irrégulière.

Les constats opérés par un huissier de justice exploitant des images issues de l’enregistrement de ce système de vidéosurveillance irrégulier constituent des preuves illicites.

Néanmoins, il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle du salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. Soc., 20 novembre 2020, n°17-19.523 ; 8 mars 2023, n°17.802).

En présence d’une preuve illicite, le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

En l’espèce, le magasin à l’enseigne Fantastik vend des vêtements dégriffés susceptibles d’être dérobés, ce qui justifie le recours à une vidéosurveillance dans les lieux où sont entreposés les biens vendus dont les casiers du personnel et au niveau de la caisse.

Pour justifier des griefs tenant au placement d’une paire de chaussures dans le casier de la salariée et de la présence injustifiée de la salariée à la caisse du magasin invoqués à l’encontre de Mme [G], l’employeur ne pouvait atteindre par d’autres moyens un résultat identique à la production des images de vidéosurveillance dès lors que les faits n’ont pas été commis en présence d’autres salariés susceptibles de les constater. L’atteinte portée à la vie privée de Mme [G] apparaît en l’espèce, proportionnée au but poursuivi.

Par ailleurs, les constats d’huissier ne sont pas irrecevables en ce qu’ils ne retracent qu’une partie de la vidéosurveillance, dès lors que celle-ci se rapporte uniquement aux faits qui sont reprochés à Mme [G].

La cour relève que Mme [G] a elle-même invoqué le recours au visionnage de la vidéosurveillance afin de prouver qu’elle n’a pas commis les faits qui lui sont reprochés (courrier à son employeur du 11 avril 2019 – pièce 4 de la salariée, courrier de son conseil du 15 mai 2019 – pièce 9).

En conséquence, en infirmant la décision de première instance, la cour déclarera recevables les pièces en lien et provenant du système de vidéosurveillance.

Sur le licenciement

Il résulte de l’article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause du licenciement, qui s’apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l’employeur, doit se rapporter à des faits objectifs, existants et exacts, imputables au salarié, en relation avec sa vie professionnelle et d’une certaine gravité qui rend impossible la continuation du travail et nécessaire le licenciement.

L’article L. 1235-1 du code du travail prévoit que le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement.

En l’espèce, la lettre de licenciement invoque cinq griefs à l’encontre de la salariée, qu’il convient d’étudier.

– sur le non-respect des règles concernant le retrait d’articles au profit du personnel

La lettre de licenciement reproche à Mme [G] d’avoir mis de côté, les 5 et 11 avril 2019, une paire de chaussures bleues, un pantalon femme taille 38 et une ceinture, articles retrouvés dans son vestiaire sans antivol, non réglés et non déclarés au responsable du magasin.

Mme [G] indique avoir mis de côté un pantalon et une paire de baskets, dont elle n’avait pas enlevé l’antivol, à la demande d’une cliente et en avoir avisé M. [E], responsable du magasin. Elle soutient que l’affichage constaté par voie d’huissier n’était pas présent durant son contrat de travail et a manifestement été installé pour la visite de l’huissier, que n’est versé au débat aucun élément permettant d’indiquer que les officiers de police ont ouvert son casier et ont découvert des articles du magasin sans antivol.

Le 25 avril 2019, Maître [K], huissier de justice, a constaté la présence dans le dégagement d’accès vers les vestiaires du personnel, d’un tableau en liège sur lequel sont affichés :

– une note de service, non datée, qui indique que “le personnel n’a pas le droit de mettre les articles du magasin de côté pour les clients ou pour soi-même sans en avoir avisé au préalable le responsable du magasin et cela pour une durée maximum de 24 heures. Après accord.”

– une note de service, non datée, qui indique “tout achat du personnel doit être effectué en présence de la responsable du magasin, avec obligation d’un justificatif de caisse”.

Ce document ne permet pas d’établir que les consignes étaient affichées au moment des faits litigieux les 5 et 11 avril 2019 mais Mme [G] indique qu’elle avait eu l’autorisation du responsable du magasin de mettre des produits de côté pour une cliente, reconnaissant ainsi la pratique rapportée par l’affichage.

Il ressort du procès-verbal de constat d’huissier du 15 avril 2019 que sur le système de vidéosurveillance, à la date du 5 avril 2019, Mme [G] est vue se dirigeant vers la partie bureaux/vestiaires du magasin avec une paire de baskets bleues à semelle blanche à la main et qu’elle en ressort quelques secondes plus tard sans les chaussures. Il n’est pas établi que le sac avec lequel elle est sortie du magasin à sa pause déjeuner contient lesdites chaussures qui ont en tout état de cause été retrouvées dans son vestiaire par les services de police. Aucune pièce ne démontre que les articles étaient dépourvus d’antivols ni que la ceinture retrouvée dans le vestiaire de Mme [G] provenait du magasin Fantastik, ce que conteste la salariée.

Mme [G] produit en pièce 14 l’attestation de Mme [M] [V], cliente du magasin qui relate qu’elle lui a demandé de lui mettre de côté un pantalon de taille 38 et une paire de baskets de taille 31 en attendant qu’elle revienne de vacances. Elle indique que lorsque Mme [G] a demandé à son responsable si elle pouvait les mettre dans son vestiaire, elle a entendu ce dernier lui répondre “oui je n’y vois pas d’inconvénients”.

Elle produit également les attestations de Mme [X] [H], Mme [P] [Y] et Mme [D] [U] qui rapportent la pratique du magasin et de Mme [G] consistant à mettre de côté des articles pour les clientes (pièces 15, 17 et 23).

Au regard de l’ensemble de ces pièces, le grief n’est pas établi.

– sur la tentative de vol

Il est reproché à Mme [G] d’avoir le 10 avril 2019 enlevé les antivols de deux paires de chaussures pour une cliente, qui, après les avoir essayées en cabine, s’est présentée à la caisse avec une seule boîte contenant une paire de chaussures, la seconde paire se trouvant dans son sac, la boîte vide étant demeurée en cabine et d’avoir incité la cliente à ne pas ouvrir son sac à la demande du responsable du magasin et d’aller porter plainte contre lui.

Mme [G] conteste cette version des faits et fait valoir qu’elle a porté plainte contre M. [E] et Mme [I], auteurs d’attestations.

Pour établir les faits, l’employeur produit :

– la déclaration de main courante déposée le 11 avril 2019 par M. [E] qui relate qu’une amie de Mme [G] s’est présentée dans le magasin et a pris deux boîtes de chaussures dans lesquelles seul un pied possède un antivol ; que Mme [G] a enlevé l’antivol de la première paire pour le mettre sur la seconde paire ; que la cliente s’est dirigée vers les cabines d’essayage avec les deux paires de chaussures, a caché la paire sans antivol dans un de ses sacs et s’est dirigée vers la caisse avec la paire possédant les antivols ; qu’après qu’il a vérifié les faits à l’aide de la vidéosurveillance, la cliente a payé les deux paires (pièce 1),

– une attestation de Mme [N] [I], cliente, qui écrit : “j’ai été témoin le 10 avril 2019 que la vendeuse [A] a enlevé l’antivol d’une paire de chaussures pour une cliente et amie d’elle. La cliente a mis les chaussures dans son sac et [C] et [S] sont intervenus. Je suis cliente depuis longtemps. La dame voulait pas ouvrir son sac et [A] la défendait. Ensuite je suis partie.” (pièce 4). Le fait que cette attestation ne comporte pas les mentions prévues par l’article 202 du code de procédure civile n’est pas de nature à lui ôter toute force probante.

Mme [G] a contesté les faits dans un courrier écrit le 11 avril 2019 à son employeur (sa pièce 4), relatant que la cliente qui voulait essayer des ballerines étant blessée et porteuse d’une attelle au niveau de la cheville droite, elle avait retiré l’antivol de la chaussure droite pour le mettre sur la chaussure gauche ; qu’à la sortie de la cabine d’essayage, elle avait accompagné la cliente jusqu’à la caisse où M. [E] lui avait demandé d’ouvrir son sac car il suspectait que la cliente y avait dissimulé une paire de chaussures ; qu’offusquée, la cliente a refusé d’ouvrir son sac et s’est dirigée vers la sortie en abandonnant son panier ; qu’elle a été empêchée de sortir par M. [S] [W] et que pour calmer la situation, elle a proposé de payer les deux paires de chaussures, M. [E] lui appliquant alors 15 % de réduction.

Dans le courrier de son conseil du 15 mai 2019 (pièce 9) il est contesté que les chaussures ont été retrouvées dans le sac de la cliente.

Mme [G] produit en pièce 16 l’attestation de la cliente en cause, Mme [P] [Y], qui soutient que la lettre de licenciement est mensongère et relate que le 10 avril 2019, “Ne pouvant essayer la chaussure à cause de mon attelle, [A] est allée à la caisse retirer l’antivol de l’autre ballerine, puis me l’a apportée afin que je l’essaye. La ballerine étant trop juste, [A] a tout simplement remis l’antivol. [C] le responsable, était tout près puisque nous discutions de mon accident de cheville. J’ai finalement choisi une paire de ballerines argentées et une autre paire violette et mis les 2 boîtes à chaussures dans le panier. J’ai choisi d’autres articles que j’ai essayés dans la cabine puis j’ai rendu les articles qui ne me convenaient pas à [A] qu’elle a rangés à leur place. Puis je suis passée en caisse pour régler mes achats. C’est alors que [C] [E] m’a demandé où était passée la 2ème paire de chaussures que j’avais dans mon panier. Je lui ai dit que je n’en avais choisi qu’une seule et que [A] avait remis les articles manquants à leur place. Il s’est alors mis à accuser [A] de vol de chaussures. J’étais gênée et triste pour [A] que [C] ose faire une scène devant les clients. J’ai donc proposé de régler cette fameuse paire de ballerines manquante si cela pouvait faire cesser ce théâtre ! Il a accepté que je paye cette paire de chaussures ainsi que mes autres articles et m’a spontanément fait une réduction de 15 % sur la totalité de mes articles comme d’habitude.” Elle indique avoir trouvé curieux qu’on l’accuse de vol et qu’on lui fasse une réduction dont témoigne le ticket de caisse qu’elle produit.

La cour observe que les déclarations de Mme [G] et de Mme [Y] sont contradictoires en ce que la cliente indique seulement que c’est la vendeuse et non elle qui a été accusée de vol et ne rapporte pas qu’on lui a demandé d’ouvrir son sac, ce que relatent pourtant les témoins de la scène, y compris Mme [G]. Il n’est en outre pas cohérent que Mme [Y] accepte de payer une paire de chaussures qu’elle n’avait pas prise.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le grief est établi.

– sur l’utilisation de la caisse sans habilitation

La lettre de licenciement reproche à Mme [G] d’avoir encaissé des clients sans autorisation alors qu’elle n’est pas habilitée en qualité de caissière.

Mme [G] réplique que son contrat mentionne que ses fonctions sont évolutives en fonction des nécessités et qu’il lui était demandé occasionnellement d’encaisser un client lorsque M. [E] était occupé ou en pause.

Il ressort des images issues de la vidéosurveillance figurant au procès-verbal d’huissier établi le 25 avril 2019 que Mme [G] a encaissé une cliente le 4 avril 2019 (pièce 3).

Le contrat de travail de Mme [G] mentionne qu’elle est engagée en qualité de vendeuse manutentionnaire surveillante et que “les fonctions confiées à Mme [G] sont par nature évolutives et pourront être modifiées par M. [F] [B] “Fantastik” en fonction des nécessités d’administration et de gestion.”. L’employeur ne justifie pas au regard des termes du contrat que la caisse était interdite à la salariée.

Le grief n’est pas établi.

– sur l’attitude envers les clients

La lettre de licenciement reproche à Mme [G] son attitude envers plusieurs clientes, refusant que ces dernières touchent les marchandises, se servent dans les bacs d’articles ou prennent certains articles pour les essayer, les tutoyant, interdisant à une cliente de venir avec sa poussette au magasin, tenant des propos racistes.

Mme [G] conteste les faits, soulignant que ceux relatés par Mme [I] sont prescrits et que le reproche lié aux surnoms donnés à des clientes ne figure pas dans la lettre de licenciement.

Pour justifier des griefs, l’employeur produit :

– une attestation de Mme [I] qui relate en premier lieu que “la vendeuse [A] durant le mois de juin 2018 m’a défendu de toucher des articles qui m’intéressaient et que je voulais acheter.”. Or ces faits étant antérieurs de plus de deux mois à la convocation à l’entretien préalable, ils sont prescrits et ne peuvent fonder le licenciement.

Mme [I] écrit également : “Je rajoute qu’elle m’a tutoyé alors qu’elle ne me connait pas et en plus elle m’a interdit de venir dans le magasin avec ma poussette.” ,

– une attestation de M. [OI] [R] (pièce 5) qui dénonce le comportement incorrect de Mme [G], qui n’est pas probante en ce que la pièce d’identité de l’attestant n’est pas jointe.

Ces documents sont insuffisants à justifier de la réalité du grief, étant souligné que les attestations de M. [E] et de M. [W] rapportant les surnoms que Mme [G] donnait à certaines clientes sont inopérantes puisque ne concernant pas des faits figurant dans la lettre de licenciement (pièces 6 et 7).

Mme [G] produit quant à elle des attestations de clientes louant son caractère agréable et souriant avec tous et l’absence de propos racistes (pièces 12, 15 et 17).

Le grief n’est donc pas établi.

– sur les retards

La lettre de licenciement invoque en dernier lieu des retards fréquents de Mme [G], citant six exemples du 3 au 10 avril 2019.

Mme [G] conteste ces retards et souligne qu’aucun avertissement ne lui a été adressé à ce sujet.

Pour toute preuve des retards, l’employeur produit en pièce 9 un tableau qu’il a lui-même établi, qui relève les retards suivants : 11 février 2019 : 10 mn, 13 février 2019 : 15 mn, 11 mars 2019 : 5 mn, 13 mars 2019 : 10 mn, 22 mars 2019 : 15 mn et 30 mn après heure de pause. Il n’explique pas selon quelles modalités ces retards ont été constatés.

Ces retards ne se retrouvent pas sur les fiches de paie correspondantes (pièce 2 de la salariée). Aucun retard n’a jamais été mentionné sur les bulletins de paie qui sont versés au débat entre le mois de décembre 2017 et le mois de mars 2019, les seuls retards mentionnés étant exclusivement ceux du mois d’avril 2019 visés dans la lettre de licenciement.

Le grief n’est pas suffisamment établi.

Il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande de la salariée en lui allouant la somme de 13,84 euros qui a été retenue sur son bulletin de salaire du mois d’avril 2019 au titre de ces retards outre 1,38 euros au titre des congés payés afférents, par infirmation de la décision entreprise.

Il ressort de l’ensemble de ces développements que Mme [G] a participé à une tentative de vol de chaussures commis au préjudice de son employeur par une cliente qu’elle connaissait.

Il s’agit d’un fait imputable à la salariée qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise et justifie son départ immédiat.

La décision de première instance sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a jugé que le licenciement pour faute grave est régulier et justifié et a débouté Mme [G] de ses demandes

en paiement formées au titre de la mise à pied conservatoire du 11 avril au 7 mai 2019 et des congés payés afférents, de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents, de l’indemnité légale de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Sur le défaut de respect de la procédure de licenciement

Mme [G] soutient que la procédure de licenciement n’a pas été respectée à deux titres.

Elle fait valoir en premier lieu que la lettre de convocation à l’entretien préalable est signée “pour ordre” par une personne non identifiée et que les pièces produites par l’employeur ont été établies pour les besoins de la cause.

M. [F] répond que l’employeur peut donner mandat à une personne de l’entreprise pour signer la lettre de convocation à l’entretien préalable et qu’en l’espèce, la lettre de convocation a été signée par sa secrétaire ayant reçu délégation de pouvoir.

L’article L. 1232-2 du code du travail dispose que “L’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation.

L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.”

L’article L. 1235-2 du code du travail prévoit notamment que lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure de licenciement, si ce dernier a une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

L’employeur ne peut donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu’à son terme et signer pour ordre en son nom la lettre de convocation à l’entretien préalable ou la lettre de licenciement. En outre, l’auteur de la lettre doit être identifiable et disposer d’un pouvoir pour la signer.

En l’espèce, la lettre de convocation à l’entretien préalable du 11 avril 2019 a été signée “pour ordre” de M. [B] [F].

Ce dernier justifie que la lettre a été signée par Mme [SL] [O], qu’il a engagée selon contrat de travail à durée indéterminée daté du 24 février 2011 en qualité de secrétaire assistante et qui disposait d’un pouvoir daté du 10 janvier 2019 pour signer toutes les lettres de convocation à un entretien préalable ou toutes lettres de licenciement d’un membre du personnel (pièces 13 et 14 de l’employeur). La convocation est donc régulière.

Mme [G] fait valoir en second lieu que l’entretien préalable a été détourné de sa finalité dès lors qu’en faisant intervenir M. [E] il s’est transformé en interrogatoire inquisitorial. Elle reproche en outre la participation à l’entretien de Mme [J] [L], compagne de M. [F], qui n’appartient pas à l’entreprise.

L’employeur réplique que si le compte-rendu d’entretien mentionne l’accueil de la salariée et de son conseiller syndical notamment par Mme [L], il n’est pas fait référence à sa présence lors de l’entretien et souligne que M. [E] n’est intervenu que ponctuellement.

L’article L. 1232-3 du code du travail dispose que “au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.”

L’employeur ne peut se faire assister lors de l’entretien que par une personne appartenant au personnel de l’entreprise. Si l’assistance de l’employeur par plusieurs personnes ne doit pas transformer l’entretien en enquête, la présence d’un salarié assistant l’employeur qui confirme, en une seule occasion, les propos reprochés au salarié ne rend pas la procédure irrégulière.

Mme [G] produit le compte-rendu de l’entretien préalable au licenciement du 24 avril 2019 établi par M. [Z] [T], conseiller du salarié (pièce 11). M. [T] écrit “Le 24 avril 2019, nous nous rendons Mme [G] et moi-même, dans les locaux de la société Fantastik où nous sommes accueillis par Mme [L] [J] compagne du directeur n’occupant aucune fonction dans la société, M. [F] [B], directeur général et M. [E], 1er vendeur responsable du magasin en l’absence de M. [F]. Ce dernier n’a pas participé à l’intégralité de l’entrevue. Il est intervenu ponctuellement sur la demande de son employeur pour venir confirmer ses propos.”

Il ressort du compte-rendu que M. [F] a mené l’entretien et qu’il n’a fait intervenir M. [E] que lorsque a été évoqué le grief tenant à la mise de côté d’articles pour une cliente. Aucune irrégularité n’est caractérisée de ce chef.

Cependant, M. [T] n’a relaté la présence ponctuelle que de M. [E], lequel n’est pas mentionné en entête du compte-rendu au titre des “personnes présentes”, à la différence de Mme [L] [J], qui a donc assisté à l’intégralité de l’entretien, quand bien même le compte-rendu ne relate pas d’interventions de sa part.

Une personne étrangère au personnel de l’entreprise ayant assisté à l’entretien préalable, la procédure est irrégulière et il est justifié d’allouer à Mme [G], qui a été licenciée pour faute grave, une indemnité de 200 euros brut, par infirmation de la décision entreprise.

Sur les intérêts moratoires

Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.

Sur les demandes accessoires

Le conseil de prud’hommes n’a pas statué sur les dépens.

Il sera dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens, de première instance et d’appel.

La décision de première instance sera confirmée en ce qu’elle a débouté les parties de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles et les demandes formées en cause d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 25 janvier 2021 par le conseil de prud’hommes de Montmorency sauf en ce qu’il a :

– dit irrecevables les pièces en lien et provenant du système de vidéosurveillance,

– débouté Mme [A] [G] de sa demande de régularisation de salaire pour retenue abusive de retards en avril 2019,

– débouté Mme [A] [G] de sa demande de dommages et intérêts en raison de l’irrégularité de la procédure de licenciement,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare recevables les pièces en lien et provenant du système de vidéosurveillance,

Condamne M. [B] [F] exerçant sous l’enseigne Fantastik à payer à Mme [A] [G] les sommes de :

– 13,84 euros à titre de régularisation de salaire pour retenue abusive de retards en avril 2019,

– 1,38 euros au titre des congés payés afférents,

– 200 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l’irrégularité de la procédure de licenciement,

Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la présente décision,

Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel,

Rejette les demandes formées par Mme [A] [G] et M. [B] [F] au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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