Your cart is currently empty!
17 février 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/00998
ARRÊT DU
17 Février 2023
N° 269/23
N° RG 21/00998 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TVMD
AM/AL
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE
en date du
28 Mai 2021
(RG 18/00786 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 17 Février 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
M. [E] [H]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Stéphane DUCROCQ, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Vanina RAMANAH-BLIN, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
S.A. WORLDLINE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me David LINGLART, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Laurent TRAUTMANN, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS : à l’audience publique du 03 Janvier 2023
Tenue par Alain MOUYSSET
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Séverine STIEVENARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 Décembre 2023
FAITS ET PROCEDURE
Suivant contrat de travail à durée indéterminée M. [E] [H] a été engagé à compter du 1er décembre 1986 par la société SEGIN, aux droits de laquelle vient la société WORDLINE, en qualité d’ingénieur.
En dernier lieu, et depuis le 1er janvier 2015, le salarié a occupé les fonctions de directeur de l’innovation, bénéficiant à ce titre du statut de cadre et d’une classification 3.2 coefficient 210 de la convention collective Syntec, étant précisé qu’il a été également soumis à une convention en forfait jours.
Le 8 mars 2017 le salarié a sollicité de la direction de l’entreprise une mobilité sur le site de [Localité 5], et qu’il soit dérogé aux règles habituelles de l’entreprise relativement à la prise en charge des frais de déménagement par l’employeur, afin qu’il lui soit octroyé la possibilité de recourir à la location d’un utilitaire devant lui permettre de déménager progressivement sur le premier semestre de l’année 2017.
Il a été fait droit à sa requête, sous réserve d’une limitation du montant des frais pouvant être pris en charge par la société.
Le 8 septembre 2017, M. [O], supérieur hiérarchique du salarié, a demandé à ce dernier de le rencontrer le 13 septembre 2017 et de lui fournir un récapitulatif ainsi que le détail des frais déjà engagés au titre de son déménagement.
Le 27 septembre 2017 la société a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement devant se dérouler le 9 octobre 2017.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 octobre 2017 la société a notifié au salarié son licenciement pour faute grave.
Le 3 août 2018 le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Lille, lequel par jugement en date du 28 mai 2021a dit et jugé que le licenciement pour faute grave est fondé, et a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes en le condamnant au paiement d’une somme de 1000 euros au profit de la société au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
Le 10 juin 2021 le salarié a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 17 décembre 2021 par le salarié.
Vu les conclusions déposées le 2 décembre 2021 par la société.
Vu la clôture de la procédure au 13 décembre 2022.
SUR CE
Du licenciement
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’ une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l’employeur.
Il appartient à ce dernier de rapporter la preuve de l’existence d’une faute grave, à défaut de quoi le juge doit rechercher si les faits reprochés sont constitutifs d’une faute pouvant elle-même constituer une cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Lorsqu’un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur de rapporter la preuve qu’il n’a eu connaissance de celui-ci que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de la poursuite disciplinaire.
En l’espèce le salarié a été licencié pour avoir d’une part présenté le 13 septembre 2017 un récapitulatif de ses frais de déménagement contenant de nombreuses inexactitudes ainsi que d’évidentes dissimulations au niveau de ses frais professionnels, et d’autre part de ne pas avoir déclaré de nombreuses journées où il était absent de l’entreprise.
Le salarié soutient tout d’abord que les faits lui étant reprochés son prescrits comme étant antérieurs au 27 juillet 2017 sans qu’aucun élément ne permette de vérifier que la société a effectivement réalisé une enquête avant de prendre la décision de déclencher la procédure de licenciement.
Il fait également valoir que la société n’a pas réagi de manière immédiate après sa connaissance des faits fautifs allégués, et a cru pouvoir lui reprocher une faute grave sans lui notifier préalablement une mise à pied à titre conservatoire pendant le long délai ayant séparé la connaissance des faits et l’engagement de la procédure de licenciement, et ensuite la convocation à entretien préalable et la notification du licenciement.
En ce qui concerne les griefs formulés à son encontre il argue du caractère fallacieux de ces derniers, en soulignant que son dossier disciplinaire est totalement vierge alors qu’il fait partie des effectifs de l’entreprise depuis 30 ans, qu’il n’a jamais compté ses heures de travail et toujours bénéficié des primes sur objectif.
La société soutient au contraire que les faits reprochés au salarié sont totalement établis au terme d’une enquête qu’elle a diligentée après la découverte des derniers agissements, ce qui ne lui a permis d’avoir connaissance de l’intégralité des faits dans leur ampleur et leur portée uniquement dans le délai de deux mois imparti, de sorte qu’aucune prescription ne peut lui être opposée comme l’absence de recours à une mesure de mise à pied disciplinaire.
Elle affirme également que le délai d’un peu moins d’un mois séparant le déclenchement de la procédure de licenciement et la notification de celui-ci n’est pas déraisonnable, et qu’ainsi elle peut se prévaloir de l’existence d’une faute grave.
La réalité de l’existence d’une telle faute ressort selon elle de la demande par le salarié de remboursement de nombreux frais personnels sous couvert d’un caractère professionnel, situation qu’il a volontairement dissimulée notamment lorsqu’il a remis le 13 septembre 2017 un récapitulatif de ses frais de déménagement.
L’employeur souligne qu’il a omis ainsi de reporter près de 800 euros de frais de déménagement, pour cacher ainsi un dépassement significatif du montant autorisé pour son déménagement à savoir l’engagement de dépenses ne devant pas dépasser une somme de 3000 euros.
La société fait valoir que la convention de forfait jours dont il bénéficiait ne le dispensait pas pour autant de renseigner le logiciel mis en place au sein de la société pour contrôler le respect de la durée de travail et des conditions permettant à un salarié de s’absenter et de ne pas réaliser par là même sa prestation de travail.
Elle affirme que le manque de loyauté du salarié, consistant notamment à privilégier ses intérêts personnels par rapport à ceux de l’entreprise, est particulièrement patent et inadmissible au regard de son niveau de responsabilité au sein de la société.
Il convient tout d’abord de constater l’absence de prescription des faits reprochés au salarié puisque la société lui a demandé le 9 septembre 2017 non seulement de justifier du quantum des frais de déménagement mis en oeuvre jusqu’à cette date, mais aussi de fixer d’un commun accord une date ferme pour ce déménagement, compte tenu de la demande de prise en charge d’un voyage en train entre sa supposée ancienne résidence et son lieu de travail.
Il apparaît ainsi que cette demande d’explication et les recherches effectuées à la suite relativement à des dépenses effectuées durant une période précédant de plus de deux mois le déclenchement de la procédure de licenciement repose sur un élément objectif ne dépendant pas de la volonté de l’employeur, à savoir la réservation de billets de train au-delà de la période initialement prévue pour le déménagement.
Si un employeur n’a pas pour obligation de délivrer une mise à pied à titre conservatoire pour pouvoir se prévaloir de l’existence d’une faute grave, en revanche il doit respecter un délai restreint entre la connaissance des faits et l’engagement de la procédure de licenciement, lequel doit lui-même être suivi dans un délai raisonnable de la notification de la rupture du contrat de travail.
En effet un employeur ne peut pas à la fois soutenir que le maintien du salarié d’entreprise est impossible même pendant la durée limitée du préavis, et avoir préalablement maintenu celui-ci à son poste durant un délai dont l’étendue n’est justifié par aucun élément objectif.
Si la date de découverte des faits, qui est nécessairement comprise entre l’entretien du salarié avec son supérieur hiérarchique et le déclenchement de la procédure, a donné lieu à une réaction de la société dans un délai pouvant être qualifié de raisonnable, en revanche aucun élément ne permet de justifier une attente de près d’un mois pour notifier le licenciement.
En effet les mesures d’investigations rendues nécessaires pour délimiter l’ampleur et la portée des agissements du salarié sont antérieures à la décision de mettre en oeuvre la procédure de licenciement, de sorte que l’employeur ne peut pas s’en prévaloir pour justifier l’absence de respect d’un délai restreint pour procéder au licenciement.
Par voie de conséquence l’existence d’une faute grave ne peut être reconnue, et l’employeur ne peut de ce fait se prévaloir que d’une éventuelle faute constitutive d’une cause réelle et sérieuse du licenciement.
Il convient tout d’abord de constater que si des agissements sont incontestables comme la demande de remboursement de repas ou deux boissons pour deux personnes, pour autant plusieurs éléments sont de nature à remettre en cause les situations invoquées par l’employeur pour justifier de la réalité des griefs formulés à l’ncontre du salarié.
Il apparait à ce titre que le salarié a certes mentionné le 1er septembre comme la date butoir pour la réalisation de son déménagement, mais qu’il a employé le conditionnel, et qu’il peut se prévaloir du refus de lui octroyer des congés payés pour expliquer le retard pris.
Cette situation ressort clairement d’une conversation entre le salarié et une collègue de travail qui lui précise s’agissant du décalage de sa demande qu’elle ne peut y procéder dans la mesure où elle ne peut pas modifier ces données dans le logiciel.
Il importe peu que le salarié ait bénéficié de plusieurs semaines de congés depuis le début de l’année 2017, dès lors qu’il n’est pas soutenu et a fortiori démontré qu’il ne disposait plus de droit en la matière.
De surcroît dans la lettre invitant le salarié à se présenter le 13 septembre 2019 à un entretien relatif notamment aux frais de déménagement, son supérieur hiérarchique évoque seulement s’agissant de cet événement de la nécessité de fixer une date ferme.
Par ailleurs comme le souligne à juste titre M. [H], la société a été destinataire chaque mois d’un récapitulatif des demandes de remboursements du mois, mais aussi des justificatifs des dépenses effectuées.
La société, qui ne conteste pas avoir validé la demande de remboursement, explique une telle validation par le fait que le salarié était présent dans l’entreprise depuis très longtemps et qu’elle lui faisait en conséquence de confiance.
S’il est vrai que l’absence de sanction à l’encontre du salarié antérieurement au licenciement est de nature à expliquer pour partie une telle position, il n’en demeure pas moins que le contrôle opéré a posteriori n’a pas permis de mettre en évidence une pratique récurrente de la part de M. [H], et plusieurs situations de reproches sont infondées.
Il apparaît en outre que, face aux justificatifs invoqués par le salarié pour justifier de la réalité et notamment d’une activité professionnelle à des périodes pour lesquelles la société lui reproche d’avoir été absent ou d’avoir effectué des dépenses ne présentant pas un caractère professionnel, la société remet en cause la validité des mentions figurant sur l’agenda produit et les éléments de la messagerie en faisant état d’une simple capture d’écran.
Cette remise en cause n’est étayée par aucun élément objectif et procède de l’affirmation, alors même que ces documents mentionnent très souvent la nature du travail effectué et les interlocuteurs à l’occasion de certains d’entre eux.
Ainsi pour le 13 avril 2017 l’agenda mentionne une réunion en ligne avec M. [Y], il est également fait référence à des contacts avec des clients, et autant d’éléments qui permettaient à la société de procéder à des vérifications, et de contester de manière beaucoup plus pertinente le caractère probant de cet agenda et des données de la messagerie.
Il importe de souligner que les heures de passage aux barrières de péage sont de nature à corroborer les allégations du salarié selon lesquelles il conduisait de nuit et son épouse le jour lors des longs trajets d’environ 11 heures réalisés dans le cadre des déménagements d’une partie de leurs effets.
Or ce dernier affirme qu’il lui arrivait de travailler lorsque son épouse conduisait, ce que confirme d’ailleurs des mentions portées sur son agenda.
Relativement à la prise de jours de congés supplémentaires, notamment au cours du mois d’août 2017, l’affirmation de la société selon laquelle il aurait pris 10 jours de plus que ceux auxquels il avait droit est contredite par l’agenda du salarié.
Il apparaît également s’agissant du 2 mars 2017 que ce même document fait référence à ” recrutement seclin “, élément au sujet duquel la société ne s’explique pas, se contentant là aussi de dénier toute valeur probante à cet agenda.
Il importe de rappeler que le salarié bénéficiait d’une convention de forfait jours, de sorte que la société ne peut pas la remettre en cause en faisant valoir que celui-ci n’a pas pu travailler telle matinée car il a restitué à un moment de celle-ci le véhicule utilitaire précédemment loué, étant observé qu’il est même fait état d’une telle situation alors que la restitution est intervenue en fin de matinée.
De surcroît le télétravail était mis en oeuvre dans l’entreprise, de sorte que la société ne peut se contenter de faire référence, sans d’ailleurs fournir des éléments justificatifs, à une absence de présentation sur l’un des sites de travail.
Il convient également de souligner qu’il n’est absolument pas fait état d’une exécution défaillante de ses missions par le salarié, lequel n’a pas été utilement contredit quand il affirme avoir toujours bénéficié de l’intégralité de ses primes d’objectifs.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la grande majorité des reproches formulés à l’encontre du salarié sont infondés, et qu’il existe un doute pour une partie d’entre eux, de sorte que les griefs pouvant être imputés à M. [H] sont insuffisants à constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, lequel apparaît comme disproportionné par rapport à des agissements très limités consistant pour l’essentiel à quelques remboursements de frais injustifiés.
Il y a lieu au regard de l’ensemble de ces éléments d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement repose sur une faute grave, et statuant à nouveau de dire que celui-ci est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.
Par voie de conséquence le salarié a droit à une indemnité de licenciement d’un montant de 206 651 euros, à une indemnité de préavis de 30 997,65 euros outre les congés payés afférents à hauteur de 3099,76 euros, étant observé que l’octroi de telles sommes est contesté en son principe, mais pas à titre subsidiaire quant à leurs montants.
En revanche la société se prévaut des dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail, en faisant valoir que le salarié ne peut prétendre qu’à une indemnisation ne pouvant dépasser 20 mois de rémunération soit 206 651 euros, alors que le salarié affirme que le barème instauré par ces dispositions est contraire à l’article 24 de la charte européenne des droits sociaux, et l’article 10 de la convention numéro 158 de l’organisation internationale du travail.
Il convient tout d’abord de rappeler qu’en vertu de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.
Aux termes de l’article 10 de la convention n° 158 sur le licenciement de l’Organisation internationale du travail si les organismes mentionnés à l’article huit de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou tout autre forme de réparation considérée comme appropriée.
L’article 24 de la Charte sociale européenne révisée, au titre du droit à la protection en cas de licenciement, prévoit qu’en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître :
a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, fondée sur la nécessité de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
À cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial.
En dépit des allégations du salarié il convient de rappeler, qu’au-delà de l’importance de la marge d’appréciation laissée aux parties contractantes par les termes précités de la charte sociale européenne révisée, les dispositions de l’article 24 de ladite Charte ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
Par ailleurs, dès lors que le terme adéquat, figurant dans l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, doit être compris comme réservant aux États parties une marge d’appréciation, il s’en déduit que les dispositions de l’article L. 1253-3 du code du travail, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail.
Au regard de l’importante ancienneté du salarié dans l’entreprise, de ses difficultés à retrouver un emploi malgré sa grande expérience professionnelle pouvant s’expliquer comme il le fait valoir par son âge, des circonstances de la rupture, il convient de lui allouer la somme de 160 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
De l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
L’équité commande d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société à payer au salarié la somme de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Des dépens
La société qui succombe doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau et ajoutant jugement entrepris,
Dit le licenciement de M. [E] [H] sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société WORDLINE à payer à M. [E] [H] les sommes suivantes :
– 206 651 euros nets à titre d’indemnité de licenciement
– 30 997,65 euros à titre d’indemnité de préavis outre la somme de 3099,76 euros pour les congés payés afférents
– 160 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la société WORDLINE aux dépens.
LE GREFFIER
Nadine BERLY
LE PRESIDENT
Marie LE BRAS