Télétravail : 8 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/08364

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Télétravail : 8 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/08364
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8 mars 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
19/08364

AFFAIRE PRUD’HOMALE COLLÉGIALE

N° RG 19/08364 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MXNU

Association PROFESSION SPORT ET LOISIRS 69

C/

[N]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON

du 19 Novembre 2019

RG : 17/01594

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 08 MARS 2023

APPELANTE :

Association PROFESSION SPORT ET LOISIRS 69 anciennement dénommée PROSPORT 69

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Benoît DUMOLLARD de la SELARL DUMOLLARD AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[M] [N]

né le 07 octobre 1992 à [Localité 8] (CAMEROUN)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Murielle MAHUSSIER de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Katia FONDRAS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, présidente

Nathalie ROCCI, conseiller

Anne BRUNNER, conseiller

Assistées pendant les débats de Morgane GARCES, greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 08 mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, présidente et par Morgane GARCES, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée déterminée, régi par la réglementation spécifique liée aux emplois d’avenir, l’association Prosport 69 – Employeurs Solidaires a engagé M. [N] du 22 août 2016 au 21 août 2018 en qualité d’agent de développement moyennant une rémunération mensuelle brute congés payés inclus de 1 466,65 euros pour 151,67 heures de travail.

Par un avenant prenant effet au 1er décembre 2016, le lieu et les horaires de travail ont été modifiés.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 décembre 2016, l’association Prosport 69 a notifié à M. [N] un avertissement pour une absence injustifiée datée du 7 novembre 2016.

Un second avertissement lui a été notifié par lettre recommandée du même jour pour avoir :

– le samedi 9 octobre 2016, commis une erreur qui a généré l’infliction d’une pénalité sportive et financière à la structure ;

– le jeudi 27 octobre 2016, omis de remettre son travail à son tuteur.

Par courrier du 13 décembre 2016, M. [N] a contesté les griefs qui lui étaient reprochés.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 janvier 2017, l’association Prosport 69 a notifié à M. [N] un troisième avertissement pour une absence injustifiée le 10 décembre 2016 et des retards les 12 et 14 décembre 2016.

Un quatrième avertissement a été notifié à M. [N] le 5 janvier 2017 pour non remise du travail demandé dans les délais impartis.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 février 2017, l’association Prosport 69 a convoqué M. [N] le 7 mars 2017 à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire pendant la durée de la procédure.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 avril 2017, l’association Prosport 69 a notifié à M. [N] son ‘licenciement pour faute grave’ en lui reprochant de nombreux retards et absences injustifiées au préjudice des deux structures associatives au sein desquelles il avait été mis à disposition, à savoir l’association Ambérieu Basket Ball et l’association Albarine Basket Club, ainsi que le défaut d’exécution de tâches administratives.

Le 24 mai 2017, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon en lui demandant de prononcer, à titre principal, la nullité de son licenciement et à titre subsidiaire, la rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée. En tout état de cause, M. [N] demandait la condamnation de l’association Prosport 69 à lui payer :

– un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et les congés payés afférents

– des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail

– des dommages-intérêts au titre de salaires restant à percevoir jusqu’à la fin du contrat ;

– des dommages-intérêts pour sanctions disciplinaires abusives

en outre :

– un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et les congés payés afférents

– des dommages-intérêts pour utilisation du domicile et du matériel personnel à des fins professionnelles

– le remboursement de frais professionnels

– une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud’hommes s’est déclaré en partage de voix le 18 janvier 2019.

Par jugement rendu le 19 novembre 2019, le conseil de prud’hommes, statuant en sa formation de départage, a :

– dit que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée est privée de cause réelle et sérieuse

– condamné l’association Prosport 69 à verser à M. [M] [N] les sommes de :

avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2017, date de réception de la convocation par l’employeur devant le bureau de conciliation valant mise en demeure

* 1 727,02 euros au titre de la mise à pied conservatoire, outre 172,70 euros au titre des congés payés afférents

avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement

* 100,00 euros de dommages-intérêts pour occupation du domicile à des fins professionnelles

* 300,00 euros de dommages-intérêts pour les trois avertissements annulés

* 24 424, 95 euros de dommages-intérêts correspondant aux salaires restant à percevoir jusqu’à la fin du contrat

– débouté les parties du surplus de leurs demandes

– condamné l’association Prosport 69 à verser à M. [M] [N] la somme de 1 500, 00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– débouté l’association Prosport 69 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1 480,30 euros

– condamné l’association Prosport 69 aux dépens de la présente instance.

La cour est saisie de l’appel interjeté le 5 décembre 2019 par l’association Prosport 69.

Par conclusions notifiées le 17 juin 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, l’association Prosport 69 demande à la cour de :

– Infirmer en tout point le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon

– Débouter M. [N] de l’ensemble de ses demandes,

– Condamner M.[N] au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 14 mai 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. [N] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Lyon du 19 novembre 2019 en ce qu’il a :

– Dit que la rupture du contrat à durée déterminée est privée de cause réelle et sérieuse,

– Condamné l’association Prosport 69 à lui verser les sommes de :

* 1 727,02 euros au titre de la mise à pied conservatoire, outre 172,70 euros au titre des congés payés afférent,

* 100 euros de dommages-intérêts pour occupation du domicile à des fins professionnelles

* 300 euros de dommages- intérêts pour les trois avertissements annulés,

* 24 424,95 euros de dommages-intérêts correspondant aux salaires restant à percevoir jusqu’à la fin du contrat

– Condamné l’association Prosport 69 à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1 480,30 euros,

– Condamné l’association Prosport 69 aux dépens de la présente instance,

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon du 19 novembre 2019 en ce qu’il l’a débouté de ses demandes :

* de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

* de rappel d’indemnités de déplacements

* au titre de la nullité du licenciement

* de dommages et intérêts complémentaires pour rupture abusive

et en ce qu’il a considéré que le premier avertissement du 12 décembre 2016 était fondé.

Statuant à nouveau :

au titre de l’exécution du contrat de travail :

– annuler les avertissements abusifs des 12 décembre 2016 et 5 janvier 2017

– condamner l’association Prosport 69 à lui verser les sommes suivantes :

* 3 000 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

* 300 euros au titre des congés payés afférents ;

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour utilisation du domicile et du matériel personnel à des fins professionnelles ;

* 6 489,15 euros nets à titre de remboursement de frais professionnels ou, à tout le moins 1 536,53 euros nets tel que le reconnaît a minima l’employeur dans ses écritures ;

* 5 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour sanctions disciplinaires abusives.

Au titre de la rupture du contrat de travail :

à titre principal,

– juger nul le licenciement prononcé à son encontre

à titre subsidiaire,

– juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé du fait de l’absence de qualité du signataire de la lettre de licenciement

à titre infiniment subsidiaire

– juger abusive la rupture du contrat de travail à durée déterminée

en conséquence et dans tous les cas,

– condamner l’association Prosport 69 à lui verser les sommes suivantes :

* 1 727,02 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire;

* 172,70 euros au titre des congés payés afférents ;

* 24 424,95 euros nets à titre de dommages et intérêts correspondant aux salaires restant à percevoir jusqu’à l’expiration du contrat de travail ;

* 12 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée ;

dans tous les cas,

– Condamner l’association Prosport 69 au paiement de la somme de l 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile tant pour la 1ère instance que la procédure d’appel ;

– Condamner l’association Prosport 69 aux entiers dépens de l’instance tant pour la 1ère instance que la procédure d’appel.

MOTIFS

– Sur l’exécution du contrat de travail :

a) sur la demande au titre des heures supplémentaires :

M. [N] soutient qu’il a été conduit à réaliser de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées par son employeur, et ce afin de réaliser les tâches qui lui étaient confiées dans les délais impartis. Il ajoute qu’il était très régulièrement sollicité par email, en dehors de ses horaires de travail, par les Présidentes des deux associations, auprès desquelles il était mis à disposition, et que le temps de déplacement entre ses différents sites d’intervention n’était pas rémunéré comme temps de travail.

L’employeur s’oppose à cette demande en faisant valoir d’une part que M. [N] ne produit aucun élément de preuve, ni d’évaluation factuelle des heures qu’il réclame, d’autre part, que le travail administratif dont il réclame le paiement en heures supplémentaires devait être effectué durant son temps de travail, dans les locaux des associations auprès desquelles il était mis à disposition.

****

Il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l’espèce, faute de toute pièce relative à l’accomplissement d’heures supplémentaires, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a débouté M. [N] de sa demande après avoir constaté que le salarié ne précisait pas le nombre d’heures supplémentaires qu’il aurait accomplies ni les horaires qui auraient été les siens, de sorte qu’il n’a pas satisfait à l’exigence de précision qui sous-tend la demande.

b) sur l’occupation du domicile à des fins professionnelles :

M. [N] soutient que les locaux de travail n’ont jamais été adaptés aux tâches qui lui étaient confiées en l’absence de connexion internet sur son lieu de travail, mais aussi de poste informatique, cette situation le contraignant à utiliser son ordinateur et son imprimante personnels, ainsi que la connexion internet de son propre logement.

L’employeur conteste toute situation s’apparentant à du télétravail en l’absence de clause en ce sens dans le contrat de travail. L’association Prosport 69 soutient que les éventuelles tâches accomplies de manière résiduelle par le salarié à son domicile relèveraient uniquement de sa propre initiative et non d’une demande expresse de l’employeur et souligne en tout état de cause, que M. [N] qui procède à une évaluation fantaisiste de son temps de travail, ne rapporte pas la preuve de son préjudice.

****

Le principe est que les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur, doivent être remboursés sans qu’ils ne puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due.

En l’espèce, M. [N] verse aux débats deux courriels de Mme [W], directrice de l’Ambérieu basket-ball, datés des 10 et 11 janvier 2017, dont il ressort que les bâtiments municipaux ne sont pas toujours connectés à l’Internet et que M. [N] est autorisé à travailler à son domicile les mardi et vendredi selon les horaires convenus.

Il en résulte que l’accomplissement par M. [N] d’un certain nombre de tâches à domicile est consacré par cette correspondance et que l’absence de clause relative au télétravail dans le contrat de travail est dés lors indifférent.

Le juge départiteur a alloué la somme de 100 euros à M. [N] au titre de la sujétion subie par le salarié du fait de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles, ce qui constitue une juste indemnisation en l’absence de justification de frais plus importants.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

c) sur la demande de rappel d’indemnités de déplacement :

M. [N] soutient qu’il a exposé de nombreux frais de déplacements comportant des frais de carburant, de péage ainsi que l’usure de son véhicule, qui ne lui ont pas été remboursés par son employeur, notamment pour se rendre sur les lieux de réalisation des stages et dans différents gymnases.

L’association Prosport 69 conclut à la seule prise en compte du décompte précis qu’elle a établi lequel fait état des seuls frais de déplacement pour se rendre en formation, d’un montant total de 1 536,53 euros.

****

L’article 11 du contrat de travail relatif aux frais de déplacement prévoit que : ‘Le salarié peut percevoir, après accord de la structure utilisatrice, et sur justificatifs un remboursement de frais de déplacement à titre professionnel aux taux fixé par le présent contrat.’

Le lieu de travail initialement fixé par le contrat de travail est situé à [Adresse 4]. A compter du 1er décembre 2016, une seconde adresse a été ajoutée, soit Albarine Basket Club, [Adresse 2].

Le décompte proposé par M. [N] en pièce n°17 mentionne les trajets effectués pour se rendre sur les lieux de sa formation IFRABB à [Localité 7], [Localité 5] et [Localité 6], ainsi que des trajets qualifiés de professionnels, mais pour lesquels aucun justificatif n’est produit.

Dans ces conditions, la cour valide le décompte proposé par l’employeur qui tient exclusivement compte des frais de déplacement pour les besoins de la formation IFRABB, d’un montant total de 1 536,53 euros.

Le jugement déféré qui a rejeté la demande de M. [N] sera infirmé en conséquence et l’association Prosport 69 sera condamnée à payer à M. [N] la somme de 1 536,53 euros au titre des frais de déplacements professionnels occasionnés. M. [N] sera débouté de sa demande pour le surplus.

d) sur la demande d’annulation des sanctions disciplinaires :

M. [N] soutient que les griefs qui lui ont été reprochés sont infondés.

L’association Prosport 69 invoque des griefs réels et convergents, formulés par plusieurs personnes.

 

****

L’article L 1333-1 du code du travail énonce que :

‘ En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifie une sanction.

L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoins, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.’

En application de l’article L 1333-2 du code du travail, le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l’espèce, le premier juge a annulé trois des avertissements notifiés à M. [N] : le second avertissement du 12 décembre 2016 ainsi que les deux avertissements du 5 janvier 2017, en raison d’une part du caractère injustifié de deux d’entre eux, d’autre part, de l’épuisement de son pouvoir disciplinaire par l’employeur pour le premier avertissement du 5 janvier 2017. Et l’association Prosport 69 a été condamnée à payer à M. [N] la somme de 300 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

En l’absence d’éléments justificatifs des sanctions ainsi prononcées, le premier juge a fait une juste appréciation des éléments de faits et le jugement déféré doit être confirmé par adoption de motifs.

Concernant le premier avertissement du 12 décembre 2016 au motif d’une absence injustifiée du salariée le 7 novembre 2016, M. [N] soutient qu’il était en arrêt de travail pour maladie, ainsi qu’il apparaît sur son bulletin de salaire qui ne mentionne pas d’absence injustifiée.

En effet, la lecture du bulletin de salaire du mois de novembre 2016 révèle que M. [N] était en arrêt pour maladie du 29 octobre 2016 au 31 octobre 2016, puis du 1er novembre 2016 au 29 novembre 2016, de sorte que l’absence du 7 novembre 2016 a bien été justifiée pour des raisons médicales.

Le premier avertissement du 12 décembre 2016 est par conséquent également annulé et l’indemnité pour sanctions disciplinaires injustifiées est portée à la somme de 500 euros. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

– Sur la rupture du contrat de travail :

M. [N] soutient à titre principal que la rupture de son contrat de travail s’analyse comme un licenciement nul dés lors que la rupture repose sur des motifs purement discriminatoires uniquement liés à son état de santé. Il expose à ce titre qu’il est reconnu travailleur handicapé du fait d’une maladie génétique grave, la drépanocytose qui lui cause de violentes crises conduisant à des arrêts de travail, voire des hospitalisations. Il soutient que chacun de ses arrêts de travail a été suivi d’un comportement déloyal de l’employeur.

Ainsi, au retour de son premier arrêt de travail, le 30 novembre 2016, M. [N] soutient qu’il a appris que le coaching de l’équipe G senior lui était retiré ainsi que les entraînements U9-U11 et ce sans aucune raison objective.

M. [N] soutient en outre que sa convocation à un entretien préalable à son licenciement est consécutive à un nouvel arrêt de travail survenu fin janvier 2017.

Le salarié ajoute, au soutien de sa demande d’annulation du licenciement, que ses horaires ont également fait l’objet de modifications sans respect du délai de prévenance et qu’il a fait l’objet, à plusieurs reprises, de remarques portant sur sa couleur de peau.

A titre subsidiaire, M. [N] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse dés lors qu’il n’est pas démontré que la directrice adjointe de l’association Prosport 69 qui a procédé à son licenciement avait le pouvoir de rompre le contrat de travail.

A titre infiniment subsidiaire, M. [N] conteste l’existence d’une faute grave.

1°) sur la demande tendant à la nullité du ‘licenciement’:

Il résulte de l’article L 1134-1 du code du travail que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II (relatif au principe de non-discrimination), le candidat à l’emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008- 496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, M. [N] invoque :

– des remarques racistes qu’il ne précise pas, et dont il ne justifie pas l’existence,

– un retrait de coaching injustifié dont il ne justifie pas,

– une modification de ses horaires sans respect du délai de prévenance qui ne repose sur aucun élément objectif,

– un lien entre son licenciement et son état de santé qui ne résulte pas davantage des éléments versés aux débats, étant précisé que la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé de M. [N] est datée du 18 octobre 2012 et qu’elle est donc antérieure à l’engagement de ce dernier par l’association Prosport 69. En outre, en l’absence de tout élément objectif, le fait que la mise en oeuvre de la rupture soit intervenue douze jours après un arrêt de travail du salarié, n’établit pas de facto un lien entre celle-ci et l’état de santé du salarié.

Il en résulte que M. [N] ne présente aucun élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination et que c’est par conséquent à bon droit que le premier juge l’a débouté de sa demande aux fins de nullité du licenciement.

2°) sur le signataire de la lettre de rupture :

M. [N] expose qu’il a été ‘licencié’ par la directrice adjointe de l’association Prosport 69 et qu’il appartient à cette dernière de démontrer par la production de ses statuts que cette compétence revenait bien à la signataire de la lettre de licenciement.

L’employeur soutient que les statuts de l’association Prosport 69 ne mentionnent aucune procédure spécifique, ni un organe dédié, en ce qui concerne aussi bien l’embauche que le licenciement des salariés de la structure, de sorte que dans le silence des statuts, le président de l’association représente l’employeur.

L’employeur ajoute que Mme [Y], directrice adjointe, disposait d’une délégation de pouvoir de la part du président de l’association Prosport 69 pour la gestion sociale.

****

La notification du licenciement devant, selon l’article L 1232-6, alinéa 1, émaner de l’employeur, le licenciement prononcé par une personne dépourvue de qualité à agir est sans cause réelle et sérieuse.

La loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ne contenant aucune disposition relative à l’organisation des pouvoirs au sein d’une association, ce sont les statuts qui doivent déterminer les pouvoirs de chacun de ses organes et notamment le pouvoir de représenter l’association ou, plus spécifiquement, celui de licencier un de ses salariés.

Ainsi, en l’absence de disposition statutaire contraire attribuant cette compétence à un autre organe, il entre dans les attributions du président d’une association de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d’un salarié.

En outre, le président, ou tout autre organe auquel les statuts auraient donné compétence pour licencier, peut déléguer ses pouvoirs en cette matière, lorsqu’une telle délégation est prévue par les statuts ou par le règlement intérieur, mais aussi, si tel n’est pas le cas, dans le silence des statuts. Cette délégation du pouvoir de licencier doit par contre strictement respecter les conditions éventuellement fixées par le statut ou le règlement intérieur qui la prévoit.

En l’espèce, il résulte de l’article 14 des statuts que :

‘Le Président convoque le Conseil d’Administration , le Bureau.

Il représente l’Association dans tous les actes de la vie civile et est investi des pouvoirs indispensables à cet effet. Il a notamment qualité pour ester en justice au nom de l’association, tant en demande qu’en défense, pour former des appels ou pourvois, et consentir toutes transactions avec l’autorisations du bureau’.

A défaut de disposition spécifique, dans les statuts de l’association, attribuant cette compétence à un autre des organes de l’association, il entre dans les attributions du président de l’association, statutairement son représentant légal auprès des tiers pour tous les actes de la vie sociale, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d’un de ses salariés ou de mettre fin à son contrat de travail.

L’association Prosport 69 produit une délégation de pouvoir datée du 1er avril 2014, entre M. [X] agissant en qualité de Président de l’association et Mme [Y], directrice adjointe portant sur : ‘la supervision et la gestion en toute autonomie du Pôle Social et Facturation’ et précisant que Mme [Y] bénéficie, à cet effet, d’un transfert de pouvoir de direction et de contrôle dans le domaine de l’emploi, la facturation et la gestion sociale.’

La cour observe que la délégation sus-visée a opéré le transfert du pouvoir de direction et de contrôle dans le domaine de l’emploi, la facturation et la gestion sociale, de sorte que le pouvoir de licencier, qui est un pouvoir spécifique, ne fait pas partie de la délégation.

Les termes de la délégation relèvent d’une interprétation stricte qui ne permet en aucun cas de considérer que le pouvoir de licencier ou de rompre le contrat serait le corollaire du pouvoir de direction.

Il en résulte que le président de l’association demeurait seul titulaire du pouvoir de licencier ou de rompre le contrat de toute personne salariée de l’association au regard des statuts de cette dernière et que le ‘licenciement’ (en réalité la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée pour faute grave) de M.[N] prononcé par Mme [Y] en sa qualité de directrice adjointe de l’association, est entaché d’une irrégularité de fond.

La rupture anticipée du contrat de travail prononcée par une personne dénuée de pouvoir à cet effet est dès lors abusive et le jugement sera confirmé sur ce point.

– Sur les indemnités de rupture :

L’article L. 1243-4 du code du travail énonce que: ‘La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8 (…)’

Le montant des rémunérations que M. [N] aurait perçues jusqu’au terme du contrat n’étant pas contesté, même à titre subsidiaire par l’association Prosport 69, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné cette dernière à payer à M. [N] la somme de 24 424,95 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la rupture abusive.

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande complémentaire de dommages-intérêts pour rupture abusive, faute pour M. [N] de justifier d’un préjudice qui n’aurait pas été entièrement réparé par l’indemnisation sus-visée.

– Sur le rappel de salaires :

Compte tenu de l’issue du litige, l’association Prosport 69 est redevable des salaires dont elle a privé M. [N] durant la période de mise à pied conservatoire du 24 février 2017 au 5 avril 2017, date de réception de la lettre de licenciement pour la somme de 1 727, 02 euros, outre la somme de 172,70 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

– Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de l’association Prosport 69 les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à M. [N] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’association Prosport 69, partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu’il a rejeté la demande au titre des frais de déplacements professionnels, la demande d’annulation du premier avertissement et sur le montant de l’indemnisation au titre des sanctions disciplinaires annulées

STATUANT à nouveau sur ces chefs et y ajoutant

ANNULE le premier avertissement notifié à M. [N] le 12 décembre 2016

CONDAMNE l’association ‘Profession Sport et Loisirs 69″, nouvelle dénomination de l’association Prosport 69, à payer à M. [N] la somme de 500 euros de dommages-intérêts pour les quatre avertissements annulés

CONDAMNE l’association ‘Profession Sport et Loisirs 69″, nouvelle dénomination de l’association Prosport 69, à payer à M. [N] la somme de 1 536,53 euros au titre des frais de déplacements professionnels

CONDAMNE l’association ‘Profession Sport et Loisirs 69″, nouvelle dénomination de l’association Prosport 69, à payer à M. [N] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,

CONDAMNE l’association ‘Profession Sport et Loisirs 69″, nouvelle dénomination de l’association Prosport 69 aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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