Télétravail : 16 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/07088

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Télétravail : 16 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/07088
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16 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/07088

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 16 MARS 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/07088 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAF5I

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° 14/01620

APPELANT

Monsieur [M] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Aïcha OUAHMANE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 335

INTIMEE

SAS VERTIV FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par lettre d’engagement à durée indéterminée à temps plein du 17 décembre 1998, M. [M] [B] a été engagé par la société Chloride à compter du 4 janvier 1999 en qualité de responsable ‘télévente power’.

Par lettre avenant du 25 avril 2003, M. [B] a été nommé responsable téléventes à compter du 1er avril 2003.

Par avenant du 9 juillet 2010, il a été nommé à compter du 1er septembre 2010 responsable commercial export statut cadre position II coefficient 100.

Par avenant du 1er avril 2011 prenant effet le même jour, il a été à nouveau nommé responsable commercial export avec le statut cadre niveau II coefficient 100 au sens de la convention collective national des ingénieurs et des cadres de la métallurgie applicable à la relation contractuelle.

A compter du 12 septembre 2012, M. [B] faisait l’objet d’un arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif.

Le 19 février 2013, la société Emerson Network Power, venant aux droits de la société Chloride, était informée par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de l’Essonne qu’elle avait reçu de M. [B] une déclaration de maladie professionnelle faisant état d’un syndrome anxio-dépressif.

Le 22 avril 2014, la société Emerson Network Power a formé devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil un recours à l’encontre de la décision implicite de la commission de recours amiable de la CPAM de l’Essonne rejetant sa contestation sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [B].

Soutenant qu’il faisait l’objet d’un harcèlement moral, M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil aux fins d’obtenir la condamnation de la société Emerson Network Power au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 25 mai 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil a dit que la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [B] était inopposable à la société Emerson Network Power compte tenu de l’absence de transmission au CRRMP de tous les documents nécessaires au comité pour prendre sa décision et notamment du rapport circonstancié de l’employeur.

Dans le cadre d’une première visite de reprise du 20 juillet 2016, le médecin du travail a indiqué à l’égard de M. [B] qu’une inaptitude à son poste était à prévoir et que ce premier avis sera complété par une seconde visite devant avoir lieu le 4 août 2016.

Dans le cadre d’une seconde visite de reprise du 4 août 2016, le médecin du travail a déclaré que M. [B] était définitivement inapte à son poste de responsable export et ce, après étude dudit poste le 22 juillet 2016. Il a également estimé que le salarié pouvait occuper un poste de télétravail (home office). Il n’a pas précisé en revanche si l’inaptitude était d’origine professionnelle ou non.

Par courrier du 16 septembre 2016, la société Emerson Network Power a indiqué au salarié qu’aucune solution de reclassement n’était possible.

Par courrier du 22 septembre 2016, M. [B] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 30 septembre 2016 en vue d’un éventuel licenciement.

Par courrier du 5 octobre 2016, le société Emerson Network Power a notifié à M. [B] son licenciement pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement. Ce courrier ne précisait pas si l’inaptitude était d’origine professionnelle ou non professionnelle.

L’instance prud’homale étant pendante au moment de la notification du licenciement, le salarié a demandé au conseil de prud’hommes de condamner l’employeur à lui verser des dommages-intérêts pour licenciement nul à titre principal et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire.

La société Vertiv France (ci-après désignée la société VF) est venue aux droits de la société Emerson Network Power.

Par jugement du 21 mai 2019, le conseil de prud’hommes a :

Débouté M. [B] de l’intégralité de ses demandes,

Débouté la société VF, venant aux droits de la société Emerson Network Power, de sa demande reconventionnelle,

Mis les dépens à la charge de M. [B].

Le 12 juin 2019, M. [B] a interjeté appel du jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 29 juillet 2019, M. [B] demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

Dire et juger qu’il est recevable et bien fondé en son appel ,

Dire et juger qu’il a été victime de harcèlement moral,

Dire et juger que la société VF n’a pas respecté son obligation de prévention de sécurité,

En conséquence,

Condamner la société VF à lui verser les sommes suivantes :

– à titre principal et à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul : 152.527,20 euros,

– à titre subsidiaire et à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 152.527,20 euros,

– en tout état de cause et à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité de résultat : 30 000 euros, outre la somme de 5.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 29 septembre 2019, la société VF demande à la cour de :

Déclarer mal fondé l’appel interjeté par M. [B],

Dire et juger que M. [B] n’a pas été victime de harcèlement moral

En conséquence :

Dire et juger que le licenciement de M. [B] n’est pas nul,

Dire et juger que le licenciement de M. [B] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Le débouter, en conséquence, de ses demandes formulées de ce chef,

Constater l’absence de violation de l’obligation de sécurité de résultat,

Mettre à la charge de M. [B] les entiers dépens,

Statuant de nouveau :

Condamner M. [B] au paiement de la somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 15 décembre 2021.

MOTIFS :

Sur le harcèlement moral et la nullité du licenciment pour harcèlement moral :

M. [B] soutient avoir fait l’objet de harcèlement moral de la part de l’employeur. Il sollicite ainsi l’annulation du licenciement qui lui a été notifié le 5 octobre 2016 compte tenu de ce harcèlement moral, outre la somme de 152.527,20 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul.

En défense, l’employeur conteste tout harcèlement moral.

***

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d’altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 de ce même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

***

En premier lieu, M. [B] expose qu’en 2005, la direction lui a demandé de développer et de dynamiser pendant quelques mois la division ‘export pays francophones’ en sus de ses fonctions de télévente, qu’il a conservé cette nouvelle activité pendant deux ans, que fin 2017 la direction lui a proposé de prolonger celle-ci avec une promesse d’évolution de carrière et qu’il a accepté sans qu’aucun avenant ne soit signé pour acter de ses nouvelles fonctions de responsable commercial export.

A l’appui de ses allégations, le salarié se réfère dans ses conclusions à des courriels qui n’établissent pas la matérialité des faits allégués. En outre, la cour constate que, contrairement aux allégations de M. [B] et comme le fait remarquer l’employeur dans ses conclusions, deux avenants produits ont été respectivement signés les 9 juillet 2010 et 1er avril 2011 par les parties aux fins de nommer l’appelant aux fonction de responsable commercial export.

Par suite, les faits allégués par le salarié ne sont pas établis.

En deuxième lieu, M. [V] reproche à l’employeur de lui avoir fixé des objectifs inatteignables et qu’il s’est épuisé à les atteindre.

Comme le soulève le conseil de prud’hommes dans les motifs de sa décision attaquée, le salarié ne produit pas à l’appui de ses allégations de documents établissant le caractère inatteignable des objectifs à atteindre, se bornant pour l’essentiel à se référer à des courriels adressés à l’employeur mentionnant une progression du chiffre d’affaires à réaliser.

Par suite, les faits allégués par le salarié ne sont pas établis.

En troisième et dernier lieu, M. [V] reproche à l’employeur de ne pas lui avoir versé une prime sur objectif au titre des années 2009 et 2010 sans préciser dans ses écritures le fondement juridique au titre duquel l’employeur était tenu de lui verser celle-ci.

Or, la cour constate que les documents contractuels applicables à cette époque (lettre d’engagement du 17 décembre 1993 et avenants des 25 avril 2003 et 9 juillet 2010) ne stipulaient aucune prime d’objectif au profit du salarié. Une telle prime n’a été prévue au contrat de travail que par avenant du 6 juillet 2011 ne prévoyant pas expressément le versement de celle-ci au cours de la période litigieuse.

Par suite, le salarié ne peut reprocher à la société de ne pas lui avoir versé cette prime puisqu’il ne ressort pas des éléments produits que l’employeur s’y était engagé avant la signature de l’avenant du 6 juillet 2011.

Il ressort de ce qui précède que le salarié ne présente pas d’éléments de faits matériellement établis permettant de présumer l’existence d’un harcèlement.

M. [B] sera donc débouté de sa demande d’annulation du licenciement et de sa demande d’indemnité pour licenciement nul.

Le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur l’obligation de reclassement :

Dans ses écritures (p.23), M. [B] soutient que l’employeur n’a pas respecté l’obligation de reclassement qui lui est prescrite par les dispositions de l’article L. 1226-2 du code du travail s’appliquant aux inaptitudes d’origine non professionnelle, en ne justifiant pas des recherches faites en interne et au niveau du groupe afin de lui proposer une offre de reclassement compatible avec les recommandations du médecin du travail imposant au salarié le télétravail. Il lui reproche également ‘de ne pas avoir contesté l’avis du médecin du travail sur la question du télétravail’ (p.24) et de ne pas s’être ‘rapproché du médecin du travail après l’avis d’inaptitude en date du 30 juin 2012″ (p.23), cet avis n’étant pas versé aux débats. Il en déduit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En défense, l’employeur conclut qu’il a respecté son obligation de reclassement et que le licenciement du salarié n’est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse.

A cette fin, il se réfère dans ses conclusions au contenu de la lettre de licenciement selon laquelle:

‘ nous avons étudié au sein de l’entreprise et du groupe auquel elle appartient l’ensemble des postes disponibles et compatibles avec vos compétences et qualifications.

Ainsi par courrier du 4 août 2016, nous avons proposé au médecin du travail :

– 2 postes dans le domaine commercial qui sont compatibles avec vos compétences pour lesquels nous avons apporté le descriptif correspondant : 1 poste d’ingénieur commercial climatisation basé sur [Localité 4], 1 poste d’ingénieur commercial éclairage de sécurité basé sur [Localité 5],

– 9 postes dans les domaines administratifs et marketing qui nous semblaient moins en adéquation avec vos compétences professionnelles.

Nous avons également adressé au médecin du travail les 84 postes du domaine commercial disponibles au sein du groupe.

En réponse, le 30 août 2016, le médecin du travail nous a indiqué que les postes proposés convenaient sous réserve que ces derniers s’exercent à votre domicile.

Le 1er septembre 2016, nous avons précisé au médecin que les postes proposés ne pouvaient pas être exécutés en télétravail. Par ailleurs, nous lui avons demandé des explications complémentaires afin de savoir quels postes étaient susceptibles de vous être proposé afin que ces derniers soient compatibles avec votre état de santé.

En réponse le même jour, le médecin du travail nous a indiqué dans les termes suivants ‘je n’ai pas de suggestion concernant le reclassement de M. [B], hormis le fait de proposer éventuellement une formation lui permettant, en fonction de ses souhaits, ses compétence et des postes disponibles, d’accéder à un autre poste de travail’.

En conséquence, en date du 7 septembre 2016, nous avons sollicité à nouveau le médecin afin de savoir précisément quels postes pouvaient être proposés sachant qu’aucun de nos postes n’était susceptible d’être exercé en télétravail.

Suite à cette sollicitation complémentaire, le médecin du travail en date du 8 septembre 2016 a indiqué : ‘le poste proposé à M. [B] doit être un poste à domicile. Vous pouvez également proposer une formation à M. [B] lui permettant d’occuper un poste à domicile’.

C’est dans ce contexte et conformément à nos obligations que nous avons consulté les délégués du personnel le 14 septembre 2016.

Ces derniers ont constaté l’impossibilité de vous reclasser tant dans l’entreprise que dans le groupe auquel elle appartient.

C’est dans ces conditions et dans la mesure où nous sommes dans l’impossibilité de vous reclasser tant dans l’entreprise que dans le groupe auquel elle appartient, situation que nous vous avons exposé dans notre courrier du 16 septembre 2016, nous sommes contraints de rompre nos relations contractuelles’.

***

Au préalable, la cour constate que l’employeur ne conteste pas le fondement juridique sur lequel le salarié se fonde pour établir son obligation de reclassement, à savoir l’article L. 1226-2 du code du travail. Il s’en déduit que, même si la lettre de licenciement ne le mentionne pas, les parties s’accordent sur le fait que le licenciement notifié au salarié est pour inaptitude d’origine non professionnelle. Ce constat est d’ailleurs corroboré par le fait que l’employeur a initié un contentieux devant les juridictions de sécurité sociale aux fins de contester le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [B], ce contentieux ayant abouti, comme il a été dit précédemment, à un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil du 25 mai 2016 selon lequel la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle du salarié prise par la CPAM de l’Essonne était inopposable à la société.

Selon l’article L 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de l’avis d’inaptitude du 4 août 2016, lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

L’employeur ne peut prononcer le licenciement que s’il justifie de l’impossibilité où il se trouve de proposer un emploi dans les conditions prévues ci-dessus. La possibilité de reclassement s’apprécie à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur concerné parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

L’employeur doit justifier, tant au niveau de l’entreprise que du groupe auquel il appartient, de démarches précises pour parvenir au reclassement du salarié, notamment pour envisager des adaptations ou transformations de postes de travail ou un aménagement du temps de travail.

***

En premier lieu, si les parties s’accordent sur le fait que la société VF appartient à un groupe, la cour constate qu’il n’est versé aux débats aucun élément dénombrant et identifiant les entités appartenant à ce groupe et aucun justificatif des démarches réalisées par l’employeur auprès de ces entités aux fins de rechercher une offre de reclassement au profit du salarié compatible avec les recommandations du médecin du travail contenues dans l’avis d’inaptitude.

En deuxième lieu, contrairement à ce qu’énonce la lettre de licenciement, il ne ressort nullement des termes du procès-verbal (pièce 15) de la réunion extraordinaire des représentants du personnel de la société du 14 septembre 2016 relative aux offres de reclassement pouvant être proposées à M. [B] que ces représentants ont ‘constaté l’impossibilité de reclasser (le salarié) tant dans l’entreprise que dans le groupe auquel elle appartient’.

En troisième lieu, il ne ressort d’aucun élément versé aux débats que les postes évoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement étaient les seules disponibles, le livre d’entrée et de sortie du personnel de l’entreprise et des entités du groupe n’étant nullement produit.

En quatrième et dernier lieu, s’agissant des postes évoqués par la société dans la lettre de licenciement, il n’est nullement établi par les éléments produits que l’ensemble de ceux-ci n’étaient pas aménageables afin de permettre au salarié d’y oeuvrer dans le cadre d’un télétravail.

Il se déduit de ce qui précède que l’employeur a méconnu son obligation de reclassement. Par suite, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Au préalable, il ressort des bulletins de paye produits que, comme l’affirme le salarié dans ses écritures (p.25), il bénéficiait d’une rémunération mensuelle brute de 3.813,18 euros, d’une ancienneté d’un peu moins de 18 ans et était employé dans une entreprise employant à titre habituel au moins onze salariés.

Selon l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l’âge du salarié au moment de la rupture (53 ans), de sa rémunération, de son ancienneté, de la période de chômage subie postérieurement à la rupture, il sera alloué à M. [B], en réparation de l’ensemble de ses préjudices liés à la rupture, la somme de 40.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité :

Le salarié soutient que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne procédant à aucune enquête compte tenu de son ‘burn out’ ayant donné lieu à des arrêts de travail à compter du 12 septembre 2012 et en ne prenant aucune mesure pour prévenir toute situation de ‘burn out’. Il sollicite ainsi la somme de 30.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

En défense, la société conclut au débouté.

L’obligation de sécurité à laquelle est tenue l’employeur en application de l’article L. 4121-1 du code du travail lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs et lui interdit dans l’exercice de son pouvoir de direction de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés.

En l’espèce, il ne ressort pas des éléments produits que les conditions de travail du salarié soient à l’origine du syndrome anxio-dépressif constaté par les arrêts de travail prononcés à son profit et ce, d’autant que par jugement du 25 mai 2016 précité, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil n’a pas reconnu le caractère professionnel de l’accident du travail qu’il a déclaré et qui serait lié, selon lui, à une situation de ‘burn out’.

De même, il n’est nullement précisé par le salarié quelle enquête et quelles mesures la société aurait dû prendre dans le cadre de son obligation de sécurité.

Enfin, il n’est nullement établi que M. [B] a sollicité l’employeur aux fins de prendre des mesures particulières au titre de son obligation de sécurité pour prévenir une situation de ‘burn out’.

Il se déduit de ce qui précède que la société n’a pas méconnu son obligation de sécurité.

Le salarié sera ainsi débouté de sa demande indemnitaire.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Selon les dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable au litige, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Il ressort des développements précédents que le licenciement a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse par la cour. Etant ainsi dans le cas prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail, il y a lieu d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d’indemnités.

Sur les demandes accessoires :

La société VF qui succombe partiellement, est condamnée à verser à M. [B] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d’appel.

La société VF doit supporter les dépens de première instance et d’appel.

Elle sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu’il a :

– débouté M. [M] [B] de sa demande au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis à la charge de M. [M] [B] les dépens de première instance et n’a pas condamné la société société Vertiv France venant aux droits de la société Emerson Network Power à ce titre,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement notifié le 5 octobre 2016 à M. [M] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Vertiv France venant aux droits de la société Emerson Network Power à verser à M. [M] [B] les sommes suivantes :

– 40.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d’appel,

DIT que les créances indemnitaires porteront intérêt à compter de la décision qui les prononce,

ORDONNE à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d’indemnités,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la société Vertiv France venant aux droits de la société Emerson Network Power aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière, La Présidente.

 


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