Télétravail : 16 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/09615

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Télétravail : 16 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/09615
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16 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/09615

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 16 MARS 2023

(n° , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/09615 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAU6A

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 17/01468

APPELANT

Monsieur [I] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Vincent LECOURT, avocat au barreau de VAL D’OISE, toque : 218

INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Juin 2022, en audience publique et double rapporteur, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant la Cour composée de Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, chargées du rapport

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Lucile MOEGLIN

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au 13 octobre 2022, prorogé au 26 janvier 2023, puis au 16 mars 2023, au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre et [H] [V], greffière en pré-affectation sur poste à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 4 octobre 1999, M. [J] a travaillé en qualité d’agent administratif, poste classé au niveau 2, coefficient 170 avant d’intégrer la formation d’élève inspecteur du recouvrement au sein de l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations familiales d’Ile-de-France (ci-après l’URSSAF).

Ayant réussi l’examen final de formation des inspecteurs du recouvrement, M. [J] a été nommé en cette qualité, poste classé niveau 6, coefficient 305 à compter du 3 juillet 2010. Il a bénéficié de l’attribution de 22 points d’expérience.

Il a été titularisé le 9 juin 2011 aux fonctions d’inspecteur du recouvrement et classé au coefficient 310 et a bénéficié d’un pas de compétence majoré représentant 13 points de compétence et de l’ajout de 2 points d’expérience.

Les 1er juillet 2013 et 1er juillet 2015, il a bénéficié d’une mesure d’avancement individuel, soit un pas de compétence représentant 12 points de compétence.

M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny le 28 avril 2014 afin d’obtenir le rétablissement de ses droits et le versement de primes eu égard à sa qualité d’inspecteur du recouvrement.

L’affaire a été radiée le 21 mai 2015 et réinscrite le 19 mai 2017.

Le 4 mars 2017, il a cessé d’exercer les fonctions d’inspecteur de recouvrement, une rupture conventionnelle ayant été signée entre les parties.

Par jugement en date du 27 juin 2019, le conseil de prud’hommes a débouté le salarié de l’ensemble de ses prétentions.

Le 1er octobre 2019, M. [J] a interjeté appel de ce jugement.

Selon ses écritures notifiées le 30 mars 2022, M. [J] conclut à l’infirmation de la décision déférée et demande à la cour de :

– condamner l’URSSAF à lui verser du chef de l’article 23 alinéa 1 de la convention collective et de l’atteinte à l’égalité de traitement relative à la prime versée au titre de la sujétion liée à l’accueil :

à titre principal : les sommes de 7.569,91 euros bruts à titre de rappel de salaire, de 756,99 euros à titre de congés payés y afférents outre la somme de 5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts ;

à titre subsidiaire : la somme globale de 13.000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;

– condamner l’URSSAF à lui verser du chef de l’atteinte à l’égalité de traitement face à la sujétion liée à l’itinérance et au titre de l’application de l’article 23 al.3 de la convention collective :

à titre principal : les sommes 28.387,17 euros bruts à titre de rappel de salaire, de 2.838,71 euros à titre de congés payés y afférents outre la somme de 15.000 euros nets à titre de dommages et intérêts en indemnisation des préjudices moral, financier et d’agrément ;

à titre subsidiaire : la somme globale de 16.000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;

– condamner l’URSSAF à lui verser au titre des exercices 2012 à 2016 inclus, la somme totale de 5.257 euros nets au titre de l’indemnité d’immixtion dans la vie privée et de l’application des dispositions de l’article L.1222-9 et suivants du code du travail ;

– juger que l’URSSAF a mal appliqué le protocole d’accord du 30 novembre 2004 et constater l’existence d’une atteinte à l’égalité de traitement dans l’application du protocole d’accord du 30 novembre 2004 ;

A titre principal ;

– surseoir à statuer sur la reconstitution de sa carrière,

Avant dire droit, vu l’article 11 alinéa 2 du code de procédure civile,

– ordonner à l’URSSAF de produire aux débats dans un délai déterminé l’ensemble des bulletins de salaire des inspecteurs du recouvrement à compter de 2005 ou des décisions d’attribution des points de compétences à l’effet de permettre à la Cour d’établir les points de compétences attribués à chacun des salariés concernés à fin de permettre l’application du principe d’égalité ou tout autre document permettant d’établir le nombre de points de compétence distribués aux inspecteurs pour chaque exercice ;

– condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 30.000 euros nets à titre de provision à valoir sur le montant des salaires non prescrits et des dommages et intérêts

résultat de la violation de l’égalité de traitement et du protocole d’accord,

– renvoyer l’affaire à une audience ultérieure à fin de pouvoir en disposer,

A titre subsidiaire ou à défaut de production des éléments demandés,

– juger que l’URSSAF doit lui attribuer un pas de compétence chaque année non pourvue depuis 2005 ;

– ordonner la reconstitution de sa carrière et condamner l’URSSAF Ile de France à lui payer les rappels de salaire induits.

– condamner l’URSSAF à lui verser au titre de l’inégalité de traitement avec les anciens militaires devenus inspecteurs LCTI pour la période allant de juillet 2012, date d’attribution de l’avantage considéré, à mars 2017, date de la rupture du contrat de travail :

à titre principal : la somme de 42.163,17 euros bruts au titre du rappel de salaire, celle de 4.216,31 euros au titre des congés payés outre la somme de 5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts réparation des autres préjudice subis du fait de l’atteinte à l’égalité de traitement avec les inspecteurs LCTI anciens militaires ;

à titre subsidiaire : la somme de 51.000 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre de la réparation du préjudice subi ;

– condamner l’URSSAF à lui verser pour la période de juillet 2010 à novembre 2015 la somme de 1.268,03 euros bruts à titre de rappel de salaire, au regard de l’atteinte à l’égalité de traitement, et subsidiairement, à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à l’égalité de traitement face aux indemnités forfaitaires de déplacement ;

– condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 2.500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

– ordonner à l’URSSAF de produire un bulletin de salaire tenant compte de l’ensemble des condamnations de nature salariale prononcées, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

– dire que les rappels de salaire produiront intérêts à compter de la saisine du conseil de prud’hommes pour ceux échus à cette date et à compter de chaque échéance pour ceux échus postérieurement, et dire que les intérêts échus depuis plus d’une année produiront eux-mêmes intérêts ;

– condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens ;

– condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 20.000 euros au titre du préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier d’un parcours professionnel ;

– condamner l’URSSAF à lui verser le solde de l’indemnité de rupture conventionnelle en rétablissant l’assiette de calcul de l’indemnité en fonction du dernier salaire résultant de la décision de la cour.

‘Selon ses écritures notifiées le 28 mars 2022, l’URSSAF demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

– déclarer irrecevables, comme prescrites, les demandes de nature salariale pour la période précédant le 28 avril 2009 ;

A titre principal :

– débouter M. [J] de toutes ses prétentions et le condamner à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

A titre subsidiaire :

– limiter l’indemnisation d’immixtion dans la vie privée au montant de 10 euros par mois à condition de démontrer qu’il exécute une journée par semaine à domicile ou 20 euros par mois à condition de démontrer qu’il exécute deux jours par semaine à domicile ;

– en tout état de cause, limiter tous éventuels rappels de salaire au coefficient maximal applicable à l’emploi occupé par M. [J] jusqu’à son départ de l’URSSAF soit 512 points pour le niveau 6 selon la classification conventionnelle.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions notifiées par RPVA.

L’instruction a été déclarée close le 6 avril 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, les parties s’accordent sur une prescription partielle de l’action en paiement des salaires au visa de l’article L. 3245-1 du code du travail. Il y a donc lieu de déclarer irrecevables comme étant prescrites les demandes de nature salariale pour la période précédant le 28 avril 2009, eu égard à la date de saisine du conseil.

Sur les primes de guichet et d’itinérance prévues par l’article 23 de la convention collective

Le salarié soutient en premier lieu que les inspecteurs du recouvrement sont des agents techniques au sens de l’article 23 de la convention collective et qu’ayant été itinérant et chargé d’une fonction d’accueil, il doit bénéficier des deux primes conventionnelles de guichet et d’itinérance. Il précise notamment que le bénéfice de la prime de guichet concerne les emplois visés par le règlement intérieur type, soit ceux qui devaient subir un contact avec le public et que la notion d’agent technique ne désigne pas un emploi mais vise les salariés amenés à utiliser la technique propre à la législation sociale, ce qui est son cas’; qu’en outre, les seuls agents de l’URSSAF qui opèrent des règlements à la suite de l’étude d’un dossier sont les inspecteurs du recouvrement qui font partie de la catégorie des «’contrôleurs de comptes employeurs’» visée par le règlement intérieur.

Il considère en second lieu avoir été victime d’une inégalité de traitement face à la sujétion liée à l’accueil du public puisque M. [X], également inspecteur du recouvrement, a bénéficié de cette prime, ainsi que les agents d’accueil, alors que ceux-ci ne remplissent pas les conditions posées par le règlement intérieur. De même, il fait valoir que certains agents enquêteurs ont obtenu le bénéfice de la prime d’itinérance qui figure sur leurs bulletins de paie alors qu’ils ne sont pas agent technique.

L’URSSAF rétorque que les inspecteurs du recouvrement ne sont pas éligibles aux primes de guichet et d’itinérance, dont les conditions sont clairement définies à l’article 23 de la convention collective nationale dans sa version antérieure au 1er juillet 2016, car notamment ils ne sont pas «agent technique», la classification conventionnelle des emplois opérant une distinction entre cette catégorie d’agent et les agents du recouvrement.

L’URSSAF conteste également toute inégalité de traitement en faisant valoir, d’une part, que l’octroi de la prime de guichet à M. [X] résulte d’une décision judiciaire et, d’autre part, que le salarié n’exerce pas les mêmes fonctions que les agents d’accueil et les agents enquêteurs. Elle ajoute s’agissant de ces derniers, qu’ils étaient en 1991 «agents techniques» au sens conventionnel et donc éligibles au bénéfice de la prime d’itinérance, laquelle a été intégrée dans la relation contractuelle par voie d’avenant et que c’est à la suite d’une action en justice qu’ils ont été classés au niveau 5A (cadre) et non plus 3 (agent technique).

***

L’article 23 de la convention collective nationale dans sa rédaction applicable au litige dispose que :

‘ Les agents techniques perçoivent, dans les conditions fixées par le règlement intérieur type, une indemnité de guichet équivalente à 4% de leur coefficient de qualification sans points d’expérience ni points de compétence.

L’alinéa 3 dudit article ajoute que’l’agent technique chargé d’une fonction d’accueil, bénéficie d’une prime de 15% de son coefficient de qualification sans points d’expérience, ni point de compétences lorsqu’il est itinérant.’

Le Règlement Intérieur Type du 19 juillet 1957 auquel renvoie l’article 23 fixe les conditions permettant de bénéficier de la prime conventionnelle de guichet. Il dispose qu”une indemnité spéciale dite de guichet est attribuée en application de l’article 23 de la convention collective, aux agents dont la fonction nécessite un contact permanent avec le public, et qui occupent un emploi ayant pour objet le règlement complet d’un dossier de prestations soit :

Décompteurs, liquidateurs AVTS, liquidateur d’une législation de sécurité sociale, liquidateurs de pensions et rentes AT, employés à la constitution des dossiers AF, liquidateurs maladie, maternité, décès et incapacité temporaire AT, contrôleurs des liquidations de décomptes.

Cette indemnité est également due aux vérificateurs techniques et contrôleurs de comptes employeurs en contact avec le public’

Ainsi, en premier lieu, l’article 23 de la convention collective limite le bénéfice de la prime de guichet et de la prime d’itinérance aux seuls agents qui remplissent les conditions cumulatives suivantes’: être un agent technique et être chargé d’une fonction d’accueil et, en sus être itinérant pour être éligible à la prime d’itinérance.

Or, il ressort des pièces produites sur la classification des emplois qui a évolué que, comme le soutient l’URSSAF, dès l’origine (1954 puis 1963) une distinction a été faite entre, d’une part, le personnel d’exécution comprenant les agents techniques et, d’autre part, les agents «de corps de contrôle et d’inspection» dont faisait partie l’agent de contrôle des employeurs. Ce dernier emploi concernait l’agent ayant des connaissances approfondies de la législation de la sécurité sociale ou d’allocation familiale et de la comptabilité, susceptible d’effectuer des enquêtes ou contrôles dans les entreprises et de donner son avis motivé sur la situation des entreprises, ce qui correspond à la définition actuelle des inspecteurs du recouvrement et les agents techniques, même hautement qualifiés, étant quant à eux chargés du contrôle «de liquidation des décomptes ou des comptes employeurs» et placés à un coefficient moins élevé.

Par la suite, le protocole d’accord du 14 mai 1992 a classé les emplois de l’ensemble des personnels sur 10 niveaux de classification avec notamment le classement des agents techniques hautement qualifiés au niveau 3, coefficient 185 et les anciens agents des corps de contrôle au niveau 6, coefficient de base 270, ce qui correspond à la classification des inspecteurs du recouvrement qui sont des cadres.

Il en découle que l’inspecteur du recouvrement n’est pas un agent technique au sens de l’article 23 de la convention collective.

Le texte conventionnel limitant le bénéfice des primes de guichet et d’itinérance aux seuls «agents techniques» qui exercent des fonctions d’exécution avec un coefficient moins élevé que les inspecteurs du recouvrement, l’URSSAF n’a commis aucune violation de la convention collective en refusant l’octroi de ces primes au salarié.

En second lieu, sur l’inégalité de traitement invoquée, il n’est pas discuté que les agents d’accueil et les agents enquêteurs auxquels le salarié se compare ne répondent pas à toutes les conditions posées par la convention collective et perçoivent pourtant les primes litigieuses.

Or, les différences de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard de l’avantage considéré doivent reposer sur des raisons objectives.

En l’occurrence, il ressort des pièces produites que le salarié se compare à des personnels qui exercent des fonctions différentes. En effet, l’inspecteur du recouvrement a notamment pour mission de contrôler et conseiller les entreprises alors que les agents d’accueil (désormais dénommés conseillers cotisants) répondent à l’ensemble des demandes formulés par le public et participent à la promotion des offres de services et que les agents enquêteurs sont en charge d’enquêtes administratives, étant également relevé que l’inspecteur du recouvrement bénéficie d’un coefficient supérieur aux deux autres catégories d’agent.

Au regard de l’avantage en cause (prime de guichet), si les inspecteurs du recouvrement ont bien des contacts avec les cotisants notamment à l’occasion de leurs contrôles, ils ne sont toutefois pas soumis à la même sujétion que les agents d’accueil dont le contact avec le public est permanent et le c’ur même de leur métier, étant les interlocuteurs du cotisant en centre d’accueil avec la mission d’apporter une réponse pertinente aux demandes de toutes natures. Le salarié n’est donc pas dans une situation identique à celle des agents d’accueil au regard de l’avantage considéré.

S’agissant des agents enquêteurs, également appelés auparavant ‘agents d’accueil itinérants’, ils exercent leur activité sur le terrain et le salarié, même s’il se rend ponctuellement au sein d’entreprises afin d’y effectuer un contrôle, ne justifie pas qu’il était soumis à la même contrainte d’itinérance que cette catégorie d’agent et qu’il était donc placé dans une situation identique au regard de l’avantage en cause. Par ailleurs, l’URSSAF justifie que c’est par une décision de justice que plusieurs agents enquêteurs ont obtenu une classification de niveau 5 (cadre) supérieure au niveau 3 précédemment attribué et il n’est pas contesté que la prime d’itinérance a été contractualisée pour cette catégorie d’agent. Ainsi, la différence de traitement invoquée entre ces deux catégories de cadre trouve son origine et sa justification dans les effets d’une décision de justice rendue dans une instance où le salarié n’était ni partie ni représenté.

Enfin, si effectivement M. [X] inspecteur du recouvrement a perçu une prime de guichet, cette différence de traitement trouve son origine et sa justification également dans l’effet relatif de la chose jugée, puisque ce versement résulte de l’application d’une décision de justice lui ayant octroyé cet avantage.

Il découle de ces observations que les moyens tirés d’une inégalité de traitement ne peuvent prospérer.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes au titre des primes de guichet et d’itinérance.

Sur l’égalité de traitement avec les anciens militaires devenus inspecteurs du recouvrement affectés à des fonctions de Lutte Contre le Travail Illégal (ci-après LCTI)

Le salarié soutient que l’attribution par l’URSSAF de 90 points de compétence aux seuls inspecteurs du recouvrement affectés à la LCTI ayant eu au préalable une expérience au sein de l’armée caractérise une inégalité de traitement sans qu’aucun élément objectif ne puisse justifier cette mesure. Il fait valoir notamment que les deux emplois n’étaient pas différents puisqu’en 2012, il n’existait pas encore d’inspecteur LCTI, cet emploi n’ayant été créé qu’en 2015 et que si l’employeur favorise un salarié à l’embauche, le juge doit contrôler la réalité et la pertinence de l’expérience ou du diplôme ainsi valorisé au regard de l’exercice de la fonction occupée et de l’avantage en cause. Or, il considère qu’il n’y a aucun critère objectif d’octroi de points de compétence aux anciens militaires par rapport à des contrôleurs du travail de la même promotion et affectés comme eux à la LCTI ou aux inspecteurs du recouvrement déjà en fonctions qui ont bénéficié d’une formation plus complète comprenant en sus le contrôle des comptes d’assiette et participant également à des opérations de LCTI.

L’URSSAF conteste l’existence d’une inégalité de traitement entre le salarié et les inspecteurs ayant eu antérieurement une carrière militaire. Elle expose qu’à compter de 2011, elle a été chargée d’un projet pilote de mise en place d’un dispositif renforcé de contrôle en vue de lutter contre le travail illégal (LCTI) et a recherché des profils précis de personnes ayant notamment démontré au cours de leur précédente expérience professionnelle une capacité d’adaptation rapide et des aptitudes comportementales spécifiques, ce qui l’a amenée à intégrer d’anciens militaires.

Elle considère que les inspecteurs LCTI et les inspecteurs du recouvrement effectuant du contrôle comptable d’assiette (CCA) exercent des fonctions différentes mettant en ‘uvre des compétences différentes, de sorte qu’ils ne sont pas placés dans une situation identique, ce qui a été retenu par plusieurs juridictions et qu’en application de l’article 4 du protocole d’accord du 30 novembre 2004, elle a pu attribuer aux anciens militaires des points de compétence lors de leur embauche pour valoriser leur expérience antérieure et leurs compétences spécifiques. Elle ajoute qu’en toute hypothèse, l’analyse de l’évolution des carrières révèle que globalement les inspecteurs du recouvrement ont bénéficié d’une rémunération plus élevée que celle des inspecteurs LCTI et que la différence de situation n’a pas causé de préjudice au salarié, ce qui doit conduire au rejet de ses demandes.

***

En application du principe d’égalité de traitement, l’employeur doit assurer une même rémunération aux salariés qui effectuent un même travail ou un travail de valeur égale. Selon l’article L.3221-4 du code du travail sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Toutefois, l’employeur peut individualiser les salaires, dès lors qu’il est en mesure de justifier toute différence de traitement par des critères objectifs et matériellement vérifiables au regard de l’avantage en cause.

Aux termes de l’article 1353 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Il n’est pas contesté que plusieurs anciens militaires ont été recrutés en 2012 pour occuper des postes d’inspecteurs du recouvrement exclusivement dédiés à la LCTI et ont, à cette occasion, bénéficié de 90 points de compétence, contrairement aux autres inspecteurs du recouvrement également affectés à ces missions.

Toutefois, en premier lieu, il ne ressort ni des pièces produites, ni des conclusions que le salarié était affecté uniquement à des fonctions de LCTI, contrairement aux anciens militaires engagés en juillet 2012 auxquels il se compare.

En effet, si en 2012 n’avait pas été encore créé l’emploi spécifique d’inspecteur du recouvrement LCTI, il est établi que les six militaires ont été intégrés à la première promotion d’inspecteurs du recouvrement formée uniquement à la mission de lutte contre le travail illégal, la mention ‘LCTI’ apparaissant d’ailleurs sur leurs fiches de paie dès l’origine accolée à l’emploi d’inspecteur du recouvrement.

La note relative à ‘La LCTI’ rappelle que l’URSSAF de [Localité 5]-Région Parisienne a été chargée d’un projet pilote de mise en place d’une ‘task force’ de lutte contre le travail illégal, nécessitant de faire évoluer la formation initiale et le profil habituel de recrutement des inspecteurs de recouvrement (actuellement des jeunes diplômés droit/comptabilité Bac + 3). Elle indique également que la LCTI est un métier de terrain qui nécessite d’intervenir dans des situations complexes et sensibles, sur des créneaux horaires parfois inhabituels (nuit, week end notamment) en partenariat avec d’autres services de l’Etat. Elle mentionne au titre des compétences requises : la capacité de s’engager en mesurant les risques de son action et la capacité de gérer son stress et précise que cette lutte contre les fraudes met les inspecteurs face à des individus, des groupes ou des organisations nécessitant l’intervention conjointe d’équipes de lutte contre la fraude et la capacité à s’y intégrer.

Le référenciel de l’emploi d’inspecteur du recouvrement LCTI, même rédigé postérieurement à 2012, précise que celui-ci est affecté à la préparation et à la mise en ‘uvre d’actions de lutte contre le travail dissimulé sur le terrain en relation avec les partenaires habilités et mentionne au titre des compétences nécessaires notamment : savoir mettre en ‘uvre les procédures civiles et pénales (technicité), savoir gérer et entretenir des relations avec les partenaires, savoir mener une audition (dimension relationnelle), savoir organiser les interventions en corrélation avec les autres corps de contrôle habilités (autonomie), enfin savoir faire preuve de discernement et de sang froid, savoir faire face aux situations résultant d’un contrôle inopiné et se rendre disponible en fonction des besoins rencontrés (savoir-faire relationnel).

Il en découle que les missions des inspecteurs du recouvrement exclusivement affectés à la LCTI différent de celles des inspecteurs du recouvrement affectés au contrôle comptable d’assiette (CCA) et que la lutte contre le travail dissimulé constituant le c’ur de l’activité des premiers, avec des sujétions spécifiques, ils ne sont pas dans la même situation que le salarié, lequel lorsqu’il exerce les fonctions d’inspecteur du recouvrement ne participe que ponctuellement à des opérations de ce type.

Il n’est donc pas établi que les salariés auxquels il se compare occupaient des fonctions identiques ou similaires aux siennes.

Par ailleurs, l’expérience professionnelle antérieure au sein de l’armée pendant des années, même à des postes peu exposés, confère aux militaires engagés par l’URSSAF en juillet 2012, par la formation reçue et l’organisation spécifique de l’institution militaire, des capacités particulières, notamment de gestion de situations difficiles dans le cadre d’une intervention au sein d’une équipe, lesquelles sont particulièrement utiles pour exercer les missions des inspecteurs dédiés LCTI et précédemment rappelées.

Or, l’article 4 du protocole d’accord du 30 novembre 2004 applicable en 2012 prévoyait qu’au moment d’opérer un recrutement l’employeur avait la possibilité de tenir compte de l’expérience et des compétences acquises antérieurement par le candidat.

Ainsi, la décision de l’URSSAF Île-de-France d’attribuer aux anciens militaires engagés comme inspecteurs du recouvrement affectés à la LCTI un avantage particulier, à savoir des points de compétence lors de leur recrutement, est justifiée par un élément objectif tenant à leur expérience professionnelle antérieure.

Il découle de ces observations qu’aucune inégalité de traitement ne peut être retenue et le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes à ce titre.

Sur l’application du protocole d’accord du 30 novembre 2004 concernant les points de compétence

Le salarié soutient, d’une part, que l’URSSAF n’a pas respecté les dispositions du protocole d’accord sur l’attribution des pas de compétence et, d’autre part, que l’employeur a violé le principe d’égalité de traitement. Il expose en substance que l’octroi de points de compétence par l’URSSAF est erratique et inexpliqué et alors qu’il établit un accroissement de ses compétences, il ne s’est pas vu attribuer de points de compétences chaque année ; qu’en outre, il établit que certains collègues inspecteurs du recouvrement ont obtenu les années où il n’en a pas reçu des points de compétence et que l’URSSAF ne présente aucun élément objectif mesurable et vérifiable au sens du protocole d’accord qui permet de justifier cette atteinte à l’égalité de traitement pour ces années.

L’URSSAF considère qu’elle respecte les termes de ce protocole qui encadre la possibilité pour l’employeur d’octroyer des points de compétence et ne crée pas un droit systématique pour le salarié. Elle précise qu’elle doit identifier l’accroissement des compétences au regard d’un référenciel spécifique mis en place prévoyant six critères (technicité, autonomie notamment) et que l’atteinte des objectifs ou la manière de tenir ses fonctions ne sont pas pris en compte ; que la procédure d’attribution des points de compétence est rappelée chaque année dans une note de service qui organise son calendrier en trois étapes ; qu’elle doit également tenir compte de plusieurs contraintes, la première budgétaire puisque l’Etat lui alloue chaque année une enveloppe financière, et la seconde conventionnelle, puisque le nombre de points doit être réparti au moins sur 20% de l’effectif et sur deux catégories d’agents. Elle ajoute que le bilan de sa politique salariale est présenté annuellement en séance plénière aux représentants du personnel. Enfin, elle soutient que le salarié n’a subi aucune inégalité de traitement puisque sa carrière a régulièrement évolué.

***

Le protocole d’accord du 30 novembre 2004 entré en vigueur le 1er février 2005 relatif au dispositif de rémunération et à la classification des emplois a défini les principes selon lesquels il est attribué aux salariés de l’URSSAF des points de compétence. Ces derniers permettent de faire évoluer la carrière des salariés et de leur attribuer des augmentations de salaire individuelles.

L’article 4.2 du protocole dispose que :

‘Les salariés peuvent se voir attribuer par la direction des points de compétence destinés à rétribuer l’accroissement des compétences professionnelles mises en oeuvre dans l’emploi.

Les compétences recouvrent des savoirs, c’est-à-dire des connaissances théoriques et professionnelles mises en oeuvre dans l’exercice du travail et des savoir-faire techniques et relationnels, observables dans la tenue de l’emploi.

L’identification de l’accroissement de compétences passe obligatoirement par l’élaboration de référentiels de compétences, dans les conditions définies à l’article 8 du présent texte.

Dans ce cadre, les compétences doivent être appréciées sur la base de faits précis, objectifs, observables et mesurables.

L’évaluation de la compétence est formalisée à l’occasion de l’entretien annuel, tel que prévu à l’article 7.

Le montant de chaque attribution est exprimé en points entiers.

Dans la limite de la plage d’évolution salariale (‘), ce montant correspond au minimum à 12 points pour les salariés occupant un emploi de niveau 5 A à 7 des employés et cadres (…).

Le nombre total de points de compétences attribué dans chaque organisme au cours de chaque année doit être réparti au moins sur 20% de l’effectif pour chacune des deux catégories définies ci-après :

-salariés occupant un emploi de niveau 1 à 4 des employés et cadres (…)

-salariés occupant un emploi de niveau 5A à 9 des employés et cadres (…)’.

L’article 7 de l’accord prévoit notamment que ‘chaque salarié bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique direct. Cet entretien a pour finalité, à partir du référentiel de compétences de l’emploi occupé, d’échanger et de faire le point sur les attentes en termes professionnels du salarié et de son responsable hiérarchique. L’entretien porte notamment sur les aspects suivants :

a) au titre de l’évaluation :

– la façon dont l’emploi a été tenu au cours de l’année écoulée et la fixation d’objectifs de progrès pour l’année à venir ;

– l’évaluation des compétences mises en ‘uvre par le salarié par rapport à l’emploi occupé et à ses évolutions ;

b) au titre de l’accompagnement :

– l’identification éventuelle des compétences professionnelles à développer, et leur formalisation écrite, notamment en précisant les modalités concrètes en termes de moyens à mettre en ‘uvre ;

– l’établissement éventuel d’un plan personnel de formation ou d’un projet de mobilité, en fonction des besoins de l’organisme et de ceux du salarié (…).

Tout salarié, éligible au développement professionnel et n’ayant pas bénéficié de points de compétence pendant trois ans consécutifs, peut demander à bénéficier d’un examen personnalisé de sa situation par la direction de l’organisme’.

Enfin, l’article 8 précise que l’élaboration des référentiels de compétences a pour finalité de distinguer les compétences nécessairement requises pour exercer l’ensemble des activités de l’emploi considéré dans des conditions normales d’activité, de l’accroissement de celles-ci, rémunéré par des points de compétence.

Sur le respect du protocole par l’URSSAF, force est de constater en premier lieu que celui-ci a consacré la ‘possibilité’ et non l’obligation pour l’employeur d’attribuer des points de compétence à un salarié donné, l’article 4.2 du protocole stipulant seulement que «les salariés peuvent» et non doivent «se voir attribuer par la direction des points de compétence destinés à rétribuer l’accroissement des compétences professionnelles mises en ‘uvre dans l’emploi».

En outre, l’URSSAF a évoqué, sans être contredite, deux types de contraintes dans l’attribution de ces points, à savoir, d’une part, le respect de l’enveloppe budgétaire dont elle est dotée chaque année par l’Etat et, d’autre part, le respect des règles conventionnelles de répartition, à savoir pour les inspecteurs du recouvrement un minimum de 12 points et une répartition des points ‘sur au moins 20% de l’effectif pour deux catégories précisément définies, à savoir : salariés occupant un emploi de niveau 1 à 4 des employés et cadres (…) et salariés occupant un emploi de niveau 5A à 9 des employés et cadres (…)’.

Il en découle que la constatation d’un accroissement des compétences d’un inspecteur du recouvrement ne peut entraîner de façon systématique l’attribution de points de compétence chaque année.

En second lieu, il ne ressort pas des termes de l’accord que l’employeur doit formaliser l’accroissement des compétences et décider de l’octroi des points de compétence lors de l’entretien annuel d’évaluation. L’URSSAF justifie par ailleurs de la mise en place d’un référentiel des compétences de l’emploi occupé par les inspecteurs du recouvrement, mentionnant plusieurs items, tels que la technicité, l’autonomie ou l’implication et plusieurs degrés d’appréciation, telles que initiation, application, maîtrise et expertise. Elle justifie également de l’organisation d’une procédure afin d’encadrer l’attribution des points de compétence, précisément décrite dans les notes de service annuelles versées aux débats et qui font état notamment d’un calendrier, d’une dotation allouée à chaque direction se traduisant par le pourcentage d’agents pouvant bénéficier de points de compétence et un rappel des règles conventionnelles d’attribution minimale et de répartition sur deux catégories de personnels susvisées. Enfin, il est établi par les bilans de politique salariale présentés chaque année aux représentants du personnel que l’URSSAF a bien attribué chaque année des points de compétence à ses agents avec la précision des pourcentages et répartitions.

S’agissant du salarié, il ressort des pièces produites qu’il a bénéficié à plusieurs reprises de l’allocation de points de compétences.

Or, l’attribution de points de compétences n’étant qu’une possibilité et non une obligation aux termes mêmes du protocole et l’employeur étant, par ailleurs, soumis à des contraintes budgétaires et conventionnelles qui limitent le volume de points pouvant être attribués chaque année, aucune conséquence ne peut être tirée de l’absence, pour une année donnée, d’attribution de points de compétences au salarié, quand bien même un accroissement de ses compétences serait avéré, lequel ne se confond pas avec l’atteinte des objectifs fixés ou la réalisation de contrôles importants.

Ainsi aucune violation du protocole à l’égard du salarié n’est établie.

Sur l’égalité de traitement, comme précédemment rappelé, aux termes de l’article 1353 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement et il incombe alors à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Ainsi, il appartient au salarié qui allègue une inégalité de traitement d’établir qu’il se trouvait dans une situation identique aux autres inspecteurs du recouvrement auxquels il se compare et le seul fait que certains d’entre eux aient bénéficié de points de compétence certaines années au cours desquelles il n’en a pas reçu est insuffisant à laisser supposer une inégalité de traitement.

En outre, si le salarié produit des tableaux mentionnant de nombreux agents avec l’indication de leur notation (M pour maîtrise ou E pour expertise par exemple) sur les différents items du référentiel des compétences, avec l’octroi de points de compétence certaines années, ceux-ci ne sont pas opérants puisque les lettres attribuées portent sur ‘l’évaluation de la tenue de l’emploi’ réalisée lors des entretiens annuels et non sur ‘l’évaluation de l’accroissement des compétences’.

Enfin, il ressort de ces tableaux qu’aucun des inspecteurs du recouvrement cité n’a perçu chaque année des points de compétence, comme le revendique le salarié pour son compte.

Ainsi, les éléments produits ne sont pas susceptibles de caractériser une inégalité de traitement entre le salarié et ses collègues inspecteurs du recouvrement dans l’attribution des points de compétence.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes à ce titre.

Sur les indemnités forfaitaires de déplacement

Le salarié fait valoir que jusqu’au 1er novembre 2015 alors qu’il subissait les mêmes contraintes professionnelles, définies dans les mêmes termes par des protocoles différents, que les agents de direction, agents-comptables, ingénieurs-conseils et médecins salariés des organismes de Sécurité Sociale, il s’est vue appliquer des remboursements de ses indemnités forfaitaires selon des barèmes moins favorables qu’eux, en violation du principe d’égalité de traitement au regard de l’avantage considéré, alors qu’ils sont soumis à la même sujétion. Il évoque également la situation de M. [X], inspecteur du recouvrement comme lui, qui a bénéficié pour le remboursement de ses indemnités de repas du barème des agents de direction.

L’URSSAF rétorque que le salarié se compare à des agents d’une autre catégorie professionnelle qui relèvent, s’agissant des frais de déplacement, de deux dispositifs conventionnels différents et que s’agissant de M. [X], la différence constatée fait suite à une décision de justice individuelle.

***

Les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d’une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

Avant le protocole d’accord relatif aux frais de déplacement du 23 juillet 2015 qui a institué une indemnité de repas d’un même montant pour tous les personnels, les cadres et agents d’exécution des organismes de sécurité sociale et de leurs établissements, incluant les inspecteurs du recouvrement, étaient soumis au protocole d’accord du 11 mars 1991 fixant notamment l’indemnité de repas à une certaine somme et les personnels de direction, agents-comptables, ingénieurs-conseils et médecins salariés des mêmes organismes étaient soumis au protocole d’accord du 26 juin 1990 fixant ladite indemnité à une somme supérieure.

Ainsi, les inspecteurs du recouvrement d’une part et les personnels de direction, agents-comptables, ingénieurs-conseils et médecins salariés qui perçoivent des indemnités forfaitaires supérieures d’autre part, relèvent de deux dispositifs conventionnels différents, de sorte que la différence de traitement entre ces catégories professionnelles est présumée justifiée et il appartient au salarié qui la conteste de démontrer qu’elle est étrangère à toute considération de nature professionnelle, ce qu’il ne fait pas en l’espèce.

Par ailleurs, si effectivement une différence de traitement est constatée avec M. [X], celle-ci trouve son origine et sa justification dans l’effet relatif de la chose jugée, puisque le bénéfice du barème le plus favorable pour ce dernier résulte de l’application d’une décision de justice.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes au titre des indemnités forfaitaires de déplacement.

Sur l’indemnité pour immixtion dans la vie privée

L’appelant invoque l’obligation d’aménagement de son domicile afin de pouvoir y travailler et accueillir une imprimante, un ordinateur portable, des dossiers et des fournitures, et sollicite en conséquence une indemnité en application de l’article 46 de la loi du 26 mars 2012 au regard d’une situation de télétravail.

L’URSSAF rétorque que seul le salarié qui accepte à la demande de son employeur de travailler à son domicile et donc d’y installer des dossiers et des instruments de travail, doit être indemnisé de cette sujétion et que tel n’est pas le cas lorsque cette occupation résulte d’un choix du salarié, dès lors qu’un local professionnel est mis à sa disposition comme en l’espèce. Ainsi, elle détaille tous les locaux mis à la disposition des salariés en région parisienne et à [Localité 5], et en déduit qu’ayant eu accès à des locaux professionnels, la demande d’indemnisation formée par l’appelant doit être rejetée. En outre, elle précise qu’aucun dispositif de télétravail n’a été mis en place en son sein pour les inspecteurs du recouvrement.

***

L’occupation, à la demande de l’employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n’entre pas dans l’économie générale du contrat de travail. Si le salarié, qui n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile, ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, celui-ci doit l’indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l’occupation à titre professionnel du domicile.

En outre, le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition.

Enfin, selon l’article L. 1222-9 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication, dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci précisant les conditions de passage en télétravail.

En premier lieu, aucune pièce contractuelle ne mentionne le passage du salarié en télétravail et par conséquent à défaut d’accord des parties sur cette modalité d’activité, les dispositions afférentes ne sont pas applicables.

En deuxième lieu, il ne ressort d’aucune pièce que l’URSSAF demande aux inspecteurs du recouvrement de travailler chez eux lorsqu’ils ne sont pas sur les lieux d’un contrôle et le seul fait que l’employeur tolère que le salarié travaille à son domicile n’établit pas une obligation en ce sens.

Enfin, l’URSSAF justifie de son implantation sur l’Ile-de-France avec notamment 9 directions départementales dans les locaux desquelles les inspecteurs du recouvrement disposent de bureaux, peu important qu’ils ne soient pas personnels mais partagés.

Il en découle que le choix du salarié de travailler en partie depuis son domicile ne saurait être considéré comme une sujétion imposée par l’employeur et aucune indemnité n’est donc due à ce titre.

Sur la perte de chance de bénéficier d’un parcours professionnel

Le salarié reproche à l’employeur de ne pas avoir pu bénéficier de chances d’évolution au-delà du niveau 7 de la classification en raison de l’absence de mise en oeuvre par l’URSSAF Île-de-France du dispositif d’accompagnement prévu par les stipulations de l’article 33 du protocole du 27 février 2009 conclu entre l’Union des Caisses Nationales de Sécurité Sociale (ci-après désignée l’UCANSS) et les organisations syndicales.

En défense, l’URSSAF Île-de-France soutient notamment qu’elle ne peut être tenue responsable de l’absence de mise en oeuvre du parcours d’accompagnement qui, aux termes des stipulations de l’article 33 précité, était à la charge de l’ACOSS (Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale) ; en outre que chaque URSSAF constituant une entité juridique distincte, elle ne peut être tenue par les pratiques internes organisées au sein d’autres entités régionales ; enfin que l’absence de mise en place d’un accompagnement par l’ACOSS n’a pas compromis les chances du salarié de bénéficier d’une évolution professionnelle à un poste de manager puisqu’elle propose plusieurs formations mobilisables notamment par le compte personnel de formation.

***

L’article 33 du protocole d’accord relatif aux personnels chargés d’une activité de contrôle au sein de la branche recouvrement du 27 février 2009 stipule qu’ ‘un dispositif d’accompagnement destiné aux inspecteurs du recouvrement souhaitant accéder à des fonctions de manager sera mis en place à l’initiative de l’ACOSS en 2010′.

Il est constant que le dispositif d’accompagnement prévu par ce texte n’a pas été mis en place au sein de l’URSSAF Île-de-France.

Toutefois, il n’est pas justifié par le salarié dans ses écritures que ce protocole est d’effet direct à l’égard de l’URSSAF d’Île-de-France.

En effet, il résulte des mentions du protocole que l’URSSAF Île-de-France n’était ni partie à celui-ci, ni désignée par ledit protocole comme devant prendre l’initiative de la mise en oeuvre du dispositif litigieux, cette initiative étant exclusivement, aux termes du protocole, de la compétence de l’ACOSS.

De même, il ressort du code de la sécurité sociale et notamment de ses articles L. 213-1 et suivants et L.225-1 que l’UCANSS, l’URSSAF Île-de-France et l’ACOSS ont des personnalités juridiques distinctes, l’URSSAF étant par ailleurs administrée par un conseil d’administration dont la composition est fixée par l’article L. 213-2 du même code et non par l’ACOSS ou l’UCANSS.

De plus, si l’ACOSS est légalement chargée d’exercer un pouvoir de direction et de contrôle sur les URSSAF en matière de gestion de trésorerie, il ne résulte pas des normes précitées que l’agence centrale peut imposer à l’URSSAF Île-de-France la mise en oeuvre de mesures en matière de gestion de son personnel et, par voie de conséquence, celle du dispositif d’accompagnement prévu à l’article 33 du protocole.

Enfin, il n’est ni allégué, ni justifié que l’ACOSS ait mis à la charge de l’URSSAF Île-de-France la mise en oeuvre de ce dispositif d’accompagnement en son sein, peu important à cet égard que d’autres URSSAF régionales aient organisé un parcours professionnel en interne.

Il résulte de ce qui précède que les stipulations de l’article 33 du protocole n’étaient pas directement applicables à l’URSSAF Île-de-France.

Par suite, il ne peut lui être utilement reproché de ne pas avoir mis en oeuvre le dispositif litigieux, le manquement à l’origine de la perte de chance alléguée n’est pas établi et le salarié sera donc débouté de sa demande indemnitaire.

Sur les demandes accessoires

Compte tenu du rejet des prétentions de l’appelant, celui-ci sera également débouté de sa demande de rappel d’indemnité de rupture conventionnelle et de sa demande de remise d’un bulletin de salaire de régularisation.

Le salarié qui succombe supportera les dépens de première instance et d’appel. Il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort,

CONFIRME le jugement’;

Y ajoutant :

DECLARE irrecevables comme étant prescrites les demandes de nature salariale pour la période précédant le 28 avril 2009′;

REJETTE la demande de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier du parcours professionnel et la demande de rappel d’indemnité de rupture conventionnelle ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [J] au paiement des dépens de première instance et d’appel.

La Greffière La Présidente

 


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