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21 mars 2023
Cour d’appel de Chambéry
RG n°
22/00062
COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 21 MARS 2023
N° RG 22/00062 – N° Portalis DBVY-V-B7G-G4L4
[U] [Z]
C/ S.A.R.L. AERO TECHNIC’COLOR agissant poursuites et diligences de ses représentants
légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’ANNEMASSE en date du 13 Décembre 2021, RG F 19/00192
APPELANT ET INTIME INCIDENT
Monsieur [U] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Audrey GUICHARD, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE
S.A.R.L. AERO TECHNIC’COLOR agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Frédéric RENAUD de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON, substitué par Me Lilia HAFSAOUI, avocat au barreau de LYON
et par Me Franck GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 21 Février 2023, devant Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s’est chargé du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Madame Sophie MESSA, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :
Monsieur Frédéric PARIS, Président,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,
Copies délivrées le : ********
FAITS ET PROCÉDURE
M. [U] [Z] a été engagé par la Sarl Aero Technic’Color sous contrat à durée indéterminée du 1er mars 2000 en qualité de carrossier peintre moyennant un salaire mensuel brut de 3887 €.
La société fait partie du groupe Mont Blanc Hélicoptère (HBG).
La convention collective des services de l’automobile est applicable à la relation de travail.
L’effectif de la société est de trois salariés.
Le salarié a été mis à pied à titre conservatoire par lettre du 27 septembre 2019 en raison d’une altercation s’étant produite le 27 septembre 2019 avec un collège de travail et a été convoqué à un entretien préalable fixé au 7 octobre 2019.
Un autre entretien a été fixé au 17 octobre 2019 auquel le salarié ne s’est pas présenté.
Il avait adressé à l’employeur un courrier du 13 octobre 2019 lui expliquant sa version des faits.
Le salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 22 octobre 2019.
Contestant son licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes d’Annemasse le à l’effet d’obtenir la réparation de son préjudice résultant du licenciement.
Par jugement de départage du 13 décembre 2021 le conseil de prud’hommes a :
– dit que la faute reprochée n’est pas une faute grave,
– dit que le licenciement repose néanmoins sur une cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Aero Technic’Color à payer à M. [Z] les sommes suivantes:
* 7774 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 777 € de congés payés afférents,
* 22 026,33 € à titre d’indemnité de licenciement,
– débouté M. [Z] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 10 € par jour de retard passé un mois après la notification du jugement ;
– condamné la société Aero Technic’Color à payer à M. [Z] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné la société Aero Technic’Color aux dépens.
M. [Z] a interjeté appel par déclaration du 12 janvier 2022 au réseau privé virtuel des avocats en limitant expressément son appel aux dispositions disant que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et le déboutant de ses demandes de rappel de salaires et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société Aero Technic’Color dans ses premières conclusions a formé appel incident.
Par conclusions notifiées le 18 mars 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens M. [Z] demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
* condamné la société Aero Technic’Color à lui payer les sommes suivantes :
. 7774 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 777 € de congés payés afférents,
. 22 026,33 € à titre d’indemnité de licenciement,
* débouté M. [Z] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* condamné la société Aero Technic’Color à lui payer la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
* condamné la société Aero Technic’Color aux dépens,
– l’infirmer pour le surplus,
statuant à nouveau,
* dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Aero Technic’Color à lui payer les sommes suivantes :
* 3058,10 € de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et 305 € de congés payés afférents,
* 58 305 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* ordonner la remise des documents de fin de contrat en tenant compte de l’arrêt à intervenir,
* débouter la société Aero Technic’Color de ses demandes, fins et conclusions.
Il soutient en substance qu’il avait toujours apporté satisfaction et n’avait jamais été sanctionné.
Les faits sont survenus dans un contexte tendu de restructuration de l’entreprise.
Il conteste les faits d’agression à l’égard de M. [N] directeur maintenance.
L’employeur a pris fait et cause pour ce dernier en retenant sa version.
Le témoignage, les mails et la déclaration de main courante de M. [N] ne sont pas probants car ce dernier est directement impliqué dans l’altercation.
Les deux témoignages de salariés ont été rédigés par le président directeur général lequel a demandé aux intéressés de signer les attestations.
Celles-ci ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile.
L’un des témoins, M. [V] a tenu à témoigner dans le cadre de la présente instance et rapporte l’agressivité de M. [N], et précise que ce dernier a insulté M. [Z] en montrant ses poings, M. [Z] montrant alors les siens.
Aucune faute grave ne peut donc lui être reprochée.
La société n’ a pas indiqué si M. [N] a été sanctionné. Tout porte à croire que l’employeur a protégé ce dernier.
Il n’a pas été remplacé et il convient de relever que son licenciement est intervenu dans un contexte de restructuration du groupe, et son départ arrangeait bien les intérêts du groupe.
Le contexte de provocation, l’absence de toute retenue du directeur technique, l’absence de clients lors de l’altercation, sa réaction proportionnée rendent le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Même si une faute était retenue à son encontre, cela ne justifiait pas un licenciement, M.[N] n’ayant pas été sanctionné.
Il a subi un préjudice important du fait du licenciement injustifié.
Par conclusions notifiées le 14 juin 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la société Aero Technic’Color demande à la cour de:
– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé la faute grave non fondée,
– débouter M. [Z] de toutes ses demandes,
A titre subsidiaire,
– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement fondée sur une cause réelle et sérieuse,
– débouter M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre plus subsidiaire,
– juger que M. [Z] ne rapporte pas la preuve de l’existence et du quantum de son préjudice,
– limiter le montant des dommages et intérêts à trois mois de salaires,
En tout état de cause,
– condamner M. [Z] à lui payer une somme de 3500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux dépens.
Elle fait valoir que M. [N] a interrompu une réunion du comité social et économique pour avertir le directeur des relations humaines du groupe des menaces physiques qu’il avait subi de la part du salarié.
M. [N] a averti son supérieur hiérarchique qu’il quittait l’entreprise le jour même car il craignait que les menaces soient mises à exécution.
Le directeur des relations humaines s’est déplacé à l’atelier où avait eu lieu l’altercation, il a pu constater l’agressivité du salarié qui réitérait ses menaces envers M. [N].
Compte tenu de ces faits, une mise à pied a été notifiée au salarié immédiatement.
M. [N] ne se sentant pas en sécurité a demandé à l’employeur de travailler en télétravail.
La société ne s’est pas contentée de la version de M. [N], elle a entendu les deux salariés présents qui ont témoigné et rapporté l’agressivité du salarié et les menaces qu’il avait proféré.
Même si le salarié a pu se sentir provoqué, son comportement était disproportionné et intolérable, d’autant qu’après les faits il a indiqué au directeur qu’il voulait encore s’en prendre à M. [N] à l’extérieur de l’entreprise.
Si un témoin a témoigné une deuxième fois, c’est à la demande du salarié et quinze jours après les faits. Ce nouveau témoignage opportuniste en cours d’instance n’est pas probant.
A titre subsidiaire, il appartient au salarié d’établir le préjudice subi, la cour de cassation ayant abandonné sa jurisprudence sur le préjudice nécessaire.
L’instruction de l’affaire a été clôturée le 16 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits, imputable au salarié, constituant une violation des obligations s’attachant à son emploi, d’une importance telle qu’il rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
L’ancienneté du salarié et l’absence de sanction disciplinaire ne sont pas systématiquement des causes atténuantes de la gravité de la faute commise.
Le juge doit apprécier si la sanction prononcée est proportionnée à la nature et à la gravité des faits reprochés.
La charge de la preuve repose exclusivement sur l’employeur.
En application de l’article L 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement fixant les limites du litige expose : Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement d’une extrême gravité. En effet le 27 septembre 2019, vous avez eu une violente altercation avec M. [F] [N], directeur maintenance, en présence de deux autres salariés, messieurs [K] et [B] [V].
Des faits qui nous ont été rapportés, il apparaît que vous avez pris à partie M. [F] [N] pour des raisons tenant que ce dernier vous aurait imputé la cause de la démission de M. [J] [K].
Après avoir demandé à M. [F] [N] de vous suivre au sein de l’atelier carrosserie, vous avez vivement interpellé M. [J] [K] pour lui demander si c’était effectivement de la faute de la carrosserie s’il avait fait le choix de démissionner. Contraint de répondre, ce dernier a finalement répondu que son départ était un tout.
Au lieu de mettre un terme à la conversation, vous avez décidé de poursuivre la discussion avec M. [N], laquelle s’est envenimée, vous conduisant à vous montrer agressif et tenir des propos inacceptables tels que notamment ‘tu es un pourri de dire cela’ et en simulant des coups de poing à son encontre et en criant ‘je vais péter tes lunettes’.
Si ces faits ne sont évidemment pas acceptables, nous vous reprochons surtout d’avoir menacé physiquement M. [N].
En effet, au lieu de tenter de calmer le jeu, vous vous êtes dirigé vers une servant de l’atelier plusieurs mètres de vous pour saisir un outil.
Vous vous êtes alors approché de M. [N] muni de cet outil, en simulant des coups avec votre bras et en réitérant les menaces.
Face à cette agression, M. [N] s’est alors enfui de la carrosserie et vous l’avez poursuivi en courant jusqu’à la porte de l’atelier.
…
Immédiatement après les faits, M. [F] [N] est venu me voir dans un état de panique m’indiquant qu’il venait d’être agressé au couteau par vous même et qu’il ne pouvait pas rester dans l’entreprise du fait de cette situation de danger.
J’ai alors pris l’initiative de venir à votre rencontre à la carrosserie accompagné du secrétaire du CSE.
De manière agressive, vous avez dans un premier temps indiqué ne pas souhaiter parler avec moi, que vous n’aviez pas de compte à me rendre.
La discussion s’est toutefois finalement engagée et vous avez invoqué de manière répétitive le fait que M. [F] [N] n’avait pas à vous accuser d’être la cause de la démission de M. [J] [K].
Comme nous avons pu vous l’indiquer à ce moment là, la gravité de la situation résulte de votre comportement particulièrement menaçant.
D’ailleurs au cours de notre échange, vous n’avez pas hésité à me préciser, toujours énervé, que vous étiez prêt à en découdre avec M. [F] [N] en dehors de l’entreprise si nécessaire…
Vous ne semblez pas avoir pris conscience de la gravité de la situation alors même que vous avez reconnu dans votre compte rendu de la journée du 27 septembre des propos et des actes agressifs…Votre réaction a été incontestablement disproportionnée au vu des éléments et aurait pu conduire à une situation dramatique. Par ailleurs compte tenu de votre absence de prise de conscience, nous ne pouvons avoir aucune garantie que de tels faits ne se reproduisent pas à l’avenir…
M. [N] a effectué une déclaration de main courante le 1er octobre 2019, il relate qu’il a croisé le salarié qui lui a demandé pourquoi il disait que M. [K] avait démissionné à cause de la carrosserie, il lui a dit que c’était une des raisons de son départ. Il s’est énervé et lui a demandé de le suivre pour vérifier les propos de M [K] ; ce dernier a dit que c’était un tout. Il précise que le salarié s’est approché de lui en simulant des coups de poings et en disant qu’il allait péter mes lunettes. Il l’a insulté, il s’est lui même mis en colère et l’a traité de ‘connard’. Il l’a menacé de lui mettre un coup de couteau et il est allé chercher un couteau dans une servante de l’atelier et il est revenu vers lui avec un couteau dans les mains, et l’a menacé. Il a quitté la carrosserie puis son lieu de travail après en avoir parlé au DRH.
Le directeur des relations humaines après ces faits a recueilli les déclarations des deux salariés présents lors de l’altercation.
M. [B] [V] relate : ‘J’étais dans l’atelier lorsque [U] [Z] et [F] [N] sont arrivés ensemble. [U] voulait des explications sur ce qu’aurait dit [F] à propos de la démission d'[J] [K]. Plus tôt au café [J] discutait avec [U], en précisant que le soudeur remplaçant d'[J]…avait indiqué que [F] lui avait dit qu’il avait démissionné à cause de la carrosserie. [U] a alors précisé à [F] que c’était faux. [F] a indiqué qu’il n’a pas dit cela, les deux se sont alors énervés. [U] a indiqué à [F] ‘ tu es un pourri de dire cela ‘. [F] a répondu ‘tu n’as pas à me dire cela, je n’ai jamais dit cela. [U] insiste ‘tu es un pourri de dire cela’. Toujours plus énervé instantanément [F] et [U] se sont rapprochés, [F] a traité [U] de connard, et dans la même seconde [U] a réagi en montrant les poings, [F] également. [F] : ‘mets moi en une cela ne va pas le faire’. [U] répond la même chose et crie à l’intention de [F] ‘tire toi d’ici car ça ne va pas aller. [F] : ‘non je ne vais pas partir, on ne va plus se parler. [U] s’est mis alors courir derrière [F] avec un objet que je n’ai pu identifier, une fois que [F] a passé la porte, [U] s’est arrêté de lui courir derrière. [U] s’est ensuite calmé…’.
Le second salarié présent, M. [K] indique : ‘J’étais dans l’atelier ATC avec [B] [V], il était 10 heures. [F] [N] et [U] [Z] sont arrivés. [U] était déjà énervé. [U] m’a pris à parti en disant ‘dis lui que tu ne démissionnes pas à cause de moi. [F] précise à [U] que cela ne regarde qu'[J], que sa démission c’est son choix, il précise également que l’accueil au sein des locaux d’ATC n’a pas été bon pour [J]. [U] continue de se fâcher, il m’interpelle et m’interroge en me demandant si le mauvais accueil d’ATC est bien la cause de mon départ, j’ai indiqué que ce n’était pas la seule cause, que c’était un tout. [U] dit à [F] de se remettre en question suite notamment aux 3 dernières démissions en peu de temps. [F] le laisse parler au début, [U] monte d’un cran en invectivant [F] ‘Casse toi de la carrosserie, je vais te péter les lunettes, tout cela en mettant les poings en évidence. [F] a accusé un mouvement de recul et s’est mis en position de défense avec une certaine crainte. Il a tenté de le calmer et de temporiser voyant la situation s’envenimer. [U] ne calme pas et continue à lui crier dessus. [F] s’énerve également et lui dit ‘tu n’es qu’un connard, je n’ai jamais pu te voir’. [U] est alors allé à sa caisse outils 5 à 6 mètres plus loin, il a pris un tournevis et est arrivé vers [F] en simulant un geste avec le bras comme pour le poignarder. [F] est alors parti immédiatement en courant en criant qu’il allait aux flics et en lui disant qu’il était complètement fou. [U] l’a poursuivi jusqu’à la porte et s’est arrêté.’.
Ces deux déclarations sont précises et concordantes.
Si ces déclarations n’ont pas été effectuées sous la forme d’un témoignage devant être produit en justice avec les mentions prescrites par l’article 202 du code de procédure civile, il convient de rappeler que la preuve en droit du travail est libre. En l’espèce l’employeur a recueilli les déclarations des salariés rapidement après les faits sous forme d’enquête, ce qu’il était légitime à faire compte tenu de la gravité de l’altercation.
Les déclarations de ces témoins ont été établies le 2 octobre 2019 quelques jours après les faits.
Si M. [V] a établi deux autres attestations, celles-ci ont été effectuées pour l’une lors de la procédure de licenciement, l’autre au cours de la procédure d’appel.
M. [V] relate dans l’attestation du 17 octobre la même origine de l’altercation entre M. [Z] et M [N] que lors de sa première attestation ; il indique ensuite que le ton est monté entre les deux et que M. [N] avait admis avoir tenu les propos sur la démission de M. [K]. M. [Z] lui a alors dit que ‘c’était une pourriture de raconter des mensonges, M. [N] l’a alors traité de connard, et lui a montré les poings, M. [Z] lui a alors montré les poings’. Il ajoute que ‘M. [N] lui a donc répondu de faire bien gaffe car il allait lui en mettre une ce à quoi M. [Z] lui a redit la même chose qu’il fallait mieux qu’il se tire de l’atelier car ça n’allait pas aller. M. [N] est parti et M. [Z] est parti derrière lui en tenant un objet que je n’ai pu identifier, cependant je peux affirmer avec certitude que l’objet en question n’est pas un couteau car aucun couteau n’est présent dans aucune des caisses à outils de notre atelier.’.
Il en résulte que M. [V] impute à M. [N] d’avoir le premier montré les poings et menacé de violences M. [Z].
Cette nouvelle version est non seulement contraire à sa première attestation mais également contraire au témoignage de M. [K].
Cette attestation est dès lors sujette à caution et ne revêt pas un caractère probant d’autant que le même témoin a établi une troisième attestation établi au cours de la procédure d’appel mettant en cause la probité de M. [G], directeur des relations humaines qui l’aurait influencé lorsqu’il a témoigné la première fois. Cette affirmation est pourtant contredite par le témoin lui même qui indique dans cette troisième attestation qu’il avait en dépit des demandes de rectification de M. [G], maintenu ce qu’il voulait transcrire, le témoin expliquant lui avoir signifié que ‘je ne signerai pas un témoignage incorrect et falsifié.’.
M. [K] a maintenu les déclarations qu’il avait faite en adressant un mail le 11 novembre 2020 à M. [G] : ‘Par cet email je vous confirme que les faits relatés dans mon témoignage du 2/10/2019 sont bien les faits réels. En effet toutes les paroles et les actes que j’ai décris de façon objective lors de notre entretien, sont ni plus, ni moins que la réalité.’.
De plus, le directeur des relations humaines a précisé dans la lettre de licenciement qu’il était intervenu à la suite de l’irruption en réunion du CSE de M. [N] paniqué ; il relate qu’il s’est alors déplacé et a constaté que le salarié était agressif, et avait réitéré des menaces à l’encontre de M. [N].
M. [N] a confirmé avoir été agressé par le salarié dans une déclaration précise, en indiquant que le salarié criait, qu’il a hurlé à plusieurs reprises sur M. [K], en disant ‘dit lui, dis lui’, lequel a fini par répondre que c’était un tout. Le salarié a alors continué à crier, a simulé des coups de poings en disant ‘je vais péter tes lunettes’. N’en pouvant plus, il a haussé le ton et l’a traité de connard. Il précise : ‘cette insulte l’a mise hors de lui et en hurlant il l’a menacé de nouveau : ‘dégage où je te mets un coup de couteau’, il est allé ensuite cherché un couteau dans une servante et s’est approché de lui en simulant des coups. Il conclut qu’il a dû fuir de l’atelier et il a averti immédiatement M. [G].
Ce témoignage même s’il provient de l’un des protagonistes est concordante avec celle des deux salariés qui ont assisté à la scène et qui ont relaté les faits au directeur des relations humaines.
Il convient de relever en outre qu’aucun témoin ne remet en cause le fait que le salarié a poursuivi M. [N] jusqu’à la porte de l’atelier avec un objet dans les mains.
D’ailleurs le salarié ne conteste pas avoir suivi le directeur de maintenance jusqu’à la porte de l’atelier dans le compte rendu des faits qu’il a envoyé à l’employeur avant l’entretien préalable, il précise qu’il avait son stylo à la main.
Compte tenu de ces éléments, l’employeur établit que le salarié a eu un comportement agressif et menaçant envers le directeur de maintenance ; même si le directeur menacé n’avait pas géré l’incident avec calme, cela ne justifiait en aucun cas l’attitude violente du salarié.
Un tel comportement constitue une faute grave.
Le licenciement pour faute grave du salarié repose donc sur une cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé.
La demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile formulée par l’employeur sera rejetée compte tenu de la situation économique du salarié.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
DÉBOUTE M. [U] [Z] de toutes ses demandes ;
CONDAMNE M. [U] [Z] aux dépens de première instance et d’appel ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société Aero Technic’Color de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 21 Mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président