Télétravail : 23 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/09175

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Télétravail : 23 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/09175
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23 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/09175

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2023

N° 2023/

GM

Rôle N° RG 20/09175 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGKEH.

[E] [W]

C/

S.A.S. SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE (SEF)

Copie exécutoire délivrée

le : 23/03/23

à :

– Me Mireille DAMIANO, avocat au barreau de NICE

– Me Jean-michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 03 Septembre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 19/00759.

APPELANT

Monsieur [E] [W], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Mireille DAMIANO, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

S.A.S. SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE (SEF), venant aux droits de la SAS Schneider Automation, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Lise KLINGUER, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [E] [W] a été engagé le 21 avril 1980 par la société Télémécanique Electrique en qualité de technicien-plateforme sur le site de [Localité 4]. Le contrat de travail stipule qu’il est classé au niveau IV échelon 3 coefficient 285.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 étendue par arrêté du 27 avril 1973.

M. [E] [W] a exercé des fonctions syndicales au sein de l’entreprise Schneider Automation depuis 1995.

A la date du 28 février 2005, l’ensemble de l’activité informatique de gestion de Schneider Electric Industries S.A.S et de ses filiales dont Schneider Automation, a été transféré à la société Capgemini.

S’agissant de la société Schneider Automation, la direction des systèmes d’information (DSI) faisait partie du périmètre de l’activité informatique transférée au sein de la société Capgemini.

M.[E] [W], qui travaillait au sein de cette unité transférée en qualité d’organisateur informaticien, a été détaché au sein de Capgemini le 28 février 2005.

Par décision du 11 mars 2005, l’inspectrice du travail a refusé d’autoriser le transfert du contrat de travail de M. [E] [W] au sein de la société Capgemini.

Le 9 septembre 2005, le ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement annulait la décision de l’inspecteur du travail et autorisait le transfert de M. [E] [W] au sein de la société Capgemini.

Par jugement du 11 juin 2009, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision délivrée par le Ministre du travail, de la cohésion sociale et de l’emploi annulant celle de l’inspectrice du travail. Par arrêt rendu le 6 décembre 2011, la cour administrative de Marseille a rejeté la requête de l’employeur en annulation du jugement du 11 juin 2019.

Le 7 décembre 2009, M.[E] [W] informait son employeur de sa volonté d’être réintégré au sein de la société Schneider Electric France. Le salarié a été réintégré en avril 2011 au sein des effectifs de la société Schneider Electric France.

Une enquête risques psychosociaux était réalisée. Le 8 juin 2018, le cabinet [H] [O] Conseil rendait sa note de synthèse relative à l’analyse de l’exposition aux facteurs de risques psychosociaux concernant notamment, la situation de M. [E] [W].

Le 26 juillet 2018, l’inspectrice du travail a rejeté la demande d’autorisation de l’employeur de licenciement pour motif personnel du salarié.

Le 19 novembre 2020, le ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion a annulé la décision du 21 novembre 2019 de l’inspectrice du travail de rejeter l’autorisation de l’employeur de licenciement pour motif personnel du salarié tout en refusant le licenciement du salarié.

Par requête enregistrée le 27 juin 2016, M. [E] [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Grasse, lequel a ordonné le renvoi de l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Nice.

Par jugement du conseil de prud’hommes de Nice en date du 3 septembre 2020, le salarié a été débouté de l’intégralité de ses demandes. Le conseil a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné le salarié aux dépens de l’instance.

Le 25 septembre 2020, M. [E] [W] a interjeté appel dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués. La déclaration d’appel est complétée par une annexe.

Cette annexe indique : M. [E] [W] interjette appel du jugement rendu le 03 septembre 2020 en ce qu’il a été débouté de ses demandes ci-après reprises :

considérant que le salarié a été victime d’une discrimination illicite à raison de son activité syndicale,

– dire que le salarié doit faire l’objet d’une réparation indemnitaire intégrale depuis 1995

– dire que le salarié est également victime de harcèlement,

En conséquence,

– dire et juger que M.[E] [W] devra être positionné dans la convention collective de la métallurgie en cadre III ‘ A Indice 135

– dire et juger que le panel de comparaison doit être celui des salariés placés dans cette position et à tout le moins celui des salariés cadre II et III,

– condamner la société Schneider Eletric France à payer les sommes suivantes :

279 686 euros au titre de perte de salaires selon la méthode Clerc

92.646,05 euros au titre des dépenses subies durant la période d’externalisation

les cotisations complémentaires retraite sur la différence de salaire non versée aux fins de rétablissement des droits futurs à la retraite

50.000 euros au titre d’indemnisation de son préjudice moral pour harcèlement moral

les intérêts au taux légal sur l’ensemble à compter de la demande introductive d’instance

3. 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 janvier 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 décembre 2020, M. [E] [W] demande à la cour de :

-déclarer recevable et bien fondé l’appel,

-infirmer le dit jugement et statuant à nouveau,

-dire et juger qu’il n’y a pas lieu a retenir une exception de prescription à l’action du salarié,

-dire que le salarié devra être positionné dans la convention collective de la métallurgie en cadre III -A indice 135,

-condamner la société Schneider Electric France à payer :

à titre de dommages et intérêts à M. [E] [W] la somme de 279 686 euros représentant la perte de salaires calculée selon la méthode Clerc.

au titre des pertes subies durant la période d’externalisation la somme de 92 646, 05 euros

au règlement des cotisations complémentaires retraite sur la différence de salaire non versée aux fins de rétablissement des droits futurs a la retraite,

en indemnisation de son préjudice moral pour harcèlement la somme de 50.000 euros,

-dire que le tout portera intérêts à compter de la demande introductive d’instance, avec capitalisation des intérêts,

condamner enfin la société Schneider Electric France en tous frais et dépens de l’instance, et à payer à M. [E] [W] la somme de 3.000 euros par application des dispositions 700 du code de procédure civile.

Le salarié conclut d’abord au rejet de l’exception de prescription de l’employeur.

L’exception de prescription est retenue au visa de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008portant reforme de la prescription civile. Ce texte a modifie la durée de principe de la prescription extinctive, qui passe de trente à 5 ans.

S’agissant du droit du travail, l’article 16 apporte quelques modifications ; les paragraphes II et Ill comportent des dispositions normatives concernant la prescription en matière de salaires et de discrimination.

Ainsi, de nouvelles règles sont instaurées en matière de discrimination. Le 1er alinéa de l’article L 1134-5 dispose que « l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. » Cependant, le troisième alinéa du nouvel article L 1134-5 instaure une distorsion entre le délai d’action et la durée sur laquelle les faits de discrimination doivent être pris en compte.

Ainsi : « les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée ». Il en résulte que le salarié victime de discrimination peut invoquer des faits qui auraient dû être prescrits.

En l’espèce, la discrimination est constituée : le premier juge relève que la société Schneider Electric a, de manière déloyale, refusé d’exécuter le jugement du tribunal administratif de Nice du 11 juin 2009, malgré une sommation du 9 Avril 2010.

ll est encore reconnu que la réintégration en Avril 2011 n’annule pas une poursuite de la discrimination.Toutefois, et nonobstant les explications de M. [E] [W], les premiers juges ne prennent pas en considération le fait avéré que la discrimination n’a pas cessé (et a donc perduré de 2011 a 2016 et au-delà) et qu’en conséquence, c’est bien sur l’intégralité de la période que la réparation du préjudice doit être effectuée.

La cour infirmera le jugement querelle et écartera l’exception de prescription des demandes.

Sur sa demande de dommages-intérêts pour discrimination, le salarié fait valoir qu’il a été victime d’une discrimination en raison de ses activités syndicales.Le caractère discriminatoire du transfert du contrat de travail est avéré en l’état de ce que l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel du 2 décembre 2011 est définitif du fait du rejet du pourvoi inscrit par l’ ’employeur.

Sur les conséquences indemnitaires de la discrimination, le salarié affirme avoir subi un préjudice financier en lien avec la perte de salaire subie du fait de cette discrimination. Il précise que si, lors du transfert chez Capgemini, il avait été observé correspondance entre les deux conventions collectives, il n’en a rien été Iors de la réintégration chez Schneider Automation.

En effet, par application de la convention de la métallurgie et sur la correspondance entre les deux conventions, M. [E] [W] aurait du être classé a minima : cadre III ‘A indice 135 lors de sa réintégration, ce qui n’a pas été le cas. Il a été reclassé cadre II ‘ indice 108, soit à la quasi même position que celle qu’il avait lors de son transfert.

Le salarié ajoute être également fondé à faire valoir un préjudice futur, cette discrimination ayant pour conséquence une perte de droits à la retraite. Il estime enfin avoir été victime également d’un harcèlement moral lui ouvrant droit à des dommages-intérêts au titre de son préjudice moral.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2021, l’employeur demande à la cour de :

-confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [E] [W] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

en tout état de cause,

-condamner M. [E] [W] à lui verser 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [E] [W] aux entiers dépens.

Sur la prescription des demandes de M. [E] [W], l’employeur rappelle qu’en vertu de l’article L.1471-1 du code du travail, le délai de prescription de 5 ans s’applique aux actions exercées en application des articles L.1132-1 (discrimination), L.1152-1 ou L.1153-1 (harcèlement moral et sexuel) du code du travail.

Le point de départ de ce délai est fixé, selon l’article L.1134-5 du code du travail, à partir de la « révélation de la discrimination ». Or, le jugement du tribunal administratif de Nice du 11 juin 2009 indique  : « le transfert du contrat de travail de M. [E] [W] révèle un caractère discriminatoire ; qu’il résulte de ce qui précède que M. [E] [W] est fondé à demander l’annulation de la décision litigieuse. »

Au sens des règles de la prescription, il convient de considérer le 11 juin 2009 comme date de « révélation de la discrimination ».

Dans son arrêt du 6 décembre 2011, la cour administrative d’appel de Marseille a confirmé l’appréciation des faits du tribunal administratif.

Même si la société juge ces décisions très contestables, elle a respecté son obligation de réintégrer le salarié.Ainsi, dès le 11 juin 2009, cette date constituant le point de départ du délai de prescription,M. [E] [W] aurait pu se prévaloir d’une prétendue discrimination qu’il estimait avoir subie et en solliciter la réparation devant le conseil de prud’hommes.

En application des règles précitées, il disposait à ce titre, d’un délai courant jusqu’au 10 juin 2014.Il a toutefois attendu le 27 juin 2016, plus de 7 ans, pour saisir le conseil de prud’hommes d’une demande d’indemnisation pour la perte de salaire qu’il estime avoir subie au titre de sa prétendue discrimination.

L’employeur conclut ensuite au rejet de la demande de dommages-intérêts pour discrimination. Aucune discrimination à l’égard de M. [E] [W] ne peut être caractérisée du fait du transfert de son contrat de travail au sein de la société Capgemini celui-ci étant intervenu sur la base d’une décision ministérielle parfaitement valable à l’époque des faits.

Il n’existe aucun lien entre le transfert de M. [E] [W] au sein de la société Cap Gemini et son mandat, ce dernier n’ayant fait très clairement l’objet d’aucune mesure discriminatoire. En tout état de cause, si la cour venait à considérer que le transfert du salarié était discriminatoire, celui-ci a été annulé par le juge administratif.

Depuis l’année 2010, la société a réellement et de bonne foi cherché à repositionner le salarié sur des postes correspondant à ses fonctions et à son expérience, en vain compte tenu des réponses exclusivement négatives données par celui-ci.C’est au contraire M. [E] [W] qui a fait le choix de considérer que les propositions transmises ne lui convenaient pas et de les refuser.

Sur la demande du salarié de dommages et intérêts pour la prétendue perte de salaire dont M. [E] [W] s’estime victime, ce dernier fait un calcul erroné. Il calcule un écart de salaires de 26 593,67 euros qu’il ajoute sur 32 années. Or, il a été intégré la société en qualité de technicien plateforme intégration. Il n’a obtenu le statut cadre qu’en 2000. Il ne démontre pas en quoi il serait recevable à revendiquer un statut de cadre III A 135 et la rémunération afférente. Il n’a subi aucune perte de salaires et doit être débouté de sa demande d’indemnisation.

Sur la demande du salarié de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l’employeur répond que M. [E] [W] tente une nouvelle fois de s’appuyer sur les conclusions de l’enquête risques psychosociaux en lui faisant dire ce qu’elles ne disent pas. Dès lors, les difficultés que peuvent rencontrer les parties pour parvenir au reclassement de M. [E] [W] ne sauraient caractériser des faits de harcèlement moral.

Au contraire, ce sont les refus systématiques et de principe de salarié à tout repositionnement qui a conduit ce dernier à se placer dans cette situation de blocage empêchant toute possibilité de reclassement.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

1-Sur la discrimination syndicale et sur la demande de dommages-intérêts

-Sur la recevabilité de l’action en réparation du préjudice résultant de la discrimination

L’article 26 de la loi du n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile dispose :

I. ‘ Les dispositions de la présente loi qui allongent la durée d’une prescription s’appliquent lorsque le délai de prescription n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.
II. ‘ Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
III. ‘ Lorsqu’une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la présente loi, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation.
La présente loi sera exécutée comme loi de l’Etat.

L’article L 1134-5 du code du travail, créé par la loi du 17 juin 2008, dans sa version en vigueur du 19 juin 2008 au 1er janvier 2017 prévoit : L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.
Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel. Les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

L’article L 1134-5 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2017 dispose : L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel. Les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

La salarié invoque des faits de discrimination s’étant poursuivis jusqu’en 2016, soit avant son transfert au sein de la société Capgemini (en février 2005) et également à compter de sa réintégration au sein de la société Schneider Automation en avril 2011.

L’employeur estime que la prescription de l’action indemnitaire du salarié est acquise, le point de départ du délai de la prescription peut être fixé au 11 juin 2009, date de l’arrêt du tribunal administratif de Nice considérait que « le transfert du contrat de travail de M. [E] [W] révélait un caractère discriminatoire ». Or, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes cinq années plus tard soit le 27 juin 2016.

Vu l’article L. 1134-5 du code du travail et l’article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008,

Aux termes du premier de ces textes, l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

Avant l’entrée en vigueur de la loi susvisée du 17 juin 2008 l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination était soumise à la prescription trentenaire de l’article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable.

Selon l’article 26 II de la loi susvisée, les dispositions qui réduisent le délai de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l’espèce, si le salarié fait état d’une discrimination syndicale ayant commencé dès 1999, période couverte par la prescription, il fait valoir que cette discrimination s’est poursuivie tout au long de sa carrière en terme d’évolution professionnelle, ce dont il résulte que le salarié se fonde sur des faits qui n’avaient pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription.

Ainsi, l’action relative à une discrimination engagée par le salarié le 27 juin 2016 n’était pas prescrite.

La cour infirme le jugement en ce qu’il a déclaré prescrite l’action du salarié portant sur des faits de discrimination antérieurs au 27 juin 2011. Statuant à nouveau, la cour rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription qui est opposée par l’employeur.

-Sur le bien-fondé de l’action

Les articles L 1132-1 et L 122-45 du code du travail interdisent la discrimination syndicale en raison des activités syndicales du salarié.

S’agissant de la preuve de la discrimination, il appartient au juge du fond :

-d’examiner la matérialité de tous les éléments invoqués par le salarié,

-d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte,

-dans l’affirmative, d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Au soutien de sa demande de dommages-intérêts, le salarié fait valoir que :

-il est un représentant syndical CFTC

-la totalité de l’effectif de la DSI n’a pas été transférée à Capgémini,

-ce ne sont pas des postes de travail qui ont été transférés mais des ressources humaines choisies selon les dires de l’inspectrice du travail,

-les activités transférées concernaient 2/3 des élus ou représentants syndicaux,

-s’agissant de la CFTC, elle est inexistante à l’issue du transfert,

-l’inspectrice du travail évoque le manque d’équité dans le traitement des personnes appartenant au service informatique comme constituant un élément majeur de discrimination,

-la société Schneider Automation disposait d’une latitude pour choisir le personnel transféré,

-concernant le transfert, les deux représentants de la CGT, les deux représentants de la CFTC ont été tranférés, tandis qu’un représentant sur deux de la CGC a été transféré et aucun représentant de la CAT n’est transféré,

-le salarié est sans activité depuis son transfert,

-suite à leur transfert au sein de Capgemini, M. [E] [W] se trouve dans des locaux que rien ne permet d’identifier comme étant ceux de Capgemini et leurs contrats de travail ont été modifiés,

-le salarié est sans travail et il doit passer son temps à saisir dans un logiciel dit ‘clarity’. Le libellé de ce code est ‘sans activité’,

-le tribunal administratif a jugé que son employeur n’avait pas justifié que sa décision de ne pas faire bénéficier l’intéressé de mesures de reclassement reposait sur des motifs étrangers à son appartenance syndicale et qu’en outre, il avait fait l’objet de pressions de son employeur,

-les conditions requises à l’application des dispositions de l’article L 122-12 al 2 du code du travail à l’opération d’externalisation n’étaient pas remplies dans la mesure où cette activité ne constituait pas une entité économique autonome,

-sur 17 postes transférés, 13 sont occupés dont 5 par des salariés protégés,

-la société Schneider Automation n’a pas exécuté le jugement rendu le 11 juin 2009 nonobstant son caractère exécutoire,

-la société Schneider Automation était tenue, en vertu de l’accord Schneider Electric du 2 décembre 2004, d’accompagner le transfert des contrats de travail prévu par le contrat pays France au travers de diverses mesures sociales spécifiques. Elle devait instaurer un comité de suivi et contrôler la bonne fin des garanties souscrites et plus particulièrement à examiner avec Capgémini les situations jugées anormales et remontées par les élus,

-la société Schneider Automation avait l’obligation de vérifier le devenir des salariés transférés au sein de Capgemini au sein de la commission de suivi

-il ressort d’un procès-verbal de réunion du CHSCT Capgemini Outsourcing Service Sud du 15 octobre 2009 qu’ont été évoquées les situations de trois salariés protégés dont celle de M. [E] [W] apparaît clairement que l’activité n’a en réalité pas été transférée puisque les salaries issus de Schneider Electric n’ont pu poursuivre leur activité, et que Capgemini n’a aucune réponse formelle de Schneider quant à leur devenir. Il est avéré que les contrats de travail de Messieurs [W], [S] et [J] sont non modifiables, que leurs postes n’ont jamais été transférés, que l’accord du 2 Décembre 2004 n’a jamais été respecte.

-c’est le salarié qui s’est inquiété de sa situation et de sa réintégration en décembre 2009, sans que ses courriers ne soient suivis d’effet,

-les salaries réintégrés ont été privés de leur activité et de toute formation pendant la période du transfert chez Capgemini,

-à son arrivée, le salarié est sans activité ou affecté à des activités étrangères à sa fonction,

-Il a été reconnu par Mme [P] que les étapes de l’intégration n’étaient pas « totalement mises en place »,

– la réintégration – bien que tardive des salariés- n’a fait l’objet d’aucune réflexion.

-aucune réponse quant au montant des participations et intéressements respectifs des demandeurs les empêchant de faire leur choix dans les temps quant a l’utilisation des sommes,

-réintégration avec retard au sein de la mutuelle d’entreprise Gras Savoy,

-activation tardive des comptes informatiques,

-non réintégration des jours RTT dus par Schneider Automation (18jours) alors que Capgemini n’en devait que 10,

-aucune reprise du solde d’heures DIF (pourtant de 132h au départ de Capgemini)

– Non traitement des frais supplémentaires induits par le transfert du site de [Localité 6] a celui de [Localité 2],

-l’inspection du Travail, alertée de la situation des requérants, avait initie en mai 2016, une réunion sans que M. [Y] [F], PDG de Schneider Automation ou son délégataire ne soit présent, c’est à dire sans qu’un responsable légal ayant des pouvoirs décisionnels ne soit pressent,

-lors de cette réunion, il a été fait le constat de l’absence d’activité et de formation depuis la réintégration, et donc du non-respect des décisions de justice et des obligations contractuelles de l’employeur,

-en ce qui concerne la mise en ‘uvre d’une enquête risques psychosociaux, l’inspectrice du travail,Mme [D] [N] a pu rappeler le 15 août 2017 : «  L’analyse risques psychosociaux demandée par nos services dans nos différents courriers doit s’inscrire dans une démarche individuelle, précise et adaptée aux situations de Messieurs [J], [S] et [W]. Situations qui se rapportent à des problématiques diverses de non-respect de l’obligation qui incombe a l’employeur de fournir un travail et d’obligation d’adaptation et de formation. Situations qui persistent depuis de nombreuses années et qui, par voie de conséquence, sont source de risques psychosociaux importants.A ce titre, la démarche globale d’évaluation des risques psychosociaux selon un format commun à tous les sites Schneider Electric ne permettra pas de répondre aux objectifs fixés.Je vous demande de bien vouloir revoir votre démarche et de me tenir informée des actions réalisées afin de répondre correctement à notre demande. »

Il verse aux débats les éléments suivants :

-l’accord du 2 décembre 2004 relatif aux mesures sociales accompagnant le transfert des salariés des directions informatiques de Schneider Electric Industries et de ses filiales à la société Capgemini, qui crée notamment une commission de suivi qui a pour objectif : « de suivre les différentes phases de transferts et d’intégration, de s’assurer du traitement équitable de l’ensemble des salariés et de trouver les solutions aux difficultés soulevées par les cas particulières inévitables en matière sociale. Dans ce cadre, l’entreprise s’engage à examiner avec Capgemini les situations jugées anormales et remontées par les élus. »,

-la note de synthèse de M. [O] du 8 juin 2018, conseiller en matière de santé sécurité, organisation et espaces de travail, relativement à la situation de M. [E] [W] avant le transfert jusqu’à la fin de 2016 et après le transfert, en 2017.

Il relève : « durant la période de préparation du transfert, de 2003 à 2005, les personnes ont décrit des situations dans lesquelles se répèrent des factures de risques psychosociaux que sont l’inadéquation de la tâche à la personne, le vécu difficile du changement subi, la relation dégradée avec la hiérarchie et ses collègues (‘) nous n’avons pas d’éléments relatifs aux actions menées par l’entreprise (‘) en termes de prévention, ce qui ne signifie pas qu’il n’y en pas eu (…)Jusqu’à avant la réintégration, les 4 personnes expriment à des degrés divers avoir alors souffert de leur situation et avoir dû être suivies médicalement. »

Il précise : « la période passée s’étendant de la réintégration à la période récente (‘) les événements et situations décrits (‘) laissent apparaître une exposition probable à un manque de justice procédurale.(…) parmi les mesures mises en place par l’entreprise, on repère l’action de traitement des divers sujets professionnels, menée en 2010 par le responsable Rh mais sans aboutir de manière satisfaisante (…)le besoin d’une formation de longue durée est acté par l’entreprise , au moins dès 2011, mais il apparaît ne pas pouvoir être satisfait pour une raison financière, parce qu’il s’écarte des procédures courantes en la matière.

Concernant l’année 2017, le professionnel indique «  dans la description qui précède on remarque la récurrence de plusieurs facteurs de risques psychosociaux signifiant une exposition durable (‘) l’insécurité socio-économique (‘) le manque de justice organisationnelle (‘) propositions de formations mais pas assez adaptées à la trajectoire particulière des interviewés (‘) propositions de postes, surtout sur l’année 2017, dont la dernière est mieux adaptée en termes de localisation ».

-le courrier du 23 mai 2005 de l’inspectrice du travail à l’employeur : « Par décisions datées du 11 mars 2005, j’ai refusé l’autorisation de transfert auprès de la société Capgemini des salariés suivants : M [J], M. [C], M. [S] et M. [W]. Dans ces décisions, je faisais état d’une lettre de détachement qui leur avait été remise sans qu’ils aient donné leur accord et avant même que je ne rende mes décisions. Or ces mêmes salariés me signalent que leur détachement auprès de Capgemini aurait été maintenu, ce qui va à l’encontre des décisions de refus du 11 mars 2005, de la jurisprudence demandant l’accord express du salarié protégé avant tout changement des conditions de travail. »

-le jugement du 11 juin 2009 du tribunal administratif de Nice qui annule la décision du ministère d’annuler la décision de l’inspectrice du travail du 11 mars 2005 et d’autoriser le transfert du contrat du travail du salarié. Le tribunal relève, dans sa partie motivation, que « le transfert du contrat de travail relève un caractère discriminatoire »

-l’arrêt de la cour administrative d’appel du 20 décembre 2011 rejetant la requête de la société Schneider Automation,

-le courrier du 10 février 2020 de son employeur lui indiquant que suite à l’annulation de son transfert par le tribunal administratif de Nice, il est réintégré, tout en précisant qu’il ne sera pas matériellement possible de le réintégrer sur le poste qu’il occupait antérieurement à son transfert,

-le courriel du 21 juin 2017 du salarié adressé à son employeur : “je vous rappelle que cela fait 12 ans que je suis sans activité à cause de Schneider et de l’ensemble des responsables et RH qui se sont succédés (…)”

-le courrier du ministère du travail du 19 novembre 2020 adressé à M. [E] [W] lui notifiant sa décision de refus d’autorisation de son licenciement en relevant notamment :

‘ dès lors, la matérialité d’un refus de M. [E] [W] d’occuper les postes équivalents proposés par l’employeur qui serait susceptible de rendre impossible la poursuite de son contrat de travail et de constituer un motif de nature à justifier une autorisation de licenciement n’est pas établie,’

‘(…) De surcroît le fait que l’employeur n’ait proposé à M. [W] un premier emploi qu’à la suite d’une somation d’huissier de justice à exécuter le jugement du tribunal administratif du 11 juin 2009, que l’acceptation par le salarié de cet emploi permettait à l’employeur de le sortir des effectifs de la société Schneider Automation que l’employeur ait proposé en 2011 le poste de support analyst après le renouvellement des instances représentatives du personnel de sorte que M. [W] ne puisse être réintégré dans ses fonctions de représentant syndical CFTC au comité d’établissement, que l’employeur l’ait laissé sanas activité professionnelle alors qu’il n’avait pas refusé le poste de support analyst et que l’employeur ait attendu l’année 2017 pour lui proposer d’autres emplois sans accompagnement adapté à la situation professionnelle dégradée de l’intéressé et qui ne lui permettaient pas d’exercer les mandats de conseiller prud’homme et de défenseur syndical CFTC acquis après les élections professionnelles de 2015 sont autant d’éléments permettant d’établir que

que l’absence continue d’efforts sérieux de l’employeur pour réintégrer le salarié au sein de la société SEF ne repose pas, eu égard à l’expérience professionnelle et à la formation de M . [E] [W] , sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il existe donc un lien entre l’appartenance syndicale de M. [E] [W] et la demande d’autorisation de licenciement (…)’

Les mesures incriminées ont un lien direct avec l’appartenance ou l’activité syndicale de M. [E] [W].

L’ensemble des éléments ainsi produits, appréhendés dans leur ensemble, laisse supposer l’existence d’une discrimination syndicale de 2005 à fin 2016, auquel il appartient à l’employeur de répondre.

La société Schneider Electric France satisfait à cette offre de preuve en répliquant :

-le salarié a bénéficié d’une évolution de carrière depuis son entrée au sein de la société le 1er mai 1980 étant passé d’un poste de technicien plateforme intégration statut non-cadre au poste de support analyst, statut cadre II 130,

-il a bénéficié d’une protection au titre de ses mandats électifs,

-le salarié travaillait au sein de l’unité DSI, laquelle faisait partie du périmètre de l’activité informatique transférée à Capgemini,

-l’enquête de l’inspecteur du travail n’avait pas fourni d’indices permettant de retenir un lien entre les mandats de M. [E] [W] et le transfert de son contrat de travail,

-Il n’est pas inutile de préciser que s’agissant de la société Schneider Electric Industries et de ses filiales, ce projet emportait en France, le transfert du contrat de travail de 31 salariés protégés et que l’ensemble des demandes d’autorisation formulées ont été accordées soit par les inspecteurs du travail, soit par le Ministère de l’Emploi, de la Cohésion Sociale et du Logement saisi sur recours hiérarchiques.

-depuis le 1er janvier 2010 des postes ont été régulièrement proposés à M. [E] [W] : un poste de concepteur système clé en main les 9 avril et 5 mai 2010, un poste de support analysis les 24 janvier 2011, 11 février 2011, 8 et 10 mars 2011, un poste de responsable formation le 7 avril 2016, un poste IPO Business le 20 juillet 2017, un poste de IT process and applications le 14 décembre 2017,

-pour chacun des postes, il était précisé les missions, leur localisation, leur rattachement hiérarchique, leur rémunération, leur durée du travail, etc.

-Il était également indiqué que ces postes étaient en tous points conformes à ses compétences et à ses qualifications.

-s’agissant des autres postes proposés, le suivi de cycles de formation en vue de la prise de poste

était prévu,

-le salarié répondait par la négative à l’ensemble de ces propositions de postes, soit de manière expresse, soit en s’abstenant de toute réponse, son silence valant refus.

-la société lui a proposé d’intégrer les postes de responsable industrialisation et de champion des outils IF France par courrier du 6 juillet 2018, un poste de change manager le 25 avril 2019, postes refusés par le salarié,

-le 8 juin 2018, le cabinet [H] [O] conseil rendait sa note de synthèse relative à l’analyse de l’exposition aux facteurs de risques psychosociaux concernant notamment, la situation de M. [E] [W] et concluait à la nécessité d’instaurer un dispositif de dialogue oral pérenne entre les salariés et la société. aucune situation de discrimination n’était mise en exergue,

-il a été rappelé à la cour, le motif du transfert du contrat de travail, à savoir, l’externalisation du service informatique notamment de la société Schneider Automation,

le fait que l’ensemble des salariés du service informatique ont été transférés au sein de la société Capgemini, à l’exception des salariés protégés dont le transfert a été refusé,

-Il doit par ailleurs être relevé que la décision de refus du transfert par l’inspecteur du travail s’est accompagnée de trois autres décisions de refus pour Messieurs [E] [W], [S], [J], [C] mais également d’une décision d’autorisation de transfert pour M. [G] [R], lequel était pourtant placé dans une situation strictement analogue,

-l’ensemble de l’activité informatique de gestion de la société Schneider Automation a été cédée à la société Capgemini .Ainsi, lorsque M. [E] [W] a saisi le tribunal administratif de Nice pour contester l’autorisation de transfert accordée par le Ministère du travail, il savait parfaitement qu’en cas d’annulation de celle-ci, il ne pourrait pas être réintégré sur ses anciennes fonctions, celles-ci ayant été transférées au sein de la société Capgemini,

-ainsi, lorsque le transfert du contrat de travail de M. [E] [W] a été annulé, la société s’est retrouvée dans une impasse, étant matériellement dans l’impossibilité de le réintégrer sur le poste qu’il occupait antérieurement,

-pourtant, après sa réintégration, M. [E] [W] n’a cessé de revendiquer son repositionnement sur son ancien poste au sein du pôle informatique et s’est placé dans une situation de blocage en s’obstinant à refuser chacun des postes qui lui était proposés par la société au motif que ceux-ci ne correspondaient pas à leurs postes et compétences antérieures au transfert de son contrat de travail au sein de la société Capgemini.

L’employeur produit aux débats :

la note de synthèse de M. [O] sur les risques psychosociaux  :« L’année 2017 est marquée par des échanges entre les interlocuteurs hiérarchiques et RH et MM. [W], [J], et [S]. Les uns ont trait aux propositions de poste, les autres à l’enquête risques psychosociaux.

(‘)

M. [C] connaît la décision du transfert de son activité vers la fin 2017. (‘) On entend que l’entreprise agit pour maîtriser cette situation.

(‘)

L’année 2017 pour M. [S], M.[J] et M.[W] comporte plusieurs propositions de poste, qui rencontrent l’obstacle des sujets professionnels non traités et des aspects techniques comme les formations.

(‘)

Cette année est notable en termes d’actions menées par l’entreprise : mise en place de l’intervention du cabinet ELEAS, plusieurs propositions de postes dont une est modifiée pour intégrer l’une des demandes des salariés de travailler à [Localité 2].

(‘)

On observe aussi que l’entreprise conduit plusieurs actions dont la finalité de prévention est pour nous visible même si elle ne se dit pas comme telle, et dont on remarque aussi la récurrence. Ces actions sont menées par les managers et les RH BP successifs, mais sans qu’ils n’aient une influence suffisante pour les « sujets professionnels » :

-Propositions de poste, surtout sur l’année 2017, dont la dernière est mieux adaptée en termes de localisation,

-Propositions de formations, mais pas assez adaptées à la trajectoire particulière des interviewés. »

-un courrier du 9 avril 2010 de l’employeur, proposant un poste au salarié, poste basé à [Localité 5] de concepteur systèmes clé en main,

-plusieurs courriels et courriers de l’employeur des 24 janvier 2011, 11 février 2011, 8 mars 2011, 10 mars 2011, 7 avril 2016, 20 juillet 2017 proposant à M. [E] [W] des postes (support analyst à [Localité 6] avec des explications détaillées et une fiche sur l’organisation du poste, un poste au sein de l’activité information process et organization) Certaines de ces propositions de poste prennent en considération le besoin en formation du salarié. La proposition du 8 mars 2011 précise : ‘les besoins en formation seront pris en compte dans le budget et plan de formation de l’activité. Dès votre prise de poste, un entretien individuel avec votre manager, vous permettra d’exprimer et/ou de recenser les besoins en formation nécessaires pour l’accomplissement de votre activité dans les meilleures conditions’, celle du 10 mars 2011 indique :’ en tout état de cause, les besoins éventuels en formation seront pris en compte dans le budget et plan de formation de l’activité’, celle du 20 juillet 2017 énonce : ‘nous vous proposons (…) De vous faire bénéficier d’une formation en anglais, étant précisé que le choix des modalités de l’action de formation sera laissée à votre discrétion’,

-le courriel du 24 juillet 2017 du médecin du travail : ‘J’ai déjà rencontré les salariés concernés. Même si leur position me paraît délicate, je n’ai pas jugé utile de déclencher une alerte RPS les concernant’.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. [E] [W], représentant syndical de la CFTC depuis 1995, a subi des actes de discrimination syndicale commis par son employeur. L’employeur ne démontre pas suffisamment ni la raison objective pour laquelle il a été tenu de transférer M. [E] [W] au sein de la société Capgemini à la date du 28 février 2005, ni celle pour laquelle le salarié a été soumis à une relation de travail dégradée jusqu’à la fin de l’année 2016.

S’il affirme, en particulier, que l’ensemble de l’activité informatique de gestion, a été transféré à la société Capgemini, il ne verse toutefois aucun élément suffisamment sérieux démontrant qu’il ne pouvait pas reclasser en interne le salarié syndiqué et lui éviter ainsi l’externalisation dont il ne voulait pas.

La société Schneider Electric France ne verse pas suffisamment d ‘éléments aux débats pour démontrer qu’elle ne disposait pas d’une latitude pour choisir le personnel transféré.

La société Schneider Electric France affirme que rien ne peut lui être reproché durant la période d’externalisation 2005-2011 de M. [E] [W] au sein de la société Capgemini. Cependant, par courrier du 28 avril 2005 adressé au salarié, l’employeur lui indique qu’il ne transfert pas son contrat de travail à Capgemini, même si les activités auxquelles il est affecté ont bien été transférées à cette dernière.

En outre, la société Schneider Electric France ne pouvait pas manquer d’ignorer que le transfert du contrat de travail du salarié n’avait pas été autorisé par la décision de l’inspectrice du travail le 11 mars 2005, décision confirmée le 11 juin 2009 par le tribunal administratif de Nice, puis le 6 décembre 2011 par la cour administrative d’appel.

Enfin, la société Schneider Electric France avait encore des responsabilités quant à ses salariés externalisés, dont M. [E] [W] en raison de l’accord du 2 décembre 2004 relatif aux mesures sociales accompagnant le transfert de salariés.

Or, l’employeur ne verse pas suffisamment aux débats d’éléments démontrant qu’elle s’est préoccupée du devenir de M. [E] [W] durant sa période d’externalisation, alors même que celui-ci a dû accomplir des tâches disqualifiantes. Enfin, les éléments produits aux débats par l’employeur ne justifient pas suffisamment qu’il a suffisamment satisfait à son obligation de formation de M. [E] [W] au retour de l’externalisation de celui-ci à partir d’avril 2011, alors que ce dernier n’avait plus exercé son métier depuis quelques années.

L’employeur ne prouve pas que les agissements invoqués sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination sauf à compter de janvier 2017.

En effet, à compter de l’année 2017, l’expert relève : « Cette année est notable en termes d’actions menées par l’entreprise : mise en place de l’intervention du cabinet ELEAS, plusieurs propositions de postes dont une est modifiée pour intégrer l’une des demandes des salariés de travailler à [Localité 2]. » De plus, l’employeur démontre avoir proposé plusieurs postes intéressants à M. [E] [W] en 2017, certains lui ayant été précisément détaillés et certains contenant des propositions de formations. Or, le salarié les a refusés.

Les agissements de discrimination syndicale sont constitués de 2005 jusqu’à fin 2016 seulement.

Infirmant le jugement, la cour fait partiellement droit à la demande de M. [E] [W] de dire qu’il a été victime d’une discrimination illicite à raison de son activité syndicale, en précisant que la période de discrimination a duré de 2005 à la fin de l’année 2016.

2-Sur la demande de dommages-intérêts du salarié pour discrimination syndicale

Le salarié privé d’une possibilité de promotion par suite d’une discrimination peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement dans le coefficient de rémunération qu’il aurait atteint en l’absence de discrimination et il appartient au juge de rechercher à quel coefficient de rémunération la salariée serait parvenue sans la discrimination constatée.

L’évaluation du préjudice subi doit se faire au vu de la rémunération moyenne des salariés composant le panel proposé le salarié Ainsi que le soutient le salarié, ce préjudice économique est composé des pertes de rémunérations et du préjudice de retraite.

La cour d’abord étudier l’éventuel repositionnement du salarié en termes de classification professionnelle.

Le salarié réclame une indemnisation à compter de 1999 mais il résulte de ce qui précède qu’il ne présente aucun élément au titre de l’existence d’une discrimination avant 2005.

La cour retient que la période de discrimination syndicale du salarié a durée de début 2005 à fin 2016  soit durant 12 ans. Le salarié a droit à un rappel de salaires sur cette période, dans les limites de la prescription retenue, s’il démontre une perte de rémunération en lien avec la discrimination syndicale dont il a fait l’objet. Compte tenu de la prescription, ses demandes de rappels de salaires antérieurs au 27 juin 2013 sont en tout état de cause prescrites.

Il n’est pas contesté que les classifications professionnelles du salarié étaient les suivantes durant sa carrière professionnelle  :

-cadre II indice 108 en janvier 2005 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 étendue par arrêté du 27 avril 1973.avant son transfert,

-cadre III-1 coefficient 170 en dernier lieu lorsqu’il était externalisé au sein de la société Capgemini et ce en application de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987(ce dernier point étant au demeurant démontré par le courrier du 21 février 2011 de Capgemini au salarié lui notifiant cette classification professionnelle en tant qu’ingénieur principal),

-cadre II indice 108 lors de sa réintégration au sein de Schneider Electric France,

-cadre II indice 120 à ce jour.

M.[E] [W] prétend que lorsqu’il a été réintégré au sein de Schneider Electric France en avril 2011, il aurait dû bénéficier de la classification cadre III A indice 135 au lieu de la classification inférieure cadre II indice 120.

Cependant, M. [E] [W] ne démontre aucunement le bien-fondé de son affirmation. Il se contente de dire que son employeur aurait dû observer une correspondance entre les deux conventions collectives applicables, mais sans détailler les dispositions légales ou conventionnelles fondant en droit cette affirmation.

Il revient dès lors à M. [E] [W] de justifier en fait qu’il aurait dû relever de la classification réclamée lors de sa réintégration.

Aux termes de l’article 21 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, un salarié cadre position II est un : « ingénieur ou cadre qui est affecté à un poste de commandement en vue d’aider le titulaire ou qui exerce dans les domaines scientifique, technique,administratif, commercial ou de gestion des responsabilités limitées dans le cadre des missions ou des directives reçues de son supérieur hiérarchique ».

Un salarié bénéficiant d’un statut de cadre position repère III A est un : « ingénieur ou cadre exerçant des fonctions dans lesquelles il met en ‘uvre non seulement des connaissances équivalentes à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances fondamentales et une expérience étendue dans une spécialité. Ses activités sont généralement définies par son chef qui, dans certaines entreprises, peut être le chef d’entreprise lui-même. Sa place dans la hiérarchie le situe au-dessus des agents de maîtrise et des ingénieurs et cadres placés éventuellement sous son autorité ou bien comporte dans les domaines scientifique, technique, administratif, commercial ou de gestion des responsabilités exigeant une large autonomie de jugement et d’initiative dans le cadre de ses attributions. »

Or, M. [E] [W] se contente d’affirmer que son employeur aurait dû, lors de sa réintégration, observer la correspondance entre les deux conventions collectives, sans pour autant décrire concrètement quelles étaient ses missions et tâches lors de sa réintégration, ni détailler celles qui auraient dû être les siennes s’il n’avait pas été discriminé.

Il ne justifie pas suffisamment d’éléments sérieux permettant de dire qu’il relevait de la classification réclamée, à savoir « cadre III A indice 135 » lors de sa réintégration. Il n’établit pas qu’il exerçait les missions attachées à cette classification revendiquée, à savoir être un : « ingénieur ou cadre exerçant des fonctions dans lesquelles il met en ‘uvre non seulement des connaissances équivalentes à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances fondamentales et une expérience étendue dans une spécialité. »

La cour rejette la demande du salarié d’être reclassifié en cadre III A indice 135 en application de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 étendue par arrêté du 27 avril 1973.

Le salarié ne justifiant pas qu’il aurait dû être reclassifié cadre III A indice 135 à son retour au sein de Schneider Electric France, il ne peut davantage se comparer avec un panel de salariés de ladite classification, pour justifier d’une perte de salaires.

En effet, il ne compare pas sa rémunération à celle des salariés placés dans une situation identique à la sienne.

En tout état de cause, comme le fait observer l’employeur, la méthode de calcul du salarié n’est pas pertinente. La demande de dommages et intérêts correspondant à l’écart annuel qu’il aurait perdu sur 21 années est infondée. Il se compare avec des salariés ayant le statut de cadre III ‘ A indice 135 sur ces 21 années d’emploi au sein de la société Schneider Electric France.

La cour déboute le salarié de sa demande de condamnation de l’employeur à lui payer 279.686 euros représentant la perte de salaires calculée selon la méthode Clerc.

S’agissant des demandes du salarié au titre des pertes d’intéressement, de participation et de valeur des actions, le salarié est débouté de ces demandes à ce titre, celui-ci ne justifiant pas suffisamment de ses prétentions chiffrées. En tout état de cause, le document censé justifier de la méthode de calcul n’est pas exploitable de façon pertinente.

La cour confirme le jugement en ce qu’il rejette le salarié de ses demandes au titre des pertes subies durant la periode d’externalisation à hauteur de 92.646,05 euros.

Enfin, s’agissant de sa demande de condamnation de l’employeur à cotiser sur le montant de la rémunération qu’il aurait dû avoir, cette demande ne peut qu’être rejetée également. En effet, la cour n’a pas retenu de perte de salaire pour M. [E] [W], en l’absence de démonstration pertinante et exploitable de sa part.

La cour confirme le jugement également sur ce point.

3-Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral

Lorsque les faits sont constitutifs à la fois d’une discrimination et d’un harcèlement, le salarié peut prétendre à une double indemnisation à la condition toutefois que les réparations accordées concernant des préjudices distincts.

L’article L.1152-1 du code du travail dispose : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

L’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, prévoit : « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153- 4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».

Le salarié avance les éléments suivants :

-son environnement de travail était dégradé depuis une décennie ayant produit des effets délétères sur l’état de santé de M. [E] [W]. Les postes proposés sont particulièrement inadaptés mais bien plus, nous savons désormais qu’il s’agit d’une stratégie,

-en ce qui concerne plus particulièrement les propositions de poste, M. [E] [W] a toujours précisé ne pas refuser les postes en l’état. Il voulait que les préconisations de l’inspection du travail soit d’abord respectées (réaliser l’enquête risques psychosociaux pour déterminer les types de poste et formation préalables),

-aucune proposition de poste ne l’a été à l’initiative de la direction depuis sa réintégration en 2011,

-à noter que depuis l’introduction du contentieux administratif, il n’y a plus de propositions. La situation sanitaire fait que M. [E] [W] est placé en télétravail sans instructions ni contact avec un manager,

-sont rappelées les décisions administratives et le fait que l’employeur avait oeuvré pour qu’à l’issue du transfert, il ne reste plus de représentants syndicaux affiliés aux syndicats CFTC et CGT… notamment en faisant échec aux demandes de mutation sur des postes non transférés sans que cela ne repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination,

-la société Schneider Electric a demandé l’autorisation de le licencier, demande rejetée par la ministre du travail le 19 novembre 2020.

Le salarié verse aux débats les éléments matériels suivants :

-le rapport de M. [O], expert, lequel indique que « durant la période de préparation du transfert de 2003 à 2005, on entend une exposition probable à plusieurs facteurs de risques . Celui qui est prépondérant dans les évocations est le manque de justice organisationnelle(…) On entend aussi d’autres facteurs : la dégradation des relations avec les collègues de travail, l’insécurité de l’emploi et de la carrière ». Il ajoute que durant la période du transfert chez Capgemini de 2005 à 2011 «  les personnes nous ont décrit des situations dans lesquelles se repèrent des facteurs risques psychosociaux que sont l’inadéquation de la tâche à la personne, le vécu difficile du changement subi, la relation dégradée avec la hiérarchie et les collègues ». Il relève, à partir de la réintégration, une exposition probable à un manque de justice procédurale. L’expert conclut à une récurrence de plusieurs facteurs de risques psychosociaux et un manque de justice organisationnelle,

-le courrier du ministère du travail du 19 novembre 2020 adressé à M. [E] [W] lui notifiant sa décision de refus d’autorisation de son licenciement en relevant notamment : ” dès lors, la matérialité d’un refus de M. [E] [W] d’occuper les postes équivalents proposés par l’employeur qui serait susceptible de rendre impossible la poursuite de son contrat de travail et de constituer un motif de nature à justifier une autorisation de licenciement n’est pas établie, ‘

‘(…) De surcroît le fait que l’employeur n’ait proposé à M. [W] un premier emploi qu’à la suite d’une somation d’huissier de justice à exécuter le jugement du tribunal administratif du 11 juin 2009, que l’acceptation par le salarié de cet emploi permettait à l’employeur de le sortir des effectifs de la société Schneider Automation que l’employeur ait proposé en 2011 le poste de support analyst après le renouvellement des instances représentatives du personnel de sorte que M. [W] ne puisse être réintégré dans ses fonctions de représentant syndical CFTC au comité d’établissement, que l’employeur l’ait laissé sanas activité professionnelle alors qu’il n’avait pas refusé le poste de support analyst et que l’employeur ait attendu l’année 2017 pour lui proposer d’autres emplois sans accompagnement adapté à la situation professionnelle dégradée de l’intéressé et qui ne lui permettaient pas d’exercer les mandats de conseiller prud’homme et de défenseur syndical CFTC acquis après les élections professionnelles de 2015 sont autant d’éléments permettant d’établir que

que l’absence continue d’efforts sérieux de l’employeur pour réintégrer le salarié au sein de la société SEF ne repose pas, eu égard à l’expérience professionnelle et à la formation de M. [E] [W] , sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il existe donc un lien entre l’appartenance syndicale de M. [E] [W] et la demande d’autorisation de licenciement (…)

La société Schneider Electric France satisfait à cette offre de preuve en répliquant :

-M. [E] [W] tente une nouvelle fois de s’appuyer sur les conclusions de l’enquête RPS en lui faisant dire ce qu’elles ne disent pas,

-ces conclusions ne mettent nullement en avant une dégradation des conditions de travail du salarié, et encore moins une situation de harcèlement moral dans laquelle il estime ‘ tout récemment ‘ se trouver,

-les conclusions prises par M. [O] ont pour objet de formuler des recommandations pour mettre en place un dispositif de dialogue pérenne entre les parties,

-loin de révéler une situation de harcèlement moral, M. [O] a souligné les actions qui avaient été mises en ‘uvre par l’employeur afin de trouver un moyen de débloquer la situation avec M. [E] [W],

-Comme rappelé ci-avant, le rapport a justement relevé :

– les propositions de postes qui ont été transmises aux salariés,

– les actions qui avaient été mises en ‘uvre par la société.

-depuis plusieurs années, la société Schneider Electric France a réellement et de bonne foi cherché à repositionner le salarié sur des postes correspondant à ses fonctions et à son expérience,en vain compte tenu des réponses exclusivement négatives données par celui-ci.

-Il était également précisé dans chacun des courriers proposant les postes qu’un le suivi de cycles de formation en vue de la prise de poste serait mis en place.

La société Schneider Electric France verse en particulier aux débats le rapport de M. [O]. Ce dernier relève en particulier : « parmi les mesures mises en place par l’entreprise on repère l’action de traitement des divers sujets professionnels , mée en 2010 par la responsable RH, mais sans aboutir de manière satisfaisante pour les personnes de part et d’autre. (‘) l’année 2017 pour M. [S] (‘) comporte plusieurs propositions de postes, qui rencontrent l’obstacle des sujets professionnels non traités et des aspects techniques comme les formations, ainsi que la réapparition du risque liée au changement professionnel non maîtrisé qui est cette fois éprouvé à partir de propositions de postes. Cette année est notable en termes d’actions menées par l’entreprise : mise en place de l’intervention du cabinet Eleas, plusieurs propositions de poste dont une est modifiée pour intégrer l’une des demandes des salariés de travailler à [Localité 2] (…) »

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le salarié a subi des conditions de travail dégradées entre 2003 et 2017. Il a été confronté à une externalisation stressante pendant plusieurs années et à été affecté à des tâches professionnelles inadéquates.

L’employeur ne parvient pas de façon pertinente à prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Ceux-ci constituent des agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour effet d’altérer la santé physique et mentale de M. [E] [W] et de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, et de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral ainsi caractérisé ouvre droit à indemnisation du préjudice moral occasionné à hauteur d’une somme de 30.000 euros à laquelle il convient de condamner la société Schneider Eletric France par voie d’infirmation du jugement déféré.

Sur les intérêts

Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Schneider Eletric France sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 3.000 euros.

La société Schneider Eletric France est déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

-confirme le jugement en ce qu’il a :

-débouté M. [E] [W] de sa demande d’être reclassifé en cadre III A indice 135 en application de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 étendue par arrêté du 27 avril 1973,

-débouté M. [E] [W] de ses demandes de condamnation de l’employeur à lui payer 279.686 euros représentant la perte de salaires calculée selon la méthode Clerc, de ses demandes au titre des pertes subies durant la période d’externalisation et de condamnation de l’employeur à cotiser sur le montant de la rémunération qu’il aurait dû avoir,

-infirme le jugement en toutes ses autres dispositions soumises à la cour et statuant à nouveau,

-rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action,

-condamne la société Schneider Electric France à payer la somme de 30 000 euros à M. [E] [W] de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

-dit que M. [E] [W] a été victime d’une discrimination illicite à raison de son activité syndicale de 2005 jusqu’à la fin de l’année 2016,

-dit que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

-ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

-condamne la société Schneider Electric France aux dépens,

-condamne la société Schneider Eletric France à payer une somme de 3 000 euros à M. [E] [W] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-déboute la société Schneider Electric France de sa demande d’indemnité de procédure en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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