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23 mars 2023
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
21/02336
VC/DL
ARRET N° 137
N° RG 21/02336
N° Portalis DBV5-V-B7F-GKWX
[K]
C/
Société MACIF
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 23 MARS 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 juillet 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de NIORT
APPELANT :
Monsieur [Z] [K]
né le 06 mai 1973 à LA ROCHELLE (17)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me François GOMBAUD, de la SCP GOMBAUD COMBEAU COUTAND, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT, substitué par Me Matthieu COUTAND de la SCP GOMBAUD COMBEAU COUTAND, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMÉE :
Société MACIF
N° SIRET : 781 452 511
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS, avocat postulant, et
Me Nicolas CHAVRIER de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 24 janvier 2023, en audience publique, devant :
Madame Valérie COLLET, Conseillère
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseillère
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Damien LEYMONIS
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente en remplacement de Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, légitimement empêché et par Monsieur Damien LEYMONIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant contrat de travail à durée déterminée du 3 janvier 2005, la MACIF a employé M. [Z] [K] en qualité d’aide gestionnaire d’assurance avec une durée hebdomadaire du travail fixée à 31h30 en moyenne répartie sur 5 jours. La relation contractuelle s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2006.
Par avenant du 7 octobre 2010, M. [K] a été promu, à compter du 1er juillet 2010, en qualité de gestionnaire expert d’assurance au service sinistres corporels.
Jusqu’au 1er janvier 2019, la durée collective du travail était au sein de la MACIF fixée, par l’accord collectif du 21 décembre 2016, à 31h30 par semaine, avec une période transitoire de 3 ans. Cette durée hebdomadaire du travail a été répartie sur 4 jours par semaine pour M. [K] en raison de ses difficultés de santé.
Plusieurs accords collectifs sont intervenus en 2018 pour notamment fixer à compter du 1er janvier 2019 la durée collective du temps de travail de tous les salariés de la MACIF à 35h par semaine.
Le 11 octobre 2018, la MACIF s’est rapprochée, par mail, de M. [K] afin de lui proposer diverses modalités d’organisation de son temps de travail à compter du 1er janvier 2019.
Par courrier du 25 novembre 2018, M. [K] a indiqué que pendant la période transitoire débutant le 1er janvier 2019, il devait bénéficier du maintien de sa durée hebdomadaire de travail à hauteur de 31h30 répartie sur 4 jours.
Le 11 janvier 2019, le médecin du travail a indiqué à la MACIF que l’état de santé de M. [K] exigeait une continuité des soins, rappelant l’importance d’une journée libre chaque semaine fixée le vendredi.
Par requête du 9 janvier 2020, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Niort afin notamment de dire qu’en application de l’accord collectif du 29 mars 2018 et durant la période transitoire allant du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021, son temps de travail effectif est de 31h30 et que ce temps doit être réparti, conformément aux préconisations du médecin du travail sur 4 jours du lundi au jeudi chaque semaine.
Dans ses dernières conclusions, M. [K] a demandé au conseil de prud’hommes, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
– reconnaître sa compétence,
– dire qu’en application de l’article 2.2.1 du chapitre II de l’accord collectif du 29 mars 2018 et durant la période allant du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021, son temps de travail effectif hebdomadaire est de 32h40,
– dire que ce temps de travail doit être réparti selon les préconisations du médecin du travail sur 4 jours consécutifs du lundi au jeudi,
– dire que les lundis, mardis et mercredis seront effectués en télétravail et les jeudis en présentiel,
– dire qu’à compter du 1er janvier 2022, en application de l’accord collectif du 29 mars 2018, son temps de travail effectif hebdomadaire est de 35h,
– dire que ce temps de travail sera réparti sur 4 jours consécutifs, les lundis, mardis et mercredis en télétravail et les jeudis en présentiel,
– dire que la MACIF devra lui remettre sous astreinte des bulletins de salaire rectifiés reprenant son ancienneté au 3 janvier 2005 sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un mois après la notification de la décision à intervenir,
– condamner la MACIF à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par jugement du 30 juillet 2021, le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent matériellement pour connaître du litige et a renvoyé l’affaire devant le tribunal judiciaire de Niort, condamnant M. [K] aux dépens.
Le 9 août 2021, M. [K] a interjeté appel du jugement et a présenté une requête afin d’être autorisé à assigner à jour fixe.
Par acte du 17 août 2021, M. [K] a fait assigner la MACIF à l’audience du 13 octobre 2021, suivant ordonnance d’autorisation délivrée le 9 août 2021. Un renvoi a été ordonné à la demande des parties à l’audience du 12 janvier 2022, puis au 11 mai 2022, puis au 13 septembre 2022 et enfin au 24 janvier 2023. A cette date, les parties ont repris oralement leurs conclusions transmises le 1er septembre 2021 par M. [K] et le 6 octobre 2021 pour la MACIF par RPVA, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens.
M. [K], représenté par son avocat, demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et de renvoyer l’affaire au conseil de prud’hommes de Niort afin qu’il soit statué au fond. Il demande également la condamnation de la MACIF à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Il soutient pour l’essentiel que le présent litige est individuel, qu’il agit seul et qu’il n’a pas vocation à représenter l’ensemble des salariés de la MACIF ni une partie de ceux-ci. Il affirme qu’il ne revendique pas l’application générale d’un accord collectif mais qu’il présente des demandes purement personnelles et individualisées puisqu’il est notamment renvoyé aux préconisations du médecin du travail. Il précise que compte tenu de l’évolution de la relation contractuelle, il fonde désormais ses demandes uniquement à partir des préconisations du médecin du travail qui ne concernent que lui de sorte qu’il n’y a pas lieu à la moindre interprétation de l’accord collectif.
La MACIF, représentée par son avocat, demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de débouter M. [K] de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle soutient que M. [K] souhaite voir une juridiction fixer sa durée hebdomadaire du travail à hauteur de 31h30 voire 32h40 en dehors du cadre du temps partiel, en application d’un accord collectif.
Elle estime que la demande de M. [K], en dehors du fait qu’elle est erronée, n’est pas individuelle mais correspond à une demande collective car il s’agirait de dire que l’accord transitoire a institué une durée du travail collective de 31h30 ou de 32h40. Elle considère que seul le tribunal judiciaire est compétent pour traiter du différend à dimension collective relatif à l’application des dispositions conventionnelles au sein de la MACIF.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 23 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article L.1411-1 du code du travail : ‘Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient’.
Cet article combiné à l’article L.1411-4 du même code attribue au conseil de prud’hommes une compétence exclusive en matière de différends nés entre employeur et salarié à l’occasion d’un contrat de travail. Seuls les litiges individuels relèvent de la compétence du conseil de prud’hommes, à l’exclusion de tout différend collectif. La juridiction prud’homale est ainsi compétente dès lors que le différend implique un droit ou un intérêt individuel en lien avec le contrat de travail.
En l’espèce, la première demande formulée par M. [K] devant le conseil de prud’hommes est de ‘dire qu’en application de l’article 2.2.1 du chapitre II de l’accord collectif du 29 mars 2018 et durant la période allant du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021, son temps de travail effectif hebdomadaire est de 32h40’.
M. [K] demande ainsi l’application interprétée de l’accord collectif du 29 mars 2018 en sollicitant qu’il soit dit que la durée hebdomadaire du travail – pour les salariés, dont il fait partie, ayant opté pour une compensation de l’augmentation à 35h par semaine par l’octroi de 22 jours de repos compensateur – n’est pas de 35h mais de 32h40. Or, une telle prétention ne concerne pas que M. [K] mais l’ensemble des salariés ayant opté, pendant la période transitoire, non pour la compensation financière, mais pour les jours de repos compensateur de sorte que le litige présente une dimension collective. C’est donc à juste titre que les premiers juges se sont déclarés incompétents matériellement pour connaître de cette prétention et en ont renvoyé l’examen devant le tribunal judiciaire de Niort.
En revanche, les autres demandes de M. [K] relatives à l’organisation de son propre temps de travail (organisation du temps de travail sur 4 jours dont 3 jours en télétravail et un en présentiel), que ce soit pendant la période transitoire ou à compter du 1er janvier 2022, sont d’ordre purement individuel dès lors qu’elles sont uniquement en rapport avec les préconisations du médecin du travail. Le conseil de prud’hommes ne pouvait donc se déclarer incompétent matériellement pour en connaître. Il convient donc de déclarer cette juridiction compétente et de lui renvoyer le dossier pour qu’elle statue dessus lorsque le tribunal judiciaire se sera prononcé sur la demande relative à la durée hebdomadaire du travail pendant la période transitoire.
Enfin, M. [K] a présenté une demande au conseil de prud’hommes tendant à obtenir la production par son employeur de bulletins de salaire rectifiés sur son ancienneté. Cette prétention qui ne concerne que le salarié et son employeur relève de la compétence d’attribution du conseil de prud’hommes.
C’est donc à tort que les premiers juges se sont déclarés incompétents pour connaître de cette question.
M. [K] qui succombe pour partie est condamné aux dépens d’appel venant s’ajouter aux dépens de première instance. Enfin, il n’est pas inéquitable de laisser supporter à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles de sorte qu’elles sont déboutées de leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement rendu le 30 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Niort en ce qu’il :
– s’est déclaré incompétent pour connaître de la prétention formulée par M. [Z] [K] de ‘dire qu’en application de l’article 2.2.1 du chapitre II de l’accord collectif du 29 mars 2018 et durant la période allant du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021, son temps de travail effectif hebdomadaire est de 32h40’ au profit du tribunal judiciaire de Niort,
– condamné M. [Z] [K] aux dépens,
Infirme le jugement rendu le 30 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Niort en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes de M. [Z] [K] de :
– dire que, pendant la période transitoire du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021, le temps de travail doit être réparti selon les préconisations du médecin du travail sur 4 jours consécutifs du lundi au jeudi,
– dire que les lundis, mardis et mercredis seront effectués en télétravail et les jeudis en présentiel,
– dire qu’à compter du 1er janvier 2022, en application de l’accord collectif du 29 mars 2018, son temps de travail effectif hebdomadaire est de 35h,
– dire que ce temps de travail sera réparti sur 4 jours consécutifs, les lundis, mardis et mercredis en télétravail et les jeudis en présentiel,
– dire que la MACIF devra lui remettre sous astreinte des bulletins de salaire rectifiés reprenant son ancienneté au 3 janvier 2005 sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un mois après la notification de la décision à intervenir,
Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés,
Déclare le conseil de prud’hommes de Niort compétent matériellement pour connaître des demandes suivantes présentées par M. [Z] [K] :
– dire que, pendant la période transitoire du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021, le temps de travail doit être réparti selon les préconisations du médecin du travail sur 4 jours consécutifs du lundi au jeudi,
– dire que les lundis, mardis et mercredis seront effectués en télétravail et les jeudis en présentiel,
– dire qu’à compter du 1er janvier 2022, en application de l’accord collectif du 29 mars 2018, son temps de travail effectif hebdomadaire est de 35h,
– dire que ce temps de travail sera réparti sur 4 jours consécutifs, les lundis, mardis et mercredis en télétravail et les jeudis en présentiel,
– dire que la MACIF devra lui remettre sous astreinte des bulletins de salaire rectifiés reprenant son ancienneté au 3 janvier 2005 sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un mois après la notification de la décision à intervenir,
Renvoie le dossier devant le conseil de prud’hommes de Niort pour qu’il soit statué au fond sur les demandes de M. [Z] [K] qui ne relèvent pas de la compétence du Tribunal Judiciaire de Niort,
Renvoie le dossier devant le tribunal judiciaire de Niort pour qu’il soit statué sur la demande de M. [Z] [K] de ‘dire qu’en application de l’article 2.2.1 du chapitre II de l’accord collectif du 29 mars 2018 et durant la période allant du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021, son temps de travail effectif hebdomadaire est de 32h40’,
Y ajoutant,
Déboute M. [Z] [K] et la MACIF de leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [Z] [K] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
D.LEYMONIS M-H.DIXIMIER