Your cart is currently empty!
23 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/01584
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 MARS 2023
N° RG 21/01584 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UQ6L
AFFAIRE :
[C] [L] épouse [N]
C/
S.A.S. GLAXOSMITHKLINE SANTE GRAND PUBLIC
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Avril 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : Encadrement
N° RG : F18/01495
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Frédéric BENOIST
Me Christophe DEBRAY
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [C] [L] épouse [N]
née le 15 Novembre 1966 à LIVRY GARGAN (93190)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Frédéric BENOIST, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0001
APPELANTE
****************
S.A.S. GLAXOSMITHKLINE SANTE GRAND PUBLIC
N° SIRET : 672 012 580
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Adeline LARVARON de la SELARL LUSIS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0081 – Représentant : Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Madame Régine CAPRA, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,
Greffier en pré-affectation lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI
Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er décembre 2006, Madame [C] [N] a été embauchée à compter du 18 décembre 2006 par la société GlaxoSmithKline Santé Grand Public (GSK SGP) en qualité de directeur enseigne Europe. Selon avenant conclu le 4 février 2016, elle est devenue directeur category management & shopper marketing puis un avenant du 6 juillet 2017 a prévu de la soumettre à un forfait annuel en jours de 204 jours et a porté sa rémunération brute mensuelle fixe à 7564,32 euros.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de l’industrie pharmaceutique.
Par courrier du 28 décembre 2017, la société GSK a convoqué la salariée à un entretien préalable à licenciement auquel elle ne s’est pas présentée le 12 janvier 2018, puis, par courrier du 12 janvier 2018, elle a été convoquée à un second entretien préalable fixé au 23 janvier suivant, auquel elle ne s’est pas non plus présentée. Par lettre recommandée avec avis de réception du 26 janvier 2018, la société lui a notifié son licenciement pour nécessité de remplacement définitif du fait de ses absences perturbant son fonctionnement et nécessitant son remplacement définitif.
Par requête reçue au greffe le 15 juin 2018, Madame [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin de contester la légitimité de son licenciement et d’obtenir le versement de diverse sommes.
Par jugement du 23 avril 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Nanterre a :
Fixé le salaire de Madame [N] à 12 672 euros brut ;
Dit et jugé que le licenciement de Madame [N] reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
Dit et jugé que la SAS Glaxosmithkline (GSK) avait manqué à son obligation de sécurité vis-à-vis de Madame [N] ;
Condamné la SAS Glaxosmithkline (GSK) à verser à Madame [N] les sommes suivante:
– 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement par la société GSK à son obligation de sécurité ;
– 25 000 euros au titre de la nullité du forfait jour ;
– 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonné l’exécution provisoire sur la totalité du jugement ;
Débouté Madame [N] du surplus de ses demandes ;
Débouté la SAS Glaxosmithkline (GSK)de sa demande reconventionnelle ;
Condamné la SAS Glaxosmithkline (GSK) aux entiers dépens.
Par déclaration au greffe du 27 mai 2021, Madame [N] a relevé appel de ce jugement.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 11 février 2022 auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la salariée demande à la cour de :
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que la SAS Glaxosmithkline (GSK) a manqué à son obligation de sécurité vis-à-vis de Madame [N] ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SAS Glaxosmithkline (GSK) à la somme de 25 000 euros au titre de la nullité du forfait jour ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SAS Glaxosmithkline (GSK) à la somme de 1200 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– infirmer le jugement s’agissant du quantum des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité fixés par la juridiction prud’homale à la somme de 25 000 euros ;
– infirmer le jugement pour le surplus et,
statuant à nouveau,
– prononcer la nullité de son licenciement ;
en conséquence,
– condamner la société GSK à lui payer la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
subsidiairement,
– condamner la société GSK à lui payer la somme de 128 074,76 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
en tous les cas,
– indemnité compensatrice de préavis 34 929,48 euros ;
– congés payés afférents 3 429,94 euros ;
– dommages et intérêts pour violation de son obligation de sécurité de résultat 100 000 euros ;
– rappel de salaire au titre des heures supplémentaires 126 314,95 euros ;
– congés payés afférents 12 631,50 euros ;
– rappel de salaire au titre des repos compensateurs 45 238,52 euros ;
– congés payés afférents 4523,85 euros ;
– indemnité au titre de la dissimulation d’emploi salarié 69 858,96 euros ;
– dire que l’ensemble des sommes ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de Nanterre ;
y ajoutant,
– condamne la société GSK à lui payer la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers d’instance de première instance et d’appel.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 12 janvier 2022 auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la société GSK SGP demande à la cour de :
” Il est demandé à la cour d’appel de Versailles de faire droit à l’appel incident de la concluante ” :
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– fixé le salaire de Madame [N] à 12 672 euros bruts ;
– dit et jugé que la société GSK a manqué à son obligation de sécurité vis-à-vis de Madame [N] ;
– condamné la société GSK au versement des sommes suivantes :
25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement par la société GSK à son obligation de sécurité ;
25 000 euros au titre de la nullité du forfait jour ;
1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la société GSK de sa demande reconventionnelle et la condamnée aux entiers dépens.
confirmer les autres dispositions du jugement rendu par le conseil de prudhommes de Nanterre du 23 avril 2021 en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement de Madame [N] repose sur une cause réelle et sérieuse et débouté l’appelante du surplus de ses demandes ;
en conséquence, statuant à nouveau
à titre principal :
– juger que le licenciement de Madame [N] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
– juger que la société GSK SGP n’a commis aucun manquement à l’égard de Madame [N], dont le contrat de travail a été exécuté de bonne foi ;
– juger que la convention de forfait jour applicable à Madame [N] est parfaitement valable ;
– juger qu’aucune heure supplémentaire n’est due à Madame [N] ;
– juger que la société GSK SGP n’a eu aucune intention de dissimuler l’emploi salarié de Madame [N] ;
– juger l’absence de tout préjudice subi par Madame [N] qui nécessiterait réparation ;
en conséquence,
– débouter Madame [N] de l’intégralité des demandes formulées dans le cadre de la présente instance ;
à titre subsidiaire uniquement :
si par extraordinaire la cour venait à considérer que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– juger que les demandes de Madame [N] sont manifestement excessives ;
– juger que le salaire mensuel de référence de Madame [N] s’élève à 8985,3 euros bruts mensuels,
en conséquence,
– limiter le cas échéant la somme attribuée à titre d’indemnité compensatrice de préavis à 26955,9 euros bruts et celle à titre d’indemnité compensatrice de congés payés à 2695,59 euros bruts ;
– limiter le cas échéant le montant des dommages et intérêts alloués à Madame [N] au titre de la rupture de son contrat à 3 mois de salaire, soit 26 955,90 euros bruts ;
– juger que les sommes allouées ne porteront pas intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société de la convocation devant le Bureau de conciliation ;
en tout état de cause :
– débouter Madame [N] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;
– condamner Madame [N] à la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner Madame [N] aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 12 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes relatives au forfait en jours et aux heures supplémentaires
La salariée, qui soutient que la convention de forfait en jours à laquelle elle était soumise, est privée d’effet faute d’entretien de suivi de sa charge de travail, sollicite la confirmation du jugement entrepris quant à l’octroi de dommages et intérêts au titre de la nullité du forfait.
L’employeur excipe de la validité de la convention écrite de forfait en jours en ce qu’elle a été conclue en application d’un accord d’entreprise du 21 juin 2017 conforme aux dispositions légales notamment quant au suivi de la charge de travail du salarié. Il fait valoir que la salariée ne s’est jamais plaint d’une surcharge de travail et que celle-ci effectuait des points réguliers avec son supérieur hiérarchique au cours d’un entretien de mi-année, d’un entretien de fin d’année et d’entretiens hebdomadaires devenus bi hebdomadaires au dernier état de la relation contractuelle.
En application de l’avenant conclu le 6 juillet 2017 conformément à l’accord d’entreprise sur la durée du travail, l’aménagement et l’organisation du temps de travail du 21 juin 2017, la salariée était soumise à un forfait en jours de 204 jours travaillés par an par année complète d’activité, journée de solidarité comprise.
Conformément aux 1° et 2° du II de l’article L. 3121-64 du code du travail, dans sa version alors en vigueur, cet accord d’entreprise détermine les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié, ainsi que les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise. Il y est en effet précisé, notamment, qu’a minima chaque semestre un entretien doit être organisé avec le supérieur hiérarchique afin de faire un point relatif à l’organisation du travail, la charge de travail, ainsi que les amplitudes de travail réalisées par le salarié, afin que le responsable puisse s’assurer que la charge générale du salarié est cohérente au regard du forfait, qu’un document de suivi est disponible ” en Annexe “, et qu’en complément de cet entretien et conformément aux dispositions de l’article L. 3121-65 du code du travail, un entretien individuel sera organisé avec chaque salarié concerné afin de faire le point avec lui sur sa charge de travail, son organisation du travail au sein de l’entreprise, l’amplitude de ses journées de travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, sa rémunération.
La convention de forfait conclu entre les parties prévoit qu’un entretien doit être organisé a minima chaque semestre entre la salariée et son responsable à l’occasion duquel il doit être fait un point relatif à l’organisation du travail, la charge de travail, ainsi qu’aux amplitude de travail, afin que le responsable puisse s’assurer que la charge générale de la salariée est cohérente au regard du forfait. Il y est précisé, en outre, qu’afin d’assurer le suivi de la charge de travail de la salariée, un bilan formel doit être notamment fait avec elle lors d’un entretien annuel au cours duquel il sera procédé à un examen de sa charge de travail et de son adéquation au regard du nombre de jours travaillés, de l’organisation de son travail dans l’entreprise, de l’articulation entre ses activités professionnelles et sa vie personnelle et familiale, de l’amplitude de ses journées de travail ainsi que de sa rémunération.
Si l’accord collectif institue un suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, l’employeur ne justifie pas de la tenue effective de tels entretiens ni de leur contenu, et s’il est prévu par l’accord collectif que la salariée pouvait à tout moment en cours d’année solliciter un entretien avec son supérieur hiérarchique ou la direction des ressources humaines dans le cadre d’une alerte en cas de difficulté à organiser son emploi du temps dans le cadre de la convention de forfait, ou à maîtriser le volume du temps consacré à son activité professionnelle, et ce, afin de trouver une solution opérationnelle, ce droit reconnu au salarié est prévu ” En tout état de cause ” et ne saurait dispenser l’employeur de la mise en ‘uvre de ses obligations conventionnelles en matière de suivi de la charge de travail du salarié soumis au forfait en jours sur l’année.
En conséquence, la convention de forfait en jours n’est pas nulle mais privée d’effet.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il alloue à la salariée des dommages et intérêts au titre de la nullité du forfait jours, la demande formée de ce chef étant en voie de rejet.
En conséquence, la salariée est soumise aux règles de droit commun sur la durée du travail.
A ce titre, elle sollicite le paiement d’heures supplémentaires. Elle produit aux débats des décomptes établis sous forme de tableaux ” excel ” mentionnant, pour chaque semaine travaillée de la semaine 22 de l’année 2015 (du 25 au 31 mai) à la semaine 39 de l’année 2017 (du 25 septembre au 1er octobre), les heures qu’elle estime avoir effectuées, les heures supplémentaires ainsi accomplies au-delà de 35 heures hebdomadaires en distinguant celles majorées à 25% et 50%, ainsi que des horaires quotidiens débutant à 8h30 et se terminant entre 19 heures et 20 heures, et la description de tâches réalisées. Elle complète ces décomptes par une cinquantaine de mails professionnels reçus ou envoyés en 2016 et 2017, essentiellement au cours de l’année 2016, parfois avant 8h30 et le plus souvent au-delà de 21 heures voire au-delà de 23 heures, relatifs majoritairement à des échanges sur des travaux spécifiques en lien avec ses missions. Ses calculs sont également détaillés au sein de ces mêmes tableaux en considérant l’accomplissement d’heures supplémentaires hebdomadaires allant de 38 heures à 65 heures.
L’employeur réplique que la salariée n’apporte pas la preuve des heures supplémentaires qu’elle prétend avoir effectuées au moyen d’un tableau informatique qu’elle a elle-même créé, ne justifie pas du détail de ses calculs, n’a pas réclamé le paiement d’heures supplémentaires durant l’exécution de son contrat de travail ni contesté son solde de tout compte dans les six mois.
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Les éléments précités présentés par la salariée sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle estime avoir accomplies.
L’employeur, tenu d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées, ne justifie pas des horaires effectivement réalisés par la salariée et ne contredit pas sérieusement ces éléments.
En conséquence, la salariée a droit au paiement d’un rappel de salaire pour les heures non payées accomplies au-delà de 35 heures par semaine, avec les majorations légales de 25% et 50 %, peu important l’absence de réclamation à ce sujet au cours de la relation de travail.
Au vu des calculs effectués par la salariée, que l’employeur ne contredit pas utilement et auxquels celui-ci n’oppose pas de contre-chiffrage, le jugement entrepris sera également infirmé sur ce chef et l’employeur sera condamné à payer à la salariée la somme de 126 314,95 euros bruts au titre d’un rappel de salaire outre 12 631,50 euros bruts de congés payés afférents.
Sur les contreparties obligatoires en repos
Se référant à ses tableaux et calculs, la salariée sollicite le paiement de 100% des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel de 220 heures, soit 209 heures en 2015, 525 heures en 2016 et 46 heures en 2017, quand l’employeur objecte qu’aucune heure supplémentaire n’est due et que ses calculs ne sont pas détaillés.
Selon l’article L. 3121-11 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. A défaut d’accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.
Selon l’article D. 3121-14-1 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n°2008-1132 du 4 novembre 2008, en l’absence d’accord collectif, le contingent annuel d’heures supplémentaires prévu à l’article L. 3121-11 est fixé à 220 heures par salarié.
En l’espèce, le contingent applicable est le contingent réglementaire de 220 heures faute de dispositions conventionnelles contraires.
La salariée, qui n’a pas été mesure du fait de son employeur de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l’indemnisation du préjudice subi qui comporte à la fois le montant de l’indemnité calculée comme si la salariée avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.
Compte tenu de l’application du contingent d’heures supplémentaires légal de 220 heures par an, la contre partie obligatoire en repos étant de 100 %, et la salariée ayant effectué, au-delà de ce contingent, les heures supplémentaires qu’elle revendique pour les trois années concernées, telles que celles-ci ressortent en effet de ses calculs qui ne souffrent d’aucune lacune et qui ne sont pas utilement contredits, il est dû à celle-ci à ce titre la somme totale de 45 238,52 euros bruts outre 4523,85 euros bruts de congés payés afférents. L’employeur sera donc condamné au paiement de ces sommes, le jugement étant infirmé sur ce point.
Sur le travail dissimulé
La salariée réclame le paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé en application des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail en ce que l’employeur a intentionnellement violé la loi en la soumettant à un forfait en jours qu’il savait ne pas pouvoir s’appliquer et n’a pas mentionné sur les bulletins de paie des heures supplémentaires dont l’accomplissement ne pouvait être ignoré de celui-ci.
L’employeur réplique que le non-paiement, et le défaut de mention sur les bulletins de paie, de l’intégralité des heures de travail effectuées, ne suffisent pas à établir l’intention de dissimuler du travail, ajoutant n’avoir pas été animé d’une telle volonté et contestant le salaire mensuel de référence retenu par la salariée en ce que celui-ci intègre des heures supplémentaires qu’il considère ne pas être dues.
L’article L.8221-5 du Code du travail dispose qu’est ” réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : [‘]de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli’ “.
Dès lors que l’employeur n’ignorait pas la réalisation répétée d’heures supplémentaires demeurées impayées qui ne résultait que de ses décisions en matière d’organisation du travail, la mention d’un nombre très élevé d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, jusqu’à 745 heures supplémentaires durant l’année 2016, sur une période suffisamment longue pour ne pas lui avoir échappé, caractérise la dissimulation d’emploi.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande de la salariée au titre du travail dissimulé dans son principe et son quantum dont le calcul tient compte à juste titre des montants relatifs aux heures supplémentaires en application de l’article L. 8223-1 du code du travail.
L’employeur sera ainsi condamné à payer à la salariée une indemnité forfaitaire d’un montant de 69858,96 euros nets de ce chef, le jugement étant infirmé.
Sur l’obligation de sécurité
Au visa de l’article L. 4121-1 du code du travail, la salariée invoque le non-respect par l’employeur de son obligation de sécurité en ce que celui-ci n’a pris aucune mesure quand il la savait confrontée à une équipe en sous-effectif chronique générant une surcharge de travail très importante, surcharge de travail dont elle l’a alerté par courriels, ce constat étant partagé selon elle par son supérieur hiérarchique. Elle fait valoir, en outre, la réalisation de tâches au cours de ses congés ainsi que des amplitudes horaires importantes. Elle ajoute que les éléments médicaux qu’elle produit aux débats attestent de la dégradation de son état de santé en lien avec ses conditions de travail au point qu’elle a été reconnu travailleur handicapé.
L’employeur fait valoir que : les difficultés dont se plaint la salariée n’ont pas été portées à sa connaissance ; celle-ci n’a évoqué une situation de burn-out professionnel qu’à compter de son courrier du 5 janvier 2018 en réponse à sa convocation à un entretien préalable à licenciement ; les arrêts de travail ne faisaient pas état de tels éléments ; les pièces médicales produites par la salariée ont été établies par des médecins n’étant pas autorisés à faire le lien entre l’état de santé de celle-ci et ses conditions de travail ; la médecine du travail n’a pas fait ce lien, n’a jamais évoqué une dégradation des conditions de travail ni une surcharge de travail, et l’a déclarée apte à la reprise en juin 2017, les journées de télétravail préconisés lui ayant permis d’organiser différemment son activité ; le sous-effectif allégué est contredit par des recrutements, ce dont atteste son supérieur hiérarchique; des outils de prévention du stress au travail et des risques psychosociaux ont été mis en place au bénéfice de ses salariés ; la salariée n’a pas mis en ‘uvre les dispositifs et n’a pas sollicité l’entretien prévu, en tout état de cause, par l’accord d’entreprise sur la durée du travail.
Il résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
L’employeur ne justifie pas d’avoir fait bénéficier la salariée d’entretiens portant sur sa charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle. Plus généralement, il n’apporte pas la preuve d’actions concrètes de nature à garantir une amplitude et une charge de travail raisonnables, et une bonne répartition du travail dans le temps et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé de la salariée. Apparaissent insuffisants à cet égard, considérés ensembles, d’une part, faute de justifier de la mise en place concrète de mesures, notamment de dispositifs réels et accessibles, au-delà de l’énonciation de simples constats et de la fixation d’objectifs, ni des guides des bonnes pratiques, notamment sur le droit à la déconnexion, l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, le rythme de travail raisonnable et une possibilité d’alerte, ni un accord du 8 février 2011 sur la prévention des risques psychosociaux au sein des sociétés de l’Ues Gsk qui essentiellement identifie des facteurs et situations de stress au travail, définit le harcèlement au travail, prévoit l’envoi d’un questionnaire aux collaborateurs et la formation du personnel à la prévention de tels risques, d’autre part, la possibilité pour tout salarié de solliciter un entretien avec son supérieur hiérarchique ou la direction des ressources humaines sur des difficultés à organiser son emploi du temps dans le cadre de la convention de forfait en jours ou à maîtriser le volume du temps consacré à son activité professionnelle.
Or, l’examen du nombre, évocateur, de mails professionnels envoyés par la salariée, plus particulièrement au cours de l’année 2016, souvent à des heures très tardives, comme le nombre très élevé d’heures de travail accomplies chaque semaine travaillée au cours des années 2015 à 2017, plus spécifiquement en 2016, démontrent des amplitudes horaires déraisonnables sur des périodes significatives que l’employeur ne pouvait ignorer et que rendaient nécessaires une charge de travail excessive qui la contraignait à prioriser ses tâches, à travailler le week-end et durant ses congés, notamment pour exécuter des tâches dont elle soulignait, sans être infirmée, la complexité, la nécessaire durée et la particulière exigence en termes de concentration, devant également répondre aux sollicitations de son supérieur hiérarchique, notamment par mail du 23 mai 2016 aux environs de 23 heures, toutes situations de travail l’amenant à solliciter plus de ” home office “, organisation du travail qui ne pouvait suffire à pallier la carence de l’employeur en cette matière dès lors, notamment, qu’elle était amenée à finir ses journées de travail à des heures très tardives, jusqu’à une heure le 7 décembre 2016 suivant le contenu du mail de son supérieur hiérarchique lui proposant de finir ” cette journée de home office, vu l’heure “, celui-ci ajoutant : ” Repose toi ! “, ce supérieur hiérarchique ayant manifestement une connaissance précise de la charge de travail excessive et des amplitudes de travail déraisonnables auxquelles était soumise la salariée, ce qui permet par ailleurs de relativiser la pertinence et l’efficacité de l’entretien avec le supérieur hiérarchique envisagé par l’accord précité au regard de la prévention des risques psychosociaux.
Au surplus, l’évaluation des performances de la salariée en fin d’année 2016, dont le caractère particulièrement élogieux est en cohérence avec le contenu de mails envoyés par son supérieur hiérarchique se montrant satisfait du travail qu’elle réalisait et de la réactivité dont elle faisait preuve, révèle, outre l’étendue et la complexité de ses missions réalisées avec succès, ses attentes en matière d’effectif au sein de son équipe qu’elle considérait ne pas correspondre à l’effectif théorique sur l’ensemble de l’année, constat qui n’a pas été démenti et que l’employeur ne justifie pas être en contradiction avec l’organisation concrète qu’il a mise en place sur la même période.
Par ailleurs, si le ” Surmenage au travail. Eléments dépressifs ” mentionné sur l’arrêt de travail du 7 mars 2017, et le ” burn out ” figurant sur des arrêts de travail postérieurs, tous arrêts inscrits sur des formulaires dédiés à la maladie ordinaire, constituent des éléments d’ordre médical qui n’apparaissent pas sur les exemplaires destinés à l’employeur, force est d’observer que concomitamment à ces diagnostics médicaux, le médecin du travail, sollicité dans le cadre de visites périodiques mais également à la demande de l’employeur le 3 juillet 2017 puis le 18 septembre 2017, préconisait, à titre d’ ” Indication médicale “, une journée de télétravail par semaine pendant six mois puis deux jours de télétravail à revoir dans trois semaines, puis deux jours de télétravail par semaine pendant six mois, à revoir mi-septembre, la dernière indication médicale du 18 septembre 2017 allant dans le même sens, tous éléments qui mettent en évidence l’existence d’un suivi médical et des recommandations médicales en faveur d’une forme d’organisation compatible avec une problématique de charge de travail excessive et de mauvaise répartition de ce travail dans le temps, amplifiée par une complexité spécifique des tâches confiées à la salariée et s’inscrivant dans un processus progressif de dégradation de ses conditions de travail avec des répercussions sur son état de santé psychique, par ailleurs médicalement constatées. Or, au-delà d’un télétravail revendiqué et organisé à l’initiative de la salariée elle-même, l’employeur, qui n’apporte pas d’élément permettant de relier les arrêts de travail et les prescriptions médicales à une pathologie sans rapport ni avec des éléments dépressifs ayant nécessité la prise d’antidépresseurs, ni avec un ” burn-out “, n’a mis en place aucune mesure concrète pour limiter tout risque à cet égard.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur n’a pas respecté son obligation de sécurité et que la salariée a subi un préjudice moral découlant de ce manquement.
L’employeur sera donc condamné à payer à la salariée des dommages et intérêts d’un montant de 10000 euros nets à titre de réparation intégrale du préjudice subi.
Le jugement entrepris est donc partiellement infirmé sur ce chef.
Sur le licenciement
La salariée, au visa des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, invoque la nullité du licenciement prononcé en raison de son état de santé quand son retour était déjà prévu et sa reprise du travail, qu’elle souhaitait, n’était pas inenvisageable, dès lors, d’une part, que la société a provoqué la dégradation de son état de santé en ne respectant pas son obligation de sécurité, ce qui le prive de la possibilité d’invoquer la désorganisation alléguée, d’autre part, que la société, comptant plus de mille collaborateurs en France et appartenant à un groupe international coté à la Bourse de Londres, dont le chiffre d’affaire représente plusieurs dizaines de milliers d’euros, ne démontre pas la réalité de la perturbation dont elle se prévaut ni l’impérieuse nécessité de pourvoir à son remplacement définitif, pas davantage le fait qu’elle ne pouvait pallier cette absence par des contrats de travail à durée déterminée ou en faisant appel à de l’intérim.
L’employeur réplique avoir respecté toutes ses obligations envers la salariée et il objecte que le licenciement est justifié par la perturbation du fonctionnement de l’entreprise liée à l’absence prolongée ou répétée de la salariée nécessitant de procéder à son remplacement définitif, et que celui-ci n’est donc pas nul, dès lors que : la salariée a été absente de manière prolongée et répétée, soit durant 215 jours sur seize mois en raison d’arrêts de travail à compter du 18 octobre 2016, avec une variabilité de durée des arrêts entrecoupés de deux reprises du travail ; elle occupait un poste clé correspondant à son expérience importante et à sa connaissance du fonctionnement de l’entreprise, était classée à un échelon hiérarchique élevé et placée sous la hiérarchie de la Direction de l’excellence commerciale ; une désorganisation de l’entreprise non préexistante a été constatée puisque la société n’était plus assez présente auprès des clients ” clés ” pour bien comprendre leurs enjeux et promouvoir la stratégie de développement dans le cadre d’un partenariat privilégié ; de même, son équipe n’a plus été suffisamment accompagnée, ce qui a retardé des projets et activités ; le poste ne pouvait être pourvu de manière temporaire eu égard à la nature spécifique des fonctions et à leur polyvalence, à la responsabilité exercée, à l’expérience et à la connaissance approfondie du fonctionnement de l’entreprise requises ; la solution provisoire de confier les missions de la salariée et son management à son supérieur hiérarchique ne pouvait être maintenue de manière pérenne au regard des implications sur la charge de travail, dont celui-ci atteste, tant pour lui-même que pour l’ensemble de l’équipe.
La lettre de licenciement énonce, à titre de motif du licenciement de la salariée, des ” absences longues, répétées et imprévisibles ” de celle-ci désorganisant ” fortement l’entreprise ” et nécessitant son “remplacement définitif “.
Le non-respect par l’employeur de son obligation de sécurité en lien avec la dégradation de l’état de santé de la salariée n’entraîne pas en lui-même la nullité du licenciement prononcé pour le motif précité et non pas en raison de l’inaptitude médicale de la salariée.
En application des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En vertu des dispositions de l’article L. 1132-4 du même code, le licenciement prononcé en raison de l’état de santé du salarié non déclaré inapte est nul si le motif précité invoqué par l’employeur n’est pas établi.
En l’espèce, il apparaît tout d’abord que l’employeur a engagé la procédure de licenciement une semaine avant la fin de la deuxième prolongation de l’arrêt de travail pour maladie du 2 octobre 2017, a maintenu la convocation à un entretien préalable à licenciement fixé au 12 janvier 2018 après avoir reçu une lettre de la salariée datée du 8 janvier 2018 l’informant de ses difficultés de santé, soit un ” burn-out professionnel ” en relation avec ses conditions de travail, notamment organisationnelles, l’a de nouveau convoquée par courrier du 12 janvier 2018 à un entretien préalable fixé au 23 janvier 2018 après avoir reçu une nouvelle prolongation de l’arrêt de travail pour maladie jusqu’au 26 février 2018, puis l’a licenciée par courrier du 26 janvier 2018.
Au surplus, si l’employeur invoque, dans la lettre de licenciement, des perturbations entraînées par les absences pour maladie de la salariée tenant au défaut d’interlocuteur ” Csm Mass Market ” à l’origine d’ ” un niveau de recommandation et d’alignement en deçà des attentes “, il n’en justifie pas au moyen ni de tableaux de synthèse des évaluations par domaine des années 2015 à 2018 sans élément pertinent sur le lien entre les absences critiquées et les données chiffrées brutes mentionnées, ni de l’attestation du supérieur hiérarchique de la salariée qui affirme de manière trop générale que les absences de celle-ci ont eu un impact direct tant sur sa propre organisation en ce qu’il a été moins présent aux réunions du comité de direction et sur les sujets stratégiques, que sur celle de l’équipe et d’autres départements dont celui de Supply Finances Marketing.
Pareillement, la dégradation de l’image GSK auprès des enseignes de la grande distribution par une présence insuffisante en clientèle et notamment auprès des KOL (Key Opinion Leaders), ne découle d’aucun élément sauf la même attestation du supérieur hiérarchique qui ne contient aucune précision suffisante à ce sujet et qui n’est aucunement corroborée.
De même, le manque d’accompagnement de l’équipe et ses incidences sur le travail de celle-ci n’est évoqué que par le même supérieur hiérarchique et ce, de manière très générale en ce que des rendez-vous auraient été plus compliqués et moins efficaces par manque d’accompagnement.
Enfin, les retards pris sur certains projets et activités ne sont pas plus démontrés sauf l’affirmation générale par le supérieur hiérarchique de retards dans des prises de décision.
La nécessité d’un remplacement définitif de la salariée n’est pas non plus établie dès lors que même à supposer l’impossibilité de maintenir les solutions provisoires mises en place en interne pour y pallier, soit une redistribution de ses tâches pesant essentiellement sur son supérieur hiérarchique, force est d’observer que l’employeur ne justifie pas de l’impérieuse nécessité de pourvoir le poste par un recrutement pérenne en excipant de la complexité des missions et de l’expertise acquise par la salariée, alors qu’il est constant que l’entreprise compte plus de mille salariés et appartient à un groupe international, ce qui laisse penser qu’elle disposait des ressources utiles afin de faire face au remplacement de la salariée quand aucun élément ne laissait apparaître que cette absence pouvait être durable. De plus, au-delà d’une solution en interne, il n’est pas justifié de vaine tentatives de recrutement pour des durées déterminées que ne rendaient pas impossibles en elles-mêmes ni la circonstance que les arrêts de travail avaient duré plusieurs mois et avaient été entrecoupés de reprises, ce dernier élément étant d’ailleurs plutôt favorable à une solution provisoire, ni le caractère imprévisible des arrêts, étant relevé à cet égard la volonté manifestée par la salariée de reprendre son travail notamment au moyen de son courrier du 5 janvier 2018, et ce, eu égard à ses états de service depuis onze années, celle-ci indiquant qu’une telle reprise était conditionnée par la prise de mesures nécessaires et pérennes lui permettant d’exécuter ses fonctions sans mettre de nouveau en danger son état de santé.
Il en résulte le caractère discriminatoire du licenciement fondé sur l’état de santé de la salariée.
En conséquence, il y aura lieu de dire que le licenciement est nul, le jugement déféré étant infirmé de ce chef.
Sur l’indemnité pour licenciement nul
La salariée indique subir un préjudice important résultant notamment de la perception d’indemnités relatives à son arrêt de travail pour maladie puis de sa situation de non-emploi et de travailleur handicapé à compter de l’année 2020 sauf la création d’une activité non rémunératrice d’autoentrepreneur. Elle sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 17 mois de salaire de référence incluant les heures supplémentaires.
L’employeur réplique que les heures supplémentaires ne doivent pas être intégrées dans le calcul du salaire de référence. Il ajoute que la salariée ne justifie pas de son préjudice.
Par application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, dès lors que la salariée ne sollicite pas sa réintégration, en tenant compte son âge au moment de la rupture (57 ans), de son ancienneté dans l’entreprise et de sa capacité à retrouver un emploi telle que celle-ci résulte des éléments fournis, il y a lieu de lui allouer la somme de 140 000 euros nets (un peu plus de douze mois de salaire brut mensuel de référence) à titre d’indemnité pour licenciement nul.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
Le préavis de la salariée étant de trois mois en application des dispositions conventionnelles, et la demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis en raison de la nullité du licenciement étant fondée, la somme de 34 929,48 euros bruts lui sera allouée de ce chef, outre 3492,94 euros bruts de congés payés afférents.
Sur les intérêts
Les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite.
Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur les frais irrépétibles
En équité, il n’y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qu’au profit de la salariée à laquelle est allouée, en sus de la somme 1200 euros octroyée en première instance, celle de 2000 euros en cause d’appel.
Sur les dépens
L’employeur, partiellement succombant, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant :
Dit que la convention de forfait en jours est privée d’effet.
Condamne la société GSK Santé Grand Public à payer à Madame [C] [N] les sommes suivantes :
-126 314,95 euros bruts au titre d’un rappel de salaire correspondant à des heures supplémentaires,
– 12 631,50 euros bruts de congés payés afférents,
– 45 238,52 euros bruts à titre de contrepartie obligatoire en repos,
– 4523,85 euros bruts de congés payés afférents
– 69 858,96 euros nets à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité.
Dit nul car discriminatoire le licenciement de Madame [C] [N].
Condamne la société GSK Santé Grand Public à payer à Madame [C] [N] les sommes suivantes :
– 34 929,48 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 3492,94 euros bruts de congés payés afférents,
– 140 000 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement nul.
Dit que les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite.
Dit que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Condamne la société GSK Santé Grand Public à payer à Madame [C] [N] la somme de 3200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Déboute les parties pour le surplus.
Condamne la société GSK Santé Grand Public aux entiers dépens de première instance et d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame SZEWCZIKOWSKI, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier en pré-affectation, Le président,