Télétravail : 24 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/14532

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Télétravail : 24 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/14532
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24 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/14532

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 24 MARS 2023

N° 2023/110

Rôle N° RG 22/14532 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKIFI

[C] [M]

C/

S.A.S. SNCA

Copie exécutoire délivrée

le : 24 mars 2023

à :

Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Pierre ARNOUX avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Marseille en date du 20 Octobre 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 22/00285.

APPELANT

Monsieur [C] [M], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.S. SNCA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Pierre ARNOUX de la SELARL SELARL ARNOUX-POLLAK, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [M] a été embauché par la SAS SNCA le 14 septembre 2021 selon contrat à durée indéterminée en qualité de Télé-conseiller -opérateur statut employé niveau 1 échelon 3 coefficient 140 de la convention collective nationale du personnel prestataire de service dans le domaine du secteur tertiaire , en contrepartie d’une rémunération horaire brute de 10,25 euros

AU dernier état de la relation contractuelle il percevait un salaire mensuel de base de 1645,62 euros pour 151,67 heures de travail.

Le 1er mai 2022 M [M] était victime d’un accident non professionnel et était placé en arrêt maladie du 2 au 15 mai 2022 ;

A l’occasion de la visite de reprise organisée le 16 mai 2022 le médecin du travail, après échange avec l’employeur le même jour, le déclarait apte à la reprise à temps partiel par demi journée le matin et préconisait un poste en télétravail.

Le 25 mai 2022 M [M] était à nouveau placé en arrêt de travail jusqu’au 31 juillet 2022 ;

Le 27 juillet 2022 il saisissait le conseil de prud’homme de Marseille statuant en référé afin de voir constater l’absence de délivrance par son employeur d’une attestation de salaire pour l’arrêt courant à compter du 25 mai 2022, de voir condamner l’employeur à lui payer un complément de salaire à compter du 20 juin 2022, de la voir condamner à lui payer une provision sur dommages intérêts et une somme au titre de l’article 700 du CPC.

Par ordonnance en date du 20 octobre 2022 le conseil de prud’hommes relevait l’existence d’une contestation sérieuse et disait n’y avoir lieu a référé, renvoyant les parties à se pourvoir au fond . Déboutait la SAS SNCA de sa demande au titre de l’article 700 et condamnait M [M] aux dépens.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 2 novembre 2022 M [M] a interjeté appel de la décision dont il sollicite l’infirmation dans tous les chefs de son dispositif .

Par conclusions d’appelant N°2 déposées et notifiées par RPVA le 30 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens , il demande à la cour :

d’Infirmer l’Ordonnance de la Formation de Référés du Conseil de prud’hommes de Marseille du 20 octobre 2022

Puis, statuant à nouveau,

Juger qu’il y a lieu à référé

Juger que la SAS SNCA n’a délivré au salarié les attestations de salaire pour le paiement des indemnités journalières de Sécurité Sociale concernant les arrêts de travail à compter du 25 mai 2022 que le 30 septembre 2022, soit plus de 4 mois après le début de l’arrêt de travail et plus de 2 mois après la saisine de la Formation de Référés du Conseil de prud’hommes

Fixer la rémunération brute mensuelle de base de Monsieur [M] à la somme de

1 645, 62

Ordonner à la SNCA le versement de provisions sur dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail à hauteur de 5 000 €

Ordonner à la SNCA le versement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur de 1 800 €

Condamner la SAS SNCA aux entiers dépens

A l’appui de ses demandes il expose que

‘L’employeur a refusé de suivre l’avis du médecin du travail et a refusé la reprise en télétravail le 17 mai 2022 sans pour autant contester l’avis émis ,ce qui l’a obligé à un nouvel arrêt.

‘Que contrairement aux dispositions de l’article R323-10 du code de la sécurité sociale l’employeur n’a délivré l’attestation de salaire que le 30 septembre 2002 pendant la procédure de référé ce qu’il convient de constater.

‘Qu’interrogé par l’inspection du travail l’employeur s’est engagé le 15 juin 2022 à le placer en dispense d’activité rémunérée mais à refuser de s’exécuter avant le 1 août 2022 alors qu’il bénéficiait d’une reprise de travail anticipée à temps partiel pour raison médicale à compter du 20 juin 2022 ce qui a eu pour effet de le priver d’indemnités et de rémunération à compter du 26 mai 2022 jusqu’au 20 juin 2022 ;

Qu’il a obtenu le paiement d’indemnité journalières sur cette période mais n’a plus eu aucune indemnité à compter du 20 juin .

‘Que le 6 juillet 2022 le médecin du travail réitérait son avis préconisant un poste en télétravail à temps partiel que l’employeur entendait soumettre à la condition d’une formation en présentiel et à sa validation , ce qui était refusé par un nouvel avis du 22 juillet 2022 conforme à l’avis antérieur et non exécuté par l’employeur.

‘Que le refus d’exécution des trois avis du médecin du travail contrairement aux dispositions de l’article L 4624-6 du code du travail sans recours exercé conformément aux dispositions de l’article L 4624-7 et l’absence de fourniture de travail depuis le 20 juin 2022 caractérisent l’exécution déloyale du contrat de travail , tout comme le non respect de l’engagement unilatéral pris par courrier du 15 juin 2022;

Par conclusions en réponse déposées et notifiées par RPVA le 31 janvier 2023 , auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens , l’intimée demande à la cour de

CONFIRMER l’ordonnance rendue par le conseil de Prud’hommes de Marseille le 20 octobre 2022 en toutes ses dispositions,

DÉBOUTER Monsieur [M] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER Monsieur [M] au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Elle expose que

‘Qu’elle a organisé le temps partiel du salarié mais était dans l’impossibilité de mettre en oeuvre le télétravail , ce qu’elle a indiqué au médecin du travail dès le lendemain de l’avis du 16 mai 2022. Que toutefois le 20 mai , après discussion avec l’inspection du travail , elle affectait le salarié sur un nouveau poste en télétravail sous réserve d’une formation dans les locaux de la société , proposition restée sans effet en raison d’un nouvel arrêt maladie du 25 mai jusqu’au 31 juillet 2022 contredit par un arrêt postérieur du 20 juin au 19 août avec reprise à mi temps thérapeutique.

‘Que postérieurement à l’avis de la médecine du travail en date du 6 juillet 2022 , elle a réitéré sa proposition et l’a soumise à l’avis de la médecine du travail par courrier recommandé auquel le médecin du travail répondait en indiquant planifier une nouvelle visite afin de répondre à sa demande ; que toutefois l’avis du 22 juillet restait identique mettant la société dans l’impossibilité de le suivre .

‘Qu’en toute hypothèse l’arrêt de travail plaçant le salarié en mi temps thérapeutique lors de sa reprise nécessitait un examen du dossier par la CPAM et l’avis du médecin conseil empêchant l’employeur de régulariser les compléments de salaire à défaut de connaître le montant des indemnités journalières; que depuis toutes les sommes dues ont été régularisées

que dès lors il existe en l’espèce une contestation sérieuse y compris sur l’existence du préjudice et aucun trouble manifestement illicite permettant de faire droit à la demande de provision

motifs de la décision

L’article R1455-5 du code du travail dispose que: “Dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.”

L’article R1455-6 du code du travail dispose que: “La formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.”

L’article R1455-7 du code du travail dispose que: “Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.”

Il ressort en l’espèce de l’argumentation des parties et des pièces produites aux débats et notamment des attestations de paiement des indemnités journalières ( pièce 13 ,14 et 15 de l’appelant ) qu’à la date du prononcé de l’ordonnance dont appel il n’existait plus aucune urgence ni trouble manifestement illicite fondant la compétence du juge des référés sur le fondement des articles R 1455- 5 et R1455-6 du code du travail s’agissant de la remise par l’employeur des attestations de salaires permettant le paiement des indemnités journalières et du paiement des compléments de salaire .

La demande tendant à voir juger que les attestations de salaires ont été remise le 30 septembre 2022 pour les arrêts à compter du 25 mai 2022 , ne tend pas à voir trancher une prétention ; Il s’agit en réalité d’une demande de donner acte sur laquelle la cour n’a pas à statuer dès lors au surplus que les pièces produites établissent parfaitement la chronologie des faits à défaut de production d’éléments contraire par l’intimée; En conséquence il n’y a pas lieu d’infirmer l’ordonnance de référé de ce chef

En revanche il est constant que l’employeur est tenu à l’égard du salarié d’une obligation de sécurité en exécution de laquelle il doit se soumettre aux préconisations exprimées par le médecin du travail en application des articles L 4624-1 et L 4624-3 sauf à faire connaître par écrit les motifs de son refus et à saisir le conseil de prud’hommes d’une contestation portant sur ces préconisations en application de l’article L 4624-7 du code du travail .

En l’espèce il ressort des pièces produites aux débats que l’appelant manifestant sa volonté de reprendre le travail à fait l’objet à sa demande de trois examens médicaux successifs par le médecin du travail et de trois avis successifs d’aptitude les 16 mai , 6 juillet et 22 juillet 2022 ( pièce 4 ,11 et 12 ) mentionnant pour chacun l’existence d’un échange préalable avec l’employeur et comportant des propositions de mesures d’aménagement de poste

Bien qu’ayant contesté les avis du 16 Mai 2022 et 6 juillet 2022 par lettre recommandé accusé réception des 18 mai 2022 et 12 juillet 2022 , l’employeur qui a invoqué successivement l’impossibilité d’organiser le télétravail puis l’obligation de soumettre le salarié à une formation en présentiel , n’a pas saisi le conseil de prud’hommes d’une contestation des avis du médecin du travail et notamment de l’avis en date du 22 juillet 2022 pris après échange avec lui après son mail du 19 juillet 2022 sollicitant un réexamen de la situation , alors que le dispositif de contestation lui était rappelé par l’inspection du travail dans la LRAR qui lui a été adressée le 30 mai 2022;Il ne produit d’ailleurs aux débats aucun élément justifiant des impossibilités alléguées.

Il ressort par ailleurs de l’analyse du bulletin de salaire du mois de mai 2022 que nonobstant l’aptitude du salarié et l’absence de mis en oeuvre de l’aménagement de poste sollicité l’employeur a effectué des retenues sur salaire au titre d’une absence injustifiée du 16 au 20 mai 2022 et n’a pas repris le paiement du salaire en dépit de l’engagement pris par lettre du 15 juin 2022 adressée à l’inspection du travail ( pièce 7 de l’appelant ) dont il a ultérieurement et à l’évidence travesti le sens ( pièce 9 de l’appelant ) alors qu’il résulte clairement de cet écrit l’engagement de dispenser le salarié de travail et de maintenir sa rémunération pendant la période d’aménagement initialement prévue par le médecin du travail ( 16 mai + 3 mois ) , ce que l’inspection du travail n’a pas manqué de lui faire observer ( pièce 10 de l’appelant ).

Enfin à défaut de production d’éléments contraires par l’employeur il est démontré que les attestations de salaires permettant la perception des indemnités journalières n’ont été établies que le 29 septembre 2022 ( pièce 14 de l’appelant ) , de sorte que le salarié a été laissé sans revenus jusqu’à cette date ce qui lui cause un préjudice certain établi par l’attestation circonstanciée de sa soeur ( pièce 17 de l’appelant ) et de son médecin psychiatre.( Pièce 18)

En conséquence la cour juge que l’obligation de l’employeur à réparation n’est pas sérieusement contestable et fait droit à la demande de provision.

La SAS SNCA qui succombe est condamnée à payer à M [M] la somme de 1800 euros au titre de l’article 700 du CPC

par ces motifs

la cour statuant publiquement et contradictoirement

Confirme l’ordonnance de référé sauf en ce qu’elle a débouté M [M] de sa demande de provision et d’article 700

Statuant à nouveau de ces chefs

Condamne la SAS SNCA à payer à M [M] la somme de 5000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.

Condamne la SAS SNCA à payer à M [M] la somme de 1800 euros au titre de l’article 700 du CPC

Déboute LA SAS SNCA de sa demande au titre de l’article 700 du CPC

Condamne la SAS SNCA aux dépens.

Le greffier Le président

 


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