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28 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/13487
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 28 MARS 2023
N° 2023/ 124
Rôle N° RG 22/13487 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKERI
Syndicat [3]
C/
S.A.S. [2]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Anne LABARE
Me Françoise BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge de la mise en état d’AIX EN PROVENCE en date du 26 Septembre 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 21/03185.
APPELANTE
Syndicat [3]
demeurant [Adresse 5]
représentée et assistée par Me Anne LABARE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
S.A.S. [2] poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège.
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Olivier GIOVENAL, avocat au barreau de PARIS
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 20 Février 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, monsieur BRUE, président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Mme Danielle DEMONT, Conseiller
Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2023,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Un accord relatif au télétravail a été conclu le 8 avril 2021entre la SAS [2] et les syndicats.
Ce texte prévoit, en son article 7, que l’employeur mettra à disposition des salariés en télétravail un PC portable, ainsi qu’un smartphone. Il est également prévu par l’article 8, le versement d’une indemnité de 2,50 € par jour télétravaillé.
L’article 11 de cet accord prévoit que les dispositions de l’article 8 sont également applicables en cas de télétravail conjoncturel.
Le syndicat [3] expose que malgré les sollicitations des syndicats, l’employeur a refusé d’indemniser rétroactivement les salariés pour le télétravail qui leur a été imposé par la crise sanitaire.
Vu l’assignation du 1er septembre 2021, par laquelle le syndicat [3] a fait citer la SAS [2], devant le tribunal de grande instance d’Aix en Provence.
Vu les conclusions d’incident déposées les 25 février et 16 juin 2022, par la SAS [2] devant le juge de la mise en état, ayant soulevé l’irrecevabilité de deux des demandes formées par le syndicat [3].
Vu l’ordonnance rendue le 26 septembre 2022, par ce magistrat ayant:
– déclaré irrecevables l’action formée par le syndicat [3].
– rejeté la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné le syndicat [3] aux dépens.
Vu la déclaration d’appel du 11octobre 2022, par le syndicat [3].
Vu les conclusions transmises le 8 novembre 2022, par l’appelant.
Il reproche au juge de la mise en état d’avoir déclaré irrecevables l’ensemble de son action alors que les conclusions de l’incident ne visaient l’irrecevabilité que pour deux des demandes et d’avoir utilisé un moyen, lié au fait que l’ensemble des salariés n’était pas concerné qui n’était pas soulevé par le demandeur à l’incident.
Le syndicat [3] estime qu’en retenant que si l’action du syndicat ne concerne pas l’intégralité des effectifs de la société, il ne s’agirait pas d’une action formée au titre de la défense de l’intérêt collectif de la profession, au sens des dispositions de l’article L.2132-3 du Code du travail, le premier juge a ajouté une condition non prévue par le texte, alors qu’elle est recevable même si le dommage n’est ressenti que par une fraction de la communauté qu’il représente.
Il considère que le juge de la mise en état ne pouvait traiter la question du droit d’agir qui ne peut être tranchée que par l’examen du fond de l’affaire.
Le syndicat [3] soutient que l’action tendant à l’exécution par l’employeur de toute norme, ou engagement conventionnel à laquelle il est assujetti au profit des salariés relève de la défense de leurs intérêts collectifs et que tel est le cas de sa demande de régularisation portant sur la prise en charge des frais professionnels de l’ensemble des salariés en télétravail. Il ajoute que la demande relative aux frais de restaurant est fondée, sur la violation des principes « à travail égal salaire égal » et d’égalité de traitement.
L’appelant précise que ses demandes ne visaient que les salariés relevant du site de [Localité 4], lequel relève de sa compétence territoriale.
Vu les conclusions transmises le 8 décembre 2022, par la SAS [2].
Elle fait valoir que le premier juge pouvait relever d’office la question de la recevabilité des demandes en application de l’article 125 du code de procédure civile, sans violer pour autant les dispositions de l’article 5 du même code et rappelle que selon l’article 789, le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir.
La SAS [2] fait valoir qu’un syndicat, même s’il justifie d’une atteinte à l’intérêt collectif de la profession, ne peut en aucun cas revendiquer des droits individuels au nom et pour le compte des salariés et ce peu important que la demande ne tende pas au paiement de sommes déterminées au profit de personnes nommément désignées et qu’il en est ainsi pour une obligation de paiement rétroactif aux salariés concernés.
Elle ajoute que les jurisprudences invoquées par l’appelant concernent l’action d’un syndicat ne tendant pas au paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées, mais à l’application des clauses de la convention collective en général, à tous les salariés.
La SAS [2] souligne que les demandes initiales du syndicat [3] concernaient l’ensemble des salariés et pas seulement ceux travaillant dans le périmètre géographique défini par ses statuts.
SUR CE
Il convient de constater que les actuelles demandes du syndicat [3] concernent exclusivement les salariés relevant de l’établissement de [Localité 4] qui relève, selon ses statuts de son domaine de compétence territoriale.
Conformément à l’article L.2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit
d’agir en justice. Ils peuvent devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.
La SAS [2] réclame que soit déclarées irrecevables au regard de ce texte les demandes suivantes :
«Ordonner à la société [2], sous astreinte de 500 € par manquement et par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, d’avoir à régulariser auprès de tous les salariés relevant de l’établissement de [Localité 4] placés en télétravail entre le 16 mars 2020 et le 31 mars 2021, une indemnité journalière d’un montant de :
– 3 € par jour télétravaillé pour les cas où un ordinateur et une imprimante n’étaient pas mis à disposition par l’entreprise ;
– 2,50 € pour les cas où le matériel précité était mis à disposition par l’entreprise
– Ordonner à la société [2], sous astreinte de 500 € par manquement et par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, d’avoir à régulariser auprès de tous les salariés relevant de l’établissement de [Localité 4] placés en télétravail COVID, une indemnité journalière de 2,55 € par jour télétravaillé où ils ont été privés de la possibilité de déjeuner au restaurant d’entreprise, à proportion de la moyenne des jours où ils s’y restauraient effectivement au cours des 3 mois précédents (hors période d’absence), pour la période du 2 juin 2020 au 17 mars 2022. ».
Si l’article L2132-3 du code du travail permet aux syndicats d’agir sur un litige soulevant une question de principe et pour demander l’exécution d’une convention ou d’un accord collectif, il ne peut revendiquer des droits individuels au nom et pour le compte des salariés.
Il apparaît en l’espèce que les demandes formées devant le tribunal dépassent les termes de l’accord relatif au télétravail conclu le 8 avril 2021 avec l’entreprise et qu’il n’est pas demandé expressément son exécution.
Le syndicat [3] indique dans ses propres conclusions qu’il est sollicité d’indemniser rétroactivement les salariés pour le télétravail qui leur a été imposé par la crise sanitaire, ce qui est confirmé par le terme de ‘régularisation’. Il ne s’agit donc pas de trancher une question d’ordre général pour l’avenir.
Il fait valoir que la première demande de régularisation porte sur la prise en charge des frais professionnels de l’ensemble des salariés en télétravail et que la demande relative aux frais de restaurant est fondée sur la violation des principes ‘à travail égal, salaire égal’ et d’égalité de traitement. Il ressort cependant que la présente action consiste en la revendication de droits liés à la personne de chacun des salariés.
Si l’action du syndicat ne tendait pas au paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées, il convient de considérer qu’une obligation de régulariser des indemnités, correspondant aux frais liés au télétravail et des indemnités de restauration au profit des salariés placés en télétravail qui implique de déterminer, pour chacun d’entre eux, le nombre exact de jours télétravaillés, n’a pas pour objet la défense de l’intérêt collectif de la profession.
Les demandes susvisées doivent, en conséquence, être déclarées irrecevables.
L’ordonnance est infirmée, en ce qu’elle a jugé irrecevable l’action du syndicat [3]. Métaux [Localité 4] et confirmée pour le surplus.
Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
La partie perdante est condamnée aux dépens, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme l’ordonnance déférée, en ce qu’elle a jugé irrecevable l’action du syndicat [3].
Statuant à nouveau de ce chef,
Dit n’y avoir lieu de déclarer irrecevable l’action du syndicat [3],
Déclare irrecevables les demandes suivantes du syndicat [3] :
«Ordonner à la société [2], sous astreinte de 500 € par manquement et par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, d’avoir à régulariser auprès de tous les salariés relevant de l’établissement de [Localité 4] placés en télétravail entre le 16 mars 2020 et le 31 mars 2021, une indemnité journalière d’un montant de :
– 3 € par jour télétravaillé pour les cas où un ordinateur et une imprimante n’étaient pas mis à disposition par l’entreprise ;
– 2,50 € pour les cas où le matériel précité était mis à disposition par l’entreprise
– Ordonner à la société [2], sous astreinte de 500 € par manquement et par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, d’avoir à régulariser auprès de tous les salariés relevant de l’établissement de [Localité 4] placés en télétravail COVID, une indemnité journalière de 2,55 € par jour télétravaillé où ils ont été privés de la possibilité de déjeuner au restaurant d’entreprise, à proportion de la moyenne des jours où ils s’y restauraient effectivement au cours des 3 mois précédents (hors période d’absence), pour la période du 2 juin 2020 au 17 mars 2022. ».
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamne le syndicat [3] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT