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29 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/01933
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 29 MARS 2023
(n° 2023/ , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01933 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDHPQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Janvier 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F19/02360
APPELANTE
Madame [B] [P]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédéric BENOIST, avocat au barreau de PARIS, toque : G0001
INTIMÉE
S.A.S. [L] JEUNESSE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Arnaud TEISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 14 février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 10 mars 2003, Mme [B] [P] a été engagée par la société [L] Jeunesse en qualité d’attachée de presse par contrat à durée déterminée en remplacement d’un salarié.
Ses fonctions étaient effectuées dans le cadre d’un forfait de 214 jours de travail sur l’année civile.
La relation contractuelle s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, suivant avenant du 28 avril 2004.
La société est soumise aux dispositions de la convention collective nationale de l’édition.
Le 9 novembre 2018, la société a convoqué Mme [P] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 novembre 2018.
Le 26 novembre 2018, la société a notifié à Mme [P] son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Suite à la saisine le 21 mars 2019 par Mme [P] du conseil de prud’hommes de Paris, cette juridiction a, par jugement du 8 juillet 2021:
– constaté l’accord des parties sur un salaire moyen mensuel brut de 3.705 euros pour Mme [P].
– requalifié le licenciement de celle-ci en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– condamné la société [L] Jeunesse à payer à Mme [P]:
. 42 500 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement.
.1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné la société [L] Jeunesse aux entiers dépens.
Par déclaration du 16 février 2021, Mme [P] interjeté appel du jugement.
En l’état de ses ultimes conclusions notifiées le 9 janvier 2023, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [P] forme les demandes suivantes à l’attention de la cour:
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel, demandes, fins et conclusions ;
– confirmer le jugement du 8 janvier 2021 en ce qu’il a :
o requalifié le licenciement de Mme [P] en licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
o rejeté l’exception d’irrecevabilité formulée par la société [L] Jeunesse des demandes formées par Mme [P] à titre de rappels d’heures complémentaires et congés payés afférents, rappels de salaire pour requalification du temps partiel en temps plein et congés payés afférents et dommages et intérêts pour dépassement du temps de travail.
o condamné la société [L] Jeunesse à la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– infirmer ledit jugement en ce qu’il a :
o limité à 42.500 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
o débouté Mme [P] du surplus de ses demandes ;
– Et statuant à nouveau,
– Dire et juger que le barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail doit être écarté, ce plafonnement portant une atteinte au droit de Mme [P] de recevoir une indemnisation adéquate de l’ensemble de ses préjudices, en violation des dispositions des articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et de l’article 24 de la Charte sociale européenne, et constituant une discrimination en violation du droit de l’Union Européenne
– Condamner la société [L] Jeunesse à payer à Mme [P] les sommes suivantes :
.indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 60.000,00 euros
.indemnité pour non-respect de l’obligation de sécurité: 22.230,00 euros
.rappel d’heures complémentaires et supplémentaires: 21.471,87 euros
.congés payés afférents: 2 147,18 euros
.rappel de salaire pour requalification du temps partiel en temps plein: 5.254,60 euros
. congés payés afférents: 524,46 euros
. Dommages et intérêts pour dépassement du temps de travail: 22.230,00 euros
.indemnité au titre du travail dissimulé: 22.230,00 euros
.les dépens ;
.les intérêts de droit à compter du dépôt de la demande, avec capitalisation ;
Dire que les sommes ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société de la convocation devant le Bureau de conciliation du Conseil de prud’hommes de Paris,
Condamner la société [L] Jeunesse à payer à Mme [P] la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société [L] Jeunesse aux entiers dépens.
En l’état de ses ultimes conclusions notifiées le 5 janvier 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la société [L] Jeunesse forme les demandes suivantes à l’attention de la cour:
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 8 janvier 2021 en ce qu’il a :
– débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts au titre d’une prétendue violation de l’obligation de sécurité ;
– débouté Mme [P] de sa demande au titre du travail dissimulé.
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a :
jugé recevables les demandes nouvelles de Mme [P] portant sur :
.un rappel de salaire au titre des heures complémentaires et les congés payés afférents ;
.un rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail en temps complet et les congés payés afférents ;
.des dommages et intérêts pour dépassement de la durée du travail
jugé que le licenciement de Mme [P] était sans cause réelle et sérieuse et condamné la société à lui verser :
.42.500 euros à titre de dommages et intérêts ;
.1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau:
In limine litis :
– déclarer irrecevables les demandes additionnelles de Mme [P] portant sur :
.un rappel de salaire au titre des heures complémentaires et les congés payés afférents ;
.un rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail en temps complet et les congés payés afférents ;
.des dommages et intérêts pour dépassement de la durée du travail
Au fond:
– dire et juger que le licenciement de Mme [P] est parfaitement justifié ; En conséquence :
– débouter Mme [P] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner Mme [P] à verser 3.000 euros à la société sur le fondement des dispositions de l’article 700 code de procédure civile.
A titre subsidiaire:
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 8 janvier 2021 en ce qu’il a :
o débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts au titre d’une prétendue violation de l’obligation de sécurité ;
o débouté Mme [P] de sa demande au titre d’un rappel d’heures supplémentaires et complémentaires et des congés payés afférents ;
o débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un prétendu dépassement de la durée contractuelle du temps de travail ;
o débouté Mme [P] de sa demande au titre du travail dissimulé.
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a :
o jugé que le licenciement de Mme [P] était sans cause réelle et sérieuse et condamné la société à lui verser :
.42.500 euros à titre de dommages et intérêts ;
.1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Et statuant à nouveau:
– dire et juger que le licenciement de Mme [P] est parfaitement justifié ;
En conséquence :
– débouter Mme [P] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner Mme [P] à verser 5.000 euros à la société sur le fondement des dispositions de l’article 700 code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023.
MOTIFS
Sur l’irrecevabilité des demandes nouvelles
La société [L] Jeunesse expose que lors de la saisine du conseil de prud’hommes, le 21 mars 2019, Mme [P] ne formulait que des demandes au titre d’un rappel d’heures supplémentaires et de repos compensateur, or elle croit pouvoir solliciter désormais un rappel de salaire fondé sur des heures complémentaires et non plus sur des heures supplémentaires, la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein en application de l’article L. 3123-17 du code du travail, et enfin une indemnisation au titre du dépassement de son temps de travail.
S’il est constant que les nouvelles règles de procédure applicables aux instances introduites devant le conseil de prud’hommes postérieurement au 1er août 2016 ont mis fin à la règle d’unicité d’instance et que les règles de procédure de droit commun ont désormais vocation à s’appliquer, il reste que les demandes additionnelles sont recevables dès lors qu’elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Ces demandes ont été formulées par conclusions versées devant le conseil de prud’hommes de Paris le 18 mars 2020, et celui-ci a justement retenu dans ses motifs qu’elles étaient en lien avec les demandes initiales sur lesquelles les parties avaient échangé durant le bureau de conciliation et d’orientation, puis tout au long de la procédure.
Les demandes contestées en leur recevabilité par la société intimée sont en effet la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions originaires et sont donc recevables. Tout moyen contraire sera donc rejeté.
Sur l’insuffisance professionnelle
L’insuffisance professionnelle se définit comme l’inaptitude du salarié à exécuter son travail de manière satisfaisante, au regard de son statut, de ses responsabilités et des compétences requises pour l’exercice de ses fonctions.
Elle est de nature qualitative et ce motif n’entraîne pas comme dans le cas d’un licenciement disciplinaire l’énumération précise et exhaustive des griefs, la seule référence à cette insuffisance
constituant un motif de licenciement matériellement vérifiable pouvant être précisé et discuté devant le juge prud’homal.
Caractérisée par le manque de compétences du salarié pour exécuter les tâches qui lui sont confiées, elle doit donc reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur la seule appréciation purement subjective de l’employeur.
Par lettre en date du 26 novembre suivant, Mme [P] était licenciée notamment pour les motifs suivants :
« (…) depuis quelques mois, et particulièrement au cours des dernières semaines, les relations entre vous et votre hiérarchie se sont particulièrement tendues, se caractérisant notamment par
. une divergence certaine de fond sur les missions attachées à votre poste et le contenu de vos fonctions ;
. le non-respect de votre hiérarchie depuis sa nomination, participant à dégrader le climat ainsi que l’ambiance de travail.
L’environnement de l’Edition jeunesse, comme celui de l’Edition de manière générale, subit une profonde mutation qui n’est pas sans répercussions sur nos métiers et la manière de les exercer.
En particulier, notre activité est soumise à une concurrence de plus en plus importante et protéiforme, nous contraignant à devoir nous adapter sans cesse.
La fonction que vous exercez ‘celle d’attachée de presse- est au c’ur de ses évolutions.
Face à ces difficultés, nous vous avons alors rencontrée, à de nombreuses reprises, afin de vous faire part du décalage qui existait entre ce qui était attendu d’une attachée de presse jeunesse et la teneur de ce que vous avez accompli.
Nous avons en particulier insisté sur la nécessité de vous voir favoriser le dialogue avec les éditeurs. Il est en effet essentiel, dans l’exercice de vos fonctions, que vous soyez positionnée dans un rôle de conseil auprès des éditeurs sur les titres à prioriser dans les plans de communication /promotion. Un dialogue constructif avec eux et le marketing est essentiel.
Or, force est de constater qu’en dépit de nos conseils, puis de nos rappels sur ces propriétés, vous n’êtes pas parvenue à installer cette relation de travail avec les éditeurs et le marketing ; de sorte que votre comportement perturbe le fonctionnement normal de notre activité.
De la même façon, dans le prolongement, il a été rappelé que votre mission consiste à solliciter et rencontrer les rédactions Presse/Médias pour convaincre les journalistes sur la mise en avant de certains titres, moins au-devant de la scène, à fort potentiel.
Votre responsabilité consiste en effet, au-delà de l’accompagnement nécessaire des best-sellers édités par la maison, à favoriser l’émergence de titres à potentiel. Cette action doit être conduite tant auprès des médias traditionnels qu’auprès des influenceurs et des acteurs des réseaux sociaux.
Cet exercice suppose ‘à nouveau- une collaboration étroite avec les éditeurs. En effet, la connaissance de chacun des livres et des auteurs est primordiale et suppose un dialogue efficace avec les éditeurs.
Comme nous vous l’avons souligné, à diverses reprises, la promotion d’un ouvrage et de son auteur suppose effectivement une part de lecture. Au-delà, il existe de nombreuses stratégies permettant aux attachés de presses de disposer des ressources suffisantes pour assurer la promotion des ouvrages. Toutefois, cela suppose une interaction réelle avec les équipes marketing et les éditeurs.
Nous sommes au regret de constater que, malgré nos nombreuses alertes et nos recommandations, vous ne parvenez pas à établir cette relation fluide pourtant essentielle à la bonne réalisation de votre mission. Au contraire, le rapport avec les éditeurs s’est petit à petit détérioré de sorte que les relations deviennent tendues.
En réalité, nous devons regretter votre obstination à refuser de prendre en compte les attentes de votre hiérarchie nécessairement relayées par la Direction des ressources humaines notamment dans un courriel du 19 juillet 2018.
Vous n’avez pas, depuis, tenté de prendre en compte ces impératifs dans l’accomplissement de vos missions, nos initiatives restant vaines. Cette situation participe elle aussi à la dégradation de votre relation avec l’encadrement de la Presse et de l’entreprise [L] Jeunesse.
Par ailleurs, nous devons regretter l’hostilité manifestée à de nombreuses reprises à l’égard de votre hiérarchie depuis la nomination de cette dernière.
Votre attitude n’a pas favorisé la recherche de votre part d’une volonté de changement. De façon plus générale, nous devons également constater une propension de votre part à favoriser les tensions plutôt qu’à tenter de les résoudre. A titre d’illustration, vous n’avez pas hésité à déstabiliser le service par l’envoi de vos arrêts de travail à l’ensemble des membres de l’équipe, votre dernier courrier mentionnant même la récente correspondance émanant de la Direction des ressources humaines.
Pour autant, nous avons continué à vous apporter notre soutien. Au début du mois de septembre, toujours dans le prolongement de nos échanges entrepris afin d’identifier des solutions, nous vous avons rencontrée pour vous proposer d’envisager une mobilité professionnelle au sein du groupe et de construire avec vous ce projet. Il s’agissait, pour nous, de vous offrir une nouvelle chance de vous relancer dans un autre service.
Vous aviez répondu positivement à une orientation de mobilité vers les services de Presse des éditions [L] à l’occasion de nos échanges verbaux. Puis, contre toute attente, vous nous avez adressé un courrier dénaturant totalement l’esprit et la réalité de nos échanges.
Vous avez de fait refusé toutes options possibles de repositionnement, créant ainsi une situation de blocage ».
S’agissant des divergences de vue quant aux évolutions des métiers de l’édition rendant impossible la poursuite du contrat de travail de Mme [P], il sera observé que la société ne produit aucun élément permettant d’en attester. En revanche, Mme [P] verse aux débats de très nombreux échanges de courriels avec des directeurs, éditeurs, journalistes et illustrateurs (ses pièces 26 à 78) témoignant de la satisfaction de ces derniers et des félicitations de plusieurs d’entre eux. En outre, il aura fallu 15 ans et 8 mois à la société [L] Jeunesse pour s’apercevoir d’un décalage ‘entre ce qui était attendu d’une attachée de presse Jeunesse et la teneur de ce que (vous) avez accompli ».
La société ne produit pas davantage d’élément sur le fait que Mme [P] ne serait pas parvenue à créer un dialogue avec les éditeurs, principaux acteurs de la société ni même sur le fait qu’elle aurait éprouvé de grandes difficultés à assurer la promotion des ouvrages étrangers. Celle-ci verse au contraire aux débats de nombreuses pièces attestant du travail important qu’elle a pu effectuer s’agissant des ouvrages de littérature étrangère. Elle produit notamment plusieurs attestations, dont 8 sont nouvelles, lesquelles proviennent d’éditeurs, de journalistes et d’anciens collègues, témoignant de sa rigueur professionnelle, de sa charge de travail, ainsi que de la qualité et de l’importance de son travail s’agissant de la littérature étrangère.
S’agissant du comportement inadapté à 1’environnement professionnel, il sera plutôt observé que l’entretien annuel réalisé en 2017 n’a laissé apparaître aucune anomalie à cet égard. Mme [P] verse aux débats de nombreux mails démontrant sa volonté d’organiser des points et entretiens avec sa hiérarchie, (ses pièces n°111 à 129) auxquels elle n’apparaît pas avoir reçu de réponse. Mme [P] a également perçu une prime exceptionnelle à l’été 2017, ce qui apparaît logiquement récompenser la qualité de son travail.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Mme [P] a exercé ses fonctions d’attachée de presse de manière professionnelle, que ses actions étaient conduites dans l’intérêt de la société et qu’aucun manquement ne peut lui être reproché.
L’insuffisance professionnelle qui est invoquée par l’employeur comme motif de licenciement n’est pas caractérisé.
Le licenciement est en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
– Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Selon l’article L1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés pour 15 ans d’ancienneté entre 3 et 13 mois de salaire.
Mme [P] demande qu’il soit dit et jugé que le barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail doit être écarté, ce plafonnement portant une atteinte à son droit de recevoir une indemnisation adéquate de l’ensemble de ses préjudices, en violation des dispositions des articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et de l’article 24 de la Charte sociale européenne, et constituant une discrimination en violation du droit de l’Union Européenne. Elle sollicite 60 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il est de droit que sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive pour déterminer s’il est d’effet direct, les stipulations d’un traité international, régulièrement introduit dans l’ordre juridique interne conformément à l’article 55 de la Constitution, sont d’effet direct dès lors qu’elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, elles n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers.
Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu’ils prennent des actes complémentaires d’application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
L’invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.
Les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l’encontre d’autres particuliers et qui, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale de la convention, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire, sont d’effet direct en droit interne.
Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur, sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail ( OIT).
Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée.
En conséquence, il appartient seulement au juge d’apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L. 1235-3 du code du travail.
En l’espèce, au regard de la qualification de Mme [P], de son âge, de son ancienneté, de son salaire mensuel moyen des six derniers mois de 3 705 euros, c’est par une exacte appréciation des circonstances de la cause que les premiers juges ont évalué à 42 500 euros l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devant lui revenir. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur le manquement à l’obligation de sécurité :
Selon l’article L4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1°) des actions de prévention des risques professionnels;
2°) des actions d’information et de formation;
3°) la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’article L4121-2 du même code, dans sa rédaction applicable à compter du 10 août 2016, prévoit que l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ; (…).
Mme La croix-Cuissot soutient qu’elle a subi une forte dégradation de son état de santé liée à des problèmes d’organisation interne et du service presse, ainsi qu’à une surcharge de travail corrélative.
Il reste néanmoins que l’employeur n’a pas eu d’alerte sur les conditions de travail de la salariée.
Mme [P] a systématiquement été déclarée apte à la poursuite de ses fonctions par le médecin du travail à l’occasion de ses visites médicales.
Celle-ci n’a jamais fait part de la moindre difficulté aux représentants du personnel, elle n’a jamais alerté le médecin du travail et n’a pas non plus demandé la reconnaissance d’une maladie professionnelle ni d’un quelconque accident de travail.
Lorsque le 26 avril 2018, le médecin du travail a indiqué que Mme [P] pouvait travailler au poste d’attachée de presse avec une demi-journée par semaine de télétravail le mercredi matin, la société a établi un avenant à son contrat de travail lui permettant d’effectuer une partie de ses fonctions en télétravail.
Le certificat médical daté du 2 décembre 2022 produit devant la cour d’appel, date de plus 4 ans après le licenciement, et émane d’un psychiatre, lequel indique qu’il suit Mme [P] depuis la fin d’année 2019, du fait des conséquences liées à son licenciement. Ce praticien n’a jamais pu apprécier l’éventuel impact de ses conditions de travail sur la santé de celle-ci.
La demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.
Sur les heures complémentaires et supplémentaires
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence de rappels de salaire, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Le salarié doit apporter des éléments suffisamment précis afin de mettre l’employeur en mesure d’y répondre. Il a été jugé que ne permettait pas à l’employeur de répondre utilement aux allégations du salarié, le tableau établi par ce dernier, à une date indéterminée et récapitulant les heures supplémentaires effectuées sur une période donnée, dès lors que ce dernier était insuffisamment précis et circonstancié en l’absence de tout élément venant utilement le corroborer, et notamment de relevés d’heures précis. En l’espèce, Mme [P] produit un tableau sur lequel elle n’a inscrit qu’un volume d’heures travaillées dans la semaine, sans indiquer ses horaires de travail, ni quels jours de la semaine ou du mois elle aurait accompli des heures supplémentaires. Les attestations qu’elle verse au soutien de ce tableau émanent soit de sa famille, soit d’amies, non salariées de l’entreprise ou encore d’une collègue de travail uniquement pour la période de 2012 à 2015. En outre, les termes de ces attestations sont particulièrement vagues et imprécis.
Ces éléments ne sont pas suffisamment précis quant à l’accomplissement d’un travail effectué par Mme [P] sur ces semaines, en particulier au-delà de la durée hebdomadaire prévue à son contrat de travail.
Dès lors ses demandes de rappels de salaires seront rejetées.
Il en résulte que les demandes additionnelles relatives à la requalification du temps partiel en temps complet et au préjudice lié au dépassement du temps de travail seront pareillement rejetées.
La demande au titre du travail dissimulé sera subséquemment rejetée.
Sur les autres demandes.
Il n’apparaît pas inéquitable que chaque partie conserve à charge ses propres frais irrépétibles et ses propres dépens d’appels. Les demandes de ces chefs seront donc rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement entrepris.
DIT que chaque partie conservera à charge ses propres frais irrépétibles et ses propres dépens d’appel et rejette les demandes formées de ces chefs.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE