Télétravail : 9 mai 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00343

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Télétravail : 9 mai 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00343
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9 mai 2023
Cour d’appel de Metz
RG n°
22/00343

Arrêt n° 23/00269

09 Mai 2023

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N° RG 22/00343 – N° Portalis DBVS-V-B7G-FVPB

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SCHILTIGHEIM

26 Mars 2021

F 19/00284

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

neuf mai deux mille vingt trois

APPELANT :

M. [W] [A]

[Adresse 2]

Représenté par Me Hervé HAXAIRE, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Jérôme SONET, avocat plaidant au barreau de STRASBOURG

INTIMÉE :

S.A. VOSSLOH COGIFER prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Valérie MASSET, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [W] [A] a été embauché par la société Vossloh Cogifer, à compter du 30 juin 2017 en exécution d’un contrat de travail à durée indéterminée, avec reprise d’ancienneté au 1er septembre 1993, date de son embauche en qualité de chef de projet informatique par la société Cogifer, et avec application de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres des industries des métaux du 13 mars 1972.

M. [A] occupait en dernier lieu le poste de directeur ressources humaines (DRH) pour l’Europe de l’ouest et du sud.

Le conseil de M. [A] a, par courrier en date du 13 novembre 2019 adressé à Mme [EL] [U] en sa qualité de DRH Groupe, dénoncé la dégradation des conditions de travail du salarié en complément d’un précédent courrier adressé le 29 octobre 2019, avec, en parallèle à l’annonce faite par Mme [U] à M. [A] d’une rupture de son contrat de travail, une mise à l’écart constatée au cours de l’année.

Le 13 décembre 2019 M. [A] a saisi le conseil de prud’hommes de Schiltigheim d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

En considération du statut de salarié protégé de M. [A], conseiller prud’homal depuis 2008 à [Localité 4], la société Vossloh Cogifer a sollicité l’autorisation de l’inspection du travail de procéder au licenciement pour motif économique du salarié. L’inspection du travail a refusé le licenciement par décision en date du 6 octobre 2020, au double motif que « la matérialité de la suppression de l’emploi occupé par M. [A] n’est pas établie » et que « l’employeur ne peut être regardé comme ayant satisfait à son obligation de recherche de reclassement ».

Par jugement contradictoire en date du 26 mars 2021, le conseil de prud’hommes de Schiltigheim section encadrement a statué comme suit :

”Déboute M. [A] de sa demande fondée sur le harcèlement moral ;

Déboute la société Vossloh Cogifer de ses demandes reconventionnelles ;

Dit que chaque partie fera face à ses propres frais et dépens ;

Dit qu’il n’y a pas lieu à l’application de l’article 700 du code procédure civile”. 

Le conseil a considéré que M. [A] n’a invoqué les faits de harcèlement moral subi depuis mars 2019 que le 13 novembre 2019 par l’intermédiaire de son avocat, que nul ne peut se pré-constituer des preuves à soi-même, que les conditions de travail du salarié ne se sont pas dégradées, et qu’il n’y a eu aucune atteinte à sa dignité.

Par déclaration électronique en date du 10 mai 2021, M. [A] a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 30 avril 2021.

M. [A] a déposé ses conclusions d’appelant en date du 29 juillet 2021.

Le 29 octobre 2021, la société intimée a saisi le conseiller de la mise en état d’une requête en incident pour obtenir le dépaysement de l’affaire en raison des fonctions prud’homales exercées par M. [A].

Par ordonnance du 11 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a statué comme suit:

”Fait droit à la demande de dépaysement et renvoie la connaissance de la présente affaire devant la cour d’appel de Metz ;

Rejette les demandes présentées par l’appelant au titre des articles 32-1 et 700 du code de procédure civile ;

Dit qu’il sera procédé par le greffe conformément aux dispositions de l’article 97 du code de procédure civile ;

Réserve les dépens’. 

Par ses dernières conclusions datées du 30 mars 2022, M. [W] [A] demande à la cour de statuer comme suit :

”Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Schiltigheim le 26 mars 2021, en ce qu’il :

L’a débouté de sa demande fondée sur le harcèlement moral et, partant, de sa demande de voir condamnée la Société Vossloh Cogifer à lui verser la somme de 11 500 euros, à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

L’a débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et, partant, de sa demande de voir dit et jugé que la rupture du contrat produit les effets d’un licenciement nul, pour harcèlement moral et violation du statut protecteur, subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

L’a débouté de sa demande de voir condamnée la Société Vossloh Cogifer à lui verser les montants suivants :

276 225 euros brut, à titre d’indemnisation pour violation du statut protecteur, correspondant aux salaires dus sur la période de protection ;

27 622 euros brut, à titre de congés payés sur les salaires dus sur la période de protection ;

222 515 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

138 112 euros, à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

46 038 euros brut, à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

4 603 euros brut, à titre de congés payés sur préavis.

L’a débouté de sa demande de voir condamnée la Société Vossloh Cogifer à lui délivrer tout document de fin de contrat (attestation d’employeur destinée au Pôle Emploi, certificat de travail, solde de tout compte) tenant compte de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement à intervenir.

L’a débouté de sa demande de voir condamnée la Société Vossloh Cogifer à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Et, statuant à nouveau,

Condamner la Société Vossloh Cogifer à lui verser la somme de 11 500 euros, à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur ;

Dire et juger que la rupture du contrat produit les effets d’un licenciement nul, pour harcèlement moral et violation du statut protecteur, subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Dire et juger que le bonus doit être augmenté de 1 905 euros pour le versement de mai 2020 et

2 894,65 euros pour le versement d’avril 2021, et que par conséquent, son salaire moyen est de

8 397,61 euros ;

Condamner la Société Vossloh Cogifer à lui verser les montants suivants :

143 050 euros brut à titre d’indemnisation pour violation du statut protecteur,

244 027 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul, subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de la rétrogradation subie,

151 465 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

50 488 euros brut, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

5 049 euros brut, à titre de congés payés sur préavis,

4 799,65 euros brut, à titre des rappels sur bonus versés en mai 2020 et avril 2021.

Dire que ces montants porteront intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement à intervenir.

Condamner la Société Vossloh Cogifer à lui délivrer tout document de fin de contrat (attestation d’employeur destinée au Pôle emploi, certificat de travail, solde de tout compte) tenant compte de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement à intervenir.

Condamner la Société Vossloh Cogifer à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux entiers frais et dépens”.

A l’appui de ses prétentions, M. [A] expose que l’employeur a commis des manquements au cours de deux périodes distinctes.

Il relate que la première période débute à partir de la prise des fonctions de DRH Groupe de Mme [EL] [U] en février 2019, jusqu’à la décision de refus de l’autorisation du licenciement par l’Inspection du travail en date du 6 octobre 2020, période au cours de laquelle ses principales missions lui ont été retirées sur fond de harcèlement moral.

M. [A] indique que la deuxième période est postérieure au refus d’autorisation de son licenciement, Mme [U] ayant été licenciée pour faute grave, et explique que malgré la décision administrative il a subi une modification unilatérale de ses fonctions, ainsi qu’un manquement de l’employeur à l’obligation de lui fournir un travail conforme à son contrat de travail. Il soutient que son poste a été supprimé, que ses missions ont été attribuées à Mesdames [VR] (DRH Groupe) et [N] (RRH de l’établissement de [Localité 8]), qu’il n’a pas bénéficié d’offres de reclassement malgré des recrutements et créations de poste dans le cadre de la réorganisation des ressources humaines du groupe. Il précise que le seul reclassement qui lui a été proposé était un celui de responsable SIRH et processus paie (évaluation et réponse aux besoins informatiques liés à la gestion des ressources humaines), poste qui correspond à celui qu’il avait lors de son embauche en 1993.

M. [A] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et rappelle qu’en vertu de l’article L. 2411-22 du code du travail le conseiller prud’homme bénéficie d’une protection contre le licenciement expirant six mois après la cessation de ses fonctions électives soit jusqu’au 30 juin 2023.

Par ses dernières conclusions d’intimée transmises par voie électronique le 6 mai 2022, la SA Vossloh Cogifer demande à la cour de statuer comme suit :

”Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Schiltigheim du 26 mars 2021.

Et statuant à nouveau,

Juger que M. [A] n’a pas été victime d’agissements de harcèlement moral ;

Juger que la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail n’est pas fondée ;

Débouter en conséquence M. [A] de l’ensemble de ses demandes.

Condamner M. [A] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner le même au paiement des entiers dépens”.

La SA Vossloh Cogifer réplique qu’elle n’a commis aucun manquement à l’encontre de M. [A] et soutient qu’il n’a pas été mis à l’écart.

Elle fait valoir que M. [A] a accès à de très nombreux mails et documents qui ne lui étaient pas adressés, et qu’il ne peut pas participer à toutes les décisions compte tenu de ses fonctions.

Elle assure que le salarié avait tout loisir de se rapprocher de la DRH Groupe pour se tenir informé des décisions prises s’il estimait manquer d’éléments.

Concernant la mise à l’écart des réunions sur l’organisation de la comptabilité et des ressources humaines, la société intimée précise que la présence de M. [A] à la réunion du 9 septembre 2019 n’était pas requise, et que Mme [U] l’a clairement impliqué en lui demandant d’intervenir pour compléter des données par un courriel en date du 16 septembre 2019.

La société Vossloh Cogifer mentionne que si M. [A] n’était pas présent le 5 novembre 2019 lors de la présentation du PSE aux représentants du personnel, c’est parce qu’il avait posé une journée de télétravail et était libre dans son organisation. Elle ajoute que la gestion de la crise sanitaire a été confiée à une équipe multi-disciplinaire qui a travaillé avec le cabinet Francis Lefebvre.

La société Vossloh Cogifer souligne que Mme [N] a été embauchée pour remplacer M. [B] aux fonctions de responsable des ressources humaines de [Localité 8], et qu’elle occupe donc un poste et des fonctions différentes de celles de M. [A].

S’agissant de l’absence d’entretiens annuels de 2019 à 2021 pointée par M. [A], elle fait valoir que leur tenue n’est pas légalement obligatoire, que les deux dernières années ont été complexes, et que la priorité a été donnée à la gestion de la crise sanitaire.

Elle assure que s’il est exact qu’elle a envisagé de supprimer le poste de M. [A] dans le cadre d’une réorganisation mise en ‘uvre en 2020, elle n’a finalement pas poursuivi cette démarche suite au refus de l’inspection du travail d’autoriser son licenciement pour motif économique.

Elle soutient qu’en réalité M. [A] a adopté une attitude peu professionnelle, en refusant régulièrement de répondre aux questions qui lui étaient posées sous couvert notamment de ne plus avoir accès aux informations, et qu’il ne s’est plus présenté aux réunions auxquelles il était pourtant invité.

Elle assure qu’elle n’a jamais été informée de l’état de dépression dont souffrait M. [A].

Elle note que le mandat de conseiller prud’homal de M. [A] a expiré au 31 décembre 2021 de sorte qu’il bénéficiait d’une protection jusqu’au 30 juin 2022, et que le salarié ne peut pas invoquer la prolongation de son mandat survenue dans le cadre de la crise sanitaire suite à l’épidémie de Covid-19 pour prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur qui prendrait fin au 30 juin 2023, car celle-ci est appréciée au jour de la demande soit en l’espèce avant l’état d’urgence sanitaire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Il est acquis aux débats que M. [W] [A] a été engagé, en exécution d’un contrat de travail à durée indéterminée en date du 18 juillet 2016 à effet à compter du 30 juin 2017, par la SA Vossloh Cogifer en qualité de directeur des ressources humaines Europe de l’ouest et du sud avec la qualification cadre position III A coefficient 135, et avec application des dispositions de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres des industries des métaux du 13 mars 1972.

Le contrat de travail de M. [A] a prévu son affectation à l’établissement de [Localité 8] (Bas-Rhin), une reprise d’ancienneté au 1er septembre 1993, une rémunération mensuelle brute de 6 200 euros sur 13 mois, ainsi qu’un bonus dont la référence servant au calcul est de 1,5 mois du dernier salaire mensuel et un calcul selon des modalités de pouvant être redéfinies chaque année.

La cour observe que la recevabilité de la demande de rappels de rémunérations au titre du bonus formée à hauteur d’appel par M. [A] ne fait pas débat entre les parties.

Sur les manquements de la société Vossloh Cogifer et sur le harcèlement moral

M. [A] soutient qu’à compter de l’arrivée au mois de février 2019 de Mme [U] en qualité de DRH (directrice ressources humaines) Groupe, il a été mis à l’écart et progressivement dépossédé de ses fonctions de directeur ressources humaines Europe sud et Europe ouest qui concernaient les sites de [Localité 8], de [Localité 3], de [Localité 5], d'[Localité 6] et de [Localité 10] applications, et qu’il a été victime de harcèlement moral à l’origine d’une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, d’une atteinte à sa dignité, et d’une atteinte à son avenir professionnel.

En vertu de l’article L. 1222-1 du code du travail, « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi. ».

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

S’agissant de la preuve du harcèlement moral, en vertu de l’article L.1154-1 du même code, « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. ».

A l’appui des manquements de l’employeur à ses obligations contractuelles, M. [A] présente les éléments de fait suivants :

– que ses fonctions liées aux négociations annuelles obligatoires (NAO) et au fonctionnement du comité social et économique central lui ont été retirées.

M. [A] indique qu’il a tout d’abord été évincé de la préparation des réunions, puis qu’il a été exclu des réunions.

M. [A] produit un courriel de Mme [U] du 25 octobre 2019 de convocation à la réunion extraordinaire du CSE Central (son annexe n°8), réunion à laquelle lui-même n’a pas été convié mais dont il a été destinataire seulement en copie afin d’en assurer la transmission aux représentants du personnel.

M. [A] explique qu’il n’a plus été sollicité dans le cadre des NAO, si ce n’est que pour réaliser le publipostage des courriers annonçant aux salaries le montant des bonus et les augmentations négociées. Il précise qu’il n’a en effet été destinataire que d’une note de préparation à la NAO envoyée par le prédécesseur de Mme [U].

M. [A] ajoute qu’il a été exclu de toutes les négociations des salaires, y compris après le remplacement de Mme [U] par Mme [VR], puisqu’il a été seulement sollicité pour transférer les informations et compléter les fichiers de paie après que les décisions aient été prises, alors que la politique salariale fait partie de ses fonctions de DRH (son annexe n° 31).

– que ses fonctions liées à l’organisation de la comptabilité et des ressources humaines lui ont été retirées.

M. [A] soutient qu’il n’a pas été associé à un projet d’amélioration des services de finance, comptabilité et RH en Europe élaboré courant septembre 2019, alors que l’ensemble des responsables ressources humaines fonctionnels de son secteur ‘ soit ses N ‘ 1 – ont été conviés à une réunion skype du 9 septembre 2019 relative à ce projet, puis ont été destinataires de documents liés à ce projet (courriel de M. [V] [O], directeur financier ‘annexe 10 de l’appelant), alors que ce projet relevait par sa nature de ses fonctions de DRH pour l’Europe de l’Ouest et du Sud.

M. [A] précise qu’il n’a été informé de ce projet que par le biais d’un courriel de Mme [U] du 16 septembre 2019 lui demandant de compléter un tableau, et qui l’a ainsi cantonné à la seule saisie de données a posteriori (son annexe 10). M. [A] produit également un message électronique adressé par lui-même en retour à Mme [U] le lendemain 17 septembre 2019 contenant les informations réclamées mais aussi s’étonnant de ne pas avoir été associé à ce projet « d’autant plus que mes N ‘ 1 fonctionnels y sont tous et que je suis fortement impliqué dans l’évolution du SIRH, un des leviers de l’optimisation au sein de la RH » (son annexe n° 14).

– que ses fonctions liées au dialogue social lui ont été retirées.

M. [A] soutient qu’il a été mis à l’écart de l’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) négocié au sein du groupe, y compris de la tenue d’une réunion des responsables de service intitulée ”transformation meeting” organisée le 4 novembre 2019 à [Localité 7], à laquelle il n’a pas été convié (son annexe n°20 – capture d’écran d’une invitation), et qui était destinée à préparer l’annonce du plan social aux salariés qui était programmée le lendemain 5 novembre 2019. Il observe que quand bien même la décision de mettre en place un PSE a été prise au niveau de la direction du groupe, lui-même était directement concerné, de par ses fonctions, par cette orientation qui avait une incidence sur son secteur, et qu’il aurait dû participer à son élaboration.

M. [A] illustre encore son éviction par le fait qu’il n’a pas été invité à une réunion en visioconférence qui s’est tenue le 21 avril 2020, et dont l’objet était de définir les modalités de mise en ‘uvre du PSE, alors que l’ensemble des responsables RH de son secteur y participaient, notamment Mme [X] [T] RRH (responsable ressources humaines) d'[Localité 6] Technologie, Mme [D] [SC] RRH de [Localité 3], et Mme [E] RRH de [Localité 8].

M. [A] se rapporte également aux propos tenus par Mme [VR] DRH Groupe dans un courriel du 21 avril 2020 – « nous avons demandé à [S] (Mme [N]) de gérer la cellule de traitement des candidatures internes du PSE pour toute la France. » -, propos qui, selon l’appelant, révèlent qu’il a même été évincé des procédures de reclassement dans le cadre du PSE, et ce au profit de la nouvelle responsable des ressources humaines qui était pourtant sa N – 1.

– qu’il a été tenu à l’écart de la gestion de la crise sanitaire.

M. [A] indique qu’il n’a pas été invité à participer à un ”web séminaire” consacré à la crise de la COVID 19 en mars 2020 (son annexe n° 15) alors que le directeur général M. [G] a invité Mme [T] (nouvelle RRH de la filiale [Localité 6] Technologie) et Mme [N] (RRH de [Localité 8]). Il ajoute qu’il n’a pas été intégré à la cellule de crise créée en France, et qu’il n’a pas été destinataire des divers courriels relatifs à la mise en place du chômage partiel dans son secteur, ni des décisions sur l’activité partielle dans les entreprises françaises du groupe (ses annexes 16 à 19).

M. [A] observe que M. [G], directeur général, a répondu à sa demande de participer à la gestion de la crise sanitaire, en restreignant ses missions au « bon calcul de la paie » et à « la bonne coopération avec toutes les équipes de [L] [Z] », directeur du site de [Localité 8].

– qu’il n’a bénéficié d’aucun entretien individuel en 2019, 2020 et 2021, période durant laquelle des objectifs auraient dû lui être fixés, et ce alors que l’annexe à son contrat de travail prévoit une rémunération variable dont le montant est déterminé en fonction de ses résultats individuels.

Au soutien des agissements répétés engendrant une dégradation de ses conditions de travail, une atteinte à sa dignité et à son avenir professionnel, et une altération de sa santé physique et mentale, M. [A] évoque :

– sa mise à l’écart des processus de recrutement et de licenciement du service ressources humaines.

M. [A] indique qu’il n’a pas été ”concerté” pour la rupture du contrat de M. [B], RRH de [Localité 8] qui lui a été annoncée par Mme [U], alors qu’en sa qualité de directeur des ressources humaines il avait en charge de procéder aux licenciements des salariés de son secteur.

M. [A] précise que s’il a été désigné pour assumer l’intérim jusqu’au remplacement de M. [B], il n’a été qu’informé de l’embauche de Mme [E] en remplacement de M. [B], dont le recrutement a été réalisé en octobre 2019 par Mme [U] sans sa propre participation, et dont il a appris plus tard qu’elle bénéficiait du même niveau hiérarchique et de la même rémunération que lui (son annexe n°13a).

– sa mise à l’écart de l’essentiel de ses fonctions, notamment de l’élaboration du PSE au sein du groupe.

M. [A] évoque à nouveau une réunion organisée le 4 novembre 2019 à laquelle ont été conviés tous les RRH concernés, hormis lui-même. Il explique que cette mise à l’écart est à l’origine de sa demande de télétravail le lendemain 5 novembre 2019 pour ne pas être présent pour la présentation au personnel de décisions auxquelles il n’avait pas participé.

– sa mise en cause pour des propos sexistes que Mme [U] l’a accusé d’avoir tenus, comme elle a accusé de la même manière M. [B].

– sa mise en porte-à-faux à l’égard des salariés dans la mesure où, compte tenu du départ de M. [B] (RRH site de [Localité 8]) en mars 2019, Mme [U] a informé les salariés que M. [A] serait leur interlocuteur direct pour les informations concernant le PSE, alors qu’il était volontairement mis à l’écart de toutes les négociations, décisions et procédures de mise en place.

– l’annonce qui lui a été faite le 23 octobre 2019 par Mme [U], lors d’une conversation via skype, de la rupture certaine de son contrat de travail.

M. [A] soutient qu’il a fait l’objet de pressions pour accepter une rupture conventionnelle puisque la société Vossloh Cogifer avait d’ores et déjà décidé de supprimer son poste. Il produit un courriel qu’il a adressé le 26 octobre 2019 à Mme [U] (son annexe n° 5), qui résume les propos de Mme [U] lors de l’entretien via skype du 23 octobre 2019, à l’occasion duquel trois options lui ont été présentées par sa supérieure hiérarchique : accepter une rupture conventionnelle, être intégré dans le PSE, ou être licencié pour insuffisance professionnelle.

M. [A] souligne que son courriel du 26 octobre 2019 n’a été suivi d’aucune réponse de la directrice des ressources humaines du groupe, ni d’aucune contestation de la part de Mme [U], et que son avenir professionnel a été scellé dès lors qu’il a été remplacé au poste de RRH qu’il assumait par intérim par l’embauche le 15 octobre 2019 de Mme [N], dont il a ensuite eu connaissance qu’elle bénéficiait du même niveau de qualification et de rémunération et du même périmètre de responsabilités que lui, à l’exception des sociétés situées en Espagne et au Portugal pour lesquelles l’appelant précise n’être jamais intervenu.

M. [A] fait aussi valoir que la volonté de Mme [U] de réduire le service RH et de le pousser à accepter une rupture conventionnelle de son contrat de travail est corroborée par le fait que, dès l’arrivée de la nouvelle DRH Groupe, les contrats de travail des salariés ayant un poste similaire au sien, à savoir M. [H] [M], DRH Amériques, et Mme [R] [Y], DRH Asie Pacifique, ont été rompus.

Au soutien de la dégradation de son état de santé, M. [A] mentionne qu’il a reproché à la société Vossloh Cogifer une grave dégradation de ses conditions de travail par l’intermédiaire de son conseil dès le 13 novembre 2019, et qu’il a été placé en arrêt de travail à compter du 6 septembre 2020 pour « syndrome dépressif réactionnel », cette affection ayant été reconnue comme maladie professionnelle par l’organisme social.

M. [A] fait une énumération des manquements de l’employeur, puis une énumération des faits illustrant la situation de harcèlement moral subie, et M. [A] fait état de deux périodes (avant et après la décision administrative de refus d’autoriser son licenciement), mais ces distinctions donnent lieu à des répétitions que la seule chronologie de l’évolution des relations contractuelles permet d’éviter.

Aussi les nombreux éléments présentés par M. [A], pris dans leur ensemble, sont suffisamment précis et concordants pour laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral dont il aurait été victime sur son lieu de travail.

Au soutien tant de l’absence de tout manquement de sa part dans l’exécution de ses obligations contractuelles que de l’absence de harcèlement moral subi par M. [A], la société Vossloh Cogifer réfute les allégations de M. [A] relatives à l’atteinte à son avenir professionnel, en faisant notamment valoir que l’appelant était informé et avait accès aux informations sur le PSE, et en soutenant que Mme [N] n’a été embauchée que pour remplacer M. [B] aux fonctions de responsable ressources humaines de [Localité 8] et occuper un poste et des fonctions différentes de celles de M. [A].

Concernant l’absence d’entretiens annuels et de fixation des objectifs, la société Vossloh Cogifer considère que ceux-ci n’étaient pas obligatoires et explique que la crise sanitaire « a chamboulé tous les agendas ». Elle se prévaut de ce que M. [A] a bénéficié durant cette période de primes, et qu’il a été tenu informé du détail de sa rémunération. M. [A] observe toutefois que la société Vossloh Cogifer a institué une procédure de revue de personnel (PRP), qui comporte un entretien annuel lors duquel est notamment évaluée l’atteinte des objectifs fixés l’année précédente ainsi que les objectifs pour l’année à venir. Aussi l’employeur ne peut valablement invoquer la situation sanitaire pour justifier l’absence durant trois années consécutives de tenue d’un entretien individuel annuel qui était d’usage dans l’entreprise, et par là-même l’absence de fixation des objectifs mentionnés dans le contrat de travail liant les parties, et qui prévoit le paiement d’une rémunération variable impliquant la prise en compte d’objectifs préalablement fixés ainsi qu’un mode de calcul pouvant être redéfini. La société Vossloh Cogifer ne peut pas plus efficacement considérer qu’elle a rempli ses obligations en réglant des primes à M. [A], sans même évoquer les modalités de calcul appliquées.

S’agissant des accusations de propos sexistes dont M. [A] aurait été victime, la société Vossloh Cogifer retient à juste titre qu’aucun élément n’est produit aux débats de nature à en démontrer la réalité.

La société Vossloh Cogifer conteste avoir porté atteinte à la dignité de M. [A], notamment en le mettant en porte-à-faux vis-à-vis des salariés. Or M. [A] explique cette situation par le fait qu’alors qu’il était évincé des réunions relatives à l’élaboration du PSE, Mme [U] DRH groupe adressait le 5 novembre 2019 une note de présentation à l’ensemble du personnel en citant les responsables ressources humaines pour répondre à tout questionnement, lui-même assurant le poste de RRH par intérim depuis le départ de M. [B].

M. [A] produit également des éléments (son annexe n°35) desquels il ressort que Mme [U] ne donnait aucune suite à ses sollicitations, au point que le licenciement pour faute grave de la directrice des ressources humaines intervenu le 2 avril 2020 retient notamment comme troisième grief de n’avoir apporté aucune réponse aux différentes questions que l’appelant lui a posées concernant notamment la future organisation RH, et pour avoir clairement et volontairement empêché M. [A] d’exercer son contrat de travail dans des conditions normales (annexe n° 35 de l’appelant).

Les éléments produits par la société Vossloh Cogifer confirment ces données, puisque l’intimée verse aux débats un courriel adressé le 26 octobre 2019 par M. [A] à Mme [U] qui résume leur entretien via skype du 23 octobre 2019, au cours duquel le salarié a été informé de la suppression de son poste dans le cadre d’une réorganisation des services ressources humaines du groupe et de son départ imminent, « Sur les quatre DRH régionaux, seule [J] [C] (DRH Europe Nord et de l’est et RRH Suède) restera car elle occupe un poste opérationnel de RRH. Vous estimez que je n’ai pas le niveau requis pour les fonctions actuellement exercées. A cet effet vous me proposez un départ négocié à 230 K€ avec l’assistance d’un cabinet d’outplacement, départ qui aurait lieu mi 2020 afin que je puisse achever le projet SIRH en cours. »’ « Vous m’avez indiqué qu’un nouveau RRH a été recruté pour [Localité 8], qu’il entrerait en fonction début 2020, qu’il sera en charge des usines de [Localité 8] et de [Localité 3] ainsi que de la partie administrative. » (pièce n° 4 de l’intimée). Comme le souligne M. [A] dans ses écritures, ce courriel du 26 octobre 2019 n’a donné lieu à aucune suite de la part de Mme [U], qui n’a pas démenti les informations qu’il contenait.

La société Vossloh soutient pourtant dans ses écritures que M. [A] ne justifie pas de ses accusations de mise à l’écart, qu’il ne justifie pas qu’il ne pouvait pas participer à toutes les décisions, et affirme dans ses écritures que « compte tenu de sa position, il avait tout loisir de se rapprocher de la DRH Groupe pour se tenir informé des décisions prises s’il estimait manquer d’éléments ».

La cour observe toutefois que la société Vossloh Cogifer n’explique pas les raisons pour lesquelles M. [A], dont elle avance la position hiérarchique, n’a pas participé en sa qualité de DRH aux processus de sortie des effectifs et de recrutement des salariés de son secteur – de surcroît dans le cadre de mouvements du service ressources humaines du site de [Localité 8] -, ni aux réunions extraordinaires du CSE, ni aux réunions NAO, ni aux décisions relatives à la politique salariale ou à l’élaboration de projets d’amélioration du service RH ou à la gestion de la crise sanitaire.

S’agissant de la mise à l’écart de M. [A] de l’élaboration du PSE, la société intimée assure que l’appelant n’était pas invité à la réunion préparatoire au PSE du 4 novembre 2019 car il aurait posé une journée de télétravail, mais elle ne produit aucun élément démontrant que le salarié a informé la direction de la programmation d’une journée de télétravail avant l’envoi le 23 octobre 2019 des convocations à la réunion préparatoire (à laquelle il est n’est pas contesté que le salarié n’a pas été convié), et elle n’apporte aucune explication quant à l’absence de convocation du salarié à la réunion de mise en place du PSE en date du 21 avril 2020. L’éviction de M. [A] a perduré puisqu’il ressort d’un courriel en date du 12 février 2021 adressé par le directeur général M. [G] à M. [A] (annexe n° 42 de l’appelant) que « au sujet des réunions de suivi du PSE, elles sont animées pour la direction par M. [I] en lien avec les RH opérationnels dont les établissements ont été concernés par les suppressions de poste comme vous le précisez vous-même. Je peux demander à M. [I] de vous y convier mais je souhaite surtout que vous soyez présent aux réunions pour lesquelles votre présence est requise ».

La société Vossloh Cogifer évoque dans ses écritures huit illustrations de prestations accomplies par M. [A] au soutien de l’absence de mise à l’écart du DRH (ses pièces n° 9 à 16).

L’appelant objecte avec pertinence que cinq d’entre elles concernent des initiatives de sa part, et que les trois autres se rapportent à des sollicitations qui lui sont faites pour des tâches subalternes (transmissions d’informations telles qu’un transfert au DRH groupe du mail informatif de l’UIMM – demande d’accès pour envoyer des fichiers de virements de salaires – demande de confirmation des données à transmettre au prestataire Natixis pour le calcul de la prime d’intéressement et de participation).

M. [A] fait état de son initiative de prendre en charge un projet s’inscrivant dans ses compétences de DHR, à savoir le remplacement du logiciel de gestion des temps, mais que ce dernier a été reporté, le directeur général M. [G] lui ayant répondu qu’il le recontacterait.

M. [A] rappelle que les missions principales qui ont été les siennes, ont été définies lors de l’entretien individuel de 2018 par sa hiérarchie comme suit : « [W] est responsable de toutes les activités RH de la Région SWEA, il en assure la coordination grâce à ses supports RH sur chaque site. En complément, il a des missions spécifiques au niveau de Customized Modules et du Groupe (Gestion Paie, Politique RH groupe) ».

L’employeur réfute dans ses écritures avoir imposé à M. [A] une modification de son contrat de travail, en soutenant que s’il avait envisagé de supprimer son poste dans le cadre de la réorganisation mise en ‘uvre en 2020, il n’a pas poursuivi cette démarche, et ce suite au refus d’autorisation par l’inspection du travail du licenciement économique de M. [A]. Il affirme que le salarié refuse de travailler dans des conditions normales, d’où un avertissement notifié le 13 septembre 2021 à l’appelant, qui l’a contesté en vain (pièces n° 24 à 26 de l’intimée).

Comme le rappelle M. [A],l’inspection du travail a refusé d’autoriser son licenciement selon décision administrative en date du 6 octobre 2020 en motivant sa décision par le fait que ”la matérialité de la suppression de l’emploi n’est pas établie”, et par ”le non-respect de l’obligation de reclassement”.

La cour retient d’un échange de courriels (annexe n° 42 de l’appelant) entre M. [A] et le directeur général M. [G] :

– que le salarié écrivait le mardi 9 février 2021 à M. [G], directeur général, qu’il demeurait DRH Europe de l’ouest et du Sud suite au refus d’autorisation de son licenciement, qu’il évoquait que M. [G] et M. [I] lui avaient indiqué verbalement et par écrit que son poste était supprimé malgré la décision de la Direccte, et que « ‘si mon poste est supprimé, j’ai demandé à plusieurs reprises notamment lors de notre rencontre du 9 décembre dernier, quelle était l’organisation des RH, quelles étaient les missions de [K] [LE] sur la paie, quelle était ma place ‘ A ce jour je n’ai toujours pas eu de réponse. Je suis convié à des réunions avec d’autres RRH, je suis placé au même niveau qu’eux alors que selon les organigrammes disponibles sur l’intranet je suis sensé être leur N + 1′ »’ « vous me confiez des tâches subalternes qui ne relèvent pas d’un DRH’ », et M. [A] concluait ses propos comme suit : «’Je ressens ces situations répétées comme humiliantes, portant atteinte à ma dignité, je ne souhaite pas les subir à nouveau ».

– que dans son message envoyé en réponse à M. [A] quelques jours plus tard, le vendredi 12 février 2021, M. [G] directeur général écrivait au salarié qu’il lui avait demandé de participer à des sujets qui « étaient en partie au c’ur des fonctions que vous occupiez entre 2016 et jusqu’à la suppression de votre poste à l’été 2020. Plusieurs évènements et notamment la mise en cause de la qualité des prestations fournies par VSF ne permettent pas de poursuivre cette mission pour le moment. ». Le directeur général soutenait : « Par ailleurs, il est faux de dire que l’administration du travail a refusé votre licenciement dans le cadre de la réorganisation de VSCA au prétexte que votre poste existait toujours. Une réponse vous avait déjà été apportée que je rappelle ici : le refus est motivé par une insuffisance de recherche de reclassement. Nous vous avons déjà répondu également sur l’organisation des ressources humaines, nous savons que l’organigramme qui est dans intranet est loin d’être à jour puisqu’il date de 2019 et que de nombreuses personnes y sont mentionnées qui ont quitté Vossloh. ».

La cour tire de la lecture de la décision de l’autorité administrative (annexe n° 36 de l’appelant et pièce n° 19 de l’intimée) qui a refusé d’autoriser le licenciement pour motif économique de M. [A], que l’employeur avait soutenu vainement que le poste occupé par le salarié protégé constituait une catégorie professionnelle au sein de l’établissement de [Localité 8], puisqu’il a été retenu :

– de première part que si le salarié était le seul salarié de cette catégorie, la matérialité de la suppression d’emploi s’appréciait au niveau de l’entreprise et non au niveau de l’établissement, et qu’un poste de DRH au sein de l’établissement de [Localité 9] existe ;

– de seconde part qu’un poste de responsable des ressources humaines a été pourvu par voie de recrutement externe pendant la période de recherche de reclassement, sans qu’il ne soit proposé à M. [A], et que l’offre de reclassement adressée le 6 juillet 2020 à M. [A] ne précise ni le niveau de rémunération ni la classification du poste.

M. [A] produit par ailleurs un courriel qui lui a été adressé le 24 juin 2020 par le président de la société Vossloh Services France (son annexe n° 32) qui lui indique : « Bonjour [W], J’espère que tu vas bien. J’ai essayé de t’appeler mais sans succès. On m’a demandé que mes nouveaux points d’entrée pour les sujets RH (hors paie) soient [F] ([VR]) et [P] ([N]), je n ‘ai pas posé plus de questions que ça ».

Il s’avère que Mme [P] [N] s’est elle-même interrogée quant aux fonctions occupées par M. [A] dans un courriel en date du 22 septembre 2020 adressé à Mme [VR] redigé comme suit : « Ne faut-il pas que ce soit [W] ([A]) qui reprenne la main, étant donné que c’est toujours son secteur à ce jour et que le problème est un problème de paramétrage paie. Vu le litige en cours, qu’il nous le reproche pas (sic) de l’avoir écarté. Néanmoins, je me tiens prête si tu en décides autrement » (annexe n°33 de l’appelant). Le contrat de travail de Mme [N] établi le 15 octobre 2019 et produit par l’employeur (sa pièce n° 4) révèle que la responsable ressources humaines a été embauchée à compter du 2 janvier 2020 avec le même niveau de qualification et de rémunération que M. [A], qui précise sans être efficacement contredit par la société intimée qu’elle avait le même périmètre de compétence que lui à l’exception du Portugal et de l’Espagne (pièce 13 b de l’appelant).

La cour retient des éléments produits aux débats et explications fournies par les parties, mais également des annexes n° 44 et 47 de M. [A], que l’appelant démontre la pertinence de son constat quant au fait que malgré la décision administrative son poste a bien été supprimé, que les responsabilités qui étaient les siennes ont été réattribuées à Mme [VR] et à Mme [N], et que les missions spécifiques au niveau de Customized Modules et du groupe (Gestion Paie, Politique RH groupe) ont été confiées à M. [I], consultant Alixio chargé de mission en ressources humaines.

M. [A] fait d’ailleurs état d’une proposition qui lui a été adressée le 7 juin 2021 d’un poste de reclassement de responsable SIRH et processus paie (son annexe n° 38) dont il observe, sans être efficacement contredit par l’employeur, que, s’il est prévu le maintien de sa qualification et son niveau de rémunération, les fonctions et responsabilités sont moindres, puisqu’il se retrouverait prestataire des RRH dont il était le responsable fonctionnel, avec des missions similaires à celles qu’il assumait lors de son embauche en 1993.

M. [A] précise, sans qu’aucune contradiction ne soit formulée par l’employeur, que d’autres postes ont été pourvus (poste de RRH pour le groupe Vossloh Cogifer monde pourvu en novembre 2021 – son annexe n° 41) ou créé (poste de DRH France non pourvu à ce jour ‘ son annexe 39), mais ne lui ont pas été proposés.

Ces éléments mettent en évidence que M. [A] a été mis à l’écart à compter de la prise par Mme [U] du poste de DRH Groupe, et que son poste a été supprimé puisque l’employeur lui a progressivement retiré la majeure partie de ses responsabilités, et ce y compris après que l’autorité administrative a refusé le licenciement pour motif économique du salarié protégé, en le réduisant peu à peu à l’exécution de tâches subalternes sans aucun objectif individuel, et en omettant de lui soumettre des offres sérieuses de reclassement malgré les postes pourvus ou créés.

Ainsi, l’employeur ne fournit aucun élément objectif de nature à écarter une situation de harcèlement moral subie par M. [A], qui s’est traduite par le retrait progressif des tâches qui relevaient de ses compétences, ses fonctions réelles se limitant in fine à de simples missions de chargé RH/paie sans objectifs individuels.

Il ressort des éléments médicaux produits par M. [A] (ses annexes 29, 30 et 37) que la dégradation des conditions de travail du salarié a eu des répercussions sur son état de santé, au point qu’il a été placé en arrêt de travail à plusieurs reprises à compter du 21 août 2020 (pièce n° 20 de l’employeur) en raison d’un syndrome dépressif réactionnel, et que cette affection a été reconnue comme étant d’origine professionnelle.

La cour observe que dans le cadre de l’instruction de cette affection qui a été retenue d’origine professionnelle, la société Vossloh Cogifer a adressé à la caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin un courrier en date du 16 octobre 2020 rédigé par M. [L] [Z], directeur de l’établissement de [Localité 8], au terme duquel elle indique, en dépit de la chronologie de l’évolution des relations contractuelles évoquée ci-avant : « Nous sommes étonnés d’apprendre que M. [A] souffrait d’une « dépression ». En effet, nous n’avons jamais eu d’alerte préalable à un mal-être concernant M. [A] : aucune information de quelque nature que ce soit de la part de notre salarié, des élus, de l’infirmier présent sur le site, du psychologue de Preventis ou de la médecine du travail. Au cours des derniers mois, M. [A] a assuré ses missions professionnelles de façon normale, sans difficulté’ » (pièce n° 23 de l’intimée).

La cour acquiert, au vu des éléments du débat, la conviction que les agissements répétés de l’employeur à l’égard de M. [A] sont constitutifs d’un harcèlement moral, et que la société Vossloh Cogifer a manqué de façon continue et répétée à ses obligations contractuelles. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté M. [A] de ses demandes à ces titres.

Au vu des circonstances décrites ci-dessus, notamment quant à la durée de la période concernée et aux répercussions sur l’état de santé du salarié de la dégradation de ses conditions de travail, il y a lieu de condamner l’employeur à verser à M. [A] la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée à la demande du salarié aux torts de l’employeur lorsque ce dernier a commis des manquements à ses obligations d’une gravité telle qu’ils empêchent la poursuite du contrat.

Si le salarié est fondé à solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur en raison d’un harcèlement moral dont il a été victime sur son lieu de travail, la rupture produit les effets d’un licenciement nul, conformément aux dispositions de l’article L.1152-3 du code du travail.

Lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail d’un salarié protégé est prononcée aux torts de l’employeur, la rupture produit les effets d’un licenciement nul, en vertu d’une jurisprudence constante et ouvre droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu’il aurait dû percevoir jusqu’à la fin de la période de protection en cours au jour de la demande de résiliation judiciaire

En l’espèce, M. [A] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail compte tenu du retrait de ses principales missions sur fond de harcèlement moral de février 2019 à octobre 2020, puis compte tenu de la modification unilatérale de ses fonctions avec la suppression de son poste.

Outre le harcèlement moral de M. [A] constitué notamment par le retrait progressif de ses missions principales, la cour constate que le processus d’éviction du salarié a été finalisé par la suppression de son poste de directeur des ressources humaines Europe sud et ouest au cours de l’année 2020, tel qu’il en ressort du courriel rédigé par le directeur général de la société en date du 12 février 2021, qui mentionne expressément « la suppression de votre poste à l’été 2020 ».

La cour retient donc que le poste de DRH de M. [A] a été supprimé, et qu’en l’absence d’une démarche sérieuse de reclassement du salarié à un poste de niveau de responsabilités similaires, l’employeur ne fournit plus depuis de nombreux mois à M. [A] un travail qui correspond à sa qualification, et ne lui fixe plus d’objectifs.

Les manquements répétés de l’employeur empêchent la poursuite de son contrat de travail, et justifient ainsi la demande de résiliation judiciaire aux torts de l’employeur, sans que ce dernier ne puisse valablement reprocher au salarié de ne pas avoir répondu à certaines questions ou de ne pas s’être présenté à un audit RH alors qu’il n’était plus associé aux décisions et n’avait pas en sa possession l’ensemble des informations.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens, et en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes indemnitaires subséquentes.

Selon les dispositions de l’article L.2411-22 du code du travail, le licenciement du conseiller prud’homal ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail. Cette autorisation est également requise pour le conseiller prud’homal ayant cessé ses fonctions depuis moins de six mois.

M. [A] exerçait, à la date de la saisine de la juridiction prud’homale le 19 décembre 2019, le mandat de conseiller prud’homal auprès du conseil de prud’hommes de Haguenau.

Son mandat de conseiller prud’homal couvre une période de protection expirant le 31 décembre 2022 en application de l’article 2 de l’ordonnance n°2020-388 du 1er avril 2020 relative à la prorogation des mandats des conseillers prud’hommes, et la période de protection complémentaire expire au 30 juin 2023 (+ 6 mois).

Dès lors, la résiliation judiciaire prononcée aux torts la société Vossloh Cogifer produit les effets d’un licenciement nul à la date de la présente décision, dans la mesure où d’une part elle est justifiée par une situation de harcèlement moral et d’autre part que la rupture imputable aux manquements de l’employeur est intervenue pendant la période de protection du salarié.

Sur les conséquences financières

Sur les rappels de prime variable annuelle

Comme évoqué ci-avant, la SA Vossloh Cogifer n’a plus fixé d’objectifs individuels à M. [A] pour les années 2019, 2020 et 2021, et les primes perçues par le salarié en 2020 et en 2021 ne tiennent pas compte de l’indicateur individuel.

Si la société Vossloh affirme dans ses écritures que les modalités servant de base au calcul du bonus peuvent être redéfinies chaque année, elle fait toutefois elle-même le constat qu’aucun objectif n’a été fixé au salarié durant cette période, en soutenant qu’elle n’est pas légalement obligée d’organiser un entretien annuel avec M. [A].

A défaut pour l’employeur de justifier qu’il a fixé des objectifs et que le montant du bonus attribué à M. [A] tenait bien compte de ses résultats individuels, il sera fait droit à la demande de compléments de primes variables de ce dernier, dont les calculs développés dans ses écritures ne sont pas autrement contestés.

Dès lors, la SA Vossloh Cogifer sera condamnée à payer à M. [A] la somme globale de 4 799,65 euros brut (1 905 euros + 2 894,65 euros) à titre de rappel de primes bonus versées en mai 2020 et en avril 2021.

Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

L’article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie prévoit que :

« Il est alloué à l’ingénieur ou cadre, licencié sans avoir commis une faute grave, une indemnité de licenciement distincte du préavis.

Le taux de cette indemnité de licenciement est fixé comme suit, en fonction de la durée de l’ancienneté de l’intéressé dans l’entreprise :

– pour la tranche de 1 à 7 ans d’ancienneté : 1/5 de mois par année d’ancienneté ;

– pour la tranche au-delà de 7 ans : 3/5 de mois par année d’ancienneté.

Pour le calcul de l’indemnité de licenciement, l’ancienneté et, le cas échéant, les conditions d’âge de l’ingénieur ou cadre sont appréciées à la date de fin du préavis, exécuté ou non. Toutefois, la première année d’ancienneté, qui ouvre le droit à l’indemnité de licenciement, est appréciée à la date d’envoi de la lettre de notification du licenciement.(…)

En ce qui concerne l’ingénieur ou cadre âgé d’au moins 55 ans et de moins de 60 ans et ayant 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise, l’indemnité de licenciement ne pourra être inférieure à 2 mois. S’il a 5 ans d’ancienneté dans l’entreprise, le montant de l’indemnité de licenciement résultant du barème prévu au deuxième alinéa sera majoré de 30 % sans que le montant total de l’indemnité puisse être inférieur à 6 mois.

L’indemnité de licenciement résultant des alinéas précédents ne peut pas dépasser la valeur de 18 mois de traitement ».

En l’espèce, il convient de retenir la rémunération mensuelle brute moyenne avancée en dernier lieu par M. [A], à savoir 8 414,72 euros brut prime bonus régularisée comprise, étant observé que l’employeur arrête ses propres calculs au mois de septembre 2021.

Au vu de l’ancienneté de M. [A] à la date de la rupture des relations de travail (près de 30 ans), il convient de lui allouer, conformément à sa demande, la somme de 151 465 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, et ce dans la limite de 18 mois de salaire conformément aux dispositions conventionnelles ci-avant visées.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul

Conformément à l’article L. 1235-3-1 du code du travail, le salarié dont le licenciement est nul, et qui ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou dont la réintégration est impossible, a droit, en plus des indemnités de rupture (indemnité de licenciement et de préavis), à une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois.

Compte tenu des circonstances de la rupture du contrat de travail, du montant de la rémunération versée à M. [A] (8 414,72 euros brut), de son âge (57 ans), de son ancienneté (plus de 29 ans) et des conséquences de la rupture à son égard, il y a lieu de lui allouer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Aux termes de l’article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l’ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Selon l’article 27 de la convention collective applicable, « après l’expiration de la période d’essai, le délai-congé réciproque est, sauf en cas de faute grave ou de convention dans la lettre d’engagement prévoyant un délai plus long, de… 6 mois pour l’ingénieur ou cadre âgé de 55 ans ou plus ».

La cour rappelle sur ce point que le montant de l’indemnité compensatrice de préavis correspond au salaire intégral que le salarié aurait perçu s’il avait travaillé pendant le préavis.

Il convient en l’espère d’inclure au prorata temporis la prime bonus qui est une prime d’objectifs qui s’acquiert au prorata du temps de présence dans l’entreprise ainsi que le treizième mois qui est une partie de la rémunération versée en treize mensualités d’après le contrat de travail du salarié.

Ainsi, il y a lieu de condamner la SA Vossloh Cogifer à payer à M. [A], âgé de plus de 55 ans lors de la rupture de la relation contractuelle, la somme réclamée de 50 488 euros brut (6 mois x 8 414,72 euros) à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que la somme de 5 049 euros brut au titre des congés payés y afférents.

Sur l’indemnité pour violation du statut protecteur

Le conseiller prud’homal dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, au paiement d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir depuis la date de prise d’effet de la résiliation judiciaire jusqu’à l’expiration de la période de protection résultant du mandat en cours à la date de la demande, augmentée de six mois.

Contrairement à ce que soutient la société Vossloh Cogifer, il importe peu que la demande de M. [A] soit antérieure à l’état d’urgence sanitaire, puisque le mandat de conseiller prud’homal de M. [A] était bien en cours au jour de sa demande.

En effet le salarié protégé a droit au paiement d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de la période de protection du mandat le plus long en cours au jour de sa demande.

La période de protection dont bénéficie M. [A] au titre de son mandat de conseiller prud’homal qui était en cours au jour de la demande expire le 30 juin 2023, et M. [A] a droit à une indemnité équivalente à la rémunération qu’il aurait dû percevoir à compter de la date du présent arrêt jusqu’au 30 juin 2023.

Il lui sera donc alloué la somme de 14 725 euros bruts ((3 x 8 414,72) : 4) + 8 414,72), étant constaté qu’il ne sollicite pas de montant au titre des congés payés afférents dans ses conclusions.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral

M. [A] réclame un montant de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié à la rétrogradation imposée unilatéralement et à la suppression de ses fonctions.

M. [A] explique qu’il se trouve depuis l’été 2020 à un poste vidé de sa substance, sans instructions ni objectifs, sans directives ni entretiens annuels.

Toutefois, le salarié n’explique à quoi correspond le « préjudice important » qu’il évoque et ne produit aucun élément permettant de déterminer un préjudice moral qui n’aurait pas déjà été réparé par l’allocation de dommages et intérêts pour harcèlement moral, si bien que le salarié sera débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les documents de fin de contrat

Aux termes de l’article L. 3243-1 du code du travail, lors du paiement du salaire, l’employeur remet au salarié une pièce justificative dite bulletin de paie.

En vertu de l’article L1234-19 du même code, à l’expiration du contrat de travail l’employeur délivre au salarié un certificat dont le contenu est déterminé par voie réglementaire.

En l’espèce, il convient de condamner la société Vossloh Cogifer à remettre à M. [A] un bulletin de salaire et un certificat de travail conformes au présent arrêt.

Au regard des dispositions du présent arrêt, il n’y a pas lieu à remise d’un solde de tout compte, un tel document étant établi par l’employeur et comportant la mention faisant courir le délai prévu par l’article L. 1234-20 du code du travail. Cette demande sera donc sans rejetée.

Aucun élément particulier du dossier ne laissant craindre en l’état une réticence de l’employeur à la bonne exécution de la présente décision, il n’y a pas lieu d’assortir la condamnation ci-dessus d’une astreinte.

Sur le remboursement des prestations de chômage

En vertu de l’article L. 1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail, « Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. ».

La cour ordonne d’office le remboursement des indemnités de chômage versées à M. [A] à compter du présent arrêt et dans la limité de six mois de prestations.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

La SA Vossloh Cogifer qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel comprenant les dépens d’incident, et sa demande au titre de ses frais irrépétibles sera rejetée.

Conformément aux prescriptions de l’article 700 du code de procédure civile, la SA Vossloh Cogifer sera condamnée à payer à M. [A] la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par ce dernier tant en première instance qu’en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau :

Dit que M. [W] [A] a été victime de harcèlement moral ;

Condamne la SA Vossloh Cogifer à payer à M. [W] [A] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [W] [A] aux torts exclusifs de la SA Vossloh Cogifer ;

Dit que la rupture du contrat a les effets d’un licenciement nul ;

Condamne la SA Vossloh Cogifer à payer à M. [W] [A] les sommes suivantes:

– 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 151 465 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 50 488 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 5 049 euros brut au titre des congés payés afférents ;

– 14 725 euros bruts euros brut à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur,

– 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la SA Vossloh Cogifer à payer à M. [W] [A] la somme de

4 799,65 euros brut à titre de rappel de primes bonus versées en mai 2020 et avril 2021 avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2022 ;

Ordonne à la SA Vossloh Cogifer de délivrer à M. [W] [A] un bulletin de salaire et un certificat de travail conformes au présent arrêt, et ce sans astreinte ;

Rejette les demandes autres de M. [W] [A] ;

Ordonne d’office le remboursement par la SA Vossloh Cogifer des indemnités de chômage versées à M. [W] [A] à compter du présent arrêt dans la limite de six mois d’indemnités ;

Rejette la demande de la SA Vossloh Cogifer au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA Vossloh Cogifer aux dépens de première instance, d’incident et d’appel.

Le Greffier, La Présidente de chambre,

 


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